II. L'EXÉCUTION SATISFAISANTE DE LA LOPSI

Le projet de loi de finances pour 2007 s'inscrit entièrement dans la continuité des actions engagées depuis 2002. Les grands projets sont menés à leur terme, qu'il s'agisse du déploiement du réseau ACROPOL (l'ensemble des policiers seront couverts en 2007), du FNAEG ou du redéploiement des zones police-gendarmerie.

Le taux d'exécution de la LOPSI est bon pour la police nationale. Pour la gendarmerie, une année supplémentaire sera nécessaire pour tenir les engagements, notamment en matière d'effectifs (1.000 recrutements manqueront à la fin de 2007) et d'immobilier. En définitive, l'essentiel des objectifs fixés ont été atteints .

A. FIXER UN CAP À LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

En 2002, la priorité était de redonner une cohérence et une visibilité à la politique de sécurité intérieure. Le concept même de sécurité intérieure est réapparu afin de dépasser les frontières ministérielles et administratives.

1. Une nouvelle architecture institutionnelle fondée sur le partenariat et la coordination

Au niveau central, l'approche interministérielle a été développée et animée en permanence.

Au plus haut niveau tout d'abord, le décret n° 2002-890 du 15 mai 2002 a créé le Conseil de sécurité intérieure présidé par le chef de l'État. Il a pour vocation d'impulser, d'où son rattachement auprès du chef de l'État, et de coordonner la politique de lutte contre la délinquance et le terrorisme. Il s'est réuni régulièrement depuis 2002, environ chaque semestre.

Sur des thèmes plus précis, il faut noter la création le 26 mai 2005 du comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) : les réunions fréquentes de ce comité, au niveau politique des ministres, permettent de faire les arbitrages nécessaires, alors que son secrétariat général est une utile structure de pilotage et d'impulsion des différentes administrations. Plus récemment et sur le même modèle, a été créé le comité interministériel de prévention de la délinquance.

L'approche interministérielle a pu également prendre une seconde forme en confiant le pilotage de la politique de sécurité intérieure au ministère de l'intérieur. Le décret du 15 mai 2002 confie au ministre de l'intérieur l'emploi de la gendarmerie nationale et le décret du 16 juin 2005 l'a chargé de l'ensemble des questions concernant l'immigration.

Au niveau local , les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance sont devenus les lieux où tentent de se coordonner les acteurs de la sécurité.

2. L'identité retrouvée de la gendarmerie

En 2002, la gendarmerie nationale traversait une crise profonde à la fois morale, culturelle et matérielle.

Au cours de son audition, le général Jean-Marc Denizot a déclaré que la gendarmerie avait retrouvé beaucoup de sérénité et d'efficacité et avait su reprendre toute sa place au sein de la politique de sécurité intérieure et de son élaboration.

La coopération entre la police et la gendarmerie s'est en effet développée dans tous les domaines :

- en matière de police judiciaire, avec la création d'offices centraux sous la responsabilité de la gendarmerie 3 ( * ) ;

- en matière de police scientifique, avec la gestion commune de certains fichiers ou la création du Conseil supérieur de la police technique et scientifique (CSPTS) chargé de définir les orientations communes de la police scientifique et technique ;

- en matière d'équipements, notamment avec la commande du pistolet Sig-Sauer pour l'ensemble des forces de police et de gendarmerie

De fait, la gendarmerie a pu peser dans le choix des grandes orientations de sécurité intérieure.

Cette reconnaissance s'est accompagnée d'une réaffirmation de l'identité militaire de la gendarmerie. A cet égard, le général Jean-Marc Denizot a souligné combien la nomination d'un gendarme à la tête de la gendarmerie avait été accueillie favorablement.

L'objectif affiché par Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, que chaque officier de gendarmerie ait participé au moins une fois à une opération extérieure est un autre signal fort allant dans le même sens.

B. PROMOUVOIR UNE UTILISATION PLUS EFFICACE DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

1. La fin du redéploiement police/gendarmerie

Depuis une décennie, le constat que les forces de police et de gendarmerie n'étaient pas déployées de façon optimale sur le territoire était régulièrement posé. La nécessité d'un redéploiement avait d'ailleurs été inscrite dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité de janvier 1995, avant d'être réaffirmée dans le rapport remis au Premier ministre, M. Lionel Jospin, par deux parlementaires en mission, MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest en 1998.

Le redéploiement rationnel et équilibré des forces de police et de gendarmerie, conduit depuis 2003 est quasiment parvenu à son terme. Mis en oeuvre dans 65 départements de métropole et d'outre-mer, il a concerné 337 communes regroupant 1.756.232 habitants :

- 218 communes totalisant 973.523 habitants ont été transférées à la police ;

- 119 communes totalisant 782.709 habitants ont été transférées à la gendarmerie.

2. La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles

La nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles est mise en oeuvre conformément à l'instruction commune du 30 octobre 2002. L'emploi des forces mobiles est désormais déconcentré au niveau des zones de défense. Ces forces peuvent concourir aux missions de sécurité générale en appuyant les services territoriaux de la police et de la gendarmerie de leur zone d'implantation dans la mesure où la mission du maintien de l'ordre le permet. Les évaluations indiquent une baisse plus marquée de la délinquance dans les secteurs ayant bénéficié de la présence de renforts mobiles. Par ailleurs, le dispositif semble apprécié des responsables locaux et des personnels.

Au cours du premier semestre 2005, l'équivalent de 19,20 EGM/jour 4 ( * ) et de 20,12 unités/jour 5 ( * ) ont été employées au profit de la lutte contre la délinquance. De même, depuis le 1 er janvier 2006, 20 unités de CRS sont employées sur les agglomérations les plus sensibles de 22 départements. Ce déploiement, adapté à plusieurs reprises, a atteint 22 unités à compter du 4 mai 2006. Ces résultats montrent une stabilisation après les fortes progressions en 2003 et 2004 de la part des effectifs affectés à des missions de sécurisation.

Un point d'équilibre a peut-être été atteint compte tenu de l'organisation actuelle des forces mobiles, des nombreuses missions qui leur échoient (opérations extérieures pour les gendarmes mobiles, hausse importante de la durée annuelle de formation continue, charges qu'ils qualifient d'« indues » telles que les gardes statiques ou les transfèrements de détenus) et des contraintes de gestion (récupérations, congés). L'indicateur de performance correspondant de la police nationale est toutefois plus optimiste, puisqu'il prévoit à l'horizon 2009 un taux d'emploi des CRS en sécurité générale supérieur au taux d'emploi en ordre public.

Le ministre a confirmé cette orientation à la suite des violences de novembre 2005. Les forces mobiles s'avèrent en effet très bien adaptées aux violences urbaines. Les unités déployées ont su mettre en pratique de nouvelles tactiques pour procéder aux interpellations grâce à de petits groupes d'hommes très mobiles et coordonnés.

L'adaptabilité et la disponibilité des forces mobiles est un atout à préserver dans la lutte contre ce type de délinquance. La frontière ainsi que le débat entre ordre public et sécurité publique doivent sans doute pouvoir être dépassés, la gestion des violences urbaines relevant des deux à la fois.

Le débat concomitant sur le format des forces mobiles et sur la réduction éventuelle des effectifs totaux au profit de ceux des services traditionnellement en charge de la sécurité publique doit tenir compte de l'apport spécifique des forces mobiles à la sécurisation. Il n'est pas nécessairement équivalent à celui d'un même nombre d'agents de la sécurité publique. Le rapport coût-efficacité reste à déterminer. Sans doute y a-t-il là un levier fort d'amélioration de la performance dans les années à venir.

C. UN DEMI-SUCCÈS : LE RECENTRAGE DES POLICIERS ET DES GENDARMES SUR DES MISSIONS LIÉES À LA SÉCURITÉ

La problématique du recentrage des policiers et des gendarmes sur les missions directement liées à la sécurité avait été soulevée par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995. Elle n'a pas véritablement évolué depuis. Reprise par la LOPSI, elle concerne le recrutement d'agents administratifs et la suppression des « tâches indues ».

1. Le recrutement d'agents administratifs

La police française dispose de peu de personnels chargés d'effectuer les tâches administratives et de gestion par rapport aux polices des autres pays européens. Elle comportait en 2002 moins de 10 % de personnels administratifs contre 20 % aux Pays-Bas et plus de 30 % en Grande-Bretagne par exemple. En outre, la rémunération d'un fonctionnaire de police actif occupant un emploi administratif est, à grade équivalent, 30 % supérieure à celle d'un administratif.

La LOPSI prévoit sur cinq ans le recrutement de 2.000 emplois au titre des missions d'administration, de formation et de contrôle dans la police nationale et de 800 dans la gendarmerie nationale. Ces recrutements devaient permettre de redéployer sur des postes opérationnels 1.000 personnels de statut actif de la police nationale.

La cinquième année d'exécution de la LOPSI portera le nombre de recrutements supplémentaires de personnels administratifs, techniques et scientifiques à 2.000 dans la police nationale (150 pour 2007).

Au sein de la préfecture de police, des résultats significatifs ont été obtenus. Le recrutement de 488 lauréats du concours d'agents administratifs au sein de la préfecture de police a permis d'assurer, outre le remplacement d'une partie des vacances d'emploi de personnels administratifs, le redéploiement de 313 personnels actifs employés initialement à des tâches de gestion administrative et logistique. Cette politique s'est par la suite étendue aux personnels actifs employés sur des fonctions techniques, notamment au sein de la direction opérationnelle des services techniques et logistiques. Après l'identification de 487 postes pouvant faire l'objet d'une substitution, un plan sur 4 ans a été établi permettant le redéploiement de 200 fonctionnaires de police. Ainsi 100 postes ont été pourvus par des fonctionnaires de la filière technique en 2004 et 2005, 100 supplémentaires doivent l'être en 2006 et 2007.

Concernant la direction centrale de la sécurité publique, les résultats sont moins nets. Les personnels administratifs ont crû d'environ 500 personnes. En incluant les personnels techniques et scientifiques, la hausse est de 700. Le taux de substitution entre des personnels actifs et des personnels administratifs est toutefois difficile à appréhender.

Le bilan est donc plutôt positif même si plusieurs remarques doivent être faites :

- les syndicats rencontrés ont indiqué que l'expression « personnel administratif » pouvait recouvrir le recrutement de personnels non administratifs au sens strict (psychologues, infirmières...) ;

- les recrutements de personnels administratifs, techniques et scientifiques ont beaucoup porté sur des personnels de la police technique et scientifique ;

- le ratio policier/administratif reste inférieur aux standards européens. Il se situe autour de 12 % alors qu'il devrait être proche de 18 à 20%. Par ailleurs, des disparités très fortes peuvent exister. Selon le Syndicat national indépendant des personnels administratifs et techniques de la police nationale, en Seine-Saint-Denis, ce taux serait proche de 3 %.

En revanche, dans la gendarmerie nationale, les recrutements de personnels de soutien ont été inférieurs aux objectifs initiaux. Sur les 800 postes attendus, environ 250 avaient été créés au 1 er janvier 2006. 250 autres sont prévus pour 2007. Toutefois, si les effectifs du corps militaire de soutien technique et administratif de la gendarmerie augmentent, il faut noter que ceux des personnes civils diminuent.

Si cette question semble être un problème moins aigu que dans la police nationale, le général Jean-Marc Denizot n'en a pas moins estimé que les effectifs du corps militaire de soutien technique et administratif étaient sous dimensionnés.

2. La réduction des charges dites « indues »

Les tâches ne relevant pas de la sécurisation et de la surveillance de la voie publique et considérées comme indues sont de deux types :

- les concours apportés à la justice (tenue des dépôts, extractions, escortes et présentations à parquet, garde de détenus hospitalisés, conduites et surveillance de détenus en soins et consultations) ;

- les tâches administratives réalisées au profit d'autres administrations (procurations, enquêtes administratives).

Pour la police nationale en 2005, ces missions ont représenté l'équivalent de 2.600 fonctionnaires équivalent temps plein. Pour la gendarmerie, les concours à la justice représentent l'équivalent de 1086 gendarmes.

La tendance observée n'est pas bonne . En 2005, les concours à la justice de la direction centrale de la sécurité publique ont augmenté de 9,5 %. Dans la gendarmerie, on observe une stabilisation en 2005 de ces charges.

Comme chaque année, votre rapporteur regrette que des progrès significatifs n'aient pas été accomplis en matière d'utilisation de la visio-conférence ou des salles d'audiences délocalisées à proximité des zones d'attente ou des centres de rétention administrative.

Surtout, votre rapporteur souhaite se faire l'écho de l'exaspération des policiers et gendarmes face au gaspillage d'hommes et d'argent engendré par les extractions et transfèrements de détenus. Les magistrats ne participent pas à une meilleure organisation de ces transfèrements en ne se coordonnant pas entre eux ou en convoquant des détenus pour de simples notifications. Si la procédure pénale contraint parfois les magistrats à procéder à ces convocations, une meilleure organisation est certainement possible.

Votre rapporteur estime que le principe prescripteur-payeur devrait être appliqué en l'espèce et conformément à l'esprit de la LOLF. Ces missions d'escorte judiciaire et médicale devraient être transférées à l'administration pénitentiaire, étant entendu que dans le cas de détenus particulièrement dangereux les forces de police et de gendarmerie pourraient rester compétentes.

Si dans un premier temps les économies ne seront pas immédiates 6 ( * ) , à moyen terme le volume des transfèrements devrait sensiblement baisser. Le programme « administration pénitentiaire » dépend en effet de la mission « Justice ». Le ministère de la justice sera par conséquent plus incité qu'il ne l'est actuellement à réduire le nombre des extractions et transfèrements. La visioconférence serait sans aucun doute le levier le plus efficace.

Par ailleurs, les syndicats de surveillants pénitentiaires sont aujourd'hui demandeurs de cette réforme car elle permettrait de diversifier leurs missions.

Cette réforme ne pourrait toutefois se faire du jour au lendemain. Elle supposerait de réduire les moyens de la police et de la gendarmerie en conséquence et d'allouer à l'inverse des moyens supplémentaires à l'administration pénitentiaire. Il faudrait également repenser la formation des agents pénitentiaires. Il est évident qu'en l'état, ces agents ne sont pas formés à intervenir en milieu ouvert.

Lors de sa réunion, la commission a débattu de la proposition de votre rapporteur. Un consensus s'est dégagé sur la nécessité de réduire le volume des escortes judiciaires en rationalisant la façon dont elles sont organisées et en développant la visio-conférence. A cet égard, notre collègue Philippe Goujon, rapporteur des crédits du programme « Administration pénitentiaire », a indiqué que pour 2007, un million d'euros était prévu pour développer la visio-conférence dans tous les établissements pénitentiaires.

Toutefois, de nombreux membres de la commission se sont déclarés réservés, voire opposés au transfert de cette compétence à l'administration pénitentiaire en raison :

- de son coût, les économies n'étant pas aisément prévisibles ;

- des spécificités du métier de surveillant pénitentiaire qui ne préparent pas à travailler en milieu ouvert, sur la voie publique et armé.

Notre collègue Charles Guené a suggéré de responsabiliser financièrement le ministère de la justice en tarifant à la vacation les opérations d'escortes et de transfèrement.

* 3 Bien que se réjouissant de l'action de police judiciaire de la gendarmerie nationale, le général Jean-Marc Denizot a déclaré faire partie de ceux qui estiment que la gendarmerie nationale ne peut pas faire tout ce que la police nationale fait. Il a indiqué que certaines méthodes tendraient à éloigner la gendarmerie de son caractère militaire (ex : le non port de l'uniforme, les techniques d'infiltration).

* 4 EGM : escadron de gendarmerie mobile.

* 5 Une unité de CRS équivaut pratiquement à une compagnie républicaine de sécurité. Seules quelques compagnies comptent en effet pour 1,5 unité.

* 6 Le traitement d'un surveillant pénitentiaire est assez proche de celui d'un gardien de la paix.

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