TITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES

CHAPITRE PREMIER - L'accompagnement du majeur en matière sociale et budgétaire

Article 8 (art. L. 271-1 à L. 271-8 du code de l'action sociale et des familles) - Création d'une mesure administrative d'accompagnement social personnalisé

Objet : Cet article crée une mesure d'accompagnement social personnalisé confiée aux départements, dont l'objectif est d'aider le bénéficiaire à retrouver son autonomie dans la gestion de ses ressources.

I - Le texte proposé

Cet article procède à la clarification des rôles que souhaite opérer le présent projet de loi entre protection juridique et protection sociale. Cette clarification conduit ainsi à réserver la protection juridique aux personnes souffrant d'une altération de leurs facultés mentales qui ont besoin d'une protection juridique, et à orienter vers l'accompagnement social celles qui sont simplement en difficulté dans la gestion du quotidien.

Pour cette deuxième catégorie de personnes, le texte propose des mesures graduées. Le premier échelon, reposant sur la libre adhésion du bénéficiaire, est créé par cet article, sous la forme d'une mesure d'accompagnement social personnalisé. C'est seulement si cette mesure échoue qu'intervient la mesure judiciaire, pour les personnes qui ont besoin d'une mesure réellement contraignante pour s'en sortir.

Afin de mettre en oeuvre cette nouvelle répartition des compétences, le présent article crée dans le code de l'action sociale et des familles un nouveau titre intitulé « Accompagnement de la personne en matière budgétaire et sociale » , composé d'un chapitre unique consacré à la nouvelle mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP).

Aux termes du nouvel article L. 272-1 du code de l'action sociale et des familles, la MASP est destinée aux personnes dont les difficultés à gérer leurs ressources menacent la santé ou la sécurité. Elle mobilise deux types d'actions : une aide à la gestion des prestations sociale, destinée à éviter l'aggravation immédiate de la situation du bénéficiaire, et un accompagnement social personnalisé, plus large, visant à aider les personnes à retrouver une autonomie dans la gestion de leurs ressources. C'est pourquoi, dans la plupart des cas, cette mesure a vocation à être pilotée par des conseillers en économie sociale et familiale.

Afin de responsabiliser les bénéficiaires, le projet de loi prévoit que la MASP prend la forme d'un contrat , passé entre la personne concernée et les services sociaux du département. Comme tout contrat, il repose sur des engagements réciproques : le bénéficiaire doit s'engager à suivre les actions éducatives qui lui sont proposées, le département s'engageant en contrepartie à mobiliser les moyens nécessaires au rétablissement de son autonomie.

La responsabilisation des bénéficiaires passe également par une seconde mesure, à savoir la possibilité ouverte aux départements de leur demander de contribuer au financement de leur propre protection . Cette disposition est d'ailleurs conforme au droit de l'aide sociale qui prévoit une participation des usagers à proportion de leurs facultés contributives. Elle se justifie d'autant plus que les personnes visées par la MASP ne sont pas nécessairement démunies : percevoir des prestations sociales ne signifie pas forcément ne vivre que de ces prestations.

Le montant de la contribution sera fixé par le président du conseil général. Celui-ci aura toutefois compétence liée en la matière, puisqu'il devra le faire dans les limites prévues par le règlement départemental d'aide sociale, arrêté par l'assemblée départementale. Le barème retenu par ce règlement pourra notamment tenir compte des ressources des intéressés et, pour éviter des disparités territoriales trop importantes, son montant sera plafonné par décret.

La durée de la mesure est également encadrée : si sa durée initiale ne peut être inférieure à six mois, durée minimum pour mettre en place un accompagnement social de qualité, elle ne peut en revanche être renouvelée au-delà de quatre ans : le Gouvernement considère qu'une mesure inefficace au bout de quatre ans exige qu'on envisage la poursuite de la protection par d'autres moyens, la MAJ ayant naturellement vocation à prendre le relais mais n'excluant pas la possibilité d'une mesure de protection juridique plus contraignante. D'une façon générale, tout renouvellement de la MASP devra être précédé d'une évaluation de l'efficacité de la mesure antérieure.

La mise en oeuvre de la MASP ne doit pas conduire à un report de charge entre cette mesure et l'accompagnement social de droit commun dont l'intéressé peut par ailleurs bénéficier, que ce soit dans le cadre d'un contrat d'insertion lié au RMI, de l'appui social individualisé ou de l'intervention d'une travailleuse familiale des caisses d'allocations familiales. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit explicitement que les services sociaux chargés de la MASP ont une mission de coordination entre les actions prévues dans ce cadre et les mesures d'action sociale générale.

Afin d'adapter au mieux le contenu de la MASP aux besoins du bénéficiaire, le projet de loi prévoit, à l'intérieur même de la mesure, une gradation dans les outils mis en oeuvre :

- le contrat peut d'abord prévoir une simple aide à la gestion des prestations, sous la forme de conseils, d'assistance à la réalisation d'un budget prévisionnel ou, le cas échant, d'aide aux démarches pour sortir du surendettement ;

- si cette aide se révèle insuffisante, le contrat peut prévoir, avec l'accord du bénéficiaire, une gestion directe des prestations par le département, celui-ci ayant l'obligation d'affecter les sommes correspondantes à la couverture des dépenses de logement du bénéficiaire ;

- en cas de difficultés à recueillir l'accord du bénéficiaire ou si celui-ci ne respecte pas les engagements contractés dans le cadre de la mesure, le président du conseil général peut demander l'assistance du juge pour pouvoir poursuivre l'accompagnement social : le juge peut alors décider d'autoriser le versement direct au bailleur des prestations sociales de l'intéressé, dans la limite du montant du loyer et des charges locatives. Compte tenu de son caractère contraignant, cette possibilité ne pourra être envisagée que lorsque le bénéficiaire aura manqué à ses obligations locatives pendant au moins deux mois et ne saurait au total excéder quatre ans. Elle ne peut par ailleurs conduire à priver l'intéressé des ressources nécessaires à sa subsistance ;

- enfin, lorsque malgré ces différents outils, la MASP s'avère insuffisante à protéger les intérêts de la personne, le président du conseil général déclenche le processus judiciaire , en transmettant au procureur de la République un rapport circonstancié sur la situation sociale, médicale et financière de la personne et les mesures mises en oeuvre, leurs résultats ou leur absence de résultat. Il s'agit d'informer le plus complètement possible le procureur afin que celui établisse l'opportunité de saisir le juge des tutelles en vue de l'ouverture d'une mesure plus contraignante.

Cet article prévoit enfin deux dispositions finales :

- la possibilité, pour le département, de déléguer par convention la mise en oeuvre de ces mesures à un centre communal d'action sociale (CCAS), à une association ou à une Caf, ces dernières ayant été au préalable agréées par lui pour assurer cette mission ;

- l'obligation, pour les conseils généraux, de transmettre à l'Etat des données agrégées concernant la mise en oeuvre de la MASP, à des fins statistiques. Les résultats de ces études seront naturellement retransmis aux départements, afin de leur permettre d'évaluer leurs pratiques. La nature de ces données et les modalités de leur transmission sont fixées par décret.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Outre sept amendements rédactionnels et de coordination, l'Assemblée nationale a modifié cet article sur six points principaux.

Comme pour la MAJ, elle a d'abord étendu le champ de la MASP des seules prestations sociales à l'ensemble des revenus. Elle a en effet estimé que, comme pour la MAJ, l'efficacité de la mesure suppose de pouvoir inclure l'ensemble des revenus de l'individu : les prestations sociales peuvent représenter une proportion plus ou moins importante des ressources de la personne et, pour éviter la mise en cause de la sécurité ou de la santé de la personne, il peut être indispensable d'offrir une assistance qui aille au-delà de la gestion des seules prestations.

Elle a également voulu donner plus de liberté au président du conseil général pour fixer la durée de la MASP : là où le projet du Gouvernement exigeait un renouvellement tous les six ois, elle a prévu la possibilité d'une mesure initiale pouvant être comprise entre six mois et deux ans, selon les besoins de l'intéressé.

Elle a ensuite précisé que le contrat d'accompagnement peut être modifié par avenant et supprimé le caractère facultatif de la modulation du barème de la contribution des bénéficiaires au financement de la MASP.

S'agissant enfin du signalement effectué par le président du conseil général auprès du procureur en cas d'échec de la mesure, l'Assemblée nationale a précisé que les informations médicales éventuellement transmises doivent l'être sous pli cacheté et que le procureur a l'obligation d'informer le président du conseil général de la suite donnée à son signalement.

III - La position de votre commission

Comme pour la mesure d'assistance judiciaire, votre commission s'est interrogée sur la limitation de la MASP aux seules prestations sociales, d'autant que la limitation apportée ici est d'autant plus difficile à comprendre qu'il s'agit d'une mesure contractuelle et qu'il ne semble pas nécessaire d'encadrer à ce point la volonté des parties en la matière.

Votre commission reconnaît toutefois que, s'agissant d'une mesure purement administrative, il paraît difficile de passer outre la volonté du bénéficiaire en matière de versement direct. Elle estime donc qu'une solution équilibrée consisterait à autoriser l'extension de la MASP à tous les revenus, en continuant de limiter la possibilité d'un versement direct au bailleur aux seules prestations sociales. Cette solution permettrait d'ailleurs d'opérer une gradation avec la MAJ, puisque en cas d'insuffisance du versement direct des seules prestations, une mesure entièrement judiciaire pourrait être envisagée, autorisant, elle, une gestion de l'ensemble des revenus. Votre commission vous propose donc d' amender le dispositif dans ce sens.

Votre commission approuve par ailleurs entièrement la possibilité ouverte au département de déléguer la mise en oeuvre de la MASP à d'autres institutions capables d'assurer un accompagnement social de qualité. Elle s'étonne en revanche de la lourdeur de la procédure envisagée pour pouvoir y procéder : les conseils généraux devraient ainsi préalablement agréer les opérateurs avant de pouvoir passer convention avec eux. Votre commission considère que cet agrément préalable n'est pas nécessaire, dès lors que le département est, en tout état de cause, toujours libre de choisir ses partenaires contractuels. Elle vous propose donc de le supprimer .

Une ambiguïté subsiste également en ce qui concerne la fixation du montant de la contribution qui peut être demandée aux bénéficiaires de MASP : tel qu'il est rédigé, le projet de loi ne permet pas de déterminer clairement qui, du président du conseil général ou de l'assemblée départementale - compétente pour arrêter le règlement départemental d'aide sociale - fixe ce montant. Votre commission considère que ce rôle revient au président du conseil général, comme c'est le cas d'une façon générale pour la détermination de la participation des bénéficiaires de l'aide sociale. Elle vous propose donc de le préciser, par amendement .

Votre commission vous propose enfin cinq modifications rédactionnelles ou de coordination et vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

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