C. EN AVAL, ACCENTUER LA FLUIDITÉ DES PARCOURS ET PERMETTRE LA REPRISE D'ÉTUDES

1. Renforcer les passerelles et autoriser les changements de statuts

L'orientation par défaut qui prévaut encore trop souvent dans le système scolaire français est renforcée par une caractéristique supplémentaire de celui-ci : le faible développement des passerelles entre les différentes formations et les divers cursus, qui s'explique également par une culture de la différenciation des voies et des filières. A force de laisser se creuser les écarts de contenu et de valorisation entre elles, il n'existe plus de droit à l'erreur pour les élèves, puisque il est par nature extrêmement difficile de combler de tels écarts.

Même lorsqu'elles existent, les passerelles ont une amplitude réduite : il est par exemple possible de passer du lycée professionnel à un lycée général technologique via une première d'adaptation, mais celle-ci conduit à préparer un baccalauréat technologique. Un élève qui après avoir choisi une orientation professionnelle voudrait revenir vers la voie générale éprouverait donc les plus grandes difficultés à le faire. Cela tient d'abord aux différences de contenu des formations, mais également à l'absence d'organisation d'un tel parcours. Un élève peut en effet être admis en terminale technologique ou générale s'il bénéficie d'un avis favorable formulé par le conseil de classe. Mais cette faculté reste formelle , dès lors qu'aucun dispositif de transition n'existe pour passer progressivement de la voie professionnelle à la voie générale.

Cette situation est peu satisfaisante : elle contribue à nourrir les réticences des familles et des élèves vis-à-vis des filières professionnelles, dans lesquelles il est possible d'entrer, mais dont il est beaucoup plus difficile de sortir . Cette étanchéité asymétrique des enseignements explique également que les collégiens qui auraient une vocation affirmée pour une profession tout en ayant la possibilité par ailleurs de poursuivre leurs études au sein du lycée général finissent le plus souvent par différer la satisfaction de leurs envies professionnelles jusqu'au baccalauréat.

Cette étanchéité est entretenue par un biais administratif . La gestion du système scolaire est en effet organisée autour de parcours cohérents dans telle ou telle filière : le recours fréquent aux passerelles vient déséquilibrer cet édifice en introduisant une incertitude permanente sur les effectifs des différentes voies et en exigeant des concepteurs des politiques éducatives qu'ils proposent une offre de formation intégrant cette exigence de repentir possible.

A titre d'illustration de ce biais administratif, votre rapporteure souhaite citer un extrait des réponses aux questionnaires budgétaires qu'elle a adressés au ministère de l'éducation nationale : « Afin que [les passerelles] puissent exercer efficacement leur fonction, leur utilisation doit donc découler d'une décision mûrement réfléchie de la part des élèves. Aussi leur développement doit-il être convenablement maîtrisé faute de quoi il risque de provoquer un déséquilibre des itinéraires scolaires et de les conduire à l'échec. » On ne saurait mieux dire que la réorientation constitue l'exception, là où la continuité des parcours est la règle. En conséquence, il revient pour l'heure à l'élève de s'adapter à la cohérence de l'offre de formation , alors que celle-ci devrait dans une certaine mesure être pensée pour lui permettre de construire un parcours, fût-il ponctuellement erratique.

Tous ces éléments militent en faveur d'une plus grande convergence des différentes formations autour d'un noyau fondamental d'enseignements qui permettrait de passer d'une filière à l'autre après une année de transition. C'est pourquoi votre rapporteure estime indispensable de conserver un haut niveau d'enseignement général dans les cursus professionnels et souhaite également que la dimension professionnelle ne soit pas oubliée dans les filières générales . De ce point de vue, il serait bon de définir, comme cela a été fait pour le collège avec le socle commun de connaissances et de compétences, les savoirs fondamentaux qui devront avoir été acquis par tous les lycéens au niveau du baccalauréat .

De même, votre rapporteure juge que la possibilité d'étudier sous différents statuts, comme élève, comme apprenti ou en alternance est une chance pour les élèves de poursuivre leur scolarité jusqu'à son terme naturel. Mais cela suppose qu'au-delà de ces différents statuts, il y ait un contenu commun bien défini de l'enseignement ainsi reçu.

C'est pourquoi votre rapporteure ne peut que s'inquiéter de la tendance actuelle à présenter l'apprentissage comme une forme de « non-enseignement », dont les valeurs fondamentales seraient la possibilité d'entrer en contact avec la vie réelle et le souci de se confronter aux questions concrètes . A terme, la logique de cette démarche conduit à minorer la part des enseignements généraux au profit des savoirs professionnels, dès lors que l'on serait en présence d'élèves qui ne sont « pas faits pour les études ». Or, le sens même de la voie professionnelle est justement de poursuivre des études, tournées vers la perspective d'exercer un métier déterminé, certes, mais offrant également la possibilité de se constituer une culture générale robuste, qui est le meilleur gage d'adaptation qui soit . Il convient donc de ne pas céder à cette tendance, qui risque de mettre en péril l'idée même d'enseignement professionnel.

C'est pourquoi votre rapporteure se réjouit de la suspension du dispositif « d'apprentissage-junior » qui creusait l'écart entre enseignement et dimension professionnelle, au profit exclusif de la deuxième. Elle s'étonne toutefois qu'aucune précision ne soit encore disponible sur le cursus qui sera appelé à le remplacer.

2. Maintenir l'offre de formation continue publique proposée par les GRETA

La fluidité des parcours suppose également la possibilité de ne prendre ses études après les avoir arrêtées. Là encore, il doit y avoir une forme de « droit à l'erreur » ou même tout simplement de « droit à la première expérience professionnelle ». La formation continue doit donc être renforcée.

Aux yeux de votre rapporteure, il est essentiel que demeurent sur le marché concurrentiel de la formation continue des acteurs publics tels que les groupements d'établissements scolaires (GRETA).

Ceux-ci connaissent toutefois des difficultés depuis plusieurs années, qui se manifestent d'abord par la stagnation de leur chiffre d'affaires , en légère baisse de 1,5 % entre 2004 et 2005 ainsi que par la diminution du nombre de stagiaires (-5,7 %) ainsi que de la durée des formations délivrées (- 6,9 %) . Au total, la part de marché des GRETA poursuit sa régression, puisqu'elle n'est plus que de 4,6 % en 2005, contre 5,1 % en 2004 .

La position incertaine des GRETA trouve également sa source dans les dépenses supplémentaires qui ont été mises à leur charge au moment où ils devaient faire un effort de mutualisation de leurs ressources pour relever le défi d'une concurrence accrue. Depuis le 1 er janvier 2006 en effet, les GRETA doivent acquitter la part patronale de la cotisation de pension civile, de la cotisation d'allocations familiales et du fonds d'aide au logement pour tous les personnels titulaires qu'ils emploient. Pour faire face à ces nouvelles dépenses, un accompagnement budgétaire est prévu depuis 2006, mais la question de sa suppression à terme et de ses conséquences sur l'équilibre financier des GRETA se pose toujours. En 2008, cette contribution ne représentera plus que 5 millions d'euros, contre 29,5 millions d'euros en 2006 . Votre rapporteure souhaite que le calibrage pour 2009 tienne compte des enseignements des exercices 2007 et 2008, afin de ne pas mettre en péril la survie des GRETA.

A ce sujet, votre rapporteure se réjouit de l'intérêt pour les GRETA manifesté à plusieurs reprises par M. Xavier Darcos , ministre de l'éducation nationale, notamment devant votre commission. Ce dernier a en effet rappelé son attachement au principe même des GRETA, rattachés à un établissement support et bénéficiant ainsi d'un statut qui offre une souplesse particulièrement appréciable. Les orientations du ministère pour rénover les GRETA ne sont toutefois pas encore connues. Votre rapporteure forme le voeu qu'elles soient rapidement communiquées et puissent être de nature à redonner un nouveau souffle à ces acteurs majeurs de la formation continue.

Par ailleurs, le développement de la formation continue appelle une clarification de ses modes de financements et des circuits qu'ils empruntent.

Source : Rapport de la mission commune d'information du Sénat sur le fonctionnement des dispositifs de formation continue professionnelle (2007).

Votre rapporteure estime donc que la rénovation des GRETA ne pourra pas se faire indépendamment d'une réforme de la formation continue dans son ensemble. La position des principaux acteurs publics en la matière n'est en effet pas détachable du fonctionnement de l'ensemble des dispositifs. Aborder l'une sans l'autre serait donc sans doute inopportun.

3. Aider les actifs à oser la validation des acquis de l'expérience

Votre rapporteure souhaite également insister sur le nécessaire développement de la VAE . Là encore, il s'agit de contribuer à l'élévation du niveau de qualification attesté de la population, en reconnaissant l'acquisition de connaissances et de compétences dans un cadre autre que celui des structures d'enseignement.

La VAE ouvre ainsi à ceux qui en bénéficient des opportunités de carrière , mais également la possibilité de reprendre leurs études ou de passer certains concours grâce aux diplômes qui leur sont attribués.

Créée par la loi n° 2002-73 de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la VAE peine encore à monter en puissance. En 2006, les dispositifs académiques de validation des acquis (DAVA) ont accueilli et informé près de 80 000 personnes. Toutefois, seuls 23 000 dossiers ont finalement été déposés et évalués, ce qui témoigne d'une forte déperdition entre la prise de renseignement initiale et l'entrée dans le dispositif. Votre rapporteure souhaiterait qu'une réflexion s'engage sur les raisons de cette évaporation : il est en effet essentiel de mieux comprendre comment accompagner les éventuels bénéficiaires de la VAE tout au long de leur démarche. Il n'est en effet pas toujours simple de l'engager, pour des raisons qui tiennent moins à des complexités administratives qu'aux implications que revêt la VAE pour la personne qui s'y engage. En ce sens, il faut bel et bien réfléchir à la manière dont il serait possible d'inciter les salariés à oser la VAE .

De plus, seuls 61 % des candidats ont obtenu un diplôme. Bien que 29 % des dossiers donnent néanmoins lieu à validation partielle et que le taux d'échec au sens strict soit de 10 %, l'écart entre le nombre de demandes présentées et le nombre de diplômes délivrés intégralement reste important. Là encore, il serait bon que des enquêtes soient menées afin de construire une typologie des causes d'échecs et de définir des voies pour y remédier.

Un peu plus de 5 ans après la mise en place de la VAE, le temps semble venu à votre rapporteure d'effectuer un bilan d'étape du dispositif. Des études devraient être menées sur ce sujet afin de déterminer les moyens de développer de manière plus significative encore le dispositif.

Par ailleurs, votre rapporteure souhaite qu'un effort soit engagé afin de mieux connaître le profil des candidats à la VAE , dans le but de comprendre les raisons qui conduisent à engager cette démarche. Il conviendrait en effet pour ainsi dire de mieux valoriser la VAE , en identifiant de façon plus précise l'usage qui est fait du diplôme délivré et des perspectives qu'il ouvre pour ceux qui en bénéficient.

Au total, la montée en charge du dispositif de la VAE semble subordonnée à une meilleure compréhension de ses ressorts et des freins qui s'opposent à son développement.

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