B. L'ACCÈS AUX SOINS DES PLUS DÉMUNIS : LA NÉCESSAIRE PARTICIPATION DE L'ÉTAT

1. Le désengagement de l'Etat du financement de la couverture maladie universelle complémentaire

Créée par la loi du 27 juillet 1999, la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) est une protection complémentaire publique, complète et gratuite, attribuée sous conditions de résidence et de ressources. Grâce à la couverture intégrale des soins pris en charge et à la dispense d'avance de frais, elle vise à assurer un haut niveau de protection complémentaire aux personnes disposant de faibles revenus.

Afin de limiter les effets de seuil, elle a été complétée depuis par une aide à l'acquisition d'une complémentaire santé 5 ( * ) (ACS), pour les ménages dont les revenus sont inférieurs au plafond ouvrant droit à la CMU-c majoré de 20 %.

a) La forte diminution de la participation de l'Etat

L'action « accès à la protection maladie complémentaire » contribue au financement du fonds CMU via une subvention d'équilibre versée par l'Etat, qui résulte de la différence entre les prévisions de dépenses et de recettes brutes du fonds.

La dotation prévue pour 2008, de 50 millions d'euros, est en baisse de plus de 56 % par rapport à 2007. Elle traduit la poursuite du désengagement de l'Etat du financement de la CMU-c, engagé depuis 2004.

Evolution de la contribution de l'Etat au fonds CMU

(en millions d'euros)

Années

2004

2005

2006

2007

2008

Mission « Solidarité et intégration » (1)

946, 6

660,6

323,5

92

50

Mission « Outre-mer » (2)

50

34,4

22,7

22,7

0

TOTAL

996,6

695

346,2

114,7

50

(1) Anciennement budget « Santé-solidarité ».
(2) Anciennement budget « Outre-mer ».

Source : commission des affaires sociales, d'après les documents budgétaires

Votre commission désapprouve cette évolution : depuis 2004, la contribution de l'Etat au fonds CMU a diminué de 95 %. Cette baisse résulte de l'abondement du fonds par des recettes prélevées sur les droits tabacs, la taxe sur les alcools et celle due par les organismes complémentaires, dont les taux ont été revalorisés 6 ( * ) en 2006 et 2007.

Recettes du fonds CMU pour 2008

(en millions d'euros)

Taxe de 2,5 % due par les organismes complémentaires sur les primes ou cotisations d'assurance de protection complémentaire santé

742

Taxe sur les alcools de plus de 25°

421

Droits tabacs (fraction de 4,34 %)

397

Excédent prévisionnel cumulé

19

TOTAL ressources propres hors subvention d'équilibre de l'Etat

1.579

Subvention d'équilibre de l'Etat

50

TOTAL des dépenses estimées pour 2008

1.629

Source : Projets annuels de performances 2008

Or, les recettes sont modulées en fonction des dépenses, estimées, pour 2008, à 1 629 millions d'euros. Ce montant dépend essentiellement du nombre de bénéficiaires de la CMU-c et du prix du forfait sur la base duquel le fonds rembourse les différents organismes en charge de l'avance des frais.

En 2006, plus de 4,8 millions de personnes ont bénéficié de la CMU-c, soit 47 000 bénéficiaires supplémentaires . Cette progression demeure relativement limitée, malgré un taux de renouvellement des effectifs d'environ un tiers. Elle paraît d'autant plus modeste que le nombre de bénéficiaires potentiels est estimé à plus de six millions de personnes, soit un taux de non-recours d'environ 20 %, ce qui est significativement élevé.

Plusieurs études ont tenté d'en expliquer les raisons : les principales critiques portent sur la qualité de l'information sur le dispositif (appréhension à résilier un contrat de couverture privée au profit de la CMU-c, barrière linguistique pour les étrangers,...) ou les craintes de refus de soins ou de stigmatisation.

b) Le nécessaire ajustement du remboursement forfaitaire

Jusqu'en 2003, le fonds CMU remboursait les dépenses de CMU-c engagées par les régimes de base de l'assurance maladie à « l'euro près ». Puis la loi de finances pour 2004 a instauré un mode de remboursement forfaitaire, afin d'éviter un dérapage des dépenses en encourageant une politique rigoureuse de gestion du risque.

Ce forfait annuel, fixé initialement à 300 euros par bénéficiaire, a été revalorisé une première fois par la loi de finances pour 2005 à 304,52 euros, puis à 340 euros en loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Evolution du coût moyen par bénéficiaire et par régime
comparé au montant du remboursement forfaitaire

(en euros)

Années

2004

2005

2006

2007
prévisions

2008
prévisions

RÉGIMES

Coût moyen

Ecart/
forfait

Coût moyen

Ecart/
forfait

Coût moyen

Ecart/
forfait

Coût moyen

Ecart/
forfait

Coût moyen

Ecart/
forfait

Cnam (y.c. SLM) 1

318

- 18

330

- 25,48

349

- 9

394

- 54

413

- 73

CCMSA

273

27

286

18,52

305

35

333

7

349

-9

RSI

272

28

301

3,52

314

26

342

- 2

359

- 19

Autres régimes

285

15

297

7,52

317

23

346

- 6

363

- 23

Organismes complémentaires

282

18

301

3,52

313

27

341

- 1

358

- 18

Moyenne pondérée générale

311

ns

324

ns

342

ns

384

ns

403

ns

1 Section locale mutualiste

Source : commission des affaires sociales d'après les données fournies par la direction de la sécurité sociale

Malgré ces revalorisations successives, ce nouveau mode de remboursement s'est traduit par l'accumulation d'un reste à charge pour le régime général de :

- 87 millions d'euros en 2004 du fait d'une dépense individuelle moyenne réelle supérieure de 18 euros au montant du forfait ;

- 73 millions d'euros en 2005 qui résulte d'un écart moyen par bénéficiaire par rapport au forfait de 25,5 euros malgré la revalorisation du forfait de 1,5 % ;

- 38 millions d'euros seulement en 2006, grâce à une hausse significative du remboursement forfaitaire (11,65 %), qui limite le différentiel par rapport à la dépense réelle constatée à 9 euros par bénéficiaire ;

- près de 200 millions d'euros en 2007, le forfait n'ayant pas été revalorisé tandis que la dépense réelle moyenne par bénéficiaire a continué d'augmenter (estimée à ce jour pour la Cnam à au moins 394 euros) ;

- plus de 210 millions d'euros pour 2008, les prévisions de consommation moyenne par bénéficiaire avoisinant 413 euros, soit un coût unitaire supplémentaire de 73 euros.

Les conséquences financières cumulées pour la Cnam pourraient s'élever au total à plus de 600 millions d'euros à la fin de l'année 2008. Pour les deux tiers, ce manque à gagner s'explique par l'absence de revalorisation du forfait depuis 2006. Pour cette raison, votre commission plaide en faveur de son alignement rapide sur la moyenne pondérée des consommations réelles par bénéficiaire tous régimes confondus, évaluée, pour 2008, à 403 euros. Il est en effet impératif de limiter le manque à gagner pour la branche maladie, déjà fortement déficitaire.

2. Aide médicale d'Etat : des crédits mieux adaptés aux besoins

L'aide médicale d'Etat (AME) offre, sous condition de ressources, pour une durée d'un an renouvelable, une couverture médicale gratuite aux personnes étrangères résidant en France depuis plus de trois mois qui ne peuvent pas bénéficier de la CMU.

En tout premier lieu, il convient de mentionner le versement à la sécurité sociale, au début du mois d'octobre, de 920,24 millions d'euros , qui correspondent au montant de la dette contractée par l'Etat au titre de cette allocation jusqu'en 2006. Cette opération devrait permettre au régime général de diminuer ses charges d'intérêts d'environ 200 millions d'euros dès 2008. Votre commission ne peut que se réjouir de l'apurement de cette dette, qu'elle réclamait depuis plusieurs années en vertu du respect de la répartition des charges entre l'Etat et la sécurité sociale.

Cette dette s'était en effet accumulée au fil des années du fait de la sous-dotation systématique de l'enveloppe allouée au financement de l'AME. Pour 2008, elle sera portée à 413 millions d'euros , soit une augmentation substantielle de 180 millions d'euros.

Votre commission salue le remarquable effort de sincérité budgétaire du Gouvernement, qui contraste avec les prévisions totalement irréalistes des années précédentes. Toutefois, elle a de bonnes raisons de penser que les crédits ne seront cette année encore pas suffisants.

En effet, le Gouvernement table sur un coût prévisionnel de 515 millions d'euros , ainsi que sur 102 millions d'économies réalisées grâce aux mesures qu'il doit prendre en 2008 pour contenir les dépenses.

Elles se décomposent de la façon suivante :

- 450 millions d'euros pour financer les dépenses d'AME dites « de droit commun », correspondant au remboursement des frais couverts par la Cnam. Cette prévision se fonde, à législation constante, sur les dépenses moyennes constatées entre 2003 et 2006, légèrement revalorisées compte tenu de l'évolution observée à la fin de l'année 2006 7 ( * ) . En revanche, il n'est pas tenu compte des dépenses prévisibles pour 2007, estimées à 458 millions, soit un reste à charge d'au moins 270 millions ;

- 40 millions d'euros pour couvrir les dépenses de soins urgents des étrangers en situation irrégulière résidant en France de façon ininterrompue depuis moins de trois mois. Ces dépenses sont remboursées par l'Etat à la Cnam sous la forme d'une dotation budgétaire forfaitaire. Pour 2008, son montant est doublé par rapport à 2007, mais il reste inférieur aux dépenses réelles constatées en 2006 et prévisibles pour 2007, qui avoisinent 60 millions. Cependant, au regard de la loi, l'Etat n'est pas contraint de rembourser intégralement ces dépenses. Cela se traduit néanmoins par un reste à charge pour la Cnam, qui affecte chaque année son résultat comptable : à la fin de 2006, la dette cumulée s'élevait à 92 millions ;

- enfin, 25 millions d'euros consacrés au financement des évacuations sanitaires mahoraises (20 millions) et de l'AME dite « humanitaire » pour couvrir, à titre exceptionnel, les dépenses des personnes françaises ou étrangères ne résidant pas en France.

Par ailleurs, 102 millions d'euros d'économies sont attendus des mesures prises afin de maîtriser les dépenses et rationaliser la gestion de l'AME. Elles comprennent :

- la non-prise en charge à 100 % des médicaments en cas de refus d'une spécialité générique (5 millions d'euros) ;

- la mise en place d'un ticket modérateur ou d'une participation financière aux dépenses de soins (actuellement à l'étude par le Gouvernement) ;

- le développement du contrôle médical (non chiffré) ;

- enfin, le renforcement de la lutte contre les fraudes grâce à la mise en place d'un titre d'admission non falsifiable comportant obligatoirement une photographie du prestataire (non chiffré).

Outre la sous-estimation probable des dépenses, il est vraisemblable que les économies prévues sont plus qu'optimistes. En effet, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, on peut raisonnablement prévoir, pour 2008, une dépense globale d'environ 540 millions d'euros et retenir une hypothèse prudente de 70 millions d'euros d'économies. L'insuffisance des crédits s'élèverait alors à 57 millions d'euros, dont 37 millions au titre de l'AME de « droit commun ».

Votre commission est toutefois bien consciente de l'effort considérable réalisé par le Gouvernement pour apporter les 180 millions d'euros de crédits supplémentaires pour l'exercice 2008. Elle souhaiterait obtenir un chiffrage précis des mesures d'économies prises pour contenir les dépenses et veillera, en loi de finances rectificative, à ce que les crédits soient suffisants.

Par ailleurs, votre commission souhaite que le Gouvernement s'engage dès à présent à prendre les mesures correctrices nécessaires pour combler le déficit, déjà estimé à 270 millions d'euros, pour l'année 2007.

3. Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante : une participation trop modeste de l'Etat

L'activité du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) a continué à se développer en 2006 et au début de l'année 2007. On observe en effet :

- une forte augmentation du nombre mensuel de dossiers déposés (57 % de plus qu'en 2006), qui résulte de l'accroissement des demandes émanant des nouvelles victimes 8 ( * ) ou de nouveaux ayants droit 9 ( * ) ;

- la hausse significative du nombre d'offres formulées par le fonds ;

- la relative stabilité du coût moyen de ces offres.

Ainsi, les dépenses sont estimées respectivement à 454 millions et 507 millions d'euros pour 2007 et 2008 . Les documents budgétaires mentionnent l'existence d'un fonds de roulement d'environ 260 millions d'euros en 2006, ramené pour 2007 à 205 millions d'euros. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, cette réserve devrait s'épuiser dans le courant de l'année 2009.

Pour l'essentiel, la dotation du fonds provient de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la sécurité sociale, qui devrait y contribuer à hauteur de 315 millions d'euros. Pour 2008, l'Etat a prévu de maintenir sa contribution à 50 millions d'euros , soit 9,9 % des dépenses du fonds contre 11 % en 2007.

La responsabilité de l'Etat dans le drame de l'amiante, en sa qualité d'employeur et au titre de son rôle dans la politique de santé publique, justifierait pourtant une augmentation de sa contribution pour accompagner la montée en charge des activités du fonds. Votre commission considère que celle-ci devrait être portée au moins à 20 % d'ici à 2010, puis à environ 30 % en 2012, selon l'échéancier qu'elle vous soumet dans le tableau ci-dessous :

Contributions prévisionnelles de l'Etat au Fiva

Années

2008

2009

2010

2011

2012

Contribution de l'Etat

En millions d'euros

50

80

100

125

150

dont crédits supplémentaires

10

30

50

75

100

En % (1)

9,9

15,8

19,7

24,6

29,6

(1) Calcul arrondi réalisé à dépenses constantes par rapport aux prévisions de 2008.

La présence d'un fonds de roulement, encore substantiel en 2008, et la mise en place imminente, par le Gouvernement, d'un groupe de travail, chargé de réfléchir à une éventuelle réforme du Fiva et du Fcaata 10 ( * ) , plaident néanmoins en faveur d'une reconduction à l'identique des crédits en 2008.

* 5 Article 56 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

* 6 - Droits sur les tabacs : la loi de finances pour 2007 en a porté le taux de 1,88 % à 4,34 %.

- Taxe due par les organismes complémentaires : l'article 53 de la LFSS pour 2006 en a porté le taux de 1,75 % à 2,5 %.

* 7 Voir rapport de la mission conjointe d'audit de modernisation Igas-IGF relatif à la gestion de l'aide médicale d'Etat - 2007.

* 8 1 093 pour les sept premiers mois de 2007 contre 746 sur la même période en 2006.

* 9 805 pour les sept premiers mois de 2007 contre 470 sur la même période en 2006.

* 10 Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

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