B. CONFORTER LA PARTICIPATION AUX RÉSULTATS DE L'ENTREPRISE

1. Une liberté de « non-blocage » du flux de la participation (article 2)

a) Une liberté de choix offerte au salarié

L'article 2 du projet de loi propose d'instituer une nouvelle règle de disponibilité des droits des salariés dans le cadre du système de la participation .

Le projet de loi introduit un élément de souplesse dans le dispositif de la participation aux résultats de l'entreprise. Hormis les cas de déblocage anticipé prévus à l'article R. 3324-22 du code du travail, les droits acquis au titre de la participation sont, selon le droit en vigueur, indisponibles pendant cinq années à compter de l'ouverture de ces droits, en cas de signature d'un accord de participation, ou de huit années, dans le cas contraire.

Il sera désormais possible au salarié de bénéficier d'une disponibilité immédiate de ses droits nouvellement acquis . En conséquence, il pourra choisir de ne pas procéder à l'une des deux modalités d'affectation de ses nouveaux droits que sont, depuis 2006 3 ( * ) , soit le placement sur un compte ouvert en application d'un plan d'épargne salariale, soit le placement sur un compte que l'entreprise doit consacrer à des investissements. L'indisponibilité des sommes constituant la contrepartie de l'avantage social et fiscal accordé, la perception immédiate des droits sera soumise à l'impôt sur le revenu.

Le présent article met en place une faculté de « non-blocage » plutôt qu'un déblocage des droits. En effet, il ne concerne pas l'ensemble des droits constitués au profit des salariés antérieurement à la publication de la présente loi. Il vise le stock et non le flux.

Corrélativement, il ne remet pas en cause les dispositions relatives au « déblocage anticipé » , c'est-à-dire à la liquidation du stock des droits acquis avant l'expiration du délai d'indisponibilité à l'article R. 3324-22 précité du code du travail. Ces cas, au nombre de neuf, visent des situations exceptionnelles telles que le mariage, le licenciement ou le divorce. Ces modalités de déblocage sont différentes car leur caractère exceptionnel ne remet pas en cause les avantages fiscaux et sociaux acquis.

b) Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
(1) Alignement de la période de blocage du régime d'autorité sur celui de droit commun

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, afin d'aligner la période de blocage du régime dit d'autorité de l'article L. 3323-5 du code précité, sur celle du régime de droit commun, en la réduisant de huit à cinq ans.

En effet, l'article L. 3323-5 prévoit actuellement la mise en place d'un régime dit d'autorité, en l'absence de la signature d'un accord de participation dans un délai d'un an suivant la clôture de l'exercice au titre duquel sont nés les droits. La période de blocage des avoirs est alors de huit années, et non de cinq ans comme pour les autres accords de participation.

(2) Extension du principe de libre choix entre versement immédiat et blocage au régime dit d'autorité

L'Assemblée nationale a adopté un autre amendement de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, qui a pour objet d'étendre au régime d'autorité la nouvelle possibilité pour le salarié de choisir entre la disponibilité ou l'indisponibilité des nouveaux droits acquis, à compter de la publication de la loi. Cette disposition répare une omission, puisque le projet de loi n'abordait pas les dispositions du régime d'autorité.

(3) Précision quant à la portée de la disponibilité des droits

Sur l'initiative de notre collègue député Gérard Cherpion, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de précision 4 ( * ) disposant que la demande du salarié ne pourra être présentée qu'à l'occasion de chaque versement effectué au titre de la répartition.

(4) Blocage des sommes affectées au titre d'un régime dérogatoire pour la portion supérieure à la réserve spéciale.

Enfin, sur l'initiative, d'une part, de notre collègue député Sébastien Huyghe et plusieurs de ses collègues et, d'autre part, celle de notre collègue député François Cornut-Gentille, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques, relatifs aux régimes de participation dérogatoires au droit commun en application de l'article L. 3324-2 du code du travail. Ces régimes issus de la négociation collective s'avèrent être plus généreux que celui de droit commun. Les amendements ainsi adoptés permettent de maintenir la règle de l'indisponibilité des droits pour la partie des droits acquis supérieurs à ceux issus de la réserve légale.

c) Les appréciations de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur pour avis est favorable à l'adoption de l'article 2, sous réserve des corrections techniques proposées au paragraphe d).

Le choix de non-blocage du « flux » de la participation, ainsi accordé aux salariés, constitue un véritable avantage en termes de liberté et de revenus.

Il conduira chaque salarié à arbitrer entre disponibilité immédiate et blocage de ses droits, selon sa situation particulière. Votre rapporteur pour avis souligne qu'il ne s'agit donc pas d'opposer pouvoir d'achat immédiat et pouvoir d'achat différé, mais de revenir à l'esprit de la participation qui est de permettre au salarié de participer aux bénéfices de l'entreprise auxquels il a contribué . Il revient au salarié de décider annuellement de l'affectation de ses nouveaux droits, en fonction de ses propres besoins et contraintes, ce que l'Etat ne saurait faire.

En outre, une telle liberté ne devrait pas avoir de conséquences négatives sur la marge d'action financière des entreprises .

Tout d'abord, la portée de ce droit proposé à l'article 2 est limitée comme on l'a vu, au flux de la participation. Selon les statistiques 5 ( * ) , en termes de « stock », de la Direction de l'Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES), le montant moyen des sommes versées en 2006 au titre de la participation à 5,2 millions de bénéficiaires s'élevait à 1.373 euros (soit 4,8 % de la rémunération de ces salariés) .

En outre, il est difficile d'évaluer précisément la proportion de salariés qui exercera ce nouveau droit ainsi que les montants concernés dans un contexte économique de crise financière, affectant la part aléatoire des salaires basées sur les bénéfices de l'entreprise et dépendant également de l'évolution du cours des actions.

Cependant, il est possible de se référer, à titre indicatif, aux observations portant sur l'intéressement, dont le régime en vigueur, autorise le salarié à choisir entre la perception immédiate des droits acquis ou l'affectation et le blocage pendant cinq années. Or, 40 % en moyenne des sommes entrant dans le champ de l'intéressement demeurent bloquées.

De surcroît, votre rapporteur pour avis souligne que l'harmonisation des modes de perception entre participation et intéressement, disponibilité immédiate ou blocage, ainsi proposée ne brouille pas la frontière entre les deux dispositifs d'épargne salariale .

Les deux régimes procèdent, en effet, de finalités et de modalités différentes. La participation constitue un droit pour les salariés de percevoir une partie du bénéfice auquel ils ont contribué. L'intéressement, en revanche, peut reposer sur des critères autres que financiers.

S'agissant des modifications adoptées par l'Assemblée nationale , et plus particulièrement du maintien de l'indisponibilité de la partie des sommes supérieure au montant de la réserve spéciale et versées au titre d'un accord collectif plus favorable aux salariés, votre rapporteur pour avis souligne l'effet bénéfique d'une telle mesure en matière de pérennité de l'actionnariat salarié de l'entreprise et d'incitation à conclure des accords de participation plus généreux que le droit commun. En outre, le salarié conservera le nouveau droit à disponibilité, s'agissant des droits à la participation dite légale.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis se déclare favorable à l'extension du principe de libre choix entre versement immédiat et blocage au régime dit d'autorité, mis en place en cas d'échec des négociations dans les entreprises où la participation est obligatoire.

d) Les amendements proposés
(1) Rétablir la durée de blocage de huit années dans le régime d'autorité

Votre rapporteur pour avis vous propose de supprimer la disposition harmonisant les durées de blocage entre le régime commun et celui d'autorité car il redoute  l'apparition d'un effet pervers : celui de la non-incitation des salariés à conclure un accord de participation .

Cet amendement de suppression a, en effet, pour objet de maintenir l'équilibre entre le régime d'autorité et le régime de droit commun, en rétablissant la période de huit années de blocage des fonds affectés au titre de la participation dans le cadre du régime d'autorité.

Votre rapporteur pour avis appelle au maintien de la raison d'être du régime d'autorité . En effet, celui-ci a été conçu afin de favoriser la négociation entre l'entreprise et le salarié, dans la perspective de la conclusion d'un accord de participation. En l'absence d'un tel accord, le régime d'autorité, qui se met en place automatiquement, est moins favorable aux deux parties, salariés et entreprise.

Pour les salariés, le régime d'autorité prévoit une durée d'indisponibilité des sommes plus longue (huit ans) qu'en cas de négociation d'un accord (cinq ans). En outre, l'abondement par l'employeur n'est pas possible s'il est mis en place un régime d'autorité.

Il y a donc une incitation pour les salariés à conclure un accord de participation dans les entreprises de plus de 50 salariés où la participation est obligatoire, plutôt que leur soit imposé le régime d'autorité.

Pour les entreprises, le régime d'autorité prévoit une rémunération à un taux élevé des sommes versées au titre de la participation : le taux de rémunération imposé dans le régime d'autorité correspond au taux moyen de règlement des obligations des sociétés privées majoré d'un tiers (soit 6,05 % au premier semestre 2008 6 ( * ) ). La perspective d'une telle pénalité financière incite donc également les entreprises à conclure un accord de participation.

(2) Deux autres amendements de précision

Enfin, s'agissant des modalités d'application du présent article, votre rapporteur pour avis vous propose d'apporter deux précisions rédactionnelles , dans le cadre de deux amendements .

En premier lieu, le décret d'application doit prévoir non seulement le délai, mais toutes les conditions pour demander le non-blocage des droits acquis au titre de la participation (quand et sous quelle forme le salarié doit-il faire sa demande ?). Le décret d'application sur ces conditions au sens large concerne à la fois le régime de droit commun et le régime d'autorité.

En second lieu, votre rapporteur pour avis tient également à prendre en compte la situation des entreprises ayant un exercice comptable décalé par rapport à l'année civile , pour fixer le point de départ de l'exercice de ce nouveau droit à disponibilité.

En effet, la mise en oeuvre d'une telle disponibilité requiert dans un premier temps l'adaptation par les teneurs de comptes d'épargne salariale de leurs chaînes de traitement de l'opération de participation (information des salariés de leurs nouveaux droits et de la fiscalité applicable aux sommes perçues immédiatement, envoi de bulletins...).

Or, la rédaction actuelle de l'article 2 prévoyant une prise d'effet immédiate après la publication de la présente loi, ne tient pas compte des lourdes modalités de mise en oeuvre d'une telle disposition pour les entreprises dont l'exercice comptable s'achève, par exemple, le 30 septembre de cette année avec obligation de versement au 1 er janvier 2009, en application de la disposition actuelle.

2. La participation dans les entreprises publiques (article 2 quater)

a) La correction d'une erreur de codification

Votre rapporteur pour avis est favorable à l'article 2 quater adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative de son collègue député Patrick Ollier, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires économiques, qui vise à rétablir la rédaction de l'ancien article L. 442-9 du code du travail relatif à la participation dans les entreprises publiques.

La nouvelle codification de cet article dans l'article L. 3321-1 du code du travail tend, en effet, à exclure du champ de la participation, des entreprises du secteur public ainsi que des entreprises privées qui en bénéficient explicitement dans l'ancien code du travail, faute d'une rédaction suffisamment précise dans le nouveau code.

L'ancien article L. 442-9 du code du travail faisait une distinction entre les entreprises dont le capital est détenu directement par l'Etat (entreprises dites de premier rang) et celles qui ne l'étaient pas (entreprises dites de second rang, par exemple les entreprises dont la majorité du capital est détenu non pas par l'Etat, mais par une entreprise publique). Les premières étaient assujetties au régime de la participation si elles étaient mentionnées dans un décret 7 ( * ) .

En revanche, les entreprises de second rang (détenues indirectement par l'Etat) étaient soumise au régime de participation de droit, sauf dans le cas des entreprises régulées c'est-à-dire celles qui sont soit en situation de monopole, soit soumises à des prix réglementés ou bénéficiant de subventions publiques.

Or, depuis l'entrée en vigueur, le 1 er mai 2008, du nouvel article L. 3321-1 du code du travail, remplaçant les dispositions de l'article L. 442-9 précité, des entreprises privées et publiques se sont trouvées exclues du champ de la participation alors qu'elles bénéficiaient pourtant déjà de ce régime dans la précédente codification.

Votre rapporteur se félicite donc que le présent article ainsi adopté rétablisse la rédaction antérieure.

b) Un cadre juridique pour étendre la participation dans les entreprises publiques

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que cet article introduit, cependant, un nouveau point de droit . En effet, il prévoit la possibilité d'inclure dans le champ de la participation des entreprises de second rang régulées actuellement exclues, sous réserve de l'adoption d'un décret en ce sens.

En outre, s'il se déclare favorable au dispositif ainsi proposé, il est réservé quant à sa mise en oeuvre. Celui-ci peut se heurter à quelques obstacles pratiques : le calcul de la participation étant basé sur les bénéfices de l'entreprise, la notion de bénéfice dans une entreprise publique peut donner lieu à des divergences d'interprétation. Or, la charge du financement de la participation reposera sur le contribuable dans le cas d'une entreprise de second rang régulée, en raison des subventions qu'elle perçoit.

3. Calculer la participation sur la base de la règle des « trois tiers » (article additionnel après l'article 2)

Par amendement portant article additionnel après l'article 2, votre rapporteur pour avis souhaite modifier le mode calcul de la réserve spéciale de participation (RSP), en adoptant la règle des « trois tiers ». La participation aux résultats de l'entreprise dont bénéficient les salariés atteint alors un tiers du bénéfice net fiscal, un deuxième tiers étant distribué aux actionnaires sous forme de dividendes et un dernier tiers étant affecté aux résultats de l'entreprise. L'entreprise reste naturellement libre de moduler la répartition des deux tiers restants (hors participation) entre les dividendes et les investissements.

Lors de la discussion de la loi précitée du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, le Sénat avait déjà adopté, sur l'initiative de votre rapporteur pour avis, un amendement prévoyant que les accords dérogatoires de participation - plus favorables que le minimum légal - pouvaient retenir comme base de calcul cette règle des « trois tiers ». Il s'agit aujourd'hui d'aller plus loin, en donnant tout son sens à l'ambition de refonder le capitalisme .

Les modalités légales actuelles pour déterminer la RSP, fixées en 1967, et de surcroît complexes, sont devenues sans lien avec la capacité de l'entreprise à faire bénéficier les salariés des résultats de l'entreprise. Dans le droit actuel, le code du travail établit comme suit le minimum légal pour déterminer la RSP :

0,5 (bénéfice net - 5 % capitaux propres) x (salaires / valeur ajoutée)

Les sommes versées au titre de la participation seraient ainsi au moins égales aux dividendes perçus par les actionnaires, afin de réconcilier le capital et le travail, dans la continuité des principes définis par le général de Gaulle.

4. La participation, un outil pour la gestion participative au profit de salariés mieux formés à l'économie de l'entreprise (articles additionnels après l'article 2)

Le succès de la participation aux résultats de l'entreprise suppose de s'inscrire dans le cadre d'une démarche de gestion participative, qui doit bénéficier à des salariés mieux formés à la gestion de l'entreprise. Tel est le sens de deux amendements portant articles additionnels après l'article 2 . Ils reprennent des propositions déjà formulées par votre rapporteur pour avis, au nom de votre commission des finances, lors de la discussion de la loi précitée du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié 8 ( * ) .

Le premier de ces deux amendements , consiste à préciser que, dans le cadre de la formation professionnelle continue, les salariés peuvent être formés non seulement à « l'économie », mais aussi « à la gestion de l'entreprise » . Ces dispositions, adoptées lors de la discussion du projet de loi précité, visaient notamment la formation à l'épargne salariale.

Votre rapporteur pour avis estime, en effet, que la formation à l'épargne salariale, c'est-à-dire à la distribution des fruits du travail dans l'entreprise, ne prend tout son sens que si les salariés ont reçu une formation aux règles de gestion des entreprises. En outre, la rédaction proposée est plus précise que « l'économie de l'entreprise » qui recouvre, potentiellement, des questions macroéconomiques. L'épargne salariale, mais aussi les règles budgétaires et comptables relèvent ainsi plus explicitement de « la gestion » de l'entreprise.

Le second amendement vise à compléter l'article L. 3322-1 du code du travail, lequel définit les objectifs et les modalités de la participation aux résultats de l'entreprise.

Votre rapporteur pour avis souhaite introduire au sein de cet article la notion de « gestion participative », laquelle place l'homme au coeur des préoccupations de l'entreprise tout en soulignant la responsabilité de gestion du chef d'entreprise.

* 3 Ces dispositions sont entrées en vigueur avec la promulgation de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

* 4 Modifiant le 1° du II de l'article 2 pour l'article L. 3324-10 du code du travail.

* 5 In Premières Synthèses Informations de juin 2008 - n° 253.

* 6 Le taux moyen pratiqué dans le cadre d'un accord de participation s'élève approximativement à 5,35 %.

* 7 Décret n° 87-948 du 26 novembre 1987.

* 8 Sénat, rapport n° 35 (2006-2007).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page