C. QUELLE RÉFORME DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE ?

1. Les recommandations communes de la commission des Affaires étrangères et de la commission des Affaires culturelles du Sénat

Au début de l'année 2009, la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées et la commission des Affaires culturelles du Sénat ont décidé de procéder à une série d'auditions communes sur le thème de l'action culturelle de la France à l'étranger.

Des auditions que nous avons menées, nous pouvons tirer quatre enseignements principaux :

Premier constat : notre pays dispose d'un réseau culturel exceptionnellement dense et diversifié.

Toutefois, à la différence de nos partenaires et concurrents, comme le Royaume-Uni, avec le British Council, l'Allemagne, avec l'Institut Goethe ou l'Espagne, avec l'Institut Cervantès, notre réseau culturel souffre d'un manque de lisibilité et de visibilité.

De ce point de vue, la création d'une agence chargée de l'ensemble de la coopération culturelle et dotée d'un label unique représenterait une avancée.

Deuxième constatation : notre diplomatie culturelle est aujourd'hui en crise : crise de moyens, en raison de la forte diminution des financements ; crise d'identité chez les personnels du réseau culturel ; mais aussi crise de sens, car il n'y a plus de direction claire assignée à notre diplomatie culturelle.

Notre action culturelle souffre avant tout aujourd'hui d'un déficit de pilotage stratégique.

Si le ministère des Affaires étrangères et européennes doit conserver un rôle de premier plan dans ce domaine, puisque la culture est une composante essentielle de notre diplomatie d'influence, le ministère de la Culture et les autres ministères concernés ne sont pas suffisamment impliqués dans la mise en oeuvre de notre coopération culturelle à l'étranger.

Par ailleurs, au sein de l'administration centrale, l'ancienne direction générale de la coopération internationale et du développement n'a pas réussi à élaborer une véritable stratégie, ni à exercer réellement sa tutelle sur les opérateurs, étant absorbée dans les tâches de gestion quotidienne du réseau.

La mise en place récente d'une nouvelle direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats, est d'ailleurs directement tirée de ce constat.

Troisième enseignement : il est nécessaire de mettre un terme à la forte diminution des crédits consacrés à notre action culturelle à l'étranger.

Au moment où nos partenaires britanniques, allemands et espagnols, et même chinois, avec les Instituts Confucius, augmentent fortement les moyens consacrés à leurs réseaux culturels, où la nouvelle secrétaire d'Etat américaine Mme Hillary Clinton a fait de la diplomatie dite de l'intelligence (« smart power »), une priorité de son action, comment expliquer que notre pays soit le seul à diminuer fortement les crédits consacrés à son rayonnement culturel et linguistique dans le monde ?

Enfin, quatrième et dernière observation : la gestion des ressources humaines constitue sans doute le « point noir » de notre réseau culturel à l'étranger.

Les personnels appelés à diriger les centres culturels ne se voient proposer qu'une formation de cinq jours. A titre d'exemple, la formation initiale est de six mois en Allemagne.

La durée d'immersion dans un pays est relativement courte, de l'ordre de trois années, alors qu'elle est de cinq ans pour le British Council et l'Institut Goethe.

Enfin, l'Allemagne et le Royaume-Uni offrent de bien meilleures perspectives de carrière aux agents de leur réseau culturel à l'étranger que la France.

La rénovation de la gestion des ressources humaines du personnel de notre réseau culturel à l'étranger doit donc être une priorité.

A partir de ce constat, les deux commissions ont publié un rapport d'information conjoint sur la diplomatie culturelle, présenté par les deux présidents MM. Jacques Legendre et Josselin de Rohan, et contenant dix recommandations, adoptées à l'unanimité par les membres des deux commissions 2 ( * ) .

Les dix recommandations communes de la commission des Affaires culturelles
et de la commission des Affaires étrangères et de la Défense
concernant la diplomatie d'influence

1°/ Confier la tutelle de la future agence de coopération culturelle au ministère des Affaires étrangères ;

2°/ Mettre en place un secrétariat d'Etat à la francophonie et aux relations culturelles extérieures ;

3°/ Associer davantage le ministère de la Culture et les autres ministères concernés à la définition de notre stratégie culturelle à l'étranger au sein d'un conseil d'orientation stratégique ;

4°/ Mettre en place un conseil scientifique auprès de l'opérateur afin d'associer les milieux culturels ainsi que les collectivités territoriales ;

5°/ Le périmètre de la future agence devrait couvrir les missions exercées jusqu'ici par CulturesFrance, auxquelles s'ajouteraient la diffusion de la langue française ainsi que la promotion du patrimoine audiovisuel français. En revanche, la coopération universitaire, scientifique et technique devrait en être exclue et être confiée à un opérateur distinct ;

6°/ Aménager un lien étroit entre la future agence et le réseau culturel à l'étranger ;

7°/ Affirmer le rôle de l'ambassadeur dans la déclinaison de notre action culturelle extérieure au niveau local ;

8°/ Associer les Alliances françaises à la mise en oeuvre de notre politique culturelle extérieure sur un mode partenarial ;

9°/ Rénover en profondeur la gestion des ressources humaines de notre réseau culturel ;

10°/ Doter notre action culturelle extérieure de moyens à la hauteur de ses ambitions.

Ce rapport d'information complète les nombreux rapports consacrés à l'action culturelle extérieure qui reposent largement sur les mêmes constats3 ( * ).

2. La fusion des SCAC et des centres et instituts culturels

Les conclusions du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 prévoient la fusion sous un label unique « EspacesFrance » des services de coopération et d'action culturelle (SCAC) des ambassades et des centres et instituts culturels au sein d'un seul établissement disposant d'une grande autonomie financière afin d'accroître ses capacités d'autofinancement et de partenariat.

Une expérimentation a été conduite en 2009 dans 13 postes pilotes : Abou Dhabi, Ankara, Bamako, Berlin, Dakar, Delhi, Hanoi, Kinshasa, Ljubljana, Mexico, Minsk, Pékin et San José de Costa Rica.

Cette réforme soulève toutefois des interrogations sur le statut juridique de ces nouveaux établissements, le statut des personnels, et la capacité de ces établissements d'augmenter leur taux d'autofinancement.

3. La création d'une agence chargée de la coopération culturelle

Le ministre des Affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, a annoncé, le 25 mars dernier, une réforme de l'action culturelle à l'étranger. La principale nouveauté de cette réforme tient à la création d'une agence chargée de la coopération culturelle à l'étranger.

Un comité de préfiguration, comprenant des parlementaires, des représentants des administrations concernées ainsi que des représentants des milieux culturels, a étudié différents scénarios.

A partir de ces travaux, le ministre des Affaires étrangères et européennes a présenté le 22 juillet 2009 un projet de loi relatif à l'action extérieure de l'Etat, qui a été déposé en premier lieu au Sénat.

Ce projet de loi prévoit la création d'un opérateur chargé de l'action culturelle à l'étranger, issu de CulturesFrance, qui serait doté du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial.

Cette formule juridique, qui vise à répondre aux critiques émises par la Cour des comptes dans son audit de 2006 sur CulturesFrance, offre l'avantage de conserver le statut de droit privé qui est actuellement celui des personnels de CulturesFrance et de préserver son autonomie d'action, mais dans un cadre de gestion publique.

Toutefois, un grand nombre de questions relatives à cette agence sont laissées en suspens par ce projet de loi : sa tutelle ministérielle, son périmètre d'intervention, et ses relations avec le réseau des établissements culturels à l'étranger, les personnels et les ambassades.

L'examen du projet de loi par le Sénat devrait permettre de clarifier un certain nombre de ces interrogations.

* 2 Rapport d'information n°458 (2008-2009) « Le rayonnement culturel international : une ambition pour la diplomatie française » de MM. Jacques Legendre et Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des Affaires culturelles et de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat, et déposé le 10 juin 2009.

* 3 On peut citer notamment les rapports de nos collègues M. Yves Dauge, alors député, consacré au réseau culturel français à l'étranger, de 2001 ; de M. Louis Duvernois sur une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France, présenté en décembre 2004, au nom de la commission des affaires culturelles ou encore celui de M Adrien Gouteyron, sur la crise de la diplomatie culturelle française, présenté en juillet 2008 au nom de la commission des finances.

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