B. LA RÉORGANISATION DU RÉSEAU CULTUREL

1. Un réseau exceptionnel qui fait l'objet d'une restructuration profonde

Le projet de loi de finances pour 2010 s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques, adoptée l'an dernier et qui propose au Parlement une trajectoire financière pour l'ensemble des administrations publiques sur la période 2009-2011. Il tient compte des mesures de rationalisation décidées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Ainsi, il est prévu de supprimer 255 ETPT (équivalents temps plein travaillé) au sein du ministère des affaires étrangères en 2010, au titre de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Or, ces suppressions de postes devraient porter principalement sur le réseau diplomatique et consulaire .

Elles s'inscrivent dans le cadre de la réorganisation du réseau diplomatique sur le principe de trois catégories d'ambassades :

- une trentaine d'ambassades à compétences élargies couvrant toute la gamme des fonctions de l'État à l'étranger ;

- une centaine d'ambassades à missions prioritaires devraient concentrer leurs activités sur un certain nombre d'objectifs précis définis selon les pays concernés ;

- une trentaine d'ambassades de présence diplomatique devraient assurer une voire deux missions (économique, politique, consulaire).

Cette réforme prévoit également une rationalisation du réseau consulaire qui devrait être profondément revu, avec une diminution du nombre et de la taille des consulats dans les pays de l'Union européenne et un renforcement dans les pays émergents.

Le réseau culturel de la France à l'étranger repose sur une très grande variété de services et de structures, parmi lesquels on distingue :


• ceux qui sont des services français et ne disposent donc pas d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État :

- 161 services de coopération et d'action culturelle (SCAC) , dont 49 dans les pays de la zone OCDE (programme 185) et 112 dans les pays en développement (programme 209), chargés de la mise en oeuvre de la coopération bilatérale avec les pays et institutions partenaires ;

- 135 établissements culturels dotés de l'autonomie financière (EAF culturels) , dont 50 dans les pays de la zone OCDE et 85 dans les pays relevant du programme 209, financés pour partie par des dotations de fonctionnement et pour partie par des ressources propres (mécénat, cours de langue, etc.) que leur activité génère ;

- 27 centres de recherche dotés de l'autonomie financière (EAF de recherche) , dont 8 dans les pays de la zone OCDE et 19 dans les pays relevant du programme 209, intervenant dans le secteur de la recherche en archéologie et en sciences sociales ;


• ceux qui ne sont pas des services français et qui disposent d'une personnalité juridique conférée par des statuts :

- soit de type associatif, ce qui est le cas du millier d' Alliances françaises , établissements de droit local dont les statuts sont reconnus par la fondation Alliance Française. Au total, 456 Alliances reçoivent une aide du ministère des affaires étrangères , soit sous la forme d'une subvention, soit via la mise à disposition d'agents expatriés et de volontaires internationaux rémunérés sur le budget de l'État (ce qui concerne 61 Alliances au titre du programme 185 et 167 au titre du programme 209) ;

- soit par des accords bilatéraux, ce qui est le cas de 5 centres franco-nationaux qui sont tous situés sur le continent africain (Guinée, Guinée Bissau, Niger, Namibie et Mozambique).

L'évolution de la structure du réseau culturel illustre la montée en puissance des Alliances françaises comme vecteur privilégié de l'influence culturelle et linguistique de la France à l'étranger : leur nombre a connu une croissance de 8 % sur la période de 2000 à 2009, alors que le nombre d'instituts et de centres culturels a, lui, diminué de près de 20 % sur la même période.

En effet, dans le cadre de la restructuration de son réseau, entrepris dès 1999 avec la fermeture ou la transformation des instituts et des centres culturels de taille modeste du réseau allemand (tels que ceux situés à Essen, Erfurt, Aix-la-Chapelle et Tübingen), le ministère des affaires étrangères a mené à partir de 2001 une politique supposée rationaliser le maillage des établissements culturels français dans l'ancienne Europe des 15 pour en redistribuer les moyens vers le réseau de certains pays émergents et favoriser le développement du réseau des Alliances françaises en Chine et en Russie.

Néanmoins, votre rapporteur pour avis constate que, depuis 2001, la fermeture des centres culturels en Allemagne, mais aussi en Autriche, au Portugal et en Espagne a conduit à diminuer de plus de la moitié le nombre d'établissements culturels dans l'ancienne Europe des 15 (de 48 à 22).

En septembre 2008, le ministère des affaires étrangères a annoncé qu'il comptait poursuivre cette politique de rationalisation de notre dispositif d'influence culturelle et linguistique à l'étranger selon les deux axes majeurs suivants :

- il s'agit, d'une part, de mettre en application la recommandation de la révision générale des politiques publiques de fusionner les services d'action culturelle et de coopération (SCAC) et les établissements culturels à autonomie financière en des établissements uniques dotés de la plus large autonomie . Dans cette logique, les établissements de province en Allemagne ont, par exemple, été transformés en antennes de l'établissement situé à Berlin ;

- il s'agit, d'autre part, de rationaliser notre dispositif en procédant à une transformation de certains établissements selon des modèles économiques plus modernes. À titre d'exemple, l'Institut de Barcelone et le réseau en Italie ont reçu en 2009 un appui pour mettre en oeuvre des mesures leur permettant de réduire leurs charges de fonctionnement tout en restant les opérateurs privilégiés de la politique d'influence de nos ambassades.

De plus, le ministère des affaires étrangères justifie la réduction du nombre de nos instituts et centres culturels en Europe au motif qu'elle contribue à la résorption des doublons institutionnels, principalement entre Alliances françaises et établissements culturels, voire entre établissements eux-mêmes (comme c'est le cas au Luxembourg par exemple).

Au cours de sa réunion du 4 avril 2008, le Conseil de modernisation des politiques publiques a validé le principe de la fusion des services de coopération et d'action culturelle et des instituts et centres culturels en un seul établissement par pays . Une phase d'expérimentation, qui concerne treize postes, a ainsi été mise en oeuvre à compter du 1 er janvier 2009.

La fusion des SCAC et des EAF s'inspire d'un modèle déjà en oeuvre dans le réseau sur un nombre limité de pays à travers les centres culturels et de coopération (CCC) qui regroupent les fonctions relevant des SCAC et celles relevant des EAF avec un budget unique dans le cadre de l'autonomie financière. C'est le cas notamment à Tunis, Mexico, Athènes, Sofia et au Caire.

LE BILAN DE L'EXPÉRIMENTATION DE LA FUSION DES SCAC ET
DES ÉTABLISSEMENTS CULTURELS À AUTONOMIE FINANCIÈRE

I - Bilan de l'expérimentation de la fusion

A - Mise en place des structures

a/ Dans les pays à réseau (Allemagne/Sénégal/Turquie) :

- Mise en place d'un établissement à autonomie financière unique par regroupement du principal pôle de ses annexes, situé dans la capitale du pays (Berlin/Dakar/Ankara) ;

- Extension des compétences de l'établissement à autonomie financière unique à l'ensemble des domaines de la coopération (par modification de l'arrêté du 30 avril 1999) ;

- Nomination du conseiller de coopération et d'action culturelle en tant que directeur/ordonnateur du nouvel établissement unique ;

- Dévolution de l'ensemble des biens mobiliers et immobiliers à l'établissement unique ;

- Remise de l'ensemble des inventaires des différents établissements au directeur de l'établissement de rattachement.

b/ Dans les pays comptant un EAF (Inde, Mali, République démocratique du Congo, Slovénie) :

- Extension des compétences de l'établissement à autonomie financière unique à l'ensemble des domaines de la coopération (par modification de l'arrêté du 30 avril 1999), sauf pour la Slovénie qui disposait déjà de l'ensemble des compétences ;

- Nomination du conseiller de coopération et d'action culturelle en tant que directeur/ordonnateur du nouvel établissement unique ;

c/ Dans les pays fonctionnant en centre culturel et de coopération (Chine, Costa Rica, Mexique, Vietnam) :

- Aucune démarche particulière n'a dû être engagée, les établissements bénéficiant déjà des mesures mises en place pour les pays cités aux points a/ et b/.

d/ Dans les pays sans EAF (Biélorussie, Émirats arabes unis) :

- Compte tenu de l'incertitude pesant sur le statut des établissements à autonomie financière, il n'y a pas eu de demande de création de nouvel EAF.

B - Bilan fonctionnel

Après six mois d'expérimentation, un premier bilan, reposant sur des mesures en cours de mise en oeuvre, peut être dressé. Ce bilan concerne essentiellement les pays à réseau. En effet, à ce stade, il n'y a pas eu de véritable évolution pour les autres pays de l'expérimentation.

a/ Périmètre et principes :

L'expérimentation s'effectue dans le cadre du décret n° 76-832 du 24 août 1976 relatif à l'organisation financière de certains établissements ou organismes de diffusion culturelle et d'enseignement dépendant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération, celui-ci n'ayant pas été modifié. Le souhait initial de basculer dans les EAF les crédits de coopération culturelle (subventions, bourses, crédits du fonds de solidarité prioritaire) a donc été reporté.

De même, il a été convenu qu'aucune modification ne devait intervenir en matière de gestion des ressources humaines. Par contre, une étude sur les conséquences de la réforme en matière de gestion des ressources humaines a été conduite au printemps (créations, transformations, suppressions d'emplois, économies, etc.).

Enfin, il conviendra d'établir une doctrine en matière de transferts de charges entre structures (charges de fonctionnement, dépenses informatiques, etc.).

b/ Bilan :

- Un meilleur pilotage budgétaire :

L'EAF unique est un outil de pilotage budgétaire qui permet de connaître à tout moment la situation des dépenses et des recettes de l'ensemble du réseau d'un pays. Il permet également une mutualisation des risques financiers et des fonds de réserves, des moyens (logiciels de gestion des cours par exemple), de la gestion des biens et de la commande.

- Un meilleur pilotage de la gestion des personnels :

À terme, l'EAF unique doit conduire à l'harmonisation des contrats des recrutés locaux (grilles de rémunérations, droits et obligations, contrats-types). Il doit également conduire à la centralisation de la gestion du recrutement local et à une allocation des moyens en personnels entre établissements beaucoup plus réactive.

- Un meilleur pilotage de l'activité :

La mise en place d'un site Internet unique, d'une charte graphique unique, l'organisation d'opérations à l'échelle nationale seront autant de facteurs renforçant la présence et l'image de la France.

La généralisation de ces fusions, si elle est entérinée, produira des économies sur les personnels et sur les moyens de fonctionnement, mais leur quantification reste à ce stade théorique.

II - Perspectives

Les modalités d'extension et de généralisation de l'expérimentation sont actuellement à l'étude. Elles sont liées à la nature et aux modalités de la relation entre le réseau et la future agence culturelle.

Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.

À l'occasion de l'examen des crédits de l'action culturelle extérieure inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009, votre rapporteur pour avis avait déjà insisté sur le fait que la réduction du nombre de nos établissements culturels ne saurait constituer en soi-même une politique et qu'il était indispensable de fixer des objectifs géostratégiques clairs à l'appui de notre politique de rééquilibrage géographique du réseau culturel .

À cette exigence, les services du ministère des affaires étrangères ont répondu en indiquant les priorités stratégiques qui ont été assignées à notre réseau culturel à l'étranger en fonction des différentes zones géographiques :

- en Afrique Subsaharienne, au Maghreb, et plus largement dans la zone de solidarité prioritaire, les centres culturels constituent des prolongements indispensables de notre politique de coopération et de développement . Lieux de formation et de diffusion des artistes locaux et régionaux, mais aussi espaces de découverte de la culture française contemporaine pour le public local, les centres sont souvent le principal équipement culturel des villes où ils sont implantés. Ils servent de support aux politiques mises en oeuvre à partir du fonds de solidarité prioritaire en matière de formation en français, de lecture publique et de développement culturel ;

- dans les grands pays émergents ou en transition, en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, la culture française, appréciée par une élite, demeure finalement mal connue, au moins dans ses expressions contemporaines. Le rôle des centres culturels et des Alliances françaises, au-delà du nécessaire enseignement du français dans des pays où notre langue est relativement peu présente dans le système scolaire, s'impose pour assurer une médiation auprès des institutions locales et pour moderniser l'image de notre culture, de notre économie et de notre société ;

- dans l'Union européenne et surtout en Europe occidentale, la densité du réseau des centres et instituts culturels s'ajoutant à la relative fluidité des échanges culturels amène à moderniser leurs missions, dans le cadre d'une stratégie d'influence s'adressant à des publics ciblés (hauts fonctionnaires, étudiants, intellectuels, artistes, etc.), en se concentrant sur l'enseignement du français de spécialité, la promotion des études en France et du débat d'idées, le soutien à nos industries culturelles et la diffusion de la création culturelle française, en partenariat avec les institutions culturelles locales.

2. La situation des personnels culturels en poste à l'étranger

Le réseau culturel français à l'étranger se caractérise par la très grande variété de statuts de ses agents.


• Les SCAC disposent de personnels expatriés , majoritairement des agents de catégorie A détachés d'autres administrations ou non titulaires dans les secteurs de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les SCAC emploient par ailleurs des agents recrutés localement , généralement affectés à des tâches administratives.


• Les établissements culturels à autonomie financière disposent principalement de deux types de personnels :

- des personnels expatriés , majoritairement non titulaires du ministère des affaires étrangères, assurent des fonctions de directeur, de comptable, et participent aux activités linguistiques et culturelles de l'établissement ; ils consomment le plafond d'emploi du ministère ;

- des personnels de recrutement local , pour une grande part en charge de la gestion et de la mise en oeuvre des cours de langues, activité génératrice de ressources pour ces établissements. À compter de l'exercice 2010, ces personnels de droit local employés sous contrat à durée indéterminée sont intégrés dans un plafond d'emplois spécifique.


• Au sein du réseau des Alliances françaises liées au ministère des affaires étrangères par une convention, ce dernier affecte des agents expatriés : en 2009, 81 agents expatriés (56 contractuels et 25 volontaires internationaux) ont été mis à disposition de ces structures pour en assurer la direction et/ou dispenser des cours de français et encadrer des activités culturelles.

Ainsi, au 31 mai 2009, l'ensemble des établissements culturels français à l'étranger comptaient 556 agents expatriés et 210 volontaires internationaux : 223 expatriés et 89 volontaires internationaux étaient en poste dans les Alliances, et on comptait 380 expatriés et 139 volontaires internationaux dans les instituts et centres culturels.

Les SCAC et les EAF s'appuient traditionnellement, de façon significative, sur des recrutés locaux qui, jusqu'ici, ne figuraient pas au sein des effectifs de l'État, bien que juridiquement employés par celui-ci.

A l'initiative du Sénat, dans la loi de finances pour 2009, un plafond des autorisations d'emplois des EAF culturels et de recherche sera mis en oeuvre dès le mois de janvier 2010 visant à une meilleure maîtrise et à un pilotage plus précis de l'emploi public sur un périmètre élargi. Ce plafond couvre l'ensemble des emplois des agents de droit local correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Ce plafond a été fixé, dans le projet de loi de finances pour 2010, à 1 044 emplois sur le programme 185 et à 2 356 emplois sur le programme 209 .

Les agents de droit local recrutés sur d'autres types de contrat que le CDI, c'est-à-dire sur des contrats à durée déterminée (CDD), ne seront pas intégrés à ce plafond. Cette catégorie de personnel dont le recrutement et le suivi de carrière sont sous l'entier contrôle des services centraux du ministère des affaires étrangères représente :

- sur le programme 185 : 792 agents pour les EAF culturels et 5 agents pour les EAF de recherche ;

- sur le programme 209 : 1 877 agents pour les EAF culturels et 93 agents pour les EAF de recherche.

Au total, ce sont donc 6 167 agents de droit local qui participeront au fonctionnement de nos établissements culturels et de recherche à l'étranger et dont la gestion des carrières continue d'incomber exclusivement aux services centraux du ministère des affaires étrangères. Il convient, à ce titre, de préciser que l'ensemble des emplois de droit local des EAF, qu'ils soient ou non sous plafond, c'est-à-dire sous la forme d'un CDI ou d'un CDD, sont soumis à autorisation préalable du ministère des affaires étrangères en ce qui concerne les recrutements ou les remplacements .

Plus du quart des emplois de recrutés locaux que compte notre réseau diplomatique et consulaire sont occupés par des Français , principalement du fait de leur maîtrise de la langue française ou en raison d'exigences de confidentialité et de sécurité accrues.

Le ministère des affaires étrangères note cependant que le recours au recrutement local ne constitue pas systématiquement la panacée en matière de gestion des ressources humaines ou budgétaires, pour trois raisons principales :

- l'instruction qu'a reçue le ministère des affaires étrangères dans les années 1990, pour des raisons d'économies budgétaires, de recruter largement des personnels locaux pour remplacer des agents titulaires expatriés s'avère génératrice de tensions, dans la mesure où elle fait coexister un personnel diplomatique mobile et des effectifs de recrutement local moins perméables aux changements. Le ministère cherche désormais à garantir, au cas par cas, un équilibre plus juste entre les emplois expatriés et les emplois de recrutement local ;

- dans certains pays de l'OCDE, le remplacement d'emplois de titulaires par des emplois de recrutement local n'entraîne pas d'économies substantielles, compte tenu des niveaux de salaires pratiqués sur le marché local et des dispositions très favorables du droit du travail pour les recrutés locaux ;

- le statut du recrutement local n'est enfin pas toujours adapté aux impératifs de sécurité et de confidentialité nécessaires au bon fonctionnement des missions diplomatiques.

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