B. LE PROJET DE RÉFORME DE L'ORDONNANCE DU 2 FÉVRIER 1945 RELATIVE À L'ENFANCE DÉLINQUANTE

En 2010, la DPJJ sera chargée, avec la direction des affaires criminelles et des grâces, d'élaborer le projet de loi, annoncé par le Gouvernement, portant réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. A terme, les réformes qui pourraient être adoptées dans ce cadre auront un impact sur les conditions de prise en charge des mineurs délinquants confiés à la PJJ.

1. Les conclusions de la commission présidée par M. André Varinard

Le 15 avril 2008, Mme Rachida Dati, alors garde des Sceaux, constatant que les mineurs sont aujourd'hui mis en cause dans plus de 18 % des crimes et délits commis en France, a chargé une commission de formuler des propositions pour réformer « en profondeur » l'ordonnance du 2 février 1945 et procéder à une véritable refondation de la justice pénale des mineurs. La lettre de mission envisageait les trois orientations suivantes :

- assurer une meilleure lisibilité des dispositions applicables aux mineurs ;

- renforcer la responsabilisation des mineurs, notamment en fixant un âge minimum de responsabilité des mineurs et en assurant une réponse pénale adaptée et une sanction adéquate graduée et compréhensible par tous ;

- revoir la procédure et le régime pénal applicables aux mineurs.

Présidée par le recteur André Varinard, cette commission a remis son rapport le 3 décembre 2008.

Ce dernier formule 70 propositions qui peuvent être, pour l'essentiel, regroupées en trois rubriques : élaboration d'un code de la justice pénale des mineurs, modification des règles de fond, réforme de la procédure.

a) L'élaboration d'un code de la justice pénale des mineurs

Partant du constat qu'après avoir été modifiée plus d'une trentaine de fois depuis son adoption, l'ordonnance du 2 février 1945 souffre d'un certain manque de lisibilité, la commission a préconisé de rassembler l'ensemble des textes relatifs au droit pénal des mineurs au sein d'un code dédié à la justice pénale des mineurs. Un tel code, qui regrouperait en un seul instrument juridique l'ensemble des règles de droit pénal de fond, de procédure pénale et d'application des peines, permettrait d'affirmer la spécificité et l'autonomie du droit pénal des mineurs. Les principes fondamentaux de ce dernier (primauté de l'éducatif, atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, caractère exceptionnel de l'emprisonnement, etc.) figureraient dans les articles liminaires de ce code.

b) Une modification du droit pénal applicable aux mineurs

Deux questions complémentaires ont été examinées : celle des seuils de responsabilité, et celle des mesures encourues.

S'agissant des seuils de responsabilité, la commission a proposé de fixer à douze ans l'âge de la responsabilité pénale 28 ( * ) . A partir de cet âge, les mineurs pourraient encourir indifféremment des sanctions éducatives et des peines. Néanmoins, la commission a proposé de ne fixer qu'à quatorze ans l'âge à partir duquel une peine d'emprisonnement serait encourue, sauf en matière criminelle.

S'agissant des mesures encourues, la commission a proposé de réorganiser et de clarifier les solutions actuellement en vigueur. Les mesures éducatives et les sanctions éducatives seraient unifiées au sein d'une seule catégorie dénommée sanctions éducatives. Une mesure unique de suivi éducatif en milieu ouvert serait créée. Enfin, le rapport préconise l'instauration d'une peine principale de placement sous surveillance électronique, la création d'une peine de confiscation d'un objet sans lien avec l'infraction et appartenant au mineur ainsi qu'une peine d'emprisonnement de fin de semaine. Les peines et les sanctions éducatives pourraient également être combinées.

c) Une réforme des règles de procédure

Au-delà de la consécration des principes directeurs du procès pénal applicables aux mineurs (nécessaire connaissance de la personnalité du mineur, publicité restreinte, assistance obligatoire d'un avocat et du défenseur unique pour le mineur, etc.), la commission a formulé un certain nombre de préconisations concernant la procédure pénale applicable. En particulier, elle s'est prononcée en faveur du maintien de la double compétence (au civil et au pénal) du juge des enfants (qui deviendrait le juge des mineurs). Elle s'est déclarée favorable à une déjudiciarisation de la première infraction et a préconisé de soumettre, sur renvoi du juge des mineurs ou du juge d'instruction, à un tribunal correctionnel spécialement composé les mineurs devenus majeurs au moment du jugement, les mineurs poursuivis avec des majeurs et les mineurs âgés de 16 à 18 ans en état de nouvelle récidive.

2. Une réflexion engagée

A la suite de la remise du rapport de la commission présidée par M. André Varinard, les directions des affaires criminelles et des grâces et de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la Justice ont commencé à travailler conjointement à la rédaction d'un projet de loi. Un document de travail a été élaboré.

Celui-ci s'organise sous la forme d'un code de la justice pénale des mineurs regroupant l'ensemble des dispositions applicables en la matière. La spécificité et les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs y sont réaffirmés et la terminologie est modernisée. L'avant-projet de loi maintient par ailleurs le principe de la primauté de l'éducation sur la répression et favorise le recours aux alternatives à l'incarcération et aux aménagements de peine 29 ( * ) . Un dossier unique de personnalité pourrait être créé 30 ( * ) . En matière de procédure, de nouveaux délais de traitement des procédures et l'instauration de saisines directes des juridictions devraient figurer dans le projet de loi 31 ( * ) .

En revanche, le Gouvernement a fait savoir qu'il n'avait pas souhaité retenir l'ensemble des propositions formulées par la commission présidée par M. Varinard. En particulier, les propositions tendant à créer un tribunal correctionnel des mineurs ou à fixer à douze ans l'âge de la responsabilité pénale ne devraient pas figurer dans le projet de loi 32 ( * ) .

En revanche, la proposition tendant à créer un mandat de placement au profit des directeurs départementaux de la PJJ afin de garantir l'exécution immédiate et effective d'une décision de placement prise par un juge des enfants statuant en matière pénale fait d'ores et déjà l'objet d'une expérimentation au sein de deux DIR.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « protection judiciaire de la jeunesse » au sein du la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2010.

* 28 A l'heure actuelle, la condition fondamentale de la responsabilité pénale des mineurs est le discernement, que l'on situe généralement aux environs de l'âge de sept ans. A partir de dix ans, ils peuvent encourir des sanctions éducatives. Ils peuvent faire l'objet d'une peine à partir de l'âge de treize ans.

* 29 Voir la réponse du ministère de la justice, publiée au JOAN du 4 août 2009, page 7707, à la question écrite n° 48114 de Mme Danielle Bousquet.

* 30 Voir la réponse du ministère de la justice, publiée au JOAN du 2 juin 2009, à la question écrite n° 42214 de M. Denis Jaquat.

* 31 Voir la réponse du ministère de la justice publiée au JOAN du 5 mai 2009, page 4363, à la question écrite n° 42218 de M. Denis Jacquat.

* 32 Voir la réponse du ministère de la justice, publiée au JOAN du 4 août 2009, page 7710, à la question écrite n° 50305 de M. Pierre Morel-A-L'Huissier.

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