2. Une politique d'investissement en jachère, illustrée par un très faible taux de consommation des crédits

Le rapport d'information de votre commission sur la Polynésie française, paru en décembre 2008, souligne que la forte instabilité institutionnelle nuit à la gestion des différents secteurs de responsabilité par le gouvernement de la Polynésie française. Les dossiers d'investissement ou même les demandes des citoyens, doivent être réitérées à chaque changement de gouvernement. Il en résulte une déperdition d'énergies et une inutilisation des fonds publics, au détriment de l'intérêt général.

Le rapport d'information relevait ainsi que, selon M. Jean-Pierre Meullenet, vice-recteur de Polynésie française, la collectivité n'a utilisé en 2007 qu'un quart des autorisations d'engagement de son budget allouées à l'éducation. Le manque de continuité dans la gestion des dossiers aboutit à la dégradation des établissements scolaires . Votre rapporteur et notre collègue Bernard Frimat ont pu observer les conséquences de cette gestion patrimoniale déficiente lors de leur visite du groupement d'observations dispersé de Manihi, dont l'internat connaît un délabrement avancé.

Les tableaux suivants illustrent le très faible taux de consommation des crédits d'investissement inscrits au budget de la Polynésie française au cours des exercices 2006, 2007 et 2008, notamment dans le domaine crucial de l'équipement scolaire. En effet, en 2006, le taux de consommation des crédits destinés à l'équipement scolaire et culturel a atteint 38,9 %. En 2007, les crédits alloués aux investissements en matière d'enseignement n'ont été utilisés qu'à hauteur de 17 % (21,8 % en 2008).

La sous-consommation des crédits d'investissement touche cependant la quasi-totalité des chapitres budgétaires. Le taux de consommation des crédits n'a dépassé 50 % que pour trois chapitres budgétaires sur treize en 2006 (voirie territoriale, réseaux territoriaux, équipement rural) et pour six chapitres budgétaires sur quinze en 2008 (pouvoirs publics, économie générale, travail et emploi, santé, réseaux et équipements structurants, transport).

Ainsi, en 2006, les crédits d'investissement affectés à l'urbanisme et au logement n'ont été consommés qu'à hauteur de 27,6 %. En 2007, les crédits du chapitre « urbanisme, habitat et foncier » ont atteint un taux de consommation de 61,8 %, avant de retomber à 30,1 % en 2008. Ces taux paraissent très insuffisants au regard des besoins de la population en matière de logement, notamment dans les grandes communes de Tahiti où les personnes venant des archipels viennent s'installer, à la recherche d'un emploi.

Taux de consommation des crédits d'investissement inscrits
au budget de la Polynésie française en 2006 (millions d'euros)

Exercice 2006

Crédits délégués 2006

Réalisations 2006

Taux de consommation des crédits

Chapitre

Libellé du chapitre

(B)

(C)

E = C/ B

900

Bâtiments administratif

86,714

33,419

38,5%

901

Voirie territoriale

54,746

28,148

51,4%

902

Réseaux territoriaux

32,286

22,050

68,3%

903

Équipement scolaire et culturel

17,364

6,748

38,9%

904

Équipement sanitaire et social

86,038

40,554

47,1%

905

Transports et communications

55,236

24,548

44,4%

906

Services économiques autres que transports

23,550

8,824

37,5%

907

Équipement rural

5,760

3,395

58,9%

908

Urbanisme et habitation

1,751

0,483

27,6%

909

Autres équipements

19,882

8,542

43,0%

911

Programmes pour les établissements territoriaux

95,556

31,989

33,5%

912

Programmes communes syndicats communes, EPC

50,632

11,555

22,8%

914

Programmes pour autres tiers

47,292

10,367

21,9%

Total dépenses

832,182

406,730

48,9%

Source : ministère de l'outre-mer

Taux de consommation des crédits d'investissement inscrits
au budget de la Polynésie française en 2007 et 2008 (millions d'euros)

Exercices 2007 et 2008

Crédits délégués 2007

Réalisations 2007

Taux de consommation des crédits

Crédits délégués 2008

Réalisations 2008

Taux de consommation des crédits

Chapitre

Libellé du chapitre

(A)

(B)

C = B/A

(A)

(B)

C = B/A

900

Pouvoirs publics

0,640

0,463

72,3%

2,090

1,594

76,3%

901

Moyens internes

25,846

11,949

46,2%

13,837

6,164

44,6%

903

Partenariat avec les collectivités

91,397

28,972

31,7%

88,228

22,490

25,5%

904

Tourisme

5,720

0,919

16,1%

3,283

0,441

13,4%

905

Développement des ressources propres

16,959

4,144

24,4%

13,289

6,102

45,9%

906

Économie générale

10,658

2,172

20,4%

3,787

2,908

76,8%

907

Travail et emploi

8,468

0,967

11,4%

11,006

6,431

58,4%

908

Culture et patrimoine

1,330

0,636

47,9%

1,102

0,303

27,5%

909

Enseignement

25,541

4,352

17,0%

32,994

7,208

21,8%

910

Santé

25,541

4,352

17,0%

71,617

46,601

65,1%

911

Vie sociale

95,958

72,244

75,3%

5,241

1,418

27,1%

913

Environnement

25,995

5,389

20,7%

15,228

4,005

26,3%

914

Réseaux et équipements structurants

139,660

82,942

59,4%

134,133

78,785

58,7%

915

Transport

34,307

21,186

61,8%

49,588

47,288

95,4%

916

Urbanisme, habitat et foncier

34,307

21,186

61,8%

96,074

28,926

30,1%

Total dépenses

542,324

261,873

48,3%

688,025

355,708

51,7%

Source : ministère de l'outre-mer

Le constat établi par le rapport d'information adopté par votre commission en 2008 demeure valable : la jeunesse de la population - un habitant sur quatre a moins de quinze ans - appelle des programmes de développement et d'investissement pour lesquels la Polynésie française dispose de fonds importants , mis à sa disposition par les conventions signées avec l'Etat après l'arrêt des essais nucléaires en 1996. Or il apparaît, notamment à la lecture des rapports de la Chambre territoriale des comptes, que l'instabilité gouvernementale a empêché, au cours des quatre dernières années, la mise en oeuvre de tels programmes.

Ainsi, la collectivité a procédé à des acquisitions foncières importantes, parfois dans la précipitation et sans étude préalable suffisante, l'instabilité anéantissant ensuite toute perspective d'aménagement ou de valorisation des emprises.

Si la situation économique de la Polynésie française apparaît aujourd'hui très dégradée, en partie en raison d'une baisse sensible de la fréquentation touristique, il apparaît que la collectivité dispose de ressources financières suffisantes pour conduire une politique d'investissement dynamique.

Les rapporteurs de la mission d'information de votre commission ont d'ailleurs identifié, après avoir rencontré de nombreux élus et acteurs économiques polynésiens, les domaines dans lesquels la collectivité devrait investir en priorité. La plupart de ces domaines sont également ceux vers lesquels sont orientés les crédits destinés à la Polynésie française dans le cadre du contrat de développement 2008-2013, signé en mai 2008 :

- le logement, afin de permettre l'accessibilité à un logement décent des populations les plus démunies, en résorbant l'habitat insalubre, en développant l'offre locative sociale et en remettant à niveau le parc locatif ancien ;

- la santé : améliorer la couverture sanitaire territoriale conformément aux recommandations du schéma d'organisation sanitaire, en développant l'offre de soins de proximité et en renforçant les moyens dans les domaines des urgences, de la santé mentale et de la sécurité sanitaire ;

- les équipements structurants, pour renforcer la sécurité des personnes, notamment face au risque cyclonique, par la construction d'abris de survie, en généralisant l'adduction en eau potable, et en améliorant l'assainissement des eaux usées et la gestion des déchets ;

- l'éducation et la recherche : améliorer l'efficacité du système universitaire par la construction d'infrastructures (extension de la cité universitaire) et par le développement de la recherche.

Selon les indications fournies à votre rapporteur par le ministère de l'outre-mer, au 30 juin 2009, 5,1 millions d'euros en autorisations d'engagement, sur 435 millions d'euros pour l'ensemble du contrat de projet, ont été programmés, soit un taux d'exécution de 2,9 %. Ce faible taux tient, d'une part, à l'instabilité politique qui a retardé le choix des opérations et, d'autre part, à la crise économique.

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