B. LES MESURES PROPOSÉES SONT NÉCESSAIRES MAIS NE PERMETTENT PAS D'ENRAYER LA DYNAMIQUE DE LA DETTE

1. Le transfert des déficits à la CADES n'est pas une réponse aux questions posées par la dette

Votre rapporteur pour avis rappelle que le transfert des déficits sociaux à la CADES constitue une mesure de gestion et ne prévient en aucun cas la formation de nouveaux déficits.

Par ailleurs, il convient de souligner que si la reprise des dettes du régime de sécurité sociale par la CADES diminue en apparence la dette du régime général et donc des administrations de sécurité sociale, elle ne réduit pas, l'année du transfert, la dette des administrations publiques.

Enfin, recourir de manière régulière à la CADES accroit sensiblement le risque d'opérer un report de charges sur les générations futures, les tarifs de reprise devenant de plus en plus élevés au fur et à mesure que la date d'extinction se rapproche. Or, eu égard aux difficultés soulevés par l'affectation de recettes nouvelles au financement de la dette sociale, il importe plus que jamais de redéfinir les conditions de financement de la sécurité sociale si l'on ne souhaite pas une nouvelle fois déroger, d'ici quelques années, au principe de non-prorogation de la durée d'amortissement de la CADES.

2. L'enrayement de la dette impose une action décisive sur les dépenses

Compte tenu de la probable stabilisation à des niveaux élevés des déficits du régime général, et notamment de la branche maladie, une action vigoureuse sur les dépenses est aujourd'hui indispensable pour faire face notamment au défi majeur auquel notre système de protection sociale est confronté : le vieillissement de la population .

Si la réforme des retraites devrait apporter une solution partielle aux besoins de financement de nos systèmes de pensions, force est de constater qu' aucun programme de redressement de la branche maladie n'est à ce jour prévu. Or des marges de manoeuvre importantes existent encore aujourd'hui. Ces leviers de réforme doivent être activés le plus rapidement possible : plus ces réformes seront différées, plus elles seront difficiles à mettre en place.

a) Les dépenses de retraite : la réforme proposée cet automne sera-t-elle suffisante ?
(1) La réforme présentée par le Gouvernement

Adopté par le Conseil des ministres le 13 juillet dernier, le projet de loi portant réforme des retraites 30 ( * ) est en cours d'examen par l'Assemblée nationale.

Dans le scenario retenu par le Gouvernement, le besoin annuel de financement du système de retraite serait de 32,3 milliards d'euros en 2010, de 35,1 milliards en 2011, de 39,4 milliards en 2015 et de 42,3 milliards en 2018.

Aux termes des annonces gouvernementales, le retour à l'équilibre des régimes de retraites devrait être opéré d'ici 2018 grâce à quatre types de mesures :

- une action sur les paramètres démographiques des régimes de retraite ;

- des mesures de convergence entre le secteur public et le secteur privé ;

- le gel de l'effort financier de l'Etat au financement du régime de retraite des fonctionnaires ;

- l'apport de ressources nouvelles aux régimes de retraite.

Le besoin annuel de financement des régimes de retraite en 2018 serait ainsi couvert à hauteur de :

- 40,9 % par l'impact annuel des mesures d'âge, minoré de l'impact des mesures relatives à la prise en compte de la pénibilité et des dispositifs de solidarité ;

- 36,9 % par le gel de l'effort de l'Etat au financement du régime de retraite des fonctionnaires ;

- 12,7 % par l'affectation de nouvelles recettes ;

- 9,5 % par l'impact des mesures de convergence public-privé.

Les nouvelles recettes affectées aux régimes de retraite

Selon les informations disponibles, sur les 3,7 milliards d'euros de recettes supplémentaires devant être affectées aux régimes de retraite en 2011 :


1,32 milliard d'euros résulteraient de la modification de dispositifs fiscaux :

- augmentation du prélèvement forfaitaire libératoire (130 millions d'euros en 2011) ;

- augmentation du taux d'imposition des plus-values mobilières et disparition du seuil fiscal de cession (270 millions d'euros en 2011) ;

- hausse du prélèvement forfaitaire sur les plus-values de cessions immobilières (45 millions d'euros en 2011) ;

- hausse du taux marginal d'imposition (230 millions d'euros en 2011) ;

- suppression du crédit d'impôt sur les dividendes (645 millions d'euros en 2011).


2,38 milliards d'euros proviendraient notamment :

- de l'annualisation du calcul des allègements généraux (2 milliards d'euros) ;

- de l'augmentation des prélèvements sur les stock-options ;

- de l'augmentation des prélèvements sur les retraites chapeaux.

(2) Les interrogations de votre rapporteur pour avis

Votre rapporteur, également rapporteur pour avis du projet de loi portant réforme des retraites, tient à formuler, à ce stade, deux principales observations quant au « bouclage financier » de la réforme proposé :

- d'une part, les hypothèses macro-économiques retenues n'échappent pas au « biais optimiste » qui caractérise souvent cet exercice : le schéma de financement proposé repose en effet sur les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) qui se fondent elles-mêmes sur trois scénarios macroéconomiques très optimistes prévoyant un taux de chômage structurel variant entre 4,5 % et 7 % et une productivité apparente du travail variant entre 1,8 % et 1,5 % ;

- d'autre part, « le bouclage financier » proposé fait toujours mention du schéma de financement imaginé lors de la réforme des retraites de 2003, à savoir une hausse des cotisations vieillesse gagée par une baisse des cotisations chômage dans l'hypothèse d'une nette amélioration de l'emploi. Or ce schéma n'a jamais pu être mis en oeuvre. Compte tenu de la situation économique actuelle et de son impact durable sur l'économie, ce mécanisme paraît difficile à appliquer.

Ces deux éléments sont pourtant essentiels, la confiance et la transparence étant des conditions de la réussite du « rendez-vous 2010 ».

b) Les futurs besoins en matière de santé et de dépendance : une priorité encore plus importante ?
(1) Les dépenses de santé liées au vieillissement de la population constituent un des défis majeurs à venir pour notre système de protection sociale

Selon les projections de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) 31 ( * ) , un français sur trois aura plus de soixante ans en 2050 contre un sur cinq en 2005 .

Si les administrations de sécurité sociale devraient être les plus affectées par le vieillissement de la population, l'Etat - en raison du versement des retraites des fonctionnaires - et les collectivités territoriales - qui financent près de 20 % des dépenses liées à la prise en charge de la dépendance - seront également durablement touchés .

Comme le montre le graphique suivant - issue des derniers travaux de juin 2009 de la Commission européenne sur ce sujet - les conséquences budgétaires du vieillissement de la population représenteront un coût supplémentaire d'environ 2,7 points de PIB entre 2007 et 2060.

Coût supplémentaire lié au vieillissement de la population entre 2007 et 2060

Source : Commission européenne juin 2009 - transmis à votre commission des finances par la direction générale du Trésor

Cette hausse des dépenses liées au vieillissement sera certes moins forte en France que dans le reste de l'Union européenne, mais ce point doit être pondéré par deux éléments :

- d'une part, ces travaux ne tiennent pas compte de l'impact de la crise sur les comptes sociaux ;

- d'autre part, le poids des dépenses liées au vieillissement est actuellement plus important en France que dans le reste de l'Union européenne : comme le montre le graphique suivant, la France consacrait déjà, en 2007, environ 28 % de son PIB aux dépenses liées au vieillissement, plaçant ainsi notre pays largement au dessus de la moyenne de l'Union européenne.

Dépenses liées au vieillissement en 2007

( en point de PIB )

Source : commission européenne juin 2009 - transmis à votre commission des finances par la direction générale du Trésor

Les « pressions » à la hausse de ce type de dépenses viendront à la fois des besoins de financement des régimes de retraites et des dépenses de santé et de prise en charge de la dépendance, sans que des gains importants puissent être attendus de la réduction du chômage.

Ventilation des dépenses liées au vieillissement entre 2007 et 2060

(en points de PIB)

Retraites

Santé

Dépendance

Chômage

Education

Total*

Grèce

12,4

1,4

2,2

-0,1

0,0

(9,1) 15,9

Pays-Bas

4,0

1,0

4,7

-0,1

-0,2

(6,9) 9,4

Espagne

6,7

1,6

0,9

-0,4

0,1

(4,3) 9,0

Irlande

6,1

1,8

1,3

0,1

-0,3

(3,7) 8,9

Belgique

4,8

1,2

1,4

-0,4

0,0

(5,6) 6,9

Royaume-Uni

2,7

1,9

0,5

0,0

-0,1

(2,7) 5,1

Allemagne

2,3

1,8

1,4

-0,3

-0,4

(2,6) 4,8

UE 27

2,4

1,5

1,1

-0,2

-0,2

(2,7) 4,7

France

1,0

1,2

0,8

-0,3

0,0

(2,7) 2,7

Danemark

0,1

1,0

1,5

-0,2

0,2

(3,6) 2,6

Suède

-0,1

0,8

2,3

-0,1

-0,3

(1,5) 2,6

Italie

-0,4

1,1

1,3

0,0

-0,3

(2,0) 1,6

* Entre parenthèses, variation entre 2007 et 2035

Source : commission européenne juin 2009 - transmis à votre commission des finances par la direction générale du Trésor

(2) Des marges d'efficience importantes demeurent

Compte tenu à la fois de la situation actuelle des comptes de la sécurité sociale et des défis auxquels notre système de protection sociale est confronté, une action vigoureuse sur les dépenses est nécessaire.

Or des marges de manoeuvre importantes subsistent en la matière, qu'il s'agisse des modes de recours aux soins, de l'organisation du système de soins, de la productivité des offreurs, de la fixation de certains tarifs ou de l'évolution des comportements.

Les seuls écarts de productivité entre établissements de santé , mis en évidence dans un récent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale de l'Assemblée nationale 32 ( * ) , ainsi que les importantes disparités observées notamment par la caisse nationale d'assurance maladie ( cf . encadré suivant) tant dans les pratiques médicales que dans les recours aux soins , laissent entrevoir des pistes de diminution de dépenses importantes.

Votre rapporteur pour avis développera ce point lors de l'examen prochain du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Quatre exemples de disparités dans les pratiques médicales et le recours aux soins

- Les prescriptions de médicaments , avec l'exemple des prescriptions d'inhibiteurs de la pompe à protons IPP (970 millions d'euros en 2009) : les prescriptions d'IPP varient, selon certaines régions, entre 300 et 725 boîtes en moyenne par médecin et par an ; 15 % des prescriptions d'IPP ne seraient pas justifiées, soit 150 millions d'euros ( chiffrage octobre 2009 - Commission des comptes de la sécurité sociale ) ;

- Les dépenses de transport (2,6 milliards d'euros en 2009 ; une contribution à la croissance des dépenses de soins de ville de 9,3 %) : les dépenses de remboursement de transports sanitaires varient de 320 à 852 euros par an sur le territoire ( chiffrage juillet 2009 - CNAMTS ) ;

- Les arrêts maladie (8,3 milliards d'euros en 2009 ; une contribution à la croissance des dépenses de soins de ville de 21,4 %) : les taux d'arrêts de travail longs (plus de 180 jours) pour troubles psychologiques varient de 1 à 4 en excluant les départements les plus extrêmes ( chiffrage juillet 2010 - CNAMTS ) ;

- Les actes de biologie médicale : leur volume a crû de 5,3 % en 2009 ; les mesures prises dans le cadre de la procédure d'alerte de mai 2007 ne modèrent plus leur croissance ( chiffrage juin 2010 - Commission des comptes de la sécurité sociale ).

Cependant une action vigoureuse sur les dépenses serait incomplète sans une amélioration du pilotage des comptes sociaux . De ce point de vue, les propositions des groupes de travail animés respectivement par Raoul Briet, sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie et, Michel Camdessus, sur l'élaboration d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques, devraient apporter des éléments de réponse.


* 30 Texte n° 2760 (2009-2010).

* 31 INSEE première n° 1092 - juillet 2006.

* 32 Assemblée nationale - Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale - Rapport n° 2556 - XIII e législature , « Le fonctionnement de l'hôpital ».

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