B. LA DETTE SOCIALE, UNE COMPOSANTE SPÉCIFIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE

La gestion de la dette sociale résultant des déficits du régime général et du FSV est scindée en deux compartiments :

- un compartiment à court terme géré par l'ACOSS ;

- un compartiment à long terme qui correspond au cantonnement d'une partie de la dette sociale dans la CADES.

Chaque compartiment a ses avantages et ses limites.

1. Le recours aux avances de trésorerie de l'ACOSS : un système qui atteint ses limites en 2010
a) Le principe

Aux termes de l'article L. 200-2 du code de la sécurité sociale, « l'équilibre financier de chaque branche est assuré par la caisse chargée de le gérer ». Cette règle détaille les contraintes pesant sur le recours à l'emprunt par les régimes obligatoires de base ou les organismes concourant à leur financement pour couvrir leurs besoins de trésorerie.

La loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui reprend les dispositions de la loi organique du 22 juillet 1963, précise ainsi que la loi de financement arrête la liste des entités habilitées à recourir à des ressources non permanentes ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.

La référence aux besoins de trésorerie montre qu'en principe, ce dispositif doit servir à couvrir les décalages temporaires entre dépenses et encaissements.

Or le dispositif est régulièrement détourné de ses objectifs initiaux. Ainsi, loin de combler un déséquilibre passager des finances sociales, les plafonds d'avances de l'ACOSS sont utilisés pour refinancer à court terme une dette qui fait ensuite l'objet d'un refinancement à long terme opéré par la CADES. Contrairement à cette dernière, l'ACOSS n'amortit pas les déficits mais elle a l'avantage, pour les Gouvernements successifs de permettre de différer les reprises de dette, qui depuis 2005 doivent être financés par de nouvelles ressources.

b) La gestion exceptionnelle de 2010

Les déficits nés de la crise en 2009 et 2010 ont été financés en 2010 par des avances de trésorerie de l'ACOSS et donc par l'emprunt à court terme. La loi de financement pour 2010 a ainsi fixé le plafond d'avances de l'ACOSS pour l'année 2010 à 65 milliards d'euros.

Ce niveau d'avances est historique et correspond au double du plafond 2009 revalorisé de 10 milliards d'euros en cours d'année. Cette situation est d'autant plus exceptionnelle que les plafonds record des années précédentes (notamment en 2004 et 2008) avaient été atteints avant une reprise de déficits par la CADES. Or la fixation du plafond 2009 de l'ACOSS est intervenue juste après une reprise de déficits par la CADES à hauteur de 26,9 milliards d'euros en 2009.

Le plafond des avances de trésorerie au régime général
depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale - rapport d'octobre 2009

La solution choisie par le Gouvernement en 2010 ne pourra toutefois pas être rééditée en 2011. En effet, que ce soit pour des raisons pratiques ou de principe, le financement par l'ACOSS de tels montants de déficits ne peut être qu'exceptionnel :

- plus aucun bénéfice ne peut être espéré d'une baisse des taux d'intérêt à court terme , ceux-ci ayant atteint un plancher. Au contraire, on pourrait craindre leur remontée, qui se traduirait par un accroissement des frais financiers ;

- le niveau particulièrement élevé du plafond d'avances conduit l'ACOSS à diversifier son financement ou à renégocier des dispositifs existants, ce qui se révèle délicat ;

- la multiplication de sources de financement ne signifie pas pour autant la possibilité de couvrir n'importe quel niveau de besoin de trésorerie . Selon les informations communiquées par l'ACOSS, le niveau maximal d'avances pouvant être consenties par l'agence dans des conditions sécurisées est de 70 milliards d'euros . Or le plafond 2010 a été fixé à hauteur de 65 milliards d'euros : l'ACOSS ne pourra pas assumer une fois de plus en 2011 la couverture les nouveaux déficits de l'année écoulée en sus des déficits cumulés des années 2009 et 2010 ;

- cette augmentation d'activité nécessite au sein de l'agence un investissement humain important qui a posé la question de l'accroissement du risque opérationnel ;

- le portage de la dette par l'ACOSS constitue une dérogation au partage implicite des responsabilités entre la CADES et l'ACOSS . Comme le souligne, à juste titre, la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2010 7 ( * ) : « un traitement de cette dette plus adapté à sa nature structurelle et à son montant doit être rapidement mis en place pour permettre de décharger le régime général de frais financiers croissants. »


* 7 Cour des comptes, rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques - juin 2010.

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