C. LE PROJET DE LOI ORGANIQUE OUVRE DES POSSIBILITÉS QUE LE LÉGISLATEUR NE PEUT PAS À CE JOUR PLEINEMENT APPRÉCIER

Le présent projet de loi organique ouvre des possibilités dont la pertinence ne pourra être pleinement appréciée qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement pour 2011. En particulier, l'allongement limité à quatre années de la durée d'amortissement de la dette de la CADES, qui permet concrètement de percevoir quatre années de plus la CRDS, n'est acceptable et crédible que si les autres recettes affectées à cette dernière permettent de garantir la nouvelle trajectoire financière de la Caisse. Or, plusieurs interrogations se posent à ce jour.

1. La création d'un « panier de recettes » en faveur de la CADES

L'augmentation de la CRDS étant exclue à court terme, le Gouvernement propose trois mesures de recettes alternatives permettant d'attribuer à la Caisse une somme annuelle de 3,2 milliards d'euros en 2011 et 2012 :

- l'assujettissement des contrats santé « solidaires » et « responsables », aujourd'hui exonérés, à la taxe spécifique sur les conventions d'assurance (TSCA) ;

- l'application des prélèvements sociaux au compartiment euros des contrats d'assurance vie multisupports 9 ( * ) ;

- la taxe de sortie sur les sommes de la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance.

Si votre rapporteur pour avis comprend les raisons qui ont conduit le Gouvernement à choisir cette solution, il regrette aussi bien la complexification du financement de la CADES que celle du message adressé à nos concitoyens. La CRDS a le mérite de la simplicité et permet à chacun de matérialiser le remboursement de ses dépenses passées.

a) Le panier de recettes est-il pertinent ?

Votre rapporteur pour avis a souhaité procéder à une première analyse sur le fond des mesures proposées au titre du panier. Il souligne toutefois que ces mesures ne seront débattues que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2011 et du projet de loi de financement pour 2011. A ce jour, un certain nombre d'éléments sont encore incertains.

(1) L'assujettissement des contrats santé « solidaires » et « responsables », aujourd'hui exonérés, à la taxe spécifique sur les conventions d'assurance (TSCA)
(a) Une exonération qui représente un coût élevé, mais qui a atteint son objectif

L'article 991 du code général des impôts (CGI) prévoit l'assujettissement de toute convention d'assurance à une taxe annuelle, la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), perçue sur le montant des sommes stipulées au profit de l'assureur et dont le taux est fixé à 7 %.

Plusieurs exonérations de TSCA sont néanmoins prévues par les articles 995 et suivants du CGI, notamment s'agissant des complémentaires santé. Sont ainsi exonérés les contrats dits « solidaires » et « responsables » , c'est-à-dire les contrats qui :

- d'une part, ne reposent pas sur le recueil préalable d'informations médicales sur le futur adhérent et dont les cotisations ou les primes ne sont pas fixées en fonction de l'état de santé de l'assuré ;

- d'autre part, ne prévoient pas la prise en charge de certaines participations forfaitaires destinées à responsabiliser les assurés (les franchises médicales, par exemple) ou, au contraire, sont tenus de prendre en charge certaines prestations de prévention.

L'objectif de cette exonération est de favoriser le développement de la couverture complémentaire santé de la population tout en incitant les assurés à respecter un parcours de soins vertueux et à optimiser les dépenses de santé.

Aujourd'hui, 93 % 10 ( * ) de la population française déclarent disposer d'une complémentaire santé et 99 % 11 ( * ) des bénéficiaires d'une couverture complémentaire sont couverts par de tels contrats .

Le coût total de cette dépense fiscale est élevé ; il devrait atteindre 2,2 milliards d'euros en 2010 12 ( * ) . A titre de comparaison, ce montant représente près du double des crédits inscrits en 2010 sur la mission « Santé » à laquelle cette dépense fiscale est rattachée.

(b) Le remplacement de l'exonération actuelle par un taux intermédiaire d'imposition de 3,5 %

Dans le cadre de la reprise de la dette sociale par la CADES, le Gouvernement propose de supprimer l'exonération de TSCA dont bénéficient les contrats d'assurance maladie complémentaires « solidaires » et « responsables » et de la remplacer par un taux d'imposition intermédiaire de 3,5 % . Le produit de cette nouvelle recette, évalué à 1,1 milliard d'euros , serait directement affecté à la CADES.

Il est à noter que cette mesure avait été proposée, comme piste de réflexion, par la commission des finances lors de l'examen du projet de loi de règlement et rapport de gestion pour 2009 13 ( * ) .

(c) Un impact de la mesure qui devra être analysé avec attention
(i) Un dispositif qui devrait rester incitatif

Deux principaux éléments permettent de penser que ce dispositif demeurera attractif et que le nombre de contrats « solidaires » et « responsables » continuera à être élevé :

- d'une part, la dépense fiscale dont bénéficient ces contrats n'est pas entièrement supprimée : un taux intermédiaire fixé à 3,5 % demeure incitatif et représentera encore une exonération de près de 1,1 milliard d'euros au profit de ce type de contrats ;

- d'autre part, créée en 2004 14 ( * ) pour amorcer le développement des contrats « solidaires » et « responsables », cette exonération a aujourd'hui atteint son but puisque plus de 99 % des contrats complémentaires santé sont aujourd'hui « solidaires » et « responsables ». Il paraît peu probable que l'ensemble de ces contrats complémentaires santé soient remis en cause immédiatement.

(ii) Mais un risque de répercussion sur les assurés et sur les dispositifs connexes destinés à favoriser l'accès à une complémentaire santé

Plusieurs arguments sont avancés par le Gouvernement pour justifier cette mesure nouvelle et la capacité d'absorption de celle-ci par les mutuelles, les institutions de prévoyance et les compagnies d'assurance - arguments déjà avancés à l'automne 2008 pour expliquer le doublement de la contribution des complémentaires santé au fonds « CMU-c » (cf. infra ) :

- le déport mécanique chaque année, de l'ordre de 600 millions d'euros, des dépenses prises en charge par les assurances complémentaires vers l'assurance maladie , qui s'expliquerait par l'effet combiné du vieillissement de la population et du régime de prise en charge intégrale des patients en affection de longue durée (ALD). Cette analyse est cependant contestée par les organismes complémentaires, qui observent qu'ils doivent également faire face, de leur côté, à certains transferts de charges ;

- la « bonne santé » financière des organismes complémentaires ; votre rapporteur pour avis n'a cependant pas, à ce stade, obtenu de chiffrages fiables pour corroborer cette affirmation ;

- les autres aides fiscales dont bénéficient les organismes complémentaires au titre des contrats collectifs , notamment l'exclusion de l'assiette des cotisations employeurs des contributions versées pour les contrats collectifs et obligatoires, soit une perte de 2 milliards d'euros de cotisations sociales 15 ( * ) .

Si le bilan global du régime fiscal des organismes de complémentaires santé ainsi que leur profitabilité devront être analysés avec précision pour apprécier la légitimité de la mesure, il n'en demeure pas moins qu'un risque de répercussion de cette charge nouvelle sur les adhérents existe , même si la concurrence entre les acteurs du secteur de l'assurance jouera probablement un rôle de frein.

Outre que celle-ci a déjà été annoncée, il convient de rappeler que ce secteur a en effet vu son régime fiscal s'alourdir ces dernières années :

- en 2009, la contribution des complémentaires santé au fond « CMU-c » a ainsi doublé, passant de 2,5 % à 5,9 %, pour un rendement de 1,7 milliard d'euros la première année 16 ( * ) ;

- en 2010, a été créée une contribution exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées aux achats de vaccins contre le virus A(H1N1)v, pour un rendement initialement prévu de 300 millions d'euros 17 ( * ) .

Par ailleurs, contrairement au doublement de la contribution des complémentaires au fond « CMU-c » qui avait donné lieu à la co-signature d'une lettre en date du 28 juillet 2008 par Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, Eric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité française, semblant garantir une stabilité des cotisations demandées par les mutuelles au titre de l'année 2009 18 ( * ) , aucun engagement de la sorte - dont il conviendra de vérifier qu'il a été respecté en 2009 - n'a été signé s'agissant de l'assujettissement des contrats santé « solidaires » et « responsables » à la TSCA.

Aucune estimation de la répercussion possible sur le tarif des contrats santé n'a pu, à ce stade, être transmise à votre commission des finances. Il est en effet difficile de distinguer précisément dans la hausse des tarifs pratiqués ce qui relève de l'augmentation d'une taxe de ce qui relève de l'augmentation naturelle des dépenses de santé financées par les complémentaires santé. Néanmoins, il est à rappeler que le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie indiquait, dans son rapport de juillet 2008, qu' un basculement de 3 à 4 milliards d'euros de dépenses sur les organismes complémentaires pourrait conduire à une augmentation des cotisations versées à ces organismes comprise entre 130 et 185 euros par an et par ménage , soit l'équivalent de 0,45 % à 0,6 % du revenu disponible.

Si une telle répercussion avait effectivement lieu, elle serait directement supportée par les adhérents de complémentaires santé qui pourraient choisir soit de conserver leur contrat moyennant une augmentation de son prix, soit de souscrire un contrat garantissant un moindre degré de protection, soit de renoncer à une complémentaire santé. Ces effets sont difficiles à évaluer et dépendront de l'ampleur de la répercussion.

Par ailleurs, l' impact de cette mesure sur des dispositifs connexes destinés à favoriser l'accès à la couverture maladie complémentaire - CMU-complémentaire (CMU-c) et aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) - devra également être analysé avec précision :

- le dispositif de CMU-c est aujourd'hui financé par les organismes de base de sécurité sociale et les organismes complémentaires qui sont remboursés forfaitairement par le fonds « CMU-c ». Il y a donc un risque pour la caisse nationale d'assurance maladie et les organismes complémentaires de voir leur « manque à gagner » 19 ( * ) augmenter ;

- quant à l'ACS, financée également par le fonds « CMU-c », elle pourrait devoir être revalorisée. Le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat a d'ailleurs annoncé cette revalorisation devant la commission des affaires sociales le 1 er septembre dernier 20 ( * ) . Si la contribution des complémentaires santé au fonds « CMU-c » est aujourd'hui plus que suffisante pour financer le fonds 21 ( * ) , il conviendra de vérifier que la revalorisation de l'ACS - ainsi que sa montée en charge compte tenu notamment de la crise économique - ne nécessitera pas à terme le versement par l'Etat d'une subvention d'équilibre, comme l'y oblige la loi 22 ( * ) . Les dépenses d'ACS se sont élevées à 110 millions d'euros en 2009 23 ( * ) .

Autrement dit, la réduction d'une « niche fiscale » (l'exonération de TSCA) dans le but de financer le remboursement de la dette sociale pourrait conduire indirectement, en fonction de l'ampleur de la répercussion de cette charge nouvelle, d'une part, à accroître les dépenses du régime général ; d'autre part, à accroître une autre « niche fiscale » , l'ASC, qui prend la forme d'un crédit d'impôt.

De façon plus générale, cette mesure conduit à s'interroger de nouveau sur l'architecture de notre système de protection sociale, et notamment sur la répartition des rôles entre l'assurance maladie de base et l'assurance maladie complémentaire .

(2) L'application des prélèvements sociaux au compartiment euros des contrats d'assurance-vie multisupports24 ( * ).

Les contrats d'assurance-vie peuvent prendre soit la forme d'un fonds en euros (majoritairement investi en obligations d'Etat), d'un fonds en unités de compte (UC) plus risquées (fonds d'actions, par exemple) ou enfin d'un panachage des deux, ce qui est le cas des contrats multisupports.

Les produits de ces contrats sont soumis aux prélèvements sociaux d'un montant global de 12,1 %. Cependant, les modalités de prélèvement diffèrent , selon qu'il s'agit d'un contrat monosupport ou multisupports. En effet, la nature différente des deux contrats a conduit techniquement à deux solutions différentes. Dans le cadre du contrat d'assurance-vie monosupport ou « assurance-vie en euros », les prélèvements sociaux s'effectuent sur une base annuelle . Le montant des intérêts est calculé annuellement, puis il est crédité au compte de l'assuré.

En revanche, dans le cadre d'un contrat multisupports (fonds en euros et unités de compte), le prélèvement ne peut être effectué qu'au dénouement du contrat, en cas de rachat partiel ou total, ou, depuis le 1 er janvier 2010, en cas de décès du souscripteur.

Deux raisons techniques s'opposent , en effet, au prélèvement au fil de l'eau, s'agissant des contrats multisupports :

- d'une part, la provision mathématique avant le dénouement du contrat n'appartient pas au souscripteur mais à l'assureur. Il convient, cependant de souligner, que cet argument ne constitue pas un obstacle dirimant puisque les fonds en euros donnent lieu aujourd'hui au prélèvement des cotisations sociales ;

- d'autre part, la provision est constituée du nombre de parts d'unités de comptes et non de la valeur de l'unité de comptes. La valorisation finale suivra à la hausse, mais aussi à la baisse, celle des marchés où les unités de compte sont investies.

La plus-value qui pourrait servir de base aux prélèvements sociaux annuels n'est donc que latente . Prélever les cotisations sociales annuellement conduirait, d'une part, à les imputer sur une plus-value fictive et, d'autre part, à les rembourser l'année suivante, en cas de moins-value fictive, si la valeur de l'unité de compte a diminué. C'est pourquoi, les prélèvements sociaux sont appliqués lors de chaque sortie (rachat partiel ou total) sur le montant total des produits.

Quant à la proposition de ne prélever la CSG et la CRDS que sur le compartiment « euros » du contrat multisupports, elle tend à nier le caractère global du contrat et la nature incertaine des plus-values. Elle pourrait alors conduire au prélèvement des cotisations sur le rendement « euros » du contrat, y compris en l'absence de produits in fine , si la performance des unités de compte est mauvaise.

En conséquence, si une telle mesure devait être adoptée, son dispositif devrait prévoir le remboursement à l'assuré des sommes éventuellement acquittées au titre des cotisations sociales si celui-ci enregistre, au dénouement du contrat, une moins-value globale.

Enfin, afin de ne pas déstabiliser le secteur assurantiel, il serait souhaitable que le mécanisme de prélèvement n'entraîne aucune avance de la part des assureurs.

(3) La taxe de sortie sur les sommes de la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance

La réserve de capitalisation constitue un élément majeur de la solvabilité des assureurs (vie et non vie) et donc de la sécurité financière des assurés . Elle a, en effet, vocation à lisser les évolutions des taux des obligations à taux fixe. En cas de plus-value sur la vente de telles obligations, celle-ci est obligatoirement affectée à la réserve de capitalisation. En cas de moins-value, il y a reprise sur la réserve de capitalisation.

Ainsi, la réserve permet d'absorber, d'une part, les moins-values en cas de hausse des taux puisque la valeur des obligations détenues diminue.

D'autre part, en cas de baisse des taux, elle vise à préserver les intérêts des assurés contre tout comportement « opportuniste » de la part des assureurs. Ces derniers ne peuvent distribuer la plus-value aux actionnaires et racheter des obligations à un taux inférieur.

Les plus values affectées à la réserve de capitalisation, par le biais de dotations, sont déductibles du résultat . En tant que provision technique, ces dernières ne sont donc pas imposées 25 ( * ) (alors que la création de fonds propres l'est).

Les reprises des sommes versées sur la réserve, soumises à l'impôt sur les sociétés (IS), sont également imputées au résultat . Elles viennent compenser les moins-values obligataires.

La piste de réflexion explorée par le Gouvernement consiste à imposer au taux de 10 % les sommes en réserve des sociétés d'assurance et des mutuelles. La taxation serait étalée sur deux années . Un plafonnement serait également envisagé, s'agissant des petites entreprises d'assurances ayant constitué de très importantes réserves. Les reprises ne seraient pas, en revanche, imposées.

La réserve de capitalisation est estimée globalement à 13 milliards d'euros pour les « assureurs-vie » et à 3 milliards d'euros pour ceux « non vie ». Le gain fiscal potentiel serait donc de 1,6 milliard d'euros.

Cette mesure appelle deux commentaires:

(a) Un système en vigueur avantageux pour les assureurs

Le mécanisme en vigueur tend à neutraliser l'impact fiscal de la réalisation de plus ou moins values de cession d'obligations grâce à la constitution de dotations et de reprises.

En réalité, cette neutralité dépend de l'évolution des taux d'intérêt et du comportement des assureurs .

D'une part, force est de constater que grâce à la baisse des taux d'intérêt ces dernières années , les compagnies d'assurance ont certes pu jusqu'à présent se procurer des fonds propres en « franchise d'impôt » 26 ( * ) . Les dotations de la réserve ont été globalement supérieures aux reprises. La réserve n'a cessé d'augmenter.

D'autre part, il n'existe aucune obligation de céder les obligations dépréciées. L'assureur peut décider de ne pas réaliser de moins-values et conserver le titre obligataire jusqu'à son terme. La reprise des sommes en réserve n'est pas automatique. Leur imposition n'est donc pas acquise.

C'est pourquoi, le Gouvernement propose de taxer immédiatement les sommes de la réserve plutôt que d'attendre une éventuelle reprise des sommes, qui peut ne pas intervenir, si les taux devaient demeurer bas ou si les assureurs préféraient conserver leurs titres dépréciés.

En outre, les réponses au questionnaire adressé par votre rapporteur pour avis au ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat font valoir que : « les entreprises d'assurances ont échappé aux taxes imposées aux banques : taxe sur les bonus (350 millions d'euros), nouvelle taxe de financement de leur supervision (150 millions d'euros, pérenne), taxe à venir sur les actifs bancaires à risques (pérenne également pour plus de 500 millions d'euros). Au regard de cela, cette taxation en une seule fois n'est pas disproportionnée ». Enfin , « l'assurance-vie est le grand gagnant des mesures retraites : c'est le seul produit d'épargne dont la taxation n'est pas majorée de 1 point (à la différence des autres placements immobiliers et financiers) . »

De surcroît, le secteur de l'assurance a résisté à la crise . Son chiffre d'affaires a connu une croissance globale de 9 % en 2009, après une baisse des cotisations de 6,4 % en 2008. L'encours des contrats d'assurance vie devrait atteindre 1 308 milliards d'euros, soit un taux de progression de 8 % sur un an.

L'année 2009 se caractérise par une amélioration globale de la solvabilité du marché , compte tenu du redressement des plus-values latentes (72,7 milliards contre 8,3 milliards d'euros en 2008).

Cependant , dans un contexte économique difficile qui a affecté principalement les sociétés « dommages », les résultats nets comptables des entreprises sont en recul de 34 % . La rentabilité des fonds propres s'établit à 6,8 % (contre 11,3 % en 2008).

(b) Une proposition qui ne doit pas remettre en cause l'engagement prudentiel de solvabilité envers les assurés

Il conviendrait de s'assurer que cette mesure ne remette pas en cause l'engagement prudentiel de solvabilité envers les assurés.

D'un point de vue macroéconomique , selon le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, cette taxe représenterait 2,4 % des fonds propres « en vie » et 0,7 % des autres produits d'assurance.

Cependant, d'un point de vue microéconomique , l'imposition prévue tend à diminuer le résultat de l'entreprise et ses fonds propres. La solvabilité de l'assureur constitue un élément essentiel du bon fonctionnement du système. Le système fiscal ne doit pas peser sur la solvabilité de l'assureur .

Il conviendra également de demeurer vigilant sur les modalités de mise en oeuvre de cette taxe de sortie afin qu'elle n'impacte pas la réserve de capitalisation qui constitue un engagement envers l'assuré et dont l'assureur n'a pas la libre disposition.

Enfin, si une telle taxe devait être instituée, les assureurs font valoir que certaines conséquences devraient être tirées, en contrepartie , dans le cadre de la mise en oeuvre des nouvelles règles issues de la transposition de la directive Solvabilité II .

En effet, la réserve de capitalisation est comptabilisée dans la catégorie des quasi-fonds propres en l'état actuel des règles prudentielles (Solvabilité I).

En revanche, il est possible qu'elle ne soit pas entièrement intégrée dans la marge de solvabilité, dans le cadre de Solvabilité II. Il appartiendra à la France de définir le rôle de cette réserve et donc sa qualification ou non de quasi fonds propres.

b) Les mesures proposées ont-elles les qualités nécessaires pour financer le remboursement de la dette sociale ?
(a) Le « panier de recettes » proposé, un « panier percé » ?

Afin de prévenir tout report de charges sur les générations futures, le législateur a décidé en 2005 de renforcer les contraintes de financement de la CADES en précisant, par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, que « tout nouveau transfert de dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale est accompagné d'une augmentation des recettes de la caisse permettant de ne pas accroître la durée d'amortissement de la dette sociale ».

Le respect de cette contrainte implique une vigilance particulière sur la nature des ressources affectées à la Caisse. En effet, pour remplir de manière satisfaisante sa mission, la CADES doit pouvoir bénéficier de recettes pérennes et dynamiques, à l'image de la CRDS et de la CSG dont une fraction est depuis 2009 affectée à la Caisse.

Lors de chaque transfert de déficits, la CADES calcule un « tarif » exprimé en points de CRDS. Ainsi, pour reprendre en 2011 les déficits structurels du régime général et du FSV de 2009 et de 2010, soit 34 milliards d'euros, il conviendrait d'affecter, à partir de 2011, à la CADES 0,26 point de CRDS ou son équivalent, soit, par rapport au produit 2011 estimé de la CRDS, une somme de 3,2 milliards d'euros. Il est important de souligner que 0,26 point de CRDS 2011 n'équivaut pas à 0,26 point de CRDS 2015 ou 2020 compte tenu du dynamisme naturel de la contribution . Par exemple, en 2002, 0,26 point de CRDS représentait 2,4 milliards d'euros soit 800 millions de moins qu'en 2010. En moyenne, le produit de la CRDS a augmenté de 3,7 % par an entre 2002 et 2010.

L'augmentation de la CRDS étant exclue à court terme, le Gouvernement propose trois mesures de recettes alternatives permettant d'attribuer à la Caisse une somme annuelle de 3,2 milliards d'euros en 2011 et 2012 (cf. supra ). Aucune des mesures présentées ne possédant les mêmes caractéristiques que la CRDS en termes de pérennité et de dynamisme, le Gouvernement admet qu'il sera nécessaire de revoir le schéma financier dès 2013 . En effet :

- « l'exit taxe » proposée sur la réserve de capitalisation n'aura pas d'impact au delà de 2012 ;

- l'assujettissement annuel aux prélèvements sociaux des compartiments euros des contrats d'assurance vie multisupports devrait connaître un rendement décroissant à partir de 2012 ;

- quant à la TSCA à taux réduit sur les contrats complémentaires santé, si cette recette est effectivement pérenne, son rendement sera au mieux constant (les contrats « solidaires » et « responsables » sont déjà largement répandus et ne peuvent se développer davantage), au pire décroissant, si la mesure entraîne une perte d'assiette, consécutive à un renoncement à une couverture complémentaire.

(b) Cette « fragilité » des recettes proposées est-elle acceptable ?

Si, selon toute évidence, les mesures proposées ne répondent aux exigences de pérennité et de dynamisme souhaitées, notamment par les parlementaires membres de la commission sur la dette sociale, il convient de souligner que le cadre législatif actuel prévoit un mécanisme de correction en cas d'insuffisance des ressources . Ainsi, l'article 7 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dispose que « si les prévisions de recettes et de dépenses annuelles de la caisse sur la durée restant à courir de la période pour laquelle elle a été créée font apparaître qu'elle ne serait pas en mesure de faire face à l'ensemble de ses engagements, le Gouvernement soumet au Parlement les mesures nécessaires pour assurer le paiement du principal et des intérêts aux dates prévues ».

La commission des affaires sociales du Sénat, compétente sur le fond, a souhaité renforcé cette contrainte . Elle propose de compléter la règle organique de non-prorogation de la durée de vie de la CADES afin de prévoir que chaque année le projet de loi de financement de la sécurité sociale vérifie l'adéquation des ressources de la CADES. Cette clause de garantie organique est elle-même renforcée par une clause de retour à meilleur fortune, qui permet d'avancer le calendrier d'amortissement si la CADES enregistre deux années de suite un accroissement de ses recettes supérieur à 10 % des prévisions initiales.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis note l'engagement du Gouvernement d'inscrire une clause de garantie dans le cadre du PLFSS pour 2011 afin de vérifier que le rendement attendu des mesures relatives aux niches corresponde à 0,26 point de CRDS 27 ( * ) .

(c) La nature des recettes proposées est-elle de nature à entamer la confiance des investisseurs dans la CADES ?

Selon l'agence de notation Fitch France auditionnée par la commission des affaires sociales le 1 er septembre, la nature des recettes proposées ne devrait pas avoir d'impact sur la note de la CADES qui, compte tenu de son statut (établissement public administratif), est considérée comme un « démembrement » de l'Etat.

Par ailleurs, comme mentionné ci-dessus, le législateur a prévu un mécanisme d'ajustement qui, sur proposition de la commission des affaires sociales, pourrait être réaffirmé à l'occasion de la discussion du présent projet de loi organique.

c) Le produit du panier de recettes ne devrait-il pas être affecté à la réduction des déficits de l'Etat ?

Le Gouvernement a fait de la réduction des niches sociales et fiscales son champ de bataille pour 2011. Le rendement des différentes mesures qui seront proposées au cours de l'automne devrait avoisiner 10 milliards d'euros en 2011, dont 6,9 milliards ont d'ores et déjà été fléchés en faveur de la sécurité sociale : 3,7 milliards d'euros sont alloués au financement de la réforme des retraites et 3,2 milliards d'euros sont affectés au financement du remboursement d'une partie de la dette sociale. Seuls 3,1 milliards d'euros pourraient être consacrés à la réduction des déficits de l'Etat, ce que d'aucuns ont pu critiquer.

Toutefois, compte tenu de l'impossibilité pour l'ACOSS de continuer à garantir le financement d'une partie de la dette sociale, l'affectation à la réduction des déficits de l'Etat des 3,2 milliards d'euros qu'il est prévu de flécher vers la CADES dans le schéma du Gouvernement ne pourrait être envisagée qu'à la seule condition d'un relèvement du taux de la CRDS. Or celui-ci, contraint par la fragilité de la reprise économique, souhaite maintenir, plus ou moins, la pression fiscale à son niveau actuel et a rejeté à ce jour l'augmentation de la CRDS. Au demeurant, il convient de rappeler, comme ce l'a été fait ci-dessus, que l'assainissement des comptes sociaux participe à l'assainissement des comptes publics.


* 9 Il convient de rappeler que ce type de contrat est garanti par l'assureur du contrat. L'épargne accumulée est disponible à tout moment, sans risque de perte de capital et avec un rendement minimum garanti.

* 10 Selon l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES), Enquête Santé Protection sociale 2006.

* 11 Source : ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

* 12 Selon le projet annuel de performances pour 2010 de la mission « Santé ».

* 13 Cf. Audition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, devant la commission des finances le 16 juin 2010, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement et rapport de gestion pour 2009 .

* 14 Depuis le 1 er octobre 2002, le code général des impôts prévoyait une exonération de TSCA pour les contrats d'assurance maladie complémentaire dits « solidaires ». L'article 57 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a restreint le champ d'application de cette exonération aux seuls contrats « solidaires » et « responsables ».

* 15 Chiffrage du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.

* 16 Article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

* 17 Article 10 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 .

* 18 « Les mutuelles feront les meilleurs efforts, dans le contexte européen actuel, pour ne pas répercuter cette contribution dans les cotisations de leurs adhérents, dès lors qu'elles seront associées plus étroitement à la gestion du risque santé et que les règles du système de soins évolueront ».

* 19 Les dépenses liées à la CMU-C sont remboursées par le fonds à titre forfaitaire, soit 370 euros par bénéficiaire alors que la dépense moyenne supportée par l'assurance maladie s'élève à 420 euros, soit « un manque à gagner » de 170 millions d'euros en 2009.

* 20 Le compte-rendu de l'audition est disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/affaires-sociales.html .

* 21 Le fonds a enregistré un excédent de 100 millions d'euros en 2009.

* 22 Article L. 862-3 du code de la sécurité sociale.

* 23 Rapport annuel de performances pour 2009 de la mission « Santé ».

* 24 Il convient de souligner que ce type de contrat est garanti par l'assureur du contrat. L'épargne accumulée est disponible à tout moment, sans risque de perte de capital et avec un rendement minimum garanti.

* 25 Décision ministérielle du 21 septembre 1973.

* 26 Les sommes distribuées ou mises en réserve sont en principe imposées à l'IS.

* 27 Le compte-rendu de l'audition de M. François Baroin devant la commission des affaires sociales le 1 er septembre 2010 est disponible à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/affaires-sociales.html .

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