III. L'EXISTENCE DE MARGES DE PROGRESSION EN VUE D'UNE PLUS GRANDE ÉQUITÉ ENTRE COTISANTS

Les mesures proposées par le présent projet de loi, enrichies par les initiatives de nos collègues députés, permettent de franchir un pas supplémentaire vers la convergence. Cependant, des marges d'amélioration en vue d'une plus grande équité entre assurés demeurent.

En particulier, votre rapporteur pour avis regrette, d'une part, que les « catégories actives » de la fonction publique ne fassent pas l'objet d'un réexamen et, d'autre part, que la présente réforme ne doive s'appliquer que de façon différée aux régimes spéciaux de retraite .

A. DES INÉGALITÉS QUI DEMEURENT ENTRE LA FONCTION PUBLIQUE ET LE SECTEUR PRIVÉ

Outre les limites des dispositifs de convergence proposés par le présent projet de loi, votre rapporteur pour avis note que « trois chantiers » n'ont pas été abordés : la garantie d'un taux minimal de remplacement dans le secteur privé, les modalités d'attribution et de calcul des pensions de réversion et le réexamen des catégories dites « actives ».

1. Un « bouclier retraite » pour les salariés du secteur privé ?

Dans une perspective de convergence public/privé, votre rapporteur pour avis a été sensible à l'idée émise par Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la CNAV 35 ( * ) , devant votre commission des finances, d'instaurer un « bouclier retraite » pour les salariés du secteur privé, c'est-à-dire un taux de remplacement minimal garanti.

En effet, alors que la référence retenue par la CNAV se situe théoriquement, pour une carrière complète, à 50 % du plafond de la sécurité sociale, le taux de remplacement n'atteint en moyenne plus que 43 % du dernier salaire , sous l'effet combiné de l'indexation des pensions sur les prix et de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années d'activité pour le calcul du salaire de référence.

Alors que les agents du secteur public savent très en amont quelle part de leur dernier salaire leur pension représentera (75 % de leur traitement indiciaire moyen des six derniers mois), les salariés du secteur privé n'ont en revanche aucun indicateur en ce domaine. La définition d'un niveau de pension minimal, en deçà duquel l'on ne pourrait descendre, serait sans doute de nature à rétablir une certaine équité public/privé.

2. Une refonte des règles de réversion

Si le présent projet de loi aborde la question des droits familiaux, il ne traite en revanche pas des droits conjugaux et notamment des pensions de réversion versées aux conjoints survivants. Ce domaine se caractérise lui aussi par une extrême diversité d'un régime à l'autre, qu'il s'agisse des taux de réversion ou des modalités d'attribution de ces pensions .

a) « Le caractère extrêmement touffu et complexe du cadre juridique de la réversion »

Comme le souligne le COR dans ses travaux de 2008, intitulés « retraites : droits familiaux et conjugaux » 36 ( * ) , les principales divergences entre régimes sont à rechercher à quatre niveaux :

- les taux de réversion qui varient de 50 % (dans la fonction publique) à 60 % (pour les régimes complémentaires ARRCO-AGIRC) ;

- les conditions de ressources qui sont prévues dans le régime général, les régimes alignés, le régime des exploitants agricoles et le régime des professions libérales, mais pas dans la fonction publique ;

- les conditions liées au mariage : si le remariage entraîne la perte de la pension dans la fonction publique, cela n'est pas le cas dans le régime général, les régimes alignés, le régime des exploitants agricoles et le régime des professions libérales ;

- les conditions d'âge : un âge minimal est requis dans la plupart des régimes, à l'exception de la fonction publique et des régimes spéciaux. Les seuils retenus sont cependant très variables d'un régime à l'autre.

Dans son rapport de mai 2007 sur la réversion 37 ( * ) , la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat dénonçait à la fois « le caractère extraordinairement touffu et complexe du cadre juridique de la réversion » et son « caractère profondément incohérent et inéquitable ». Elle préconisait alors une harmonisation, voire une unification progressive des règles en vigueur en la matière. Depuis lors, aucune réforme d'ampleur n'a été menée .

b) Vers une harmonisation des règles de réversion des régimes de fonctionnaires sur celles en vigueur dans le privé

Une convergence public/privé impliquerait d'étendre les règles en vigueur au niveau du régime général et des régimes complémentaires dans les régimes des fonctionnaires. Il convient de distinguer deux conditions :

- la condition d'âge de 55 ans en vigueur tant dans le régime général que dans les régimes complémentaires ;

- la condition de ressources.

Celle-ci est plus problématique puisqu'elle existe pour la pension de base (régime général), alors qu'elle est inexistante pour les régimes complémentaires. Une mise sous condition de ressources de l'ensemble des pensions de réversion dans la fonction publique dépasserait ainsi le simple alignement sur le secteur privé. Dès lors, la scission de la pension de réversion de la fonction publique en deux parts serait nécessaire pour assurer cette convergence .

Enfin, une harmonisation complète public/privé devrait s'accompagner d'un relèvement du taux de réversion du régime des fonctionnaires (50 %) sur ceux du régime général et des complémentaires (54 % et 60 %).

Votre rapporteur pour avis a demandé au ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique une simulation d'une telle réforme en trois temps, soit :

- la mise en place d'une condition d'âge de 55 ans (comme dans le régime général et les régimes complémentaires) ;

- l'introduction d'une condition de ressources sur une partie de la réversion (50 %) ;

- l'augmentation du taux de réversion du régime de la fonction publique de 50 % à 54 % pour la partie de la réversion placée sous condition de ressources (soit le même taux que dans le régime général) et à 60 % pour celle accordée sans conditions de ressources (soit le même taux que pour les régimes complémentaires).

Le rendement de la mesure a été évalué à 200 millions d'euros pour l'Etat en 2015 et à 20 millions d'euros pour la CNRACL .

Economies attendues d'une harmonisation des conditions de versement
des pensions de réversion

(en millions d'euros)

2015

2020

2030

2040

2050

Fonction publique d'Etat

200

440

1 050

1 320

1 560

CNRACL

20

40

50

100

110

Source : ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique

En termes d'incidence, une telle mesure serait favorable aux veuves de fonctionnaires ayant de faibles ressources (en raison de la hausse du taux de réversion) et réduirait le montant de la réversion pour les veuves ayant des revenus moyens et supérieurs (en raison de la mise sous condition de ressources d'une partie de la réversion).

Pour votre rapporteur pour avis, il s'agit d'une piste de convergence à explorer.


* 35 Audition de Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) à l'occasion de la table ronde « Rendez-vous 2010 pour les retraites », le 28 avril 2010, reproduite en annexe au présent rapport.

* 36 COR, « Retraites : droits familiaux et conjugaux » - décembre 2008.

* 37 Rapport n° 314 (2006-2007) de Claude Domeizel et Dominique Leclerc, « Transparence, équité, solidarité : les trois objectifs d'une réforme de la réversion ».

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