IV. ENGAGEMENT ET COMBAT

Cette capacité regroupe un quart (23,4 % - 3,1 milliards d'euros) des autorisations de programme et un tiers (33,5 % - 3,6 milliards d'euros) des crédits de paiement du programme 146 pour 2011. Il s'agit de la capacité qui concentre le plus d'efforts financiers de l'ensemble du programme d'équipement des forces.

L'action « engagement et combat » comprend deux sous-actions : « frapper à distance » ; « opérer en milieu hostile ». La sous-action « conduire des opérations spéciales » a été budgétairement rattachée à la précédente.

A. ETAT DES CAPACITÉS

1. Enseignements des conflits récents
a) Milieu aéro-terrestre

La spécificité de certains théâtres exige, en marge des programmes d'armement lourds en cours ou en développement, le lancement d'opérations en urgence opérationnelle afin de s'adapter aux mieux aux exigences du combat.

En Afghanistan par exemple, les opérations de contre guérilla ainsi que la capacité d'évolution de nos adversaires imposent de disposer d'unités de combattants bien protégés, très mobiles, capables de conduire une grande variété de missions.

Un certain nombre de capacités sont ainsi particulièrement attendues :

• les moyens de combat (Véhicule à haute mobilité VHM, Véhicule blindé multirôle VMBR) et les équipements individuels (Félin) permettant de mieux se protéger de la menace des EEI 7 ( * ) ou des snipers ;

• la nouvelle génération d'hélicoptères de combat et de transport tactique TIGRE et NH90, capable d'assurer la projection rapide sur toute l'étendue d'un théâtre et des appuis précis et puissants :

• de nouveaux moyens de renseignements tactiques, en particulier d'origine électromagnétique ;

• l'accroissement de la précision et de la gradation des effets (lance roquette unitaire, munitions précises, équipements à létalité réduite).

Il convient de souligner, comme à eu l'occasion de le faire le Chef d'état-major de l'armée de terre devant votre commission que la réduction drastique de l'artillerie, en particulier l'abandon programmé des AUF1 n'était possible que grâce à l'entrée en service des lance roquette unitaire. Le report de ce programme risque de mettre en péril les capacités de l'armée française en ce domaine.

b) Milieu aéro-maritime

Les opérations menées en coopération interministérielle dans la lutte contre les trafics de stupéfiants et, en coalition, contre la piraterie et le terrorisme en océan Indien, constituent des sources permanentes de retour d'expérience. Le contexte de ces opérations se caractérise par des préavis très courts sur les menaces.

Pour les unités de surface et les hélicoptères, il est ainsi primordial de disposer de capacités de veille et d'autodéfense « tous temps » ainsi que d'une interopérabilité optimale pour échanger instantanément les informations tactiques au sein de la coalition. La mission de maîtrise d'une zone maritime au large de la Corne d'Afrique et en mer d'Arabie a fourni des enseignements en matière de systèmes de commandement, d'interopérabilité et de capacités à opérer longtemps sous menace asymétrique, y compris au mouillage, qui sont prises en compte pour les programmes actuels dont les FREMM.

L'emploi quasi permanent d'aéronefs de patrouille maritime de type Atlantique 2 confirme l'intérêt de renforcer la polyvalence de cet aéronef sans remettre en cause la mise à niveau indispensable des capacités de lutte anti-sous-marine et de lutte antinavires (sûreté FOST).

c) Milieu aérien

Les retours d'expérience des engagements actuels du Mirage 2000D et du Rafale en Afghanistan sur des missions air-sol, font apparaître la nécessité de faire des efforts sur les équipements suivants : les capteurs optroniques, les munitions (précision, identification et limitation des dommages collatéraux), les moyens de transmission de données avec le sol dans le cadre de l'appui aux forces terrestres.

L'emploi sur les différents théâtres d'opérations des hélicoptères EC 725 CARACAL souligne l'importance de ces hélicoptères disposant d'une bonne capacité de pénétration des lignes ennemies.

2. Principales lacunes capacitaires actuelles ou prévisibles

Les enseignements des opérations les plus récentes ont conforté la plupart des choix de renouvellement de nos capacités qui seront effectués dans la prochaine LPM 2009-14 ou dans la LPM 2015-20, en fonction des priorités du Livre blanc.

S'agissant du système de forces « Engagement Combat », les domaines dont l'amélioration est prévue sont :

• la capacité à opérer à terre en milieu hostile (hélicoptères d'attaque TIGRE, véhicules blindés de combat d'infanterie, rénovation Leclerc, missiles antichar courte et moyenne portée) ;

• la capacité à assurer l'entrée en premier sur un théâtre d'opérations, la supériorité aérienne locale et l'appui aérien des forces terrestres (montée en puissance de la flotte RAFALE, rénovation mi-vie des Mirage 2000D) ;

• les capacités d'engagement en zone littorale (armement anti-navire sur hélicoptère, appui feu naval ...) ;

• la capacité de frappe de précision dans la profondeur par missile de croisière à partir de frégates et de sous-marins.

Concernant la capacité de projection de puissance depuis la mer, le deuxième porte-avions (PA2) fera l'objet d'une décision en 2011-2012. Les accords de Londres signés le 2 novembre dernier devraient toutefois permettre d'éclairer d'un jour nouveau cette décision.

Pour le milieu aérien, la disponibilité de munitions tout temps de précision sera améliorée avec les livraisons d'armements air-sol modulaires (AASM) en 2012.

Au sein des autres systèmes de force les points suivants font l'objet d'une grande vigilance du fait de leur impact sur le système de force engagement et combat :

• la protection des forces terrestres, en particulier contre la menace des engins explosifs improvisés (EEI) ;

• l'amélioration au niveau européen de la capacité de neutralisation des menaces sol-air ;

• l'obsolescence de la batellerie pour les opérations amphibies ;

• la mobilité intra-théâtre terrestre (porteur polyvalent terrestre) ou aérienne (COUGAR, NH90), et la projection aérienne de fret ;

• l'évolution des capacités de ravitaillement en vol ;

• les besoins en matière d'acquisition et d'identification des cibles terrestres (radars terrestres, drones).

3. Capacités des forces françaises par rapport à leurs homologues américaine, britannique et allemande
a) Forces aériennes

Les capacités des forces aériennes françaises se situent à un niveau comparable à celui de nos principaux partenaires européens, en particulier les forces britanniques et allemandes.

Toutefois, les comptes rendus font part, de manière récurrente, des insuffisances précitées et d'une meilleure interopérabilité des systèmes d'armes de nos partenaires, notamment américains et britanniques, en particulier dans le domaine des capteurs optroniques et des transmissions de données tactiques.

La Royal Air Force espère disposer à terme d'une flotte composée exclusivement d' Eurofighter et de Joint Strike Fighter complétée par des drones armés, ce qui la situerait à un niveau qualitatif très élevé. En matière d'armements, elle devrait disposer du missile air-air de supériorité Meteor et d'une panoplie d'armements air-sol variée, dont le missile de croisière Storm Shadow rénové.

L'expérience acquise en Irak et en Afghanistan et la forte adaptabilité dont ont fait preuve les forces armées britanniques au cours des dernières années grâce à un processus d'acquisition de matériels en urgence opérationnelle ont créé à leur profit un avantage capacitaire en termes de drones armés, d'interopérabilité et d'identification et de désignation air/sol. Toutefois, cette politique d'acquisition a aussi ses revers, car elle se traduit par une grande diversité des équipements et donc des coûts de maintien en condition opérationnelle plus élevés.

La Luftwaffe verra son aviation de combat composée du Tornado remis à niveau (cible : 85) et d' Eurofighter (cible : 180), complétée par une flotte de drones à longue endurance. La Luftwaffe disposera du missile de croisière Taurus, du missile Meteor et d'armements air-sol variés.

On rappelle que les forces aériennes britanniques et allemandes ne disposent pas de composante aéroportée de dissuasion.

b) Forces terrestres

Le modèle de forces terrestres retenu par le Livre blanc place l'armée de terre parmi les premières de l'Union Européenne, à un niveau sensiblement équivalent à celui des forces terrestres du Royaume Uni. Néanmoins celles-ci resteront mieux équipées en matière de combat embarqué, débarqué et de capacité de renseignement.

Les travaux capacitaires entrepris par les Etats-Unis et le Royaume Uni, engagés significativement, l'un comme l'autre, dans les conflits irakien et afghan vient à la fois conforter certains choix réalisés pour le développement des forces terrestres françaises et mettre en lumière des lacunes qu'il conviendra de combler dans les années à venir.

Parallèlement aux opérations de numérisation entreprises (projet FCS) et à la valorisation des capacités déjà en service, l'US Army et l'US Marines Corp (USMC) font porter leurs efforts d'équipements en fonction des besoins liés aux opérations en cours : adaptation des véhicules au combat urbain, mise en place de blindages additionnels, amélioration des systèmes d'observation terrestres et des moyens de protection.

S'agissant de l'USMC, il faut noter, d'une part, l'importance accordée aux petits programmes de cohérence opérationnelle, notamment dans les domaines de la lutte contre les EEI, la protection active des forces, et, d'autre part, le besoin désormais reconnu de disposer de véhicules de combat d'infanterie. Enfin, l'équipement du fantassin fait l'objet de nombreux développements : toutefois l'absence d'un système aussi complet et abouti que le FELIN français est déplorée par les forces déployées.

L'Army britannique, confrontée à des problèmes opérationnels analogues, fait quant à elle porter son effort sur la protection des forces, le renseignement (acquisition de drones tactiques supplémentaires) et les feux indirects (radars terrestres d'observation et d'acquisition et de contrebatterie, lance roquette unitaire). La mobilité intra théâtre fait également l'objet d'une attention particulière : mise en place progressive de camions de transport logistique protégés et très mobiles (gamme complète 4X4, 6X6, 8X8), effort sur le transport aéromobile tactique (MERLIN, CHINOOK, modernisation de la flotte PUMA).

L'armée de terre allemande, moins engagée sur les théâtres d'opérations, n'en conduit pas moins une transformation dont certains aspects méritent une attention particulière :

• création d'une brigade « aéromobile » équipée de Tigre et de NH 90 et comportant un régiment d'infanterie aéromobile (schéma pouvant s'apparenter à la division aéromobile des années 80-90) ;

• développement de capacités de renseignement tactiques au sein d'unités dédiées (bataillons de renseignement multi capteurs à l'identique de ce que l'armée de terre française commence à mettre en place) ;

• étude d'un concept d'appui feux interarmées.

c) Forces navales

Dans le domaine des sous-marins nucléaires, SNLE et SNA, la capacité de la marine française est proche de celle de la Royal Navy . En ce qui concerne les porte-avions, nos alliés britanniques ne possèdent aujourd'hui qu'un porte-aéronefs, l'Ark Royal, qu'ils ont décidé de démanteler. A l'issue de leur Strategic Defence and Security Review ils ont confirmé la décision prise de construire deux porte-avions supplémentaires, mais le second devrait être revendu.

Dans le domaine de la projection de force, l'entrée en service de deux BPC, la commande d'un troisième et la volonté d'en acquérir un quatrième témoignent de l'amélioration significative de cette capacité qui nous place derrière les Britanniques mais nettement devant les autres marines européennes.

Pour les frégates de premier rang, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale prévoit un format inférieur à celui de la marine britannique, plus proche des autres marines européennes ou alliées comme l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et le Canada. Le format retenu de 18 frégates de premier rang ne sera atteint qu'au-delà de la LPM 2015-2020. A l'horizon 2025, la marine disposera de 13 frégates de premier rang aptes au combat de haute intensité (4 de défense aérienne et 9 anti sous marines) complétées par les frégates de type « La Fayette » qui seront alors proches de leur fin de vie.

La Royal Navy met aujourd'hui en ligne 25 frégates de premier rang (8 FDA, 17 ASM), d'âge moyen de 18 ans, et 12 ravitailleurs. Même si l'effort consacré à l'acquisition des deux porte-avions pourrait peser sur le renouvellement de ces frégates, la Royal Navy demeure nettement en tête des flottes européennes, avec près de deux fois plus de bâtiments de premier rang et de moyens logistiques que la marine nationale. L'Allemagne et le Canada disposent de 3 frégates de défense aérienne (FDA) et 12 frégates anti sous-marines (ASM) renouvelées récemment.

Enfin, les marines italienne (quatre FDA, huit FASM et trois ravitailleurs) et espagnole (six FDA, six ASM et deux ravitailleurs) ont des capacités proches de celles de la France dans ce domaine, alors que leurs ambitions internationales et leurs engagements bilatéraux sont moins marqués, que leurs espaces maritimes sont plus réduits et qu'elles n'ont pas à assurer le soutien à la mer d'une force de dissuasion et d'importants moyens de projection.

Tableau général de comparaison des capacités françaises et étrangères

pour le système de force « Engagement combat »

Système de force

Capacité Maîtresse

Moyens

Comparaison

Engagement combat

Frapper à distance

Porte-aéronefs

Seule la France dispose d'un porte avions à catapultes, les autres porte-aéronefs européens (Royaume-Uni, Espagne et Italie disposent d'au moins 2 unités) mettent en oeuvre des aéronefs à décollage court au rayon d'action inférieur.

Missile de croisière (air-sol et mer-sol)

Le SCALP aéroporté est mis en oeuvre par la France, le Royaume-Uni et l'Italie, le Taurus aéroporté par l'Allemagne.

Le Tomahawk est mis en oeuvre par le Royaume-Uni (SNA). Il sera ultérieurement mis en oeuvre par l'Espagne à partir de frégates.

Seule la France dispose d'une autonomie de ciblage.

Chasseur bombardier

Les flottes de bombardiers sont différentes en nombre et en qualité selon les pays, mais parmi les pays européens la Grande Bretagne affiche une supériorité tant qualitative que quantitative, en net décrochage avec les moyens de combats français, de par une plus grande polyvalence et un format supérieur au notre.

La réduction générale des flottes de combat s'accompagne dans tous les pays par une modernisation forte des vecteurs, ainsi que l'acquisition de nouveaux capteurs et d'effecteurs plus performants.

Lance roquettes multiples

Comme la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie ont lancé le processus de transformation de la frappe de saturation en frappe de précision (roquette unitaire).

Engagement combat

Opérer en milieu hostile

Bâtiments de combat

Alors que le renouvellement de la flotte est entamé en Allemagne, en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne (frégates F100), il reste à réaliser pour l'essentiel en France.

Sous-marins d'attaque

Seuls la France et le Royaume-Uni possèdent des sous-marins nucléaires d'attaque (vitesse, mobilité, rayon d'action) mais le Royaume-Uni a déjà commencé son renouvellement. L'Espagne va bientôt remplacer ses vieux sous-marins classiques et l'Allemagne possède une flotte classique récemment rénovée importante.

Guerre des mines navales

Les cinq pays sont dotés de moyens significatifs dans le domaine de la guerre des mines navales. On peut constater une certaine différence dans les performances atteintes : l'Allemagne, l'Italie et la France possèdent une meilleure capacité.

Aéronefs de patrouille maritime

A côté des avions français et britanniques récents, les autres pays modernisent ou remplacent leurs avions plus anciens.

Suppression des défenses aériennes ennemies (SEAD)

Aucun pays ne dispose de brouilleurs offensifs en Europe.

L'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni possèdent des missiles antiradars.

Chars de combat

Le parc des chars de combat reste important même si on observe une baisse sensible continuelle.

Le Royaume-Uni, à cause de son engagement en Irak, l'Allemagne et la France modernisent leurs équipements, notamment dans le domaine de la protection et dans celui de la numérisation.

Véhicules de combat d'infanterie

La France (avec le VBCI) et l'Allemagne (avec le PUMA et le BOXER) ont déjà fait le choix de leurs nouveaux véhicules de combat d'infanterie, mieux adaptés au nouveau contexte opérationnel.

Le Royaume-Uni mène une démarche comparable (avec le concept FRES) mais n'a pas encore arrêté de décision. L'Espagne a commencé le renouvellement de son parc avec le Pizarro.

Pièces d'artillerie canon

L'Allemagne dispose d'une artillerie moderne récemment mise en place qui dispose de moyens de commandement et de contrôle performants. La France a fourni des efforts comparables dans ce domaine.

Hélicoptères d'attaque

L'APACHE donne une nette supériorité au Royaume-Uni et le MANGUSTA aux Italiens, dans l'attente de la flotte de TIGRE pour les autres pays.

Sauvetage de combat (RESCO)

La montée en puissance du Caracal permettra à la France d'accéder à une capacité unique en Europe.

Conduire des opérations spéciales

Forces spéciales

Les cinq pays disposent de la capacité à conduire des opérations spéciales. Les interventions récentes, particulièrement en Afghanistan, ont permis à ces pays de mettre à l'épreuve leurs moyens, surtout l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France.


* 7 Engin explosif improvisé

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