C. L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE : DES RÉSULTATS MITIGÉS

1. Les décisions de non-admission aux frontières et d'éloignement

Les refus d'admission sur le territoire français reflètent les notifications d'interdiction d'accès au sol national adressées soit au moment de la présentation des intéressés à la frontière, soit à l'issu de leur placement en zone d'attente.

Non admissions

2008

2009

Total

17 628

15 819

Non admissions

1 er semestre 2009

1 er semestre 2010

Evolution

Aériennes

6 422

3 922

- 38,93%

Maritimes

483

398

- 17,60%

Terrestres

2 468

593

- 75,97%

Total

9 373

4 913

- 47,58%

Statistiques relatives aux refus d'embarquement

2009

1 er semestre 2010

Refus d'embarquement

692

393

Un nombre stabilisé de mesures d'éloignement

2009

1 er semestre 2010

prononcées

exécutées

prononcées

exécutées

Interdictions du territoire

2009

1 330

846

598

OQTF

40 191

10 422

21 039

2 446

APRF

40 116

5 500

17 342

4 882

Arrêtés d'expulsion

215

198 11 ( * )

120

94

Décisions de réadmission

12 162

4 156

5 457

1 756

Départs volontaires

//

8 268

//

4 658

Totaux

94 693

29 288

44 804

14 434

Ainsi, au cours de l'année 2009, 29 288 mesures d'éloignement ont été exécutées à partir du territoire métropolitain, soit 108,47 % de l'objectif national fixé à 27 000 mesures.

14 434 reconduites ont été réalisées au cours du premier semestre 2010. Le taux d'atteinte de l'objectif annuel, fixé à 28 000, est de 51,55 %.

2. Une exécution toujours faible des mesures d'éloignement

Le nombre de mesures d'éloignement exécutées a connu une très forte augmentation à partir de 2004 . Il est ainsi passé de 11 000 en 2003 à 17 000 en 2004 puis près de 20 000 en 2005, de 24 000 en 2006 et 2007, pour quasiment atteindre de seuil des 30 000 en 2008 et 2009. Selon le projet annuel de performance, ce nombre sera d'environ 28 000 en 2010. La prévision fixée pour 2011 reste stable avec 28 000 éloignements prévus, la cible retenue pour 2013 étant également de 28 000. Il convient par ailleurs de garder à l'esprit que ces éloignements comportent les retours volontaires, qui en représentent presque 30% en 2009 .

Parallèlement, le nombre de mesures d'éloignement prononcées est passé de 56 000 environ à un pic de 112 000 en 2007, pour redescendre à 95 000 en 2009. Le taux d'exécution des mesures d'éloignement n'a ainsi jamais dépassé significativement les 20% .

Il peut d'ailleurs sembler regrettable que ce taux ne constitue pas un indicateur de performance du budget de la mission Immigration, en complément de celui du volume d'éloignement exécutés.

Les causes de ce déficit d'exécution des mesures d'éloignement sont connues :

-en premier lieu, les refus par le juge de la détention et des libertés de demandes de prolongation de rétention (27,2 % des causes d'échec des éloignements) et les annulations par le juge administratif de mesures ou décisions fixant le pays de renvoi (6,5 % des échecs) sont nombreux ;

-en second lieu, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires, indispensables pour une réadmission des intéressés dans leur pays d'origine, est faible (33,8 % des causes d'échec des éloignements en 2009). Ce taux se situait ainsi à seulement 33,2 % au premier semestre 2010.

3. Les améliorations attendues du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité

Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, que votre commission sera prochainement amenée à examiner, vise à apporter une amélioration dans ces différents domaines 12 ( * ) , dans la ligne du rapport de la commission Mazeaud.

En s'appuyant sur la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le projet de loi vise ainsi à inverser l'ordre d'intervention entre le juge judiciaire et le juge administratif pour les étrangers placés en centre de rétention administrative .

Cette inversion se fonde sur le fait que le juge administratif est juge de la décision initiale, la décision d'éloignement, qui se trouve à l'origine de l'ensemble de la procédure. Il semble donc logique que le juge administratif intervienne le plus rapidement possible (en l'occurrence dans les cinq premiers jours de la rétention), pour purger le contentieux sur la décision d'éloignement et sur la légalité de la rétention. Le juge judiciaire, qui interviendra seulement si la décision de l'administration a été validée, devra ainsi se concentrer sur le respect de la liberté individuelle .

Les effets de cette réforme sont cependant difficiles à évaluer a priori. Elle donnera probablement une place prépondérante au juge administratif car les étrangers seront davantage incités à saisir celui-ci dès lors qu'il pourra être saisi en premier et qu'il jugera systématiquement de la légalité de la rétention. En outre, les référés libertés seront plus fréquents du fait du report à 5 jours de l'intervention du juge des libertés et de la détention. Le projet annuel de performance de la mission « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » évoque ainsi les « conséquences particulièrement lourdes du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ». Les représentants des magistrats administratifs, entendus par votre rapporteur dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi, ont d'ailleurs manifesté certaines craintes à cet égard.

Parallèlement à cette réforme du contentieux des mesures d'éloignement, certaines dispositions du projet de loi devraient permettre d'éviter de nombreuses annulations procédurales. En effet, il tend à diminuer les moyens de procédure susceptibles d'être invoqués par les étrangers (il faudra notamment que les irrégularités mentionnées fassent grief à l'étranger ; en outre aucune nouvelle irrégularité ne pourra être soulevée lors des audiences ultérieures à la première audience de prolongation de la rétention).

Par ailleurs, le projet de loi relatif à l'immigration tend à allonger à 45 jours (au lieu de 32 jours) la durée maximale de rétention administrative, de manière à faciliter la négociation des accords de réadmission négociés par la commission européenne . En effet, de nombreux pays refusent de s'engager à délivrer des laissez-passer consulaire dans un délai inférieur à un mois et demi.

Parallèlement, l'effort du ministère porte sur la signature de nouveaux accords bilatéraux avec les pays source de l'immigration ou la mise en oeuvre plus effective de ces accords lorsqu'ils existent déjà. Dans leur définition actuelle, ces accords sont dits «de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire » et ils vont au-delà des questions de réadmission, pour ouvrir sur une perspective de développement solidaire.

Or, en 2010, les efforts menés dans ce domaine n'ont pas encore porté tous leurs fruits et ne se sont pas traduits, en particulier, par une nette amélioration du taux de délivrance des laissez-passer consulaires. Par ailleurs, les négociations avec le Mali et l'Égypte sont actuellement bloquées. On peut néanmoins espérer que la situation s'améliore en 2011, certains accords signés au cours des trois dernières années, notamment avec des pays d'Afrique subsaharienne, devant peu à peu entrer en application.

4. Un dispositif d'aide au retour volontaire plus performant

Le retour volontaire est bien entendu, chaque fois qu'il est possible, préférable au retour forcé : moins traumatisant pour l'étranger, permettant d'éviter les contentieux administratifs et judiciaires de la reconduite à la frontière, il est également moins coûteux pour l'administration.

L'OFII gère ainsi trois types de dispositifs :

- l'aide au retour volontaire proprement dite (3500 euros pour un couple, 2000 euros pour une personne seule, 1000 euros par enfant mineur et 500 euros pour chacun des enfants au-delà du troisième), qui permet d'organiser l'éloignement des étrangers non communautaires en situation irrégulière séjournant depuis plus de trois mois en métropole, a bénéficié en 2009 à environ 2 900 personnes contre 2 200 en 2008. Les bénéficiaires étaient principalement originaires de Chine, d'Irak, de Russie, d'Algérie et d'Afghanistan ;

- l'aide au retour humanitaire (prise en charge des frais de voyage et aide financière de 300 euros par adulte et de 100 euros pour les enfants mineurs), destinée aux personnes en situation de pauvreté ou qui n'ont pas droit à l'aide au retour volontaire, a connu une très forte progression depuis 2008, avec environ 10 000 retours en 2008 et 12 300 en 2009 ;

- l'aide à la réinstallation : en 2009, l'OFII a financé par le biais de ce dispositif 561 projets, contre 409 en 2008, représentant une dépense de 2,7 millions d'euros. Les pays concernés sont des pays africains et, de manière croissante, des pays de l'est de l'Europe - 146 projets acceptés en 2009 sont ainsi réalisés en Roumanie.

L'utilisation de ces dispositifs s'est poursuivie à un rythme très soutenu au premier semestre 2010, plus de 1800 personnes ayant bénéficié de l'aide au retour volontaire, et plus de 5000 ayant quitté le territoire dans le cadre de l'aide au retour humanitaire, dont 80 % de Roumains et 10 % de Bulgares.

De nouvelles mesures sont venues compléter récemment ce dispositif. Le 15 mars 2010 a été créée une aide au retour sans aide financière , destinée aux étrangers présents en France depuis moins de trois mois et dont la situation se caractérise par le dénuement ou la grande précarité. L'OFII prend alors en charge le retour, mais n'alloue aucune aide. Environ 80 départs ont déjà été effectués par ce biais, dont la moitié concerne des Roumains.

La décision a par ailleurs été prise de prendre les empreintes digitales des bénéficiaires de l'aide au retour afin d'éviter que les mêmes personnes en bénéficient plusieurs fois. Ce dispositif a commencé à être mis en place à l'été 2010 13 ( * ) .

Enfin, l'OFII a amélioré les conditions de l'aide à la réinstallation, dans l'objectif de doubler le nombre d'aides versées d'ici à 2012 . Trois mesures ont été prises : la mise en place d'un accompagnement spécifique à la préparation du projet économique avant le départ de France (étude de faisabilité, bilan de compétences et formation de base à la création d'entreprise); relèvement du plafond des aides à la création d'entreprises, qui était auparavant de 7 000 euros, ces aides devant venir en complément du financement du promoteur, sous la forme d'un apport personnel ou de financements extérieurs ; extension progressive de la couverture géographique des aides à la création d'entreprises, qui se fera dans le cadre des accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire, ou par la signature de conventions avec des partenaires institutionnels ou privés dans des pays connaissant des flux migratoires significatifs vers la France.


* 11 Les mesures exécutées peuvent avoir été prononcées durant la même période ou durant une période antérieure

* 12 Pour une politique des migrations simple, transparente et solidaire, juillet 2008.

* 13 Sur la base du décret n° 2009-1310 du 26 octobre 2009.

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