C. LES ÉVOLUTIONS TRÈS CONTRASTÉES DE SAINT-BARTHÉLEMY ET SAINT-MARTIN

1. L'activité normative de la collectivité de Saint-Barthélemy

La collectivité s'est pleinement approprié ses compétences normatives. Ainsi, en application de l'article L.O. 6214-3 du code général des collectivités territoriales, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a adopté, depuis le 15 juillet 2007, les délibérations suivantes :

- création du code de l'urbanisme de Saint-Barthélemy (délibération du 30 octobre 2007 modifiée) ;

- création du code des contributions de Saint-Barthélemy (délibération du 30 octobre 2007 modifiée) ;

- création de la chambre économique multi-professionnelle de Saint-Barthélemy (délibération du 20 décembre 2007 modifiée) ;

- création du code de l'environnement de Saint-Barthélemy (délibération du 12 juin 2009) ;

- en matière de circulation routière, délibérations concernant la réglementation des activités de taxi (27 février 2009), les modalités d'attribution de la licence de taxi (27 février 2009), l'importation, la réception et le contrôle technique des véhicules (13 mars 2008) et des poids-lourds (8 octobre 2009) ou la modification de la partie réglementaire du code de la route (11 décembre 2008) ;

- élaboration d'un règlement territorial d'aide sociale (adopté par plusieurs délibérations successives, une par titre, de 2008 à 2010).

2. Saint-Martin et l'évolution statutaire de la partie néerlandaise de l'île

? L'évolution statutaire de la partie néerlandaise

La révision de la constitution du Royaume des Pays-Bas 37 ( * ) doit aboutir à la décomposition du pays ou « staten » des Antilles néerlandaises en créant, d'une part, deux nouveaux « pays » (Curaçao et Sint-Maarten) et en octroyant, d'autre part, aux îles de Bonnaire, Saint-Eustache et Saba (BSS), le statut de communes néerlandaises rattachées directement au Royaume, en raison de leur très petite taille.

Si la partie néerlandaise de Sint-Maarten doit conserver son statut de « partenaire autonome à part entière au sein du Royaume » et continuer à définir librement sa politique intérieure, cette réforme devrait avoir un impact positif sur les relations avec la France. En effet, le « pays » de Sint-Maarten, qui ne dépendra plus des autorités de Willemstad (Curaçao), concentrera ses pouvoirs de décision à Philipsburg. Ce rapprochement devrait sensiblement simplifier les relations entre la collectivité française de Saint-Martin et Sint-Maarten.

Ce processus pourrait être l'occasion d'accélérer l'ensemble des actions de négociation internationale. Des discussions en vue de créer une Commission mixte transfrontalière France/Pays-Bas sont d'ailleurs en cours afin d'instaurer un dialogue régulier sur la coopération entre Saint-Martin et Sint-Maarten.

Ainsi, une commission mixte France/Pays Bas incluant des représentants des autorités locales des deux parties pourrait se réunir annuellement afin de discuter de l'ensemble des accords de coopération. Des « commissions thématiques », pourraient également se réunir au niveau local autour des différentes questions faisant l'objet d'accords.

La mise en place de cette commission mixte permettrait d'accélérer la conclusion des accords en cours, et plus particulièrement l'accord de coopération policière.

Le changement de statut prévu par la réforme institutionnelle devant intervenir d'ici la fin de l'année 2010, une rencontre avec les autorités des Pays Bas devrait être organisée prochainement afin de déterminer d'ores et déjà les modalités de la mise en oeuvre de cette commission mixte.

? La mise en oeuvre des compétences normatives

En application de ses compétences normatives, définies à l'article L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, le conseil territorial de Saint-Martin a adopté, depuis le 15 juillet 2007 :

- de nombreuses délibérations en matière fiscale, codifiées au sein d'un code général des impôts applicable dans la collectivité de Saint-Martin, (délibération du 28 novembre 2008) ;

- en matière de circulation et de transports routiers, plusieurs délibérations adoptées entre la fin 2007 et 2010, visant la réglementation applicable aux taxis (15 janvier 2008), les conditions d'identification des véhicules (26 novembre 2009), la modification du système d'immatriculation des véhicules (25 mars 2010) ;

- la délibération du 19 février 2010, créant un registre territorial d'immatriculation des navires dans la collectivité de Saint-Martin ;

- en matière de domanialité publique, la délibération du 15 mars 2008 créant une commission de régularisation des occupants de la zone des cinquante pas géométriques ;

- des délibérations créant des établissements publics locaux : l'Office territorial du Tourisme, le Port de Galisbay (délibération du 20 décembre 2007), la Chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin (CCISM, par délibération du 31 octobre 2008 modifiée) ;

- des délibérations visant à reprendre, en matière éducative et sociale, les compétences auparavant exercées par le département ou la région Guadeloupe : une allocation annuelle de rentrée scolaire pour les lycéens (26 juin 2008), la création de bourses territoriales pour les étudiants (26 juin 2008), la création d'interventions sociales extra-légales (31 octobre 2008), le lancement d'un schéma de cohésion sociale (25 juin 2009), la création d'un fonds d'aide pour l'insertion des jeunes (25 juin 2009) ;

- une délibération créant un régime territorial d'aides aux entreprises (4 juin 2009).

Par ailleurs, en application de l'habilitation permanente que lui donne le V de l'article L.O. 6351-5 du code général des collectivités territoriales, le conseil territorial a modifié, par délibération du 25 mars 2010, l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme pour son application à Saint-Martin, afin de prolonger jusqu'au 1 er janvier 2012, les possibilités de révision simplifiée du P.O.S.

? L'amélioration progressive du recouvrement des impôts

La collectivité de Saint-Martin a rencontré d'importantes difficultés dans la mise en oeuvre de son autonomie fiscale. Ces difficultés se sont traduites par une crise de trésorerie aigüe, résultant d'un trop faible rendement des impositions locales. L'Etat a donc apporté, en 2009 et en 2010, une avance de trésorerie de 10 millions d'euros à la collectivité et l'a aidée à améliorer le recouvrement de ses impositions locales.

Cette amélioration demeure cependant limitée, en raison du fonctionnement encore imparfait de la convention de moyens du 21 mars 2008 qui régit la coopération entre les services locaux de l'Etat et la collectivité en matière d'assiette et recouvrement des impôts et taxes.

Faute de recettes fiscales suffisantes, la collectivité a par ailleurs introduit depuis le mois d'août 2010 une taxe générale sur les chiffres d'affaires.

La collectivité devrait donc, grâce à ces différentes mesures, connaître un redressement budgétaire et financier à compter de l'exercice 2011.

La structure des recettes de fonctionnement de la collectivité a par ailleurs connu de fortes évolutions. En effet, Saint-Martin a perdu en 2009 la part d'octroi de mer qui lui était allouée (11,53 millions d'euros en 2008).

En outre, la collectivité a décidé d'instaurer, à compter de 2010, une taxe territoriale sur les transactions qui serait susceptible de lui rapporter un montant annuel estimé entre 10 millions d'euros et 20 millions d'euros. Le produit de cette nouvelle taxe pourrait donc couvrir la perte de l'octroi de mer.

3. Les conventions relatives à la mise en oeuvre des compétences fiscales

Prévue par la loi organique du 21 février 2007, l'élaboration d'une convention entre la France et Saint-Barthélemy relative à l'échange de renseignements en matière fiscale a été ralentie par les divergences relatives à la compétence de source. Ce point a été réglé par la loi organique n° 2010-93 du 25 janvier 2010, qui a affirmé la compétence fiscale de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy à l'égard des revenus trouvant leur source dans ces collectivités 38 ( * ) . Aussi les négociations entre le conseil territorial et la direction de la législation fiscale ont-elles pu reprendre.

Le conseil territorial de Saint-Barthélemy a ainsi voté, le 15 juin 2010, l'autorisation de signature du projet d'accord entre l'Etat et la collectivité concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. La convention d'assistance entre l'Etat et la collectivité a ensuite été signée le 20 août 2010.

La convention fiscale prévue entre l'Etat et la collectivité de Saint-Martin est actuellement en cours d'élaboration. Rédigé par la direction de la législation fiscale, un projet de convention a été présenté à la collectivité en juin 2010. Le conseil territorial a émis quelques réserves lors de sa séance du 24 juin 2010. Les échanges devraient aboutir très prochainement.

Par ailleurs, un accord entre la collectivité territoriale de Saint-Martin et l'État concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale a été signé le 23 décembre 2009.

4. Les perspectives de renforcement des services judiciaires à Saint-Martin revues à la baisse

? L'augmentation soutenue de la délinquance

Les données relatives à la délinquance à Saint-Martin depuis 2005, date depuis laquelle elles sont collectées de façon distincte de la Guadeloupe, font apparaître une augmentation forte :

Année

2005

2006

2007

2008

2009

Evolution 08/09

Evolution 05/09

Délinquance générale

2618

3071

3765

3700

3985

+7,70%

+52,33%

Délinquance de proximité

1213

1502

1911

1638

1748

+6,72%

+44,10%

La délinquance générale a ainsi augmenté de 7,70 % entre 2008 et 2009. Le taux de criminalité, atteignant 113,01 %o, est donc beaucoup plus élevé qu'en métropole (56,39 %o).

La délinquance des mineurs demeure faible, mais progresse de 3,72 points entre 2008 et 2009. Les mineurs représentent 10,90% des mis en cause, contre 18,27% en métropole.

Au mois de mai 2009, face à la hausse des chiffres de la délinquance, un escadron de gendarmerie mobile a été envoyé en renfort afin d'accroître la présence des forces de l'ordre sur le terrain. L'arrivée de ces renforts a permis la mise en place d'un nouveau dispositif de lutte contre les vols à main armée.

? L'abandon des projets de restructuration juridictionnelle et pénitentiaire

Saint-Martin fait actuellement partie du ressort du tribunal de grande instance de Basse-Terre. Un tribunal d'instance, compétent géographiquement pour Saint-Martin et pour Saint-Barthélemy, est implanté à Saint-Martin, où siègent deux magistrats et un juge de proximité, assistés de trois greffiers et deux personnels de catégorie C.

La compétence matérielle du tribunal d'instance de Saint-Martin est limitée (litiges civils de faible importance, tutelles, nationalité, contraventions de police, etc.), les affaires civiles plus importantes relevant du tribunal de grande instance de Basse-Terre.

En matière délictuelle, des audiences foraines du tribunal correctionnel de Basse-Terre sont régulièrement tenues par les magistrats en poste en Guadeloupe, qui se déplacent à Saint-Martin. Par ailleurs, le ministère public est représenté par un vice-procureur, en résidence depuis 2008 à Saint-Martin.

La création en 2007 des collectivités d'outre-mer de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy aurait dû conduire à modifier l'organisation juridictionnelle.

Ainsi, la création d'une juridiction de première instance, sur le modèle des tribunaux de première instance de Saint-Pierre et de Mata-Utu, rassemblant les attributions du tribunal de grande instance en matière civile, du tribunal de commerce et du tribunal correctionnel en matière pénale, aurait permis d'assurer un véritable service public de la justice à Saint-Martin.

Cependant, alors qu'une mission de la Chancellerie avait conclu en ce sens en mai 2005, et après l'envoi sur place d'une mission interministérielle en novembre 2006, afin d'examiner les aspects immobiliers de la réforme, le ministère de la justice et des libertés a renoncé à ce projet et s'est orienté vers le renforcement des audiences foraines, le détachement de manière permanente à Saint-Martin de magistrats affectés au tribunal de Basse-Terre et le recours plus fréquent à la visioconférence.

En matière d'organisation pénitentiaire, deux options, qui n'excluaient pas la construction d'un établissement à Saint-Martin, avaient été envisagées :

- l'aménagement d'une construction modulaire transitoire de deux cellules de deux à trois places, dans l'attente de la construction d'un établissement pénitentiaire ;

- des rotations aériennes assurées par la gendarmerie nationale entre Saint-Martin et l'établissement pénitentiaire de Basse Terre, qui aurait pris en charge 90 jours de détention par an.

Toutefois, le ministère de la justice et des libertés a abandonné le projet de construction d'une maison d'arrêt à Saint-Martin, préférant renforcer la capacité d'accueil en Guadeloupe. Aussi l'administration pénitentiaire s'oriente-t-elle désormais vers la démolition et la reconstruction de la maison d'arrêt de Basse-Terre.

Si votre rapporteur comprend les contraintes budgétaires qui ont pu conduire à ces arbitrages, il souligne que ces choix pourraient se révéler moins pertinents, voire contre-productifs, à long terme, en raison du taux de criminalité élevé et de l'augmentation de la délinquance à Saint-Martin.


* 37 Le Royaume des Pays-Bas est aujourd'hui composé de trois « pays » ou « staten » en néerlandais, sorte d'Etats fédérés (le pays des Pays-Bas, celui des Antilles néerlandaises et celui d'Aruba).

* 38 Voir le rapport n° 55 (2009-2010) de votre rapporteur, fait au nom de la commission des lois.

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