INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'année 2011 est, à de nombreux titres, une année de transition et de bouleversements financiers pour les collectivités territoriales.

Tout d'abord, 2011 est l'année de l'entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités . En effet, après avoir bénéficié d'une « compensation-relais » au cours de l'année 2010, les collectivités vont percevoir un nouvel impôt se substituant à la taxe professionnelle, à savoir la contribution économique territoriale (CET). La mise en application de cette réforme passera par l'activation de la « clause de rendez-vous » que le Sénat avait insérée dans la loi de finances de l'année dernière, et qui visait à permettre à la représentation nationale de définir en pleine connaissance de cause -et donc avec des simulations fiables et exhaustives- les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Progrès pour nos entreprises, dont la compétitivité sur le plan international a été substantiellement renforcée par la réforme, la création de la CET doit aussi être une chance pour les collectivités locales, qui doivent pouvoir adosser leurs projets à une fiscalité dynamique et cohérente avec les compétences qu'elles exercent.

Le gouvernement a également entendu profiter de cette échéance pour rénover en profondeur les mécanismes de péréquation . Tirant les conséquences du déclin de l'efficacité péréquatrice des dotations de l'État depuis le début des années 2000, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit ainsi de passer d'une péréquation essentiellement verticale, c'est-à-dire assurée par l'État, à une péréquation horizontale qui amènera les collectivités les plus riches à soutenir les collectivités les plus pauvres.

Ensuite, l'année 2011 inaugurera un degré inédit de participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques : le gel en valeur des concours de l'État aux collectivités sur la période 2011-2014 mettra ainsi le secteur local au coeur de la dynamique de désendettement. Mais s'il est acquis que la situation des comptes publics impose la mise en oeuvre d'une stratégie globale de désendettement à laquelle tous les acteurs publics doivent être pleinement associés, le Sénat devra néanmoins se montrer vigilant en la matière : il lui incombera en effet de garantir que cette évolution ne se fasse au détriment ni des capacités d'investissement des collectivités, ni de la qualité des services rendus aux citoyens.

2011 sera enfin l'année de la sortie de crise pour les collectivités territoriales, qui avaient été durement frappées par le ralentissement de notre économie depuis 2008. Comme votre rapporteur le soulignait dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2010, la crise a révélé les difficultés de certaines catégories de collectivités (et notamment le déséquilibre structurel des finances départementales), mais ne les a pas créées ex nihilo : le retour à la normale devra être l'occasion de tirer les leçons du passé et de mieux adapter les ressources locales à la réalité des missions exercées.

I. UNE MISSION INCOMPLÈTE, QUI REND IMPARFAITEMENT COMPTE DES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L'ÉTAT ET LES COLLECTIVITÉS

A titre liminaire, votre rapporteur souligne que plusieurs réponses au questionnaire budgétaire qu'il a adressé au gouvernement au cours du mois de juillet sont arrivées en retard ; plus grave encore, d'autres sont strictement identiques à celles de l'année précédente . Cette attitude n'est pas conforme à l'esprit de la LOLF, et ne permet pas le suivi des problématiques abordées à l'occasion de l'avis de la commission des lois sur le PLF pour 2010.

De même, on ne peut qu'être frappé par la faiblesse des indicateurs de performance accolés à la mission « Relations avec les collectivités », qui ne permettent en aucun cas au Parlement de mesurer la pertinence et l'efficacité de l'action des services de la DGCL. Ainsi, comme le constate M. Manuel Aeschlimann, rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale, neuf indicateurs ont pour cible, à l'horizon 2013, des performances déjà atteintes depuis 2009, voire depuis 2008 .

Votre rapporteur s'interroge sur les raisons de ce manque d'ambition et invite le gouvernement à chercher au plus vite, en vue de la rédaction du projet annuel de performance (PAP) de l'année prochaine, des indicateurs plus éclairants.

A. LA MARGINALITÉ DES DOTATIONS BUDGÉTAIRES FACE AUX AUTRES TYPES DE CONCOURS DE L'ÉTAT

1. Des concours de nature et d'importance diverses

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne rend que très partiellement compte de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales. Ce constat, dressé par votre rapporteur dans tous ses avis budgétaires depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1 er août 2001 -c'est-à-dire depuis la création de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », en 2006-, pose de lourds problèmes de lisibilité et a poussé votre commission à élargir le champ de son avis, pour y inclure l'ensemble des concours versés par l'État aux collectivités locales.

En effet, les sommes acquittées par l'État sont marquées par leur hétérogénéité et sont éclatées en cinq catégories distinctes :

- les dotations budgétaires , inscrites non seulement au budget du ministère de l'Intérieur (les crédits correspondants étant regroupés au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »), mais aussi à celui d'autres ministères (comme, par exemple, les crédits de la dotation générale de décentralisation -DGD- relative à la formation professionnelle, qui sont portés par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi) ;

- les prélèvements sur recettes , qui représentent plus de 80 % de l'effort financier total de l'État en direction des collectivités ;

- le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » , qui retrace les avances consenties aux collectivités pour leur permettre de surmonter des difficultés de trésorerie et de recevoir le produit des impositions qui leur sont dues, mais qui sont perçues par l'État ;

- les dégrèvements d'impôts , regroupés dans un programme ad hoc , et qui reflètent la volonté de l'État d'alléger la charge fiscale pesant sur les contribuables locaux ;

- les transferts de parts de fiscalité nationale , qui ont vocation à compenser les transferts de compétences opérés par l'État.

Au sein de ces cinq catégories, la tendance est à l'accroissement du poids des prélèvements sur recettes et, corrélativement, à la marginalisation progressive des dotations budgétaires.

2. Les dotations budgétaires de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »

Comprenant les dotations budgétaires inscrites au budget du ministère de l'Intérieur, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » se caractérise par sa modestie budgétaire : elle est, en effet, extrêmement limitée en volume -en particulier lorsqu'elle est mise en regard avec l'ensemble des concours versés par l'État aux collectivités territoriales. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2011 fixe ainsi le montant total de ces dotations à 2,531 milliards d'euros, ce qui correspond à environ 4 % de l'effort financier total de l'État (hors fiscalité transférée).

Au sein de la mission, les dotations font l'objet d'une répartition organique, c'est-à-dire par catégorie de collectivités territoriales. Les trois premiers programmes concernent donc respectivement les communes, les départements et les régions. S'y ajoute un programme hétérogène, qui rassemble les concours spécifiques versés à certaines collectivités et les coûts de fonctionnement (fonctionnement courant, informatique et immobilier) de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

Plus précisément :

- le programme 119 contient l'ensemble des « concours financiers aux communes et groupements de communes » ; représentant 815 millions d'euros en autorisations d'engagement et 776 millions d'euros en crédits de paiement, il finance deux types de dotations, distribuées entre les deux actions du programme.

L'action n° 1, intitulée « Soutien aux projets des communes et des groupements de communes », vise principalement à favoriser l'investissement local à travers l'attribution de subventions (qui sont généralement attribuées sur la base des projets présentés par les collectivités).

Suivant les recommandations de la Cour des comptes, le PLF pour 2011 fusionne la dotation générale d'équipement des communes (DGE) et la dotation de développement rural (DDR) en une dotation unique : la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) , qui représentera, en 2011, 616 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 645 millions d'euros en crédits de paiement (CP) 1 ( * ) . Cette fusion devrait permettre de simplifier les modalités de calcul des enveloppes départementales de la DGE et de la DDR, de faciliter les démarches des communes rurales et d'optimiser l'effet des dotations dédiées à ces communes 2 ( * ) . Les critères d'attribution de la DETR devraient également être simplifiés par rapport au système auparavant en vigueur pour la DGE et la DDR : il sera tenu compte de la population, de la densité démographique du département et de la richesse fiscale de la collectivité. En outre, ces critères étant majoritairement centrés sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), ils permettront de favoriser la dynamique de construction des intercommunalités.

L'action n° 1 contient également les crédits relatifs à la dotation de développement urbain (DDU) : ils s'élèveront à 50 millions en AE et en CP.

Cette action comprend enfin les dotations ayant vocation à soutenir les maires dans l'exercice des compétences qui leur sont déléguées par l'État : il s'agit de la dotation forfaitaire pour la délivrance de titres sécurisés (18,8 millions d'euros en 2011), et de la dotation pour les régisseurs de police municipale (500 000 euros).

L'action n° 2, « Dotation générale de décentralisation », reprend une partie des dotations de compensation des charges globales de fonctionnement des communes et de leurs groupements lorsque ces charges résultent d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétences. En 2011, la DGD couvrira les coûts provoqués par le transfert des monuments historiques, le financement des services communaux d'hygiène et de santé, l'élaboration des documents d'urbanisme, etc.

- le programme 120 , « Concours financiers aux départements » (492 millions d'euros en AE et en CP), est divisé en deux actions : la première est consacrée aux « Aides à l'équipement des départements », et comprend seulement la dotation globale d'équipement des départements 3 ( * ) ; la seconde contient les crédits relatifs à la DGD des départements ;

- le programme 121 , « Concours financiers aux régions » (891 millions d'euros en AE et en CP), contient une action unique : en effet, depuis le PLF pour 2008 (qui a inscrit la dotation régionale d'équipement scolaire au sein des prélèvements sur recettes afin d'en simplifier et d'en agréger le mode de calcul), ce programme ne comprend que les crédits relatifs à la DGD des régions ;

- le programme 122 , « Concours spécifiques et administration » (360 millions d'euros en AE et 354 millions d'euros en CP) comporte quatre actions très diversifiées.

L'action n° 1, « Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales », retrace les subventions destinées à soutenir les collectivités touchées par des calamités publiques.

L'action n° 2, « Administration des relations avec les collectivités territoriales », représente 0,7 % des crédits inscrits dans ce programme (2,3 millions d'euros en AE et 2,4 millions d'euros en CP) ; elle regroupe les crédits de fonctionnement et d'investissement alloués à la DGCL, et consacrés principalement à sa mission d'élaboration et de suivi des normes applicables aux collectivités.

L'action n° 3, « Dotation générale de décentralisation » (217 millions d'euros en AE et en CP), contient les crédits compensant les transferts de charges spécifiques (crédits du concours particulier de la DGD relative aux autorités organisatrices des transports urbains ; concours aux bibliothèques municipales et aux bibliothèques départementales de prêts ; concours pour les ports maritimes décentralisés ; concours pour les aérodromes civils...).

L'action n° 4, « Dotations outre-mer » (109 millions d'euros en AE et en CP), regroupe cinq dotations destinées à la Nouvelle-Calédonie, à Mayotte et à la Polynésie française.

Entre 2010 et 2011, les crédits de la mission augmentent de 2,8 % : cette augmentation est largement due à diverses mesures de transfert et de périmètre (rapatriement de subventions et de crédits de compensation au sein de la mission « Relations avec les collectivités territoriales »), hors desquelles l'augmentation des crédits en CP n'est que de 0,03 % .


* 1 Ces montants sont égaux à la somme des crédits alloués à la DGE des communes et à la DDR en 2010.

* 2 Corrélativement, une commission unique, composée d'élus sur le modèle de la commission actuellement en fonction pour la DGE, devrait être mise en place pour veiller à ce que l'action de l'État soit adaptée aux besoins locaux.

* 3 On rappellera que cette dotation est divisée en deux fractions : la fraction principale, attribuée sur la base des investissements réalisés par les départements en matière d'aménagement foncier et d'équipement rural, et une fraction accessoire qui vient notamment soutenir les départements les plus défavorisés.

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