B. LES AUTRES COMPOSANTES DE L'EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : LE POIDS TOUJOURS PRÉPONDÉRANT DES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES

1. Le poids grandissant des prélèvements sur recettes

Aux termes du PLF pour 2011, 49,154 milliards d'euros, c'est-à-dire près de 82 % de l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités territoriales , sont prélevés sur les recettes de l'État.

Les prélèvements sur recettes (PSR) sont expressément prévus et encadrés par la LOLF : leur attribution est réservée à l'Union européenne et aux collectivités territoriales, et leur emploi est limité aux cas où l'État est tenu de « couvrir des charges incombant à des bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales ». En pratique, les PSR se traduisent par des versements automatiques et globaux .

Les PSR en faveur des collectivités territoriales se décomposent en de très nombreux concours ; dans certains cas, ceux-ci comprennent eux-mêmes plusieurs parties distinctes.

Les prélèvements sur recettes dans le PLF pour 2011

En millions d'euros ;
en autorisations d'engagement (AE)

LFI 2010 retraitée des effets de la réforme de la TP

PLF 2011 à périmètre constant

PLF 2011 à périmètre courant

PSR

Dotation globale de fonctionnement

41 178

41 266

41 265

Dotation spéciale instituteur

28

26

26

Dotation élu local

65

65

65

Dotation départementale d'équipement des collèges

326

326

326

Dotation régionale d'équipement scolaire

661

661

661

Dotation globale de construction et d'équipement scolaire

3

3

3

Prélèvement au titre des amendes forfaitaires de la police de la circulation et des radars automatiques

640

640

0

Prélèvement au profit de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse

44

41

41

Fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles

15

20

20

Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion

500

500

500

Compensations d'exonérations :

Dotation de compensation des pertes de base de la TP et de redevance des mines des communes et de leurs groupements

35

35

35

Compensation de la part salariale de la TP (FDPTP)

-

-

-

Dotation de compensation de la taxe professionnelle (y compris la réduction pour création d'établissement)

392

348

348

Compensation d'exonération au titre de la réduction de la fraction de recettes prise en compte dans les bases de la TP des titulaires de bénéfices non-commerciaux

185

164

164

Compensation d'exonération de la taxe foncière relative au non-bâti agricole (hors Corse et hors part communale)

-

-

-

Compensations d'exonérations ajustées

333

295

295

Autres compensations d'exonérations (non-modifiées)

1 448

1 528

1 528

Dotation de compensation de la réforme de TP (DCRTP)

2 530

2 530

2 530

Dotation pour transferts de compensations d'exonérations de fiscalité directe locale

984

928

928

Dotation de garantie de renversements des fonds départementaux de taxe professionnelle

419

419

419

TOTAL PSR

49 142

49 154

49 153

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF pour 2010.

On remarquera que, au sein de cet amas de concours hétérogènes, deux dotations concentrent plus de 95 % des montants alloués aux collectivités sous la forme de prélèvements sur recettes :

- le montant des compensations d'exonération s'élève, en 2011, à 5,828 milliards d'euros, soit 11,8 % des prélèvements sur recettes ;

- la dotation globale de fonctionnement (DGF) représente, à elle seule, 83,9 % des PSR . Principale dotation de fonctionnement attribuée par l'État aux collectivités territoriales, la DGF a vu son montant doubler avec l'intégration en son sein, en application de la loi de finances pour 2004, de diverses dotations budgétaires. De ce fait, elle se caractérise par sa structure interne complexe : comprenant douze dotations ainsi qu'une part importante des compensations d'exonération dues par l'État aux collectivités, elle inclut également, pour chaque niveau de collectivités, une part forfaitaire et une ou plusieurs parts de péréquation. On remarquera, à ce titre, que les volumes de DGF consacrés à la péréquation augmentent continûment depuis 2006.

Évolution de la part de la DGF consacrée à la péréquation

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

En % de la DGF

12,3

13,5

14,4

15,1

15,7

16,1

16,6

Source : documents annexés au PLF pour 2011.

2. Des anomalies persistantes au sein du compte d'avances aux collectivités territoriales

Le compte d'avances aux collectivités territoriales, qui ne correspond pas à un concours financier de l'État aux collectivités territoriales stricto sensu mais matérialise la fonction de « fermier général » de celui-ci, retrace deux types de données.

Les dépenses du compte correspondent aux avances accordées aux collectivités territoriales ; leur montant correspond à la somme des émissions de rôle de l'année en matière de taxe d'habitation et de taxes foncières, à laquelle s'ajoute la fraction de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) accordée aux départements au titre de la compensation financière du revenu de solidarité active (RSA). Cette compensation représente 5,857 milliards d'euros en 2011.

En outre, à partir de 2011, dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle et de la mise en place totale de la contribution économique territoriale, le compte de concours financiers comprendra également les reversements des recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de cotisation foncière des entreprises (CFE), d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et de taxe sur les surfaces commerciales.

Les recettes du compte retracent, quant à elles, le produit des impôts locaux directs effectivement réglés par les contribuables locaux, ainsi que les dégrèvements et admissions en non-valeur pris en charge par l'État (v. infra ).

Les 87,865 milliards d'euros que comporte le compte sont répartis en deux programmes :

- le programme 832 , « Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie » est doté de 6,8 milliards d'euros en 2011 (soit une stabilité parfaite par rapport à 2010) et permet aux collectivités bénéficiaires de faire face à des difficultés momentanées de trésorerie, ou encore de contracter rapidement des emprunts à moyen ou à long terme ; ces emprunts sont alors consentis par l'État ;

- le programme 833 , « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » enregistre le recouvrement par l'État, puis le reversement intégral aux collectivités, des taxes énumérées par l'article L. 1614-I-1 du code général des impôts. La réintégration, au sein du compte d'avances aux collectivités territoriales, des taxes se substituant à la taxe professionnelle en 2011 explique la croissance brutale (près de 45 % d'augmentation entre 2010 et 2011) des crédits accordés à ce programme.

Comme l'année passée, votre rapporteur pour avis souligne que le compte d'avances aux collectivités territoriales, qui devrait logiquement être déficitaire, présente un excédent important : ce solde positif se porte, dans le PLF pour 2011, à 1,170 milliard d'euros.

Ce paradoxe résulte de facteurs divers et nombreux : notre ancien collègue Michel Mercier rappelait ainsi, dans un rapport de novembre 2007 4 ( * ) , que les prélèvements de l'État pour frais d'assiette et de recouvrement (2,5 milliards d'euros en moyenne) et pour dégrèvements en non-valeur (2 milliards d'euros environ) étaient largement supérieurs au coût réel de ces opérations, qui peut être évalué à un milliard d'euros. Cette opération donne donc lieu, pour l'État, à un bénéfice net de 3,5 milliards d'euros .

Votre rapporteur appelle donc l'État à réapprécier les modalités d'évaluation des frais induits par le recouvrement des impôts locaux afin de rééquilibrer le compte d'avances aux collectivités territoriales.

3. Des dégrèvements toujours importants

Le PLF pour 2011 évalue à 11,128 milliards d'euros , le montant des crédits dus par l'État aux collectivités territoriales au titre des dégrèvements et des admissions en non-valeur (c'est-à-dire des impayés) d'impôts locaux.

Ces crédits, essentiellement évaluatifs , sont regroupés au sein d'un programme ad hoc , intitulé « Remboursement et dégrèvements d'impôts locaux » (programme 201) et qui a vocation à alimenter le compte d'avances aux collectivités territoriales.

En effet, l'État prend en charge tout ou partie des contributions dues par les contribuables locaux afin d'alléger la pression fiscale pesant sur ces derniers. Cette prise en charge est d'ailleurs de plus en plus large : entre 1995 et 2009, les dégrèvements d'impôts directs locaux ont progressé de 65 %.

Dans le cas des dégrèvements, l'État se substitue intégralement au contribuable dégrevé : en conséquence, la perte de recettes est théoriquement nulle pour les collectivités, mais cette situation fait de l'État le premier contribuable local .

En outre, le montant des dégrèvements varie fortement en fonction du type de fiscalité concernée , avec un poids prépondérant pour les dégrèvements de CET (plus de 58 % du total des dégrèvements). En 2011, les dégrèvements de CET s'élèveront ainsi à 6,458 milliards d'euros, contre 3,4 milliards d'euros pour la taxe d'habitation et 750 millions pour les taxes foncières. Les admissions en non-valeur devraient, quant à elles, représenter 520 millions d'euros.

Les principaux dégrèvements de contribution économique territoriale (CET)

Les principaux dégrèvements de CET correspondent aux mesures fiscales suivantes :

- le plafonnement de la CET à 3 % de la valeur ajoutée (article 1647 B sexies du code général des impôts). Ce dégrèvement est effectué à la demande du redevable ;

- les dégrèvements de cotisation foncière des entreprises (article 1647 bis du CGI), qui permettent aux redevables de demander un dégrèvement partiel de leur impôts en cas de diminution de leurs bases entre l'avant-dernière et la dernière année précédant l'année d'imposition ;

- le dégrèvement accordé aux entreprises à titre transitoire (article 1647 C quinquiès du CGI) jusqu'en 2013, dans le cas où les contributions acquittées par les redevables sont supérieures de 500 euros et de 10 % à la somme des cotisations versées avant la réforme de taxe professionnelle ;

- le dégrèvement de CVAE (article 1586 quater du CGI), institué par le Sénat et égal à la différence entre le montant de cette cotisation (1,5 %) de la valeur ajoutée et l'application à la valeur ajoutée d'un taux calculé en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise.

4. L'actualisation du montant des transferts de fiscalité visant à compenser les transferts de compétences

Chaque année, l'État attribue aux collectivités territoriales des parts de fiscalité nationale afin de compenser les charges résultant des transferts de compétences.

(1) L'attribution de parts de fiscalité nationale : un procédé ancien et controversé

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l'article 72-2 de la Constitution pose le principe selon lequel « tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». En application de ces dispositions, ce sont plus de 18,5 milliards d'euros qui ont été alloués aux collectivités territoriales entre 2005 et 2010 .

Afin de garantir que les modes de compensation mis en place par l'État ne portent pas atteinte à l'autonomie financière des collectivités et soient facilement ajustables, le législateur a privilégié, dès les années 1980, les transferts de ressources fiscales : la loi du 7 janvier 1983 précise ainsi que les transferts de charges doivent être compensés, au moins pour moitié, par l'attribution d'une part d'impôts d'État.

Les ressources fiscales transférées aux collectivités territoriales

Depuis l'« acte I » de la décentralisation, le législateur a entendu compenser les transferts de compétences par l'attribution de parts des impôts suivants :

- les droits d'enregistrement sur les mutations immobilières à titre onéreux (DMTO) et la taxe sur la publicité foncière ont été attribués aux départements pour financer les transferts prévus par la loi du 7 janvier 1983, la taxe sur les certificats d'immatriculation des automobiles (taxe sur les « cartes grises ») était attribuée aux régions ;

- une fraction de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) a été transférée aux régions pour compenser les transferts prévus par la loi du 13 août 2004 ;

- pour la compensation des mêmes transferts, une part de TIPP a été transférée aux départements ; cette fraction a été augmentée en 2008 afin de tenir compte du manque de dynamisme des recettes issues de la TSCA.

Ce procédé a été conforté par la révision de 2003, qui a affirmé le principe selon lequel la compensation des transferts de compétence doit être réalisée « à titre principal » par l'attribution d'impositions de toute nature.

Malgré ses avantages, ce système a été vivement critiqué par la Cour des comptes : celle-ci a en effet considéré, dans un rapport de 2009, que le transfert de parts de fiscalité était « confus » et « opaque » et que, en l'état, il constituait « une réponse artificielle à l'exigence de ressources propres » 5 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis s'associe à ce constat et plaide pour que les réflexions en cours sur les modalités de compensation des transferts de compétences ne se limitent pas au seul problème des finances départementales, mais soient l'occasion de mettre en place un dispositif plus lisible pour toutes les collectivités. Ce n'est qu'à cette condition que les collectivités territoriales pourront sereinement assumer les compétences qui leur ont été confiées par l'État, et que le législateur pourra effectuer un suivi effectif et complet de la bonne compensation des charges transférées.

(2) L'actualisation annuelle des montants de fiscalité nationale affectés aux départements et aux régions

En 2010, ont été finalisés plusieurs transferts de personnels aux départements (personnels des routes nationales reclassés dans la voirie départementale, reclassement des personnels du domaine public fluvial et des ports maritimes, transfert des personnels chargés de la gestion du fonds de solidarité pour le logement, etc.) et aux régions (transfert, pour la Corse, des agents des personnels des routes nationales, et transfert aux régions des personnels des lycées maritimes).

Le PLF pour 2011 actualise les taux des fractions de TIPP attribuées aux départements et aux régions en fonction des facteurs suivants :

- l'article 24 ajuste les taux des fractions de la TIPP affectés aux régions pour compenser les charges résultant de la modification des règles relatives au diplôme d'État d'infirmier par voie réglementaire, dans la mesure où cette réforme modifie les conditions d'exercice d'une compétence confiée aux régions par la loi du 13 août 2004 6 ( * ) . Le montant de cette compensation sera calculé en fonction du coût financier net de la réforme, et plus précisément en tenant compte de quatre postes de dépenses principaux : les enseignements théoriques, les stages, le suivi pédagogique et les dépenses d'équipement ;

- l'article 25 est spécifiquement consacré à la compensation des charges résultant du RSA pour les départements. Conformément à l'article 7 de la loi du 1 er décembre 2008, le montant du droit à compensation des départements, des départements d'outre-mer, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon est établi en fonction des dépenses exposées par les collectivités précitées en faveur des bénéficiaires du montant forfaitaire majoré du RSA (qui correspond à l'ancienne allocation de parent isolé) ; ces sommes sont constatées dans les comptes administratifs pour 2010, pour les départements métropolitains, et dans les comptes administratifs pour 2012 pour les autres collectivités. L'extension du RSA aux DOM et à certaines collectivités ultra-marines, qui sera effective au 1 er janvier 2011, traduit les dispositions de l'ordonnance n° 2010-686 du 24 juin 2010 7 ( * ) . La compensation des charges créées par cette nouvelle compétence sera opérée par le biais de l'attribution d'une part de TIPP, sauf pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin : ne percevant pas la TIPP, ces collectivités bénéficieront d'une majoration des dotations globales de compensation (DGC) qui leur sont attribuées en application du code général des collectivités territoriales 8 ( * ) ;

- pour compléter le dispositif de compensation des charges découlant de la généralisation du RSA, l'article 22 reconduit le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion , pour un montant de 500 millions d'euros. Il s'agit de la deuxième prolongation du FMDI : créé pour deux ans par la loi de finances rectificative pour 2006 et destiné à s'éteindre à la fin de l'exercice 2008, ce fonds avait en effet été pérennisé par l'article 15 de la loi de finances pour 2010. On rappellera, à cet égard, que le FMDI est prélevé sur les recettes de l'État et versé chaque année au titre des dépenses de l'année précédente, et qu'il se répartit entre des crédits de compensation (40 % du montant total), des crédits de péréquation (30 %) et des crédits d'insertion (30 %).

Un dispositif largement comparable à celui qui avait été retenu par les lois de finances précédentes est donc mis en place pour 2011.


* 4 « Le compte d'avance aux collectivités territoriales », rapport déposé le 13 novembre 2007.

* 5 « La conduite par l'État de la décentralisation ».

* 6 L'article 73 de la loi du 13 août 2004 a en effet transféré aux régions, la compétence relative au financement du fonctionnement et de l'équipement des écoles et instituts de formation des sages-femmes et des professionnels paramédicaux.

* 7 Cette ordonnance a d'ailleurs été récemment ratifiée par le Sénat, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au Département de Mayotte.

* 8 Cette modalité de compensation est identique à celle qui avait été prévue lors du transfert du RMI à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

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