II. UN NIVEAU INÉDIT DE PARTICIPATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À L'EFFORT DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Ces considérations sur la structure de l'effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales, qui n'a pas connu d'évolution majeure depuis 2006, ne doivent pas masquer un changement de logique profond dans la gestion de cet effort : en effet, à compter de 2011, les collectivités verront les concours qui leur sont versés évoluer selon une norme « zéro valeur » (ce qui correspondra, en pratique, à une diminution annuelle égale au taux d'inflation prévisionnel), alors qu'elles progressaient auparavant selon une norme « zéro volume » (c'est-à-dire selon un taux de croissance égal au taux d'inflation prévisionnel).

Cette innovation vient mettre fin à la hausse continue du montant des dotations versées par l'État aux collectivités territoriales : la Cour des comptes rappelait ainsi que le total des différents concours financiers avait progressé de 18,5 % entre 2006 et 2009 , alors même que le total des recettes des collectivités enregistrait, dans le même temps, une hausse de 14,5 % 9 ( * ) .

A. LES OBJECTIFS FIXÉS PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2011-2014

S'appuyant sur le rapport établi par MM. Gilles Carrez, président du Comité des finances locales et Michel Thénault, conseiller d'État, en vue de la conférence sur les déficits publics et remis au Président de la République en mai 2010, le projet de loi de programmation pour les finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014 prévoit le gel en valeur , au niveau de la loi de finances initiale pour 2010, des concours financiers alloués par l'État aux collectivités territoriales .

Les conclusions du rapport du groupe de travail présidé par MM. Gilles Carrez et Michel Thénault : des conclusions largement suivies par la LPFP 2011-2014

Le rapport Carrez-Thénault sur la maîtrise des dépenses locales a mis l'accent sur la nécessité de tenir compte des contraintes qui pèsent actuellement sur nos finances publiques et de définir une nouvelle politique budgétaire de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales .

Le rapport rappelle tout d'abord que, hors décentralisation (c'est-à-dire en excluant l'effet des transferts de compétences), les dépenses locales ont augmenté plus vite que le PIB entre les années 1980 et le milieu des années 1990, avant que leur rythme de progression ne se rapproche de celui du PIB. En somme, depuis 1983, le groupe de travail estime que 40 % de la hausse des dépenses locales s'est effectuée « à champ constant » , ce qui représente un point de PIB de dépenses non justifiées par la décentralisation. Cette hausse des dépenses concerne principalement le secteur communal : à titre d'illustration, la croissance des effectifs locaux entre 1994 et 2005 est à 92 % imputable aux communes et à leurs groupements.

Cette augmentation des dépenses n'a toutefois pas empêché les collectivités territoriales de maintenir leur endettement à un niveau bas (la dette des administrations publiques locales -APUL- représente 11 % de la dette publique, alors que les collectivités concentrent 20 % des dépenses publiques) ; en outre, depuis 2004, cet endettement est en réalité un « besoin de financement », les collectivités étant tenues de ne contracter des emprunts que pour financer leurs investissements ce qui, comme le souligne le groupe de travail, « est loin d'être le cas pour le budget de l'État et pour les administrations sociales ».

Tentant de mettre à jour les déterminants de la dépense locale, le groupe de travail précise que, d'un point de vue statistique :

- le niveau de dépenses des collectivités est fortement corrélé à leur niveau de ressources ; cet effet explicatif est particulièrement marqué pour les communes (62 %) ;

- parmi les composantes de la ressource, ce sont les dotations qui ont le plus fort effet explicatif sur le niveau de dépenses ; l'effet explicatif des facteurs de charge locaux est d'ailleurs moins important que celui des dotations pour les communes (21 % contre 28 %).

Comme le résume le rapport, « ces résultats semblent indiquer qu'un accroissement de la péréquation favoriserait la maîtrise globale des dépenses », puisqu'il minorerait le caractère forfaitaire des dotations de l'État.

Enfin, constatant que le gel des dépenses de l'État à partir de 2011, ainsi que la réforme de la fiscalité qui a réduit la capacité des collectivités territoriales à fixer les taux d'imposition qui s'appliquent sur leur territoire, vont fortement contraindre les finances locales, le groupe de travail formule cinq propositions principales afin de favoriser une réduction des dépenses des collectivités :

- la mise en place d'une norme de progression des concours de l'État stabilisée en valeur, mais dans le cadre d'un périmètre rationalisé : la nouvelle enveloppe normée devrait ainsi exclure le FCTVA, et une nouvelle règle devrait être fixée pour le calcul des dégrèvements d'impôts (le montant acquitté par l'État serait calculé par application aux bases dégrevées des taux votés par les collectivités au moment de l'institution du dégrèvement, et non des taux votés chaque année par elles) ;

- l'approfondissement de la péréquation , tant verticale qu'horizontale ;

- le renforcement de la structuration du dialogue entre l'État et les collectivités , autour d'une conférence nationale des exécutifs (CNE) tenue à une périodicité régulière de réunion (deux fois par an au moins) et dotée d'un secrétariat permanent ;

- la création d'outils de gestion et de pilotage des compétences transférées harmonisés, afin d'améliorer la connaissance des conditions d'exercice des compétences décentralisées ;

- le contrôle de l'inflation normative de l'État , qui pèse lourdement sur les finances locales.

La crise économique de 2008 a encore aggravé le déficit des administrations publiques, qui atteint désormais le niveau alarmant de 7,5 % du PIB en 2009. A donc été lancé, dès le PLF pour 2009, un mouvement d'assainissement des finances publiques. Soucieux de préserver les marges de manoeuvre et les capacités d'investissement des acteurs locaux, qui ont joué un rôle crucial dans la lutte contre la crise et dans la relance de l'économie, le gouvernement avait alors souhaité que cette modération budgétaire n'ait qu'un impact limité sur les collectivités territoriales ; il avait, en conséquence, appliqué aux concours versés à celles-ci une diminution moins forte que celle qui pesait sur le reste de ses dépenses.

Il est toutefois apparu que l'État n'avait plus les moyens de maintenir un niveau de contribution aussi élevé et que, dans un contexte de grande tension budgétaire, il n'était plus ni légitime, ni financièrement soutenable d'appliquer aux collectivités territoriales une norme de progression plus favorable que celle à laquelle l'État se soumet lui-même 10 ( * ) : la dégradation rapide des comptes publics impose donc de mieux associer les collectivités à l'effort de réduction du déficit .

Dans cette optique, le projet de LPFP prévoit la stabilisation en valeur des concours de l'État à un montant de 50,45 milliards d'euros en AE (ce qui correspond exactement au montant ouvert par la loi de finances initiale pour 2010, après neutralisation des effets des mesures de périmètre) pour la période 2011-2014.

Les dépenses des APUL, qui s'élèvent aujourd'hui à 12 % du PIB, devraient ce faisant se porter à 11,2 % à l'horizon 2014.

Prévisions du solde des APUL

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Dépenses en points de PIB

12,0

12,0

11,8

11,6

11,3

11,2

Recettes en points de PIB

11,7

11,6

11,3

11,2

11,2

11,2

Solde en points de PIB

- 0,3

- 0,4

- 0,5

- 0,4

- 0,1

0,0

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation 2011-2013.

Cette mesure peut paraître rigoureuse mais, selon le gouvernement, elle est également un facteur de protection pour les collectivités. En effet, le fait que l'évolution de l'effort financier de l'État soit encadrée par la LPFP interdit d'utiliser les concours versés aux collectivités territoriales comme une « variable d'ajustement » qui aurait pu être arbitrairement diminuée pour assurer le respect, par l'État, de la norme « zéro valeur » -ce qui aurait théoriquement pu être le cas si les concours de l'État aux collectivités n'avaient pas fait l'objet d'une programmation ad hoc . En réalité, il s'agit donc d'une sanctuarisation des concours versés aux collectivités territoriales , dont la progression triennale est garantie, lisible et contrôlée.

Ainsi, la mise en place d'une même norme de progression pour les dépenses de l'État inscrites au budget général et pour les concours versés par ce dernier aux collectivités territoriales correspond, certes, à un durcissement des règles applicables aux collectivités, mais pourra aussi jouer le rôle d'une « garantie de non-baisse » .

À ce titre, votre rapporteur rappelle que, en 2009 et 2010, plusieurs missions (11 sur 31 en 2009, et 7 en 2010) ont vu leur montant diminué pour permettre le respect global de la norme de dépenses que l'État s'était imposée. La norme ainsi prévue est donc véritablement protectrice des ressources des collectivités territoriales.

Le gouvernement estime que cette norme de progression sera soutenable pour les collectivités territoriales, en raison de :

- la fin de la montée en charge de certaines prestations , comme l'allocation personnalisée d'autonomie ou la prestation de compensation du handicap, ainsi que la décélération des dépenses de RSA « socle » avec la sortie de crise et l'amélioration subséquente de la conjoncture économique ;

- le faible dynamisme du prochain cycle d'investissement local , qui s'explique à la fois par la baisse des coûts de construction (ceux-ci s'étant, lors du cycle précédent, maintenus à un niveau supérieur à celui de l'inflation, et ayant de ce fait renchéri les investissements locaux) et par l'anticipation de nombreuses dépenses dans le cadre des « conventions FCTVA ».


* 9 Rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour l'exercice 2009, mai 2010.

* 10 C'est-à-dire, pour la période 2011-2014, à une norme « zéro valeur » hors charge de la dette et hors contributions aux pensions des fonctionnaires de l'État.

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