IV. DES FINANCES LOCALES TOUJOURS FRAGILES, MALGRÉ LA SORTIE DE CRISE

L'année 2011 devrait marquer la sortie de crise pour les collectivités territoriales qui, comme votre rapporteur l'avait souligné l'année dernière, ont été lourdement impactées par la conjoncture économique en 2009.

L'année 2010 est, à cet égard, une année charnière : comme le notait l'Observatoire des finances locales, il s'agit d'« une année de transition et d'inquiétudes » pour les collectivités 25 ( * ) .

Cette échéance est l'occasion de faire le point sur les finances locales et sur leur évolution entre 2008 et 2009 , et de tirer les leçons de la crise économique, qui a révélé l'existence de déséquilibres structurels dans le budget de certaines catégories de collectivités, et notamment des départements, dont les ressources sont inadaptées aux charges induites par les compétences qu'elles exercent.

A. UNE AMÉLIORATION SENSIBLE DE LA SITUATION DES FINANCES LOCALES PAR RAPPORT À 2008

1. Une réduction globale des déficits des APUL en 2009

L'année 2009 a tout d'abord permis une réduction nette des déficits locaux par rapport à 2008, année où l'impact de la crise a été particulièrement sensible.

Globalement, votre rapporteur constate que le déficit des APUL s'est réduit de plus de 3 milliards d'euros, pour atteindre 5,6 milliards d'euros (soit 0,3 point de PIB). On rappellera, à cet égard, que le besoin de financements des collectivités était de 8,7 milliards d'euros en 2008 : il s'agit donc d'une baisse de 36 %.

Cette évolution a été permise par une augmentation des recettes de 4,5 %, c'est-à-dire supérieure à la hausse des dépenses, qui n'a été que de 3 %. Comme le note la Cour des comptes 26 ( * ) , cette conjoncture favorable à l'équilibre des comptes locaux est largement due au dispositif de versement anticipé du FCTVA (v. infra ) : en effet, sans les 3,85 milliards d'euros apportés aux budgets locaux par cette mesure, « les recettes n'auraient progressé que de 2,8 %, soit au rythme des dépenses ».

Sous le coup de cette évolution, la part de la dette des APUL dans la dette publique totale a légèrement diminué : elle représente désormais 10,5 % de la dette publique, contre 11,3 % en 2008.

On notera cependant que l'année 2009 a été contrastée pour les collectivités territoriales sur le plan fiscal : ainsi, si les impôts directs se sont avérés particulièrement dynamiques (avec une augmentation de 5,2 % pour les communes et de 9,6 % pour les départements), les impôts indirects ont été, quant à eux, en net reflux (le rendement de ces impôts a diminué à hauteur de 1,6 % dans les communes et de 7,9 % pour les départements).

2. Un recours à l'emprunt sécurisé

Votre rapporteur note avec satisfaction que les conditions d'emprunt des collectivités territoriales ont été sécurisées depuis le début de l'année.

Il rappelle que, en 2009, avait été constatée une multiplication des emprunts « à risque » dans le portefeuille de dette des collectivités ; il avait alors souligné que les emprunts structurés représentaient environ 10 % de l'encours de dette des acteurs locaux et que ces emprunts s'étaient banalisés, donnant parfois lieu à des prises de risque excessives que la crise financière a révélées avec brutalité.

Deux avancées majeures ont été opérées, en la matière, au cours de l'année écoulée :

- tout d'abord, une « charte de bonne conduite » a été conclue entre des représentants des collectivités territoriales et de nombreuses banques (à savoir le Crédit agricole, la Société générale, Dexia, les Caisses d'épargne et les Banques populaires). Entrée en vigueur au 1 er janvier 2010, cette charte stipule notamment que les banques renoncent à proposer aux collectivités des emprunts dont le taux évolue en fonction d'indices à risque élevé (cours des matières premières, marchés d'action, valeur relative des devises, etc.) et à leur proposer de souscrire des crédits dont les intérêts répondent à un système « cumulatif ». Si votre rapporteur se félicite de ce progrès, il note que les efforts accomplis demeurent insuffisants : seule une augmentation de la transparence en matière d'emprunt amenant les assemblées délibérantes des collectivités à être mieux informées sur les décisions prises par leurs organes exécutifs en matière d'endettement pourra permettre de lutter efficacement contre le recours aux emprunts « toxiques ». Il s'associe ainsi aux préconisations de la Cour des comptes, qui avait recommandé que soit rendue obligatoire l'organisation d'un débat annuel sur l'état de la dette et sa stratégie de gestion future. Votre rapporteur constate également qu'aucune entreprise de recensement de la dette des collectivités territoriales , seule solution pour connaître avec précision le degré de risque auquel elles sont exposées et d'en tirer les conséquences, n'a été engagée ;

- un médiateur pour les emprunts toxiques a été nommé : il s'agit de M. Eric Gissler, inspecteur général des finances, entré en fonctions au mois de novembre 2009. Votre rapporteur déplore toutefois que le champ d'action de ce dernier se limite aux produits financiers interdits par la « charte de bonne conduite », et n'inclue pas tous les emprunts susceptibles de menacer la viabilité financière des collectivités territoriales.

3. L'efficacité limitée des mesures de soutien à l'investissement mises en place pendant la crise

L'étude des finances locales en 2009 est également l'occasion de dresser le bilan des « conventions FCTVA » qui avaient été mises en place, dans le cadre du plan de relance, afin de favoriser l'investissement des collectivités territoriales.

Tout d'abord, votre rapporteur note que la contribution des collectivités territoriales à l'investissement public a reculé en 2009 : il se porte à 70 % du montant des investissements réalisés par la sphère publique dans notre pays, contre 73 % en 2008. L'effet de la crise sur le comportement économique des collectivités territoriales a donc, en tout état de cause, été palpable et réel.

Dans ce cadre, il convient de déterminer non pas si les conventions FCTVA ont permis de faire progresser les investissements des collectivités, mais plutôt de savoir à quel point elles ont limité la baisse de ces investissements .

Le fonctionnement des « conventions FCTVA »

La loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 a permis aux collectivités territoriales de bénéficier d'attributions anticipées du FCTVA dès lors qu'elles s'engagent à faire progresser leurs dépenses réelles d'équipement par rapport à la moyenne constatée dans leurs comptes pour les exercices 2004 à 2007 (ce qui équivaut, en moyenne, à un montant d'investissement inférieur de 10 % à celui des investissements réalisés en 2008).

Les collectivités territoriales qui se sont engagées, avant le 15 mai 2009, à participer au plan de relance ont bénéficié en 2009 des attributions du FCTVA au titre des dépenses d'investissement réalisées en 2007 et correspondant aux dispositions de droit commun, mais aussi de celles réalisées en 2008. Ce système d'attribution anticipé sera pérennisé pour les collectivités qui auront effectivement réalisé le montant de dépenses d'investissement auquel elles s'étaient préalablement engagées.

Aucun critère qualitatif d'attribution de ce remboursement anticipé n'a été mis en place.

Ainsi, en 2009, les remboursements au titre du FCTVA se sont élevés à 9,6 milliards d'euros (5,8 milliards étant consacrés aux remboursements pour 2007, et 3,8 milliards, au plan de relance).

Cette initiative a été reconduite en 2010, représentant un surcroît de coût de 3,85 milliards d'euros.

Les conventions FCTVA a eu, en 2010, un indéniable succès : alors que le gouvernement avait évalué les surcoûts découlant du versement anticipé à 2,5 milliards, le montant effectivement constaté de ces « conventions » a été de 3,85 milliards.

Dans ce cadre, votre rapporteur rappelle que les collectivités bénéficiaires s'étaient interrogées sur les modalités de calcul du montant d'investissement effectivement réalisé, et avaient fait valoir que la non-finalisation d'un programme d'investissement au cours de l'année civile 2009 (entraînant une baisse « optique » des sommes investies) pouvait interdire à des collectivités pourtant « vertueuses » de bénéficier de la pérennisation du remboursement anticipé du FCTVA. Ces craintes ont été entendues par le législateur , puisque la loi de finances pour 2010 a prévu, dans son article 43, que les « restes-à-réaliser » issus des engagements juridiques intervenus avant le 31 décembre 2009 seraient pris en compte.

Au total, sur les 19 668 bénéficiaires du FCTVA ayant conclu une « convention » avec l'État dans le cadre du dispositif instauré en 2009, plus de 90 % (18 072 collectivités) ont été effectivement pérennisés, dont 2 850 grâce à la prise en compte des « restes-à-réaliser » (soit près de 16 % du total).

Les dépenses réelles d'investissement réalisées par les bénéficiaires, qu'ils aient été ou non pérennisés, s'élèvent à 44 milliards d'euros .

En creux, ceci signifie que 1 596 bénéficiaires retombent dans le droit commun : en conséquence, ils ne percevront pas de FCTVA en 2010 (ils ont en effet déjà perçu le FCTVA pour 2008 dès 2009, et ne toucheront le FCTVA pour 2009 qu'en 2011).

La prolongation des « conventions FCTVA » par la loi de finances pour 2010 a également suscité l'adhésion des acteurs locaux 27 ( * ) : ainsi, 2 884 collectivités sont bénéficiaires de ce dispositif, pour un montant prévisionnel d'investissements de 2,74 milliards d'euros.

Votre rapporteur constate toutefois que les « conventions FCTVA », malgré leur attractivité, ont substantiellement complexifié la gestion du FCTVA, tant pour les administrations centrales que pour les collectivités, en faisant coexister plusieurs types de versements (versement de droit commun, versement anticipé, celui-ci pouvant ensuite être supprimé au cas par cas...).

En outre, il souligne que, bien que les « conventions FCTVA » aient permis d'endiguer la baisse des investissements que la crise économique aurait dû provoquer, leur effet incitatif reste à démontrer . En d'autres termes, il est douteux que ces conventions aient créé des investissements : il semble qu'elles aient plutôt permis d'accélérer la réalisation d'investissements déjà prévus, et dont la crise aurait pu retarder la mise en oeuvre.

Les chiffres sont en effet éloquents : certes, l'investissement local est revenu, en 2009, à son niveau de 2007 (c'est-à-dire à l'un des points les plus hauts d'investissement que les collectivités aient connu sur les quinze dernières années), et les ressources d'investissement ont augmenté de manière très nette (+ 38 % pour les départements et + 12 % pour les communes).

Pour autant, on ne peut qu'être frappé de constater que cette évolution s'accompagne d'une baisse de l'investissement direct des collectivités au cours de l'année 2009 (- 0,6 %), la hausse « optique » de l'investissement correspondant, en réalité, à une augmentation des subventions d'équipement allouées à d'autres collectivités publiques (+ 5,5 %).

A cet égard, la Cour des comptes constatait, dans un rapport sur le plan de relance remis au Parlement en février 2010 28 ( * ) , que ces conventions ne constituaient qu'un simple « avantage de trésorerie » qui n'avait pas eu d'impact substantiel sur l'investissement des collectivités. Plus grave : elle jugeait que le versement anticipé du FCTVA avait eu pour principal effet de limiter le recours à l'emprunt, si bien que cette mesure aurait eu un impact sur les modalités de financement des investissements, mais non sur le niveau de ces investissements. Elle observait même que « de nombreux organismes se sont contentés de respecter cet objectif conventionnel a minima, tout en diminuant leurs dépenses par rapport à 2008 et même en révisant à la baisse leur programme prévisionnel d'investissement ».

La décision d'inciter les collectivités à investir en utilisant justement le FCTVA pouvait, en outre, entrer en contradiction avec le maintien de ce fonds au sein de l'enveloppe normée, ce qui signifiait que toute hausse des investissements viendrait inéluctablement peser sur les autres concours « sous enveloppe », et notamment sur les dotations de fonctionnement.

Enfin, comme l'année passée, votre rapporteur déplore qu'aucun critère qualitatif n'ait été mis en place pour juger de la pertinence des investissements réalisés par le biais des avances de FCTVA, alors qu'une telle mesure aurait dû être concentrée sur les investissements d'avenir , seul ce type d'investissements ayant logiquement vocation à être financé par le biais d'un « plan de relance de l'économie ».

Le bilan des « conventions FCTVA » est donc mitigé : si ce dispositif a permis d'accélérer des investissements que la crise aurait pu ralentir, voire menacer, il ne semble pas avoir eu d'effet structurel en faveur du redressement de la conjoncture économique.

En somme, votre rapporteur s'associe au constat dressé par la Cour des comptes, selon laquelle « le versement anticipé des dotations de FCTVA a été un concours de trésorerie circonstanciel qui n'a pas modifié durablement les conditions de [l']équilibre budgétaire [des collectivités territoriales]. Le fléchissement continu, certes plus modéré en 2009, de leur autofinancement est un indicateur structurel de la dégradation de leur situation financière ».


* 25 « Les finances des collectivités locales en 2010. État des lieux », rapport de l'Observatoire des finances locales, juillet 2010.

* 26 Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, juin 2010.

* 27 L'article 44 de la loi de finances pour 2010 prévoit en effet que les collectivités qui se sont engagées, avant le 15 mai 2010, à une augmentation de leurs dépenses d'investissement par rapport à la moyenne constatée pour les exercices 2005 à 2008 bénéficieront, en 2010, des versements du FCTVA pour 2008 (versement de droit commun) et pour 2009 (versement anticipé).

* 28 Rapport public annuel de la Cour des comptes, février 2010.

Page mise à jour le

Partager cette page