B. L'ÉQUILIBRE DES FINANCES PUBLIQUES NE DOIT PAS FORCÉMENT PASSER PAR L'ABAISSEMENT DU PARLEMENT

Si la commission des affaires sociales est résolument engagée en faveur du rétablissement de l'équilibre des comptes sociaux et qu'elle plaide régulièrement, y compris parfois contre l'avis du Gouvernement, pour l'adoption de mesures énergiques d'augmentation des recettes comme de réduction des dépenses qui permettraient d'atteindre cet objectif, elle ne souhaite pas que la poursuite de cet objectif se traduise par la création d'entraves nouvelles au travail parlementaire .

A cet égard, elle estime que le monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière d'impositions de toute nature et de recettes de la sécurité sociale présenterait de très sérieux inconvénients :

- le Parlement ne pourrait plus appréhender les réformes dans leur globalité , les conséquences financières de celles-ci étant systématiquement renvoyées aux lois financières. Une telle pratique réduirait considérablement l'intérêt du débat parlementaire et obligerait les assemblées à se prononcer sans connaître précisément l'ensemble des éléments constitutifs d'une réforme ;

- l'initiative parlementaire serait drastiquement limitée par ce dispositif qui viendrait s'ajouter à la contrainte de l'article 40 de la Constitution et à l'irrecevabilité des cavaliers budgétaires et des cavaliers sociaux ;

- aucune discussion parlementaire sur la fiscalité ou les ressources de la sécurité sociale ne pourrait avoir lieu en dehors du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale , alors que les conditions d'examen de ces projets sont particulièrement encadrées : discussion en premier lieu par l'Assemblée nationale, délais d'examen étroitement définis ; une seule lecture dans chaque assemblée...

Il convient de rappeler que la très grande majorité des mesures relatives aux impositions et aux autres recettes de la sécurité sociale figurent d'ores et déjà au sein des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et que, lorsqu'il en est allé autrement au cours des dernières années, ce fut très souvent à l'initiative du Gouvernement.

Dans ces conditions, votre commission est défavorable à l'introduction d'un monopole qui entraverait le travail parlementaire.

Pour autant, la préoccupation qui sous-tend les dispositions proposées mérite d'être prise en considération. Au cours des dernières années, trop de mesures votées dans d'autres lois que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale sont venues porter atteinte aux équilibres prévus par ces lois et ont parfois restreint les recettes pérennes de la sécurité sociale.

Le 22 janvier 2008, à l'initiative de Nicolas About, alors président de la commission des affaires sociales, et de votre rapporteur général, le Sénat a adopté une proposition de loi organique visant précisément à éviter un « mitage » des recettes de la sécurité sociale en dehors du cadre de la loi de financement.

Cette proposition de loi organique prévoyait en conséquence que « les mesures de réduction et d'exonération de cotisations affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi que les modifications apportées à ces mesures deviennent caduques au 1 er janvier de l'année suivant celle où elles ont été adoptées si elles n'ont pas été approuvées par une loi de financement de la sécurité sociale » 2 ( * ) .

Votre rapporteur général avait donc pensé initialement proposer un amendement étendant cette proposition à l'ensemble des mesures concernant les impositions de toute nature et les autres recettes de la sécurité sociale.

Toutefois, la commission des lois, saisie au fond du projet de loi constitutionnelle, a bien voulu s'inspirer de cette proposition tout en préférant retenir une entrée en vigueur conditionnée par l'approbation en loi de finances ou de financement plutôt qu'une caducité faute d'approbation en loi de finances ou de financement.

Ce choix répondant parfaitement aux objectifs recherchés par votre commission, celle-ci a adopté un amendement identique à celui de la commission saisie au fond subordonnant l'entrée en vigueur des dispositions relatives aux impositions de toute nature et aux autres recettes de la sécurité sociale à une approbation en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale .

Ainsi, il sera vérifié, dans le cadre de l'examen des lois financières, que les mesures votées en cours d'année ne remettent pas en cause les règles définies par les lois-cadres d'équilibre des finances publiques.

Un tel dispositif permet d'obtenir rigoureusement les mêmes résultats que le monopole des lois financières sans porter atteinte à l'initiative parlementaire et à la cohérence des travaux des assemblées.

L'argument opposé à cette proposition consiste à estimer qu'il serait particulièrement difficile de revenir sur des dispositions que le Parlement viendrait d'adopter. Sans doute cette objection serait-elle recevable dans l'hypothèse où les mesures ainsi adoptées entreraient en vigueur immédiatement car leur remise en cause quelques mois plus tard laisserait nécessairement un sentiment de profonde incohérence. Néanmoins, le dispositif proposé par votre rapporteur général permet de lever cette difficulté. Dès lors que les dispositions adoptées dans d'autres lois que les lois de finances ou de financement de la sécurité sociale ne pourront entrer en vigueur qu'une fois approuvées par une loi financière, chacun sera conscient que le vote d'une disposition fiscale ne suffira pas à la rendre applicable et que sa compatibilité avec la trajectoire de retour à l'équilibre des finances publiques devra être vérifiée à l'occasion d'un projet de loi de finances ou financement.

Par cohérence avec sa décision d'écarter le monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière d'impositions et de recettes de la sécurité sociale, votre commission a adopté des amendements de suppression des articles 2 bis et 9 bis , insérés dans le projet de loi par l'Assemblée nationale et tendant à prévoir une procédure d'irrecevabilité des propositions et amendements ne respectant pas le monopole, que le Gouvernement pourrait utiliser de manière discrétionnaire, tout en l'assortissant d'une obligation pour le Conseil constitutionnel d'annuler les dispositions qui porteraient atteinte au monopole.


* 2 Proposition de loi organique de Nicolas About, alors président de la commission et Alain Vasselle, rapporteur général, n° 51 (session ordinaire de 2007-2008) adoptée par le Sénat le 22 janvier 2008.

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