B. LA NÉCESSITÉ DE LANCER DANS LES PROCHAINES ANNÉES UN VASTE PLAN DE RÉNOVATION DE L'IMMOBILIER DE LA GENDARMERIE

Au 1 er juillet 2011, le parc immobilier de la gendarmerie compte 77 410 logements, répartis au sein de 3 980 casernes domaniales et locatives (ce qui représente 65 356 logements soit 84,5 % du parc), d'ensembles immobiliers locatifs (1 925 logements, soit 2,5 % du parc) et de prises à bail individuelles (10 129 logements, soit 13 % du parc).

Les 65 356 logements en caserne se répartissent en 32 437 logements en casernes domaniales et 32 919 logements en caserne locative.

Le parc domanial de la gendarmerie nationale , dont l'âge moyen des logements est de 38 ans et dont 70 % des logements ont plus de vingt-cinq ans, a atteint un degré de vétusté préoccupant .

L'ÂGE DES LOGEMENTS EN CASERNE Situation au 1 er juillet 2011

Age

Logements domaniaux

Logements non domaniaux

Total

Moins de 10 ans

7,23%

30,36%

19,09%

De 10 à 25 ans

22,41%

24,22%

23,34%

De 26 à 50 ans

54,78%

41,08%

47,76%

De 51 à 100 ans

13,31%

2,26%

7,64%

Plus de 100 ans

2,27%

2,08%

2,17%

Comme l'a indiqué le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux, lors de son audition devant la commission, les « points noirs » portent surtout sur 175 casernes du secteur domanial (3 606 logements, soit 4,6 % du parc) et 58 casernes du secteur locatif (242 logements, soit 0,3 % du parc).

Or, cette situation pèse lourdement sur les conditions de vie des gendarmes et de leur famille, ainsi que sur leur moral.

On peut citer à cet égard le cas des logements des gendarmes mobiles à Versailles-Satory, en particulier du quartier Delpal, où vos rapporteurs pour avis doivent se rendre prochainement, afin notamment de visiter les logements et s'entretenir avec les gendarmes et leur famille.

Interrogé sur ce point lors de son audition, le ministre de l'Intérieur, M. Claude Guéant, a évoqué le projet de la vente d'une partie du terrain disponible au cantonnement de Satory à la ville de Versailles, le produit de cette cession permettant de rénover les logements existants.

Compte tenu de la forte diminution des crédits d'investissement, les financements consacrés à l'immobilier ont été très limités ces dernières années.

En 2012, il est prévu de consacrer 175,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 110,1 millions d'euros en crédits de paiement à l'immobilier de la gendarmerie, ce qui représente une augmentation de respectivement 47 % et 3,1 % par rapport à 2011.

Cette enveloppe se répartit entre 52,7 millions d'euros pour des opérations de maintenance lourde du parc domanial (permettant la remise aux normes de plus de 2 200 logements de gendarmes mobiles), 38 millions d'euros à des travaux d'entretien courant, 47 millions d'euros pour les opérations de type AOT (autorisation d'occupation temporaire du domaine public), dont 40 millions seront consacrés à l'hébergement du groupement de la gendarmerie départementale du Var et de ses unités subordonnées à La-Valette-du-Var, et 15 millions d'euros de subventions aux collectivités locales pour permettre la mise en chantier de 885 unités logements.

Malgré cette augmentation en 2012, vos rapporteurs pour avis regrettent le faible montant des crédits d'investissement consacrés à l'immobilier de la gendarmerie nationale.

Selon la Cour des comptes, si l'on estime à trente ans la durée de vie moyenne d'une caserne n'ayant pas bénéficié d'une maintenance conforme aux standards du marché, la gendarmerie devrait consacrer annuellement 160 millions d'euros à la construction domaniale. Or, entre 2003 et 2008, 122 millions d'euros seulement y ont été consacrés chaque année.

Le nombre d'équivalents-unités-logement (EUL) mis en chantier et livrés pour les années 2006 à 2010 et prévus sur la période 2011-2013 est précisé dans le tableau ci-après :

Mises en chantier (EUL)

Livraisons (EUL)

Etat

Collectivités

territoriales

Et investisseurs privés

Total

Etat

Collectivités

territoriales

et investisseurs privés

Total

2006

156

2 450

2 606

152

817

969

2007

771

2 203

2 974

103

1 144

1 247

2008

654

1 963

2 617

287

1 826

2 113

2009

600

725

547

2 210

306

1 611

428

2 345

2010

49

504

349

902

698

1 095

216

2 009

2011

44

607

344

995

247

773

504

1 524

2012

121

885

295

1 323

530

1 042

585

2 157

2013

6

714

228

960

0

552

311

863

Comme on peut le constater à la lecture de ce tableau, on peut relever une importante diminution du nombre d'opérations immobilières lancées par l'Etat ces dernières années.

Le ralentissement du renouvellement du parc domanial de la gendarmerie est certes compensé par un développement du parc locatif. Mais celui-ci entraîne une hausse du coût des loyers.

Les tableaux suivants présentent les mises en chantier et les livraisons par type d'opérations :

Mises en
chantier (EUL)

Opérations domaniales

Opérations locatives*

TOTAL

MOI/MOP

AOT

Total

Décret 1993

BEA

Privé

Total

2010

49

0

49

291

213

349

853

902

2011 (prév.)*

44

0

44

558

49

344

951

995

2012 (prév.)*

3

118

121

885

/

295

1202**

1 323

2013 (prév.)*

6

0

6

714

/

228

954**

960

* Prévisions au 30 juin 2011

** Comprend 1 projet dont le cadre juridique est encore non déterminé

Livraisons
(EUL)

Opérations domaniales

Opérations locatives*

TOTAL

MOI/MOP

AOT

Total

Décret 1993

BEA

Privé

Total

2010

405

294

699

267

827

216

1 310

2 009

2011 (prév.)*

77

170

247

288

485

504

1 277

1 524

2012 (prév.)*

530

0

530

354

688

585

1 627

2 157

2013 (prév.)*

0

0

0

503

49

311

863

863

* Prévisions au 30 juin 2011

La participation des collectivités locales dans les programmes immobiliers

Les collectivités locales sont directement impliquées dans le dispositif territorial de la gendarmerie. En effet, sauf dans quelques cas où n'interviennent que des investisseurs privés, ce sont principalement elles qui assurent la construction de locaux de service et de logements en ayant recours soit aux dispositions du décret du 28 janvier 1993, soit à la procédure de bail emphytéotique administratif (BEA) ouverte par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI).

Les opérations réalisées dans le cadre du décret du 28 janvier 1993

En application de ce décret, les collectivités territoriales peuvent bénéficier de subventions d'investissement destinées à alléger la charge qu'elles supportent pour la construction des casernements mis à la disposition de la gendarmerie. Cette aide en capital est déterminée sur la base du coût plafond de l'EUL 6 ( * ) en vigueur et calculée selon les taux suivants :

- 20 % du montant des coûts plafonds pour les opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs autres collectivités territoriales. Le programme est alors limité à 20 EUL ;

- 18 % de ce même montant pour les opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui bénéficient du concours financier d'une ou plusieurs autres collectivités territoriales, par les communes dont la population est supérieure à 10 000 habitants, par les groupements de communes ou par les départements. Dans ce cas, le programme ne peut pas excéder 40 EUL.

Pour être éligible à cette aide en capital de l'État, la construction doit permettre de regrouper l'ensemble des personnels dans un ensemble immobilier homogène et fonctionnel, comportant logements et locaux de service techniques.

Le loyer annuel versé, calculé conformément à la circulaire du Premier ministre du 28 janvier 1993, s'élève à 6 % du coût-plafond. Invariable pendant neuf ans, il est ensuite revalorisé tous les trois ans en fonction de la valeur locative réelle des locaux estimée par le service local de France Domaine sans pouvoir excéder la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE intervenue sur cette période.

Afin de tenir compte de l'augmentation du standard d'hébergement des gendarmes adjoints volontaires dans les programmes de construction de caserne de gendarmerie d'une part, et de rendre plus attractives pour les collectivités locales les dispositions du décret de 1993 d'autre part, la direction générale de la gendarmerie nationale a décidé de procéder à une modification de la quote-part des gendarmes adjoints volontaires qui passe à 0,33 7 ( * ) .

Les opérations réalisées dans le cadre d'un bail emphytéotique administratif (BEA)

Cette possibilité a été ouverte jusqu'au 31 décembre 2007 par l'article 3-III-1 de la LOPSI du 29 août 2002 et est reconduite par la LOPPSI du 14 mars 2011. Elle permet à une collectivité territoriale, propriétaire d'un terrain, de conclure un BEA (dont la durée moyenne est de 30 ans) avec un investisseur privé qui construit les bâtiments nécessaires aux besoins de la gendarmerie. Pendant la durée du BEA, la collectivité acquitte un loyer financier à l'opérateur qu'elle a choisi, sachant qu'à son terme elle deviendra propriétaire de l'ensemble immobilier. La gendarmerie pour sa part sous-loue les immeubles à la collectivité territoriale par contrat de bail classique. Le loyer acquitté par la gendarmerie est apprécié par le service France Domaine sur la base de la valeur locative de marché. La collectivité territoriale ne peut alors prétendre à aucune subvention de l'État. Le volume du programme n'est pas limité.

Le choix du cadre juridique appartenant pleinement aux collectivités, celles-ci ont privilégié jusqu'à présent le dispositif du BEA afin de diminuer leur engagement financier. Le coût de location des casernements réalisés selon cette procédure 8 ( * ) est largement supérieur à celui des opérations conduites dans le cadre du dispositif du décret n° 93-130. Ce cadre de financement d'opérations immobilières a pris fin le 31 décembre 2007. Pour autant, les opérations qui ont connu un début d'exécution (dans le cadre de la LOPSI) avant le 31 décembre 2007 ont été prorogées par les dispositions des lois de finances de 2008 à 2010. En 2011, ce sont 485 équivalents-unités-logements (logements et locaux de service et techniques correspondants) dont la livraison est prévue. Il est prévu de mettre en chantier les derniers projets en 2011 représentant 49 EUL. En 2012, ce sont 688 EUL dont la livraison est prévue, portant à 4 735 le nombre cumulé d'EUL livrés depuis l'adoption de cette procédure.

Toutefois, considérant le surcoût de ce type de montage par rapport aux dispositions du décret de 1993, la direction générale de la gendarmerie nationale entend réserver les opérations en BEA aux constructions absolument indispensables et pour lesquelles aucun autre financement n'aura pu être retenu.

Ainsi, la gendarmerie prévoit des dépenses de loyer à hauteur de 435,64 millions d'euros pour l'année 2011 et 441,03 millions d'euros en 2012.

Par ailleurs, faute d'investissements, les crédits consacrés à la maintenance immobilière augmentent chaque année.

En 2012, il est prévu de consacrer 52,7 millions d'euros à la maintenance lourde immobilière pour la réhabilitation de plus de 2 202 logements de gendarmes, avec un effort particulier de restructuration des casernes de gendarmerie mobile.

Les crédits dédiés à la maintenance et l'entretien des casernements sur la période 2008-2012 sont précisés ci-dessous :

AE en millions d'euros courants

2008

2009

2010

2011

2012
(prév.)

Maintenance lourde - réhabilitation (titre 5)

50

29,5

50

37

52,7

Maintenance courante (titre 3)

2,9

1,4

1,6

1,5

1,5

Entretien courant (titre 3)

36,3

35,9

35,8

36,9

36,9

Entretien ménager (titre 3)

6,15

6,8

8,28

8,86

8,96

Le logement concédé par nécessité absolue de service constitue un élément structurant du statut militaire de la gendarmerie.

Ce logement constitue la contrepartie du régime de disponibilité des militaires de la gendarmerie. Il permet aussi le « maillage » de l'ensemble du territoire, grâce aux brigades territoriales. Sa dimension sociale est également essentielle puisque la vie en caserne permet de conserver le lien entre l'institution et les familles, notamment lorsque les militaires de la gendarmerie sont appelés à servir en opérations, outre-mer ou hors du territoire.

Comme le soulignent avec gravité nos collègues le député M. Alain Moyne-Bressand et la sénatrice Mme Anne-Marie Escoffier, dans leur rapport sur la loi du 3 août 2009, « la réduction du parc de logements de la gendarmerie ou son état de vétusté, s'ils devaient s'aggraver, seraient assurément de nature à ébranler un pan du statut militaire de la gendarmerie » .

Pour vos rapporteurs pour avis, il apparaît indispensable d'engager à l'avenir un vaste plan de rénovation de l'immobilier de la gendarmerie afin d'offrir de meilleures conditions de vie aux militaires de la gendarmerie et à leur famille, et garantir ainsi le maintien du statut militaire de la gendarmerie.


* 6 L'équivalent-unité-logement (EUL) comprend un logement nu pour 75 % et une quote-part de locaux de service et techniques pour 25%. Il est compté un EUL par militaire d'active et 0,33 EUL par gendarme adjoint volontaire. Le coût plafond de cet EUL, revalorisé trimestriellement par rapport à l'indice INSEE du coût de la construction, est de 176.900 € dans le cas général et de 193.100 € pour l'Île-de-France, les îles et les départements et collectivités d'outre-mer (valeur au 11 avril 2011).

* 7 Il était compté auparavant 0,25 EUL par fraction de deux gendarmes adjoints

* 8 Le surcoût important du BEA est établi à plus de 22% par rapport aux dispositions du décret du 28 janvier de 1993. En effet, pour les casernes livrées en 2010, le loyer annuel d'une unité-logement (UL) réalisé en Décret de 1993 s'établit à 11 526 € (amortissement de la subvention sur 30 années comprise) alors que le BEA représente un loyer annuel de 14 175 €.

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