C. S'INSPIRER DES CONCLUSIONS DE L'EXPERTISE COLLECTIVE DE L'INSERM

A la demande de Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé, l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a conduit en 2010 une expertise collective, c'est-à-dire un travail d'analyse critique et de synthèse de la littérature scientifique internationale, sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues.

Cette étude dresse un état des lieux des connaissances en la matière et recense les bonnes pratiques et les expériences étrangères qui ont permis de réduire les conséquences sanitaires négatives de la toxicomanie afin d'offrir des pistes d'action au pouvoir politique. Contrairement à l'exploitation médiatique qui en a été faite et qui s'est focalisée sur la question des centres d'injection supervisés (CIS), elle présente un panorama très large de la réduction des risques et contient de nombreuses propositions qui, si elles étaient mises en oeuvre, constitueraient des avancées majeures.

Alors qu'il est indispensable que la politique de prévention soit fondée sur la réalité des risques constatés, le travail de l'Inserm met en lumière les insuffisances de cette politique en France, notamment dans le milieu pénitentiaire. Il souligne également les inégalités territoriales qui existent en matière de répartition des structures d'accueil et de traitement des toxicomanes, les Caarud, établissements médico-sociaux financés par la sécurité sociale dits « à bas seuil d'exigence », et les Csapa. En 2010, il n'y avait pas de Caarud dans vingt-cinq départements, et deux départements n'avaient ni Caarud ni Csapa. De même, il convient de mettre en adéquation les dispositifs existants et les besoins des usagers de drogues et d'offrir une couverture plus large à des publics qui, tels les plus précaires ou les immigrés clandestins, en sont aujourd'hui exclus.

Selon l'Inserm, les améliorations à apporter sont de deux natures : il faut tout d'abord définir un cadre pour faire évoluer les actions de réduction des risques puis, ce qui en est complémentaire, développer la recherche, les études de terrain et l'évaluation des nouveaux outils qui participent à cette réduction des risques. Cette politique rénovée, reposant sur une égalité d'accès aux outils de prévention et aux traitements de substitution, doit être adaptée à l'évolution des substances et aux nouveaux modes de consommation. Elle doit s'accompagner d'expérimentations strictement encadrées de mesures qui, comme les programmes d'échange de seringues en leur temps, ont pu susciter, dans un premier temps, des réticences. C'est le cas des CIS qui, s'ils ont permis, là où ils ont été expérimentés, une réduction des risques liés à l'injection et amélioré l'accès aux soins, doivent s'inscrire dans un dispositif plus large de suivi des toxicomanes et être le résultat d'une concertation entre tous les acteurs concernés.

L'Inserm propose également d'améliorer le suivi médical et social des usagers de drogues et d'individualiser les traitements de substitution qui leur sont proposés. Il est par ailleurs urgent de mettre au point une politique de réduction des risques spécifique aux femmes , du fait des conséquences particulières auxquelles elles sont exposées, notamment en cas de grossesse. Enfin, la prévention devrait être recentrée, envers les jeunes usagers, sur des actions visant à prévenir le passage à l'injection : on estime en effet que les contaminations par le VIH ou l'hépatite C surviennent majoritairement au cours des deux premières années de consommation de drogues par cette voie.

Votre rapporteure déplore donc que les conclusions de ce travail scientifique de référence n'aient pas, pour l'instant, été reprises par ceux qui l'ont commandé. Elles pourraient pourtant utilement alimenter la nécessaire réflexion pour diminuer l'usage des drogues et la toxicomanie et surtout être intégrées au prochain plan gouvernemental dédié à cette lutte.

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