II. LE PROGRAMME « EMPLOI OUTRE-MER » : PRÉSERVATION DU SERVICE MILITAIRE ADAPTÉ AU PRIX D'UNE BAISSE DE LA MOBILITÉ EN FORMATION PROFESSIONNELLE

Le programme « Emploi outre-mer », 1,3 milliard d'euros en 2012, représente 62 % des crédits de la mission en autorisations d'engagement et 68 % en crédits de paiement. Ceux-ci diminuent de 2,1 % en AE et progressent de 1,3 % en CP du fait de la mise en place progressive de la réforme du service militaire adapté.

Les crédits du programme « Emploi outre-mer » pour 2012

arrondi en millions d'euros

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

2011

2012 (i)

2012 (v)

Evolution 2012 (v) / 2011

2011

2012 (i)

2012 (v)

Evolution 2012 (v) / 2011

Soutien aux entreprises

1 111

1 144

1 099

-1,1 %

1 111

1 144

1 099

-1,1 %

- dont compensation des exonérations de charges sociales

1 087

1 117

1 082

-0,5 %

1 087

1 117

1 082

-0,5 %

- dont aide au fret et à la rénovation hôtelière

25

27

17

-32 %

25

27

17

-32 %

Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle

240

224

224

-6,5 %

220

249

249

13,4 %

- dont service militaire adapté

201

186

186

-7,6 %

181

211

211

16,5 %

Total

1 351

1 368

1 323

-2,1 %

1 331

1 393

1 348

1,3 %

Lecture : pour les colonnes 2011 et 2012 (i), projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012 ; la colonne 2012 (v) correspond aux montants votés par l'Assemblée nationale le 9 novembre 2011, après la présentation d'un amendement du Gouvernement réduisant les crédits de 45 millions d'euros en AE et en CP sur le programme « Emploi outre-mer ».

1. La compensation des exonérations de charges sociales : une sous-budgétisation chronique

Les crédits destinés à compenser aux organismes de sécurité sociale le coût des exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer s'élèvent à environ 1,1 milliard d'euros et représentent la moitié de l'ensemble des autorisations d'engagement de la mission et 55 % de ses crédits de paiement.

Traditionnellement sous-budgétée, la compensation par l'Etat aux organismes de sécurité sociale s'est nettement améliorée ces dernières années, grâce à des abondements opérés en lois de finances rectificatives en 2008, 2009 et 2010. Au 1 er janvier 2011, le total des impayés de l'Etat s'élevait à seulement 17,5 millions d'euros, mais on devrait constater cette année une nouvelle progression des dettes de l'Etat : le Gouvernement estime à 29,7 millions d'euros pour la seule année 2011 la différence entre les versements effectués et la dépense prévisionnelle. Au 31 décembre 2011, le total des impayés devrait donc atteindre 47,2 millions, un niveau encore raisonnable par rapport à la masse globale, mais il serait irresponsable que cette dette recommence à augmenter, alors que les régimes de sécurité sociale sont eux-mêmes profondément déficitaires.

2. Les aides au fret et à la rénovation hôtelière : des actions directement touchées par le plan de rigueur

La loi pour le développement économique des outre-mer 5 ( * ) (Lodeom) a créé deux nouveaux dispositifs :

- une aide au fret (article 24), visant à abaisser le coût des matières premières. Alors qu'elle était destinée à compenser, partiellement, la réforme de la TVA dite « non perçue récupérable » (TVA-NPR) 6 ( * ) , cette aide est entrée tardivement en vigueur puisque le décret d'application ne date que du 29 décembre 2010 7 ( * ) ;

- une aide à la rénovation hôtelière (article 26), qui n'est également devenue opérationnelle que courant 2011.

L'amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale le 9 novembre dernier, réduit les crédits de ces aides de 10 millions d'euros par rapport aux prévisions initiales pour 2012, sans que l'on puisse distinguer la répartition de cette réfaction entre les deux dispositifs. Il s'agirait d' une baisse de 32 % par rapport à 2011, justifiée par « une montée en charge très progressive ». Cette argumentation résonne étrangement, si l'on rappelle combien le Gouvernement a tardé pour prendre les mesures d'application de dispositifs approuvés par le législateur au printemps 2009.

3. Le service militaire adapté : un outil qui a prouvé son efficacité

Au moment de la crise en Guadeloupe, le Président de la République a annoncé, lors d'une rencontre le 19 février 2009 avec les élus d'outre-mer, le doublement du nombre des volontaires du SMA en trois ans.


Organisation et atouts du SMA 8 ( * )

Le service militaire adapté (SMA) a été créé, à l'initiative de Michel Debré, en 1961 aux Antilles et en Guyane, avant d'être étendu à la quasi-totalité des collectivités d'outre-mer. Sa mission première était d' assurer, dans un environnement à caractère militaire, une formation professionnelle à de jeunes ultramarins volontaires en difficulté .

Désormais, il contribue également, par le biais de chantiers d'application, au développement économique des départements et collectivités d'outre-mer, ainsi qu'à la protection civile , notamment lors des catastrophes naturelles . Les volontaires ont ainsi participé à la lutte contre les graves incendies au Maïdo à La Réunion cet été et à la démoustication en Guadeloupe et Martinique lors de l'épidémie de dengue (soixante-cinq volontaires mobilisés). Dans ce cadre, près de cent cinquante stagiaires se sont également succédé tous les mois à Haïti depuis le tremblement de terre de janvier 2010 pour participer à la reconstruction du pays.

Le SMA s'adresse à de jeunes ultramarins, garçons ou filles, âgés de dix-huit à vingt-six ans, souvent sans diplôme ou en situation d'échec scolaire et n'ayant que peu de chances de trouver un emploi. Si l'engagement est fondé sur le volontariat, il existe une procédure de sélection afin de vérifier que le candidat répond aux critères fixés, y compris en termes de conditions d'aptitude physique, et qu'il n'a pas eu de démêlés trop lourds avec la justice. Son objectif est de permettre à un jeune en difficulté de recevoir une formation de base, afin de lui permettre ensuite d'obtenir un diplôme ou de trouver un emploi. Ce dispositif constitue pour ce profil de jeunes le « chaînon manquant » entre la formation initiale et la vie professionnelle.

Au total, environ 130 000 jeunes sont passés par le SMA depuis sa création en 1961 . Aujourd'hui, trente-sept métiers sont proposés dans des secteurs de forte demande de main-d'oeuvre tels que le bâtiment, la restauration, la sécurité, la pêche ou le tourisme.

Le service militaire adapté peut se prévaloir d'un incontestable succès : le bilan 2009 fait ainsi apparaître un taux d'insertion de 77 % pour l'ensemble des jeunes incorporés, très favorable bien qu'en légère baisse par rapport à 2008.

En 2009, le SMA a formé 2 900 jeunes ultramarins volontaires (dont un quart de jeunes filles) répartis dans les sept unités situées à la Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, auxquelles s'ajoute une unité en métropole située à Périgueux. Environ 33 % d'entre eux peuvent être considérés comme illettrés et 75 % ne sont pas titulaires du brevet des collèges.

Le SMA dispose actuellement d'environ huit cents personnels d'encadrement, en majorité des militaires détachés par le ministère de la défense, ainsi que d'un état-major. Son budget total en 2010 s'élevait à 143 millions d'euros en autorisations d'engagement et 132 millions en crédits de paiement.

Au-delà du bilan quantitatif en termes d'insertion professionnelle, il est important de souligner que le SMA joue aussi un rôle notable pour insérer le volontaire dans la société et l'accent est mis durant l'année de stage, non seulement sur la formation mais aussi sur le comportement et les règles de vie à respecter en société . La formation globale proposée est ainsi fondée sur la rupture que supposent l'acte d'engagement et la vie en internat dans une enceinte militaire. D'ailleurs, le SMA met plus l'accent sur « l'employabilité » des jeunes volontaires que sur l'accès direct à un emploi précis.

Le doublement en cours des capacités du SMA a cependant entraîné une modification dans la structure des formations, avec « un concept de formation différenciée , adapté au niveau de recrutement des volontaires et aux situations socio-économiques locales ». Au fond, il s'agissait de répondre à l'objectif de doubler le nombre de volontaires, mais en réduisant la durée de formation d'une partie d'entre eux. Un cursus long de formation, essentiellement au profit du public coeur de cible, est maintenu et un cursus court d'accompagnement vers l'emploi est créé, principalement pour un nouveau public. Le nombre de volontaires en équivalents temps plein est donc inférieur au nombre de jeunes reçus.

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Equivalents temps plein de volontaires

2 900

2 900

2 900

2 954

3 238

3 811

4 151

4 400

Places de stages ouvertes dans l'année

2 900

2 900

2 900

3 000

4 100

4 800

5 200

6 000

Crédits de paiement prévus
(en millions d'euros)

-

-

-

132

181

211

197

-

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Le grand succès du SMA est reflété par le niveau élevé du taux d'insertion global des volontaires à l'issue de leur formation. Ceci étant, on constate que de 77 % en 2009 il diminue pour ne plus s'établir qu'à 75,2 % en 2010. Certes, des évolutions liées au faible échantillon statistique et au contexte économique peuvent expliquer cette diminution de l'efficacité du dispositif. Votre commission a cependant précisé, dès l'annonce de la réforme en 2009, que celle-ci ne devait en aucun cas se réaliser au détriment de la qualité des formations et de l'indéniable réussite que constitue le SMA depuis sa création.

4. Les autres aides à l'insertion et à la qualification professionnelle : une baisse de 14,7 % des crédits pour les Dom entre 2010 et 2012

Depuis la Lodeom, qui a réformé les dispositifs de mobilité, le programme « Emploi outre-mer » finance le « passeport mobilité formation professionnelle » 9 ( * ) . Cette aide est attribuée aux personnes poursuivant une formation professionnelle, prescrite dans le cadre de la politique de l'emploi, en dehors de leur collectivité de résidence 10 ( * ) , faute de disposer dans celle-ci de la filière de formation correspondant à leur projet professionnel. Elle concourt également au financement des frais d'installation et de formation. Elle peut permettre l'attribution aux stagiaires d'une indemnité mensuelle.

Alors que la proportion des actifs sans diplôme est deux fois supérieure outre-mer par rapport à la métropole , les crédits dédiés à la mobilité pour acquérir une formation professionnelle ont chuté de 14,7 % entre 2010 et 2012. Cette politique devrait pourtant constituer une priorité car une main-d'oeuvre qualifiée est une exigence pour la compétitivité des territoires.

2010

2011

2012

Crédits du passeport mobilité formation professionnelle (en millions d'euros)

23,8

21,1

20,3

Evolution annuelle

-11,3 %

-3,8 %

Source : projets annuels de performance annexés aux projets de loi de finances

D'autres programmes spécifiques concernent certaines collectivités d'outre-mer : « cadre avenir » et « jeunes stagiaires du développement » en Nouvelle-Calédonie, « 40 cadres » à Wallis-et-Futuna, les chantiers de développement local dans le Pacifique.

Les crédits s'élèveront à 8,3 millions d'euros en 2012, reconduits à un niveau identique à celui des années 2010 et 2011.


* 5 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009.

* 6 Les importations et les ventes dans les départements de Guadeloupe, de Martinique et de La Réunion de certains produits et matières premières étaient exonérées de TVA. Une décision ministérielle de 1953 avait toutefois prévu que ces biens ouvrent droit à remboursement de TVA par les entreprises, comme si la taxe avait été effectivement acquittée. La Lodeom a apporté une base légale au dispositif tout en le recentrant.

* 7 Décret n° 2010-1687 du 29 décembre 2010 relatif à l'aide au fret accordée aux entreprises des départements d'outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Mayotte, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Wallis-et-Futuna.

* 8 Rapport pour avis Sénat n° 113 (2010-2011) d'Anne-Marie Payet, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur le projet de loi de finances pour 2011.

* 9 Article L. 1803-6 du code des transports.

* 10 Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, La Réunion, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna.

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