2. Les étudiants étrangers stigmatisés par la politique de réduction de l'immigration légale poursuivie par le Gouvernement

Dans une circulaire en date du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l'immigration professionnelle, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, M. Claude Guéant, entend poursuivre un objectif de réduction de l'immigration légale des étudiants ou jeunes étudiants en exaltant l'incitation au retour au pays d'origine afin que ceux-ci puissent « redynamiser leur pays ». De cette circulaire découlent des pratiques tendant à restreindre les conditions de changements de statut des étudiants étrangers sollicitant un titre de séjour professionnel au terme de leurs études, avec en pratique des délais rédhibitoires et une multiplication des refus d'autorisation de travail, privant ainsi la France du bénéfice des études et diplômes acquis sur son territoire.

Une telle politique porte un coup sans précédent à l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers ainsi qu'à l'ouverture à l'international des entreprises françaises qui ne seront plus en mesure de s'appuyer sur une main d'oeuvre qualifiée pouvant assurer leur promotion à l'étranger.

Mme Bariza Khiari, membre de notre commission, a déposé un projet de résolution 12 ( * ) qui invite le Gouvernement à respecter la lettre et l'esprit de la loi de 2006 permettant, sous certaines conditions, à des ex-étudiants étrangers de travailler en France. Selon cette résolution, cette loi qui « permet aux étudiants étrangers titulaires d'un diplôme équivalent master et d'une promesse d'embauche, de séjourner en France dans le cadre d'une première expérience professionnelle », est « dénaturée non seulement par la circulaire du 31 mai 2011 », mais « surtout par son application administrative » qui frôle l'abus.

Contrairement à une idée avancée par certains, nos viviers de compétences dans un certain nombre de secteurs sont insuffisants et les talents acquis par les étudiants étrangers sur notre territoire, et pour lesquels notre pays a investi des sommes significatives, sont indispensables . Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Laurent Wauquiez, reconnaissait lui-même que, dans un domaine aussi stratégique que celui des ingénieurs, la France forme 30 000 diplômés par an alors qu'elle en aurait besoin de 40 000 13 ( * ) .

Sur 35 000 étrangers non ressortissants de l'Union européenne diplômés chaque année, environ 10 000 souhaitent poursuivre une activité professionnelle en France, selon le « Collectif du 31 mai », constitué en opposition à la circulaire précitée. Sur 500 dossiers transmis par le Collectif au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, 14 à 15 % seulement ont pu jusqu'ici être débloqués.

MM. El Yamine Soum, sociologue, et Anas Jaballah, ingénieur, rappellent qu' « en ayant accueilli et formé les meilleurs étudiants du monde, les universités américaines ont été un vecteur de puissance et se trouvent encore aujourd'hui au coeur de la stratégie américaine dite de « smart power » (puissance intelligente) » 14 ( * ) . Dans cet esprit, la Conférence des grandes écoles s'est d'ailleurs fixé, comme objectif, de multiplier par trois, d'ici à 2020, le nombre d'étudiants étrangers formés. Ils s'étonnent, dès lors, qu' « alors que le continent européen devra faire face au vieillissement de sa population, le Gouvernement choisit la stratégie de la petite politique interne pour répondre aux peurs populistes accentuées par la crise », et qu' « on s'insurge contre toute mention de protectionnisme économique mais on n'hésite pas à invoquer un protectionnisme en matière de flux migratoires ».


* 12 Proposition de résolution n° 95 (2011-2012) présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, relative au séjour des étudiants étrangers diplômés, présentée par Mme Bariza Khiari et ses collègues du groupe SOC-EELVr.

* 13 Éditorial du Monde du 17 novembre 2011.

* 14 Édition de Libération du 23 novembre 2011.

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