B. UNE UTILISATION CROISSANTE DES STATISTIQUES COMME OUTIL DE MANAGEMENT

Comme le note le rapport thématique de la Cour des comptes, les données issues de l'état 4001 ont été utilisées de façon croissante comme instrument de mesure de la délinquance mais aussi de définition des objectifs d'activité des services et d'évaluation de leur efficacité.

Ainsi, des objectifs annuels sont assignés par la DCSP à chaque directeur départemental et déclinés dans chaque circonscription de sécurité publique au moyen de tableaux de bord hebdomadaires et mensuels afin de suivre localement l'évolution des indicateurs de délinquance générale, de délinquance de proximité, de violences urbaines, d'atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes, ainsi que le taux d'élucidation global, celui de la délinquance de proximité, des violences urbaines, les infractions révélées par l'action des services (c'est-à-dire sans dépôt de plainte, par exemple lorsque des policiers appréhendent un consommateur de cannabis), le nombre d'interpellations réalisées par les brigades anti-criminalité (BAC), le nombre de personnes mises en causes et le nombre de gardes à vue. Ces différents indicateurs ont été également adoptés progressivement par la gendarmerie nationale.

Au-delà du débat circonstanciel lancé en septembre 2011 à la suite d'instructions données aux gendarmes pour obtenir une amélioration des statistiques de la délinquance, force est de constater que le management par objectifs chiffrés présente de grands inconvénients .

Ainsi, si chaque responsable de circonscription est soumis à un objectif de réduction de 5% des faits constatés dans un laps de temps court, il ne pourra agir que sur la dernière étape du processus, l'enregistrement des faits, et non sur les faits commis, qui ne peuvent être affectés par son action qu'à moyen terme. Il y aura donc un risque de dérives 7 ( * ) . Plus généralement, les agents peuvent être tentés d'améliorer les chiffres au détriment des véritables actions de fond. S'il ne semble pas que la police et la gendarmerie nationales cèdent à cette tentation, en revanche les agents peuvent être relativement démoralisés en constatant que leurs efforts de long terme n'auront pas d'effets sur les chiffres par lesquels on les évalue. Au cours de leur audition par votre rapporteur, les syndicats de police et de gendarmerie ont ainsi fait état de conditions de travail souvent difficiles, dans lesquelles la « culture du résultat » porte une responsabilité certaine.

Ces constatations ne doivent pas amener à conclure que toute utilisation d'objectifs chiffrés est à proscrire. Il convient cependant de diversifier les sources statistiques, en promouvant des données qui reflètent davantage l'activité des services que les faits constatés, sur lesquels les forces de l'ordre ne peuvent pas avoir d'influence à court terme. Ainsi, le temps de présence sur le terrain, le délai d'intervention à la suite d'un appel ou le temps d'attente pour déposer plainte peuvent-ils être utilisés pour améliorer la qualité du service.

Un premier progrès sur cette question serait d'appliquer la recommandation de la Cour des comptes, qui préconise de « limiter les objectifs chiffrés assignés aux responsables territoriaux à des agrégats statistiques ou à des catégories de délits homogènes et cohérents ».


* 7 L'exemple est donné par Alain Bauer, Cyril Risk et Christophe Soullez dans « Statistiques criminelles et enquêtes de victimation », PUF, 2011.

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