III. VERS UNE REFONDATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

La feuille de route définie par le Gouvernement le 22 août dernier pour les habitants des quartiers doit permettre en particulier :

- la réforme des zonages de la politique de la ville ;

- la mise en place d'une nouvelle génération de contrat unique et global destiné à succéder aux contrats urbains de cohésion sociale (Cucs) et aux contrats de renouvellement urbain (CRU) ;

- l'achèvement et l'évaluation du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) ;

- la signature de conventions entre le ministère de la ville et les autres ministères concernés pour définir le cadre dans lequel ceux-ci seront amenés à se mobiliser.

Une concertation relative à la réforme de la politique de la ville a été lancée le 11 octobre . Elle est organisée autour de trois groupes de travail portant respectivement sur la géographie prioritaire, la contractualisation et la gouvernance de la politique de la ville et sur les projets de territoire et les priorités d'intervention thématique.

Cette concertation doit déboucher sur une réunion du comité interministériel des villes début 2013 qui permettra de définir les grandes lignes des réformes à engager.

A. LA RÉFORME DU ZONAGE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

1. Les limites du zonage actuel

A plusieurs reprises au cours des auditions, votre rapporteur a été alerté sur la complexité et la rigidité du dispositif de zonage actuellement en vigueur.

Ce constat est confirmé par l'analyse effectuée par la Cour des comptes en juillet 2012 qui souligne l'enchevêtrement croissant des zones d'intervention prioritaire.

Les 751 zones urbaines sensibles (ZUS) comprennent elles-mêmes 416 zones de redynamisation urbaine (ZRU) qui incluent à leur tour 100 zones franches urbaines (ZFU). Les quartiers ciblés par les Cucs ne recoupent que partiellement ce zonage dans la mesure où 70 % d'entre eux ne sont pas classés en ZUS. Si l'essentiel des quartiers dans lesquels a été mis en oeuvre le PNRU, et qui ont servi de cadre au déploiement de la dynamique Espoir banlieues, sont situés en ZUS, cette nouvelle forme de zonage n'a pas contribué à renforcer la clarté de la géographie prioritaire.

De plus, la définition par décret des zones d'intervention prioritaire contribue à rigidifier le dispositif et à empêcher une évolution adaptée de l'allocation des moyens en fonction des besoins effectivement constatés sur les territoires.

A la complexité du zonage s'ajoute la dispersion des financements alloués par l'Acsé à la politique de la ville. Selon les données fournies par l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) dans son rapport annuel 2012, les crédits d'intervention de l'Acsé se sont répartis de la façon suivante en 2011 :

- près de 80 % dans des Cucs comprenant majoritairement des quartiers de priorité 1 ;

- environ 15 % dans des Cucs composés à majorité de quartiers de priorité 2 ;

- 5 % dans des Cucs regroupant majoritairement des quartiers de priorité 3.

L'Onzus note cependant que le système d'information de l'Acsé ne permet pas d'apprécier de façon suffisamment fine l'affectation des crédits, ce qui peut contribuer à gommer en partie la réalité des besoins sur les territoires.

Selon la Cour des comptes, la répartition actuelle ne permettrait pas de concentrer les moyens dans les territoires où cela est le plus nécessaire et comporterait en outre un risque de substitution des crédits de la politique de la ville à ceux du droit commun.

Instituée en 1991 dans un but de péréquation 10 ( * ) , la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) est de plus en plus liée à la mise en oeuvre de la politique de la ville, sans que son impact sur les territoires concernés puisse être aisément mesuré. Le montant de la DSU était de 1 371 millions d'euros en 2012. Depuis la loi de finances pour 2009, elle est complétée, dans les communes les plus en difficulté, par la dotation de développement urbain (DDU) dont les critères d'attribution sont directement liés à la politique de la ville 11 ( * ) .

Afin de rendre plus lisible le dispositif, la Cour des comptes recommande de découpler l'objectif de péréquation financière de celui lié à la politique de la ville, ce qui devrait conduire à distinguer clairement deux dotations, l'une libre d'emploi affectée aux communes les plus en difficulté, l'autre dédiée aux communes classées en politique de la ville.


Règles d'éligibilité et de répartition
de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale

Créée par la loi n° 91-429 du 13 mai 1991 instituant une dotation de solidarité urbaine et un fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) a vu ses règles d'éligibilité et de calcul fortement évoluer au cours des années. Elle est aujourd'hui attribuée à deux catégories de communes, selon un classement effectué chaque année à partir d'un indice synthétique destiné à apprécier les écarts de ressources et de charges socio-urbaines :

- aux trois premiers quarts des communes de 10 000 habitants et plus ;

- au premier dixième des communes regroupant entre 5 000 et 9 999 habitants ;

Les indicateurs utilisés pour le calcul de l'indice sont le potentiel financier des communes, le nombre de logements sociaux, le nombre de bénéficiaires des prestations logement et le revenu fiscal moyen des ménages.

La loi de finances pour 2009, modifiée par les lois de finances pour 2010 et 2011, a mis en place un mode de répartition de la DSU à trois étages :

- les communes éligibles et déjà éligibles l'année précédente perçoivent une dotation égale au montant de l'année précédente ;

- cette dotation est majorée de l'inflation pour les communes classées dans la première moitié des communes de 10 000 habitants et plus éligibles à la DSU, en fonction de l'indice synthétique ;

- une DSU cible est attribuée aux 250 premières communes de 10 000 habitants et plus et aux 30 premières communes de 5 000 à 9 999 habitants.

Pour les seules communes nouvellement éligibles, c'est le mode de calcul défini par la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 qui s'applique pour déterminer le montant de la dotation attribuée.

Source : Onzus

2. Les pistes d'évolution

La réforme du zonage de la politique de la ville devrait permettre de simplifier et de concentrer les interventions publiques sur les territoires qui en ont le plus besoin.

Cela ne peut se faire qu'à la condition que soient renforcés dans le même temps les crédits de droit commun dans les zones les moins prioritaires. Des auditions menées par votre rapporteur, il ressort clairement que l'option contractuelle, sous certaines conditions destinées à garantir une répartition équitable des moyens sur les territoires, présenterait bien des avantages par rapport à la définition stricte de zonages par voie réglementaire.

Cette réforme doit également être associée à la mise en place d'un contrat unique associant les projets de rénovation urbaine, les actions de cohésion sociale et les moyens de droit commun mis en oeuvre par l'Etat et les collectivités territoriales. Aux yeux de votre rapporteur, le cadre intercommunal apparaît le plus adapté à la mise en oeuvre de cette nouvelle génération de contrat.

A l'issue du CIV du 18 février 2011, une expérimentation relative à la mobilisation des moyens de droit commun a été lancée sur trente-trois Cucs. Les conclusions qui pourront en être tirées contribueront à éclairer le processus de réforme.


* 10 L'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales dispose que la DSU doit « contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes urbaines confrontées à une insuffisance de ressources et supportant des charges élevées ».

* 11 Sont éligibles à la DDU : les communes déjà éligibles à la DSU, dont au moins 20 % de la population réside en zone sensible, et qui sont éligibles au programme national de rénovation urbaine. Ces trois critères sont cumulatifs.

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