B. FAIRE DES PARTIS LE VECTEUR D'UNE INDISPENSABLE RÉNOVATION DE LA VIE POLITIQUE

Les partis ont, dans notre pays, mauvaise presse. Et il faut bien admettre, au vu de certains dysfonctionnements, que cette défiance des citoyens peut parfois se justifier. Pour autant, ils constituent les acteurs incontournables de la vie démocratique. Aussi, plutôt que de les stigmatiser, conviendrait-il de réfléchir à la manière d'en faire les vecteurs d'une modernisation de notre démocratie.

C'est cet objectif qu'à d'ailleurs poursuivi la loi précitée du 11 mars 1988, modifiée par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, qui a modulé la première fraction de l'aide publique en fonction du principe constitutionnel de parité. Si le bilan de cette réforme reste mitigé, et par conséquent ses résultats perfectibles, celle-ci ouvre la voie à d'autres évolutions qui pourraient consister à mieux prendre en compte dans le calcul de l'aide publique le nombre d'adhérents (pour encourager l'engagement civique) ou les efforts accomplis en matière de formation. Une telle réflexion, que votre rapporteur appelle de ses voeux, devrait conduire à s'interroger sur une définition juridique de ce qu'est un parti politique.

1. La faible efficacité des sanctions liées au non-respect de la parité

Notre Constitution le proclame : « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » 34 ( * ) .

a) Des dispositifs théoriquement incitatifs

Depuis son introduction par le Constituant en 1999, ce principe a été mis en oeuvre par le législateur par deux voies :

- d'une part, par l'introduction de la parité dans les candidatures aux élections régies par le scrutin proportionnel selon une composition alternative « un homme, une femme (ou l'inverse) » de la liste.

C'est le cas aux élections municipales dans les communes de 3 500 habitants et plus 35 ( * ) , régionales 36 ( * ) , sénatoriales dans les départements comprenant au moins quatre sièges 37 ( * ) , européennes 38 ( * ) ;

- d'autre part, par l'application d'une sanction financière aux partis et groupements politiques qui ne le respecteraient pas, au montant de l'aide financière publique qui leur est versée.

Si l'écart entre le nombre de candidats femmes et hommes aux dernières élections législatives ayant déclaré se rattacher à un parti, excède de 2 % le nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction de l'aide est diminué d'un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats 39 ( * ) .

b) Des résultats insuffisants

Treize ans plus tard, la parité a progressé mais la place des femmes dans la vie politique demeure insuffisante.

Le Sénat, où la parité est applicable sur la moitié des sièges, compte aujourd'hui soixante-quinze sénatrices sur un total de 348 sénateurs, soit 21,6 % du total.

Avant le renouvellement de 2001, première application de la parité, elles n'étaient que vingt. Le principe introduit par la loi a donc permis une meilleure représentation du sexe féminin au sein de la Haute Assemblée en conduisant à près du quadruplement du nombre de sièges occupés par des femmes.

A l'Assemblée nationale, où la féminisation est promue par la voie de l'aide financière aux partis et non directement par l'encadrement des candidatures, les dernières législatives présentent des données contradictoires mais finalement profitables à la parité : le nombre de candidates (40 %) était en recul par rapport à 2007 (41,6 %) ; en revanche, le nombre de députées a progressé de 18,7 % à 26,9 %.

L'observatoire de la parité entre les femmes et les hommes note que les partis politiques de gauche ont investi à 44,8 % des femmes dont 36,7 % ont été élues. A droite, les proportions sont respectivement de 38,7 % et 12,8 %. Europe-Écologie-Les Verts est la seule formation représentée à parité à l'Assemblée : 52,9 % de ses députés sont des femmes.

La difficulté de l'exercice au-delà de l'effet tout relatif de la sanction financière pour certains groupements, tient à la détermination des circonscriptions attribuées aux candidates dont certaines menaient un combat électoral perdu d'avance.

Les femmes dans les assemblées élues

• Représentation nationale au sein des Parlements

33 femmes ont été élues députées lors des élections d'octobre 1945, les premières suivant l'ordonnance du 21 avril 1944, sur 586, soit 5,6 %.
Source : Assemblée nationale

26,9 % de députées (155 sur 577) en 2012, pour 18,5 % de députées (107 sur 577) en 2007.

22,1 % des sénatrices (77 sur 348) en 2011.

Source : Observatoire de la parité 2007, 2011, 2012.

23,9% de femmes en moyenne dans les chambres basses/uniques des pays de l'Union européenne allant de 8,7% pour Malte à 46,1% pour la Suède (consultez le document lié).

En juin 2012, avec 26,9% de femmes à l'Assemblée nationale, la France est à la 10ème place sur 27.

Sources : Fondation Robert Schuman et Observatoire de la parité 2012.

La France est au 69ème rang mondial (sur 190 pays classés par ordre décroissant du pourcentage de femmes dans la Chambre unique ou Chambre basse).
Source : Union interparlementaire au 31 décembre 2011.

44,4% de députées françaises au Parlement européen (consultez le document lié).
Source : Observatoire de la parité 2009.

19,5% de femmes dans les Parlements du monde toutes chambres confondues.
Source : Union interparlementaire au 31 décembre 2011.

• Représentation locale

48,0% de conseillères régionales. 7,7% de présidentes de conseils régionaux, 45,5 % des vice-présidentes.

Source : Observatoire de la parité 2010.

13,9 % de conseillères générales. 5,0 % des présidentes de conseils généraux.
Source : Observatoire de la parité 2011.

35,0% de conseillères municipales et 13,8 % de maires.

- Dans les communes de plus de 3.500 habitants, il y a 48,5% de conseillères municipales et 9,6 % de maires.

- Dans les communes de moins de 3.500 habitants, il y a 32,2% de conseillères municipales et 14,2 % de maires.

Source : Observatoire de la parité 2008.

7,2 % de présidentes d'EPCI
Source : Observatoire de la parité 2009.

Source : Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

c) Récompenser plutôt que sanctionner ?

Dès lors que les dispositifs législatifs ne permettent pas une féminisation suffisamment rapide des assemblées, il y a lieu de s'interroger sur leur pertinence.

L'alternance hommes/femmes mise en oeuvre pour les scrutins proportionnels s'avère naturellement efficace : 48 % de conseillères régionales, 48,5 % de conseillères municipales dans les communes d'au moins 3 500 habitants.

Cependant, l'extension de la proportionnelle à toutes les élections mérite une réflexion sur ses mérites et ses inconvénients : la composition de majorités au sein des assemblées nationales et locales, l'intervention des partis pour les investitures, la viabilité des candidatures « libres »...

(1) Des sanctions financières renforcées ?

La modulation financière n'atteint pas son objectif incitatif pour les deux plus grandes formations politiques.

Comme le souligne l'Observatoire de la parité : « les deux partis politiques à vocation gouvernementale, l'Union pour la majorité présidentielle (UMP) et le parti socialiste (PS), privilégient le financement par la seconde fraction » 40 ( * ) .

Renforcer sévèrement les sanctions financières, voire supprimer l'aide publique aux « mauvais élèves » serait-il réellement exemplaire ? Ne risquerait-il pas de porter atteinte au pluralisme politique ?

(2) L'attribution d'un bonus ?

N'est-il pas plus sage de renverser le mécanisme pour récompenser les « bons élèves » en accordant un « bonus » d'aide aux formations qui respecteraient la loi ? Cette prime ne serait-elle pas plus incitative ?

Il conviendrait d'ailleurs, pour la plus grande efficacité de la mesure, de prendre en compte, au titre de cette mesure, non pas le nombre de candidats aux élections, mais l'effectif des élus. Les partis, alors, devraient veiller à ne pas retenir, au titre de la parité, les circonscriptions les plus difficiles, mais à assurer alors un traitement équitable de leurs candidats, quel que soit leur sexe. Ce bonus pourrait ainsi s'appliquer provisoirement à la deuxième fraction.

A défaut, le mécanisme de modulation précédent pourrait être transféré de la première à la deuxième fraction.


* 34 Cf. art. 1 er de la Constitution.

* 35 Article L. 264 du code électoral.

* 36 Article L. 346 du code électoral.

* 37 Article L. 300 du code électoral.

* 38 Article 7 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants à l'Assemblée des Communautés Européennes.

* 39 Cf. art. 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988.

* 40 Rapport du groupe de travail « Parité politique » (septembre 2012).

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