B. L'INTEGRATION REGIONALE : UN DÉFI COMMUN MAIS DES OUTILS PERFECTIBLES

L'intégration régionale est pour les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie un enjeu primordial pour leur développement, et ce, d'autant plus que ces territoires ont une forte autonomie qui va de pair avec un éloignement certain de l'Hexagone.

1. Les outils d'une nécessaire coopération régionale

Depuis plusieurs années, au-delà des outils de coopération décentralisée dont dispose l'ensemble des collectivités territoriales, des pouvoirs accrus ont été reconnus aux exécutifs et aux assemblées décentralisés de l'outre-mer. Parallèlement, des initiatives administratives ont permis la représentation de ces collectivités auprès d'États voisins sous la supervision de l'État français.

Des initiatives locales sont à souligner. La Nouvelle-Calédonie a souhaité, à l'initiative de Philippe Gomes, lorsqu'il était président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, disposer d'agents auprès d'États voisins de l'archipel (Nouvelle-Zélande, Australie, Vanuatu, Papouasie Nouvelle-Guinée, Fidji). Cette décision a été formalisée dans une convention signée avec l'État en janvier 2012 et les dernières modalités pratiques (relations hiérarchiques, possibilité de rappel, etc.) sont en passe d'être fixées. Dans ce cadre, un délégué de la Nouvelle-Calédonie, bénéficiant de la protection et des facilités du personnel inscrit sur la liste diplomatique, sera placé sous l'autorité de l'ambassadeur de France accrédité auprès des autorités de ces cinq pays.

Ce dispositif est de nature à conserver la cohérence de l'action diplomatique française tout en assurant la prise en compte des intérêts calédoniens. Le seul délégué de la Nouvelle-Calédonie actuellement désigné a été installé à Auckland. Votre rapporteur souhaite que ces délégués, qui doivent présenter les aptitudes notamment linguistiques minimales pour exercer ce type de fonction, soient sélectionnés et recrutés par les autorités gouvernementales selon une procédure ouverte, objective et transparente.

De même, les collectivités françaises du Pacifique -Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna- sont membres, à côté de la France, de la Communauté du Pacifique, organisation internationale à vocation régionale. S'agissant du Forum des îles du Pacifique, autre organisation régionale créée en 1971, Wallis-et-Futuna y dispose d'un statut d'observateur alors que, depuis 2006, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont été intégrés comme membres associés.

Pour appuyer ces initiatives, l'État assure de son côté un soutien technique et financier . Les ambassadeurs chargés de la coopération régionale en sont les maîtres d'oeuvre avec les réserves précédemment exprimées. Votre rapporteur tient néanmoins à souligner que le fonds Pacifique ne dispose pas d'équivalent dans les autres collectivités d'outre-mer et s'interroge sur l'extension de ce dispositif aux autres océans où la France est présente.

En conclusion, la coopération régionale reste un champ d'action des collectivités situées outre-mer qui est encore en quête de nouveaux outils qui nécessitent l'association de l'État . Des améliorations pourraient ainsi porter, selon les contextes, sur une circulation facilitée avec les pays voisins par une politique locale des visas ou, comme l'a évoqué M. Hadelin de la Tour du Pin, secrétaire permanent pour le Pacifique, par l'équivalent d'un programme Erasmus pour les échanges universitaires avec les États voisins. Dans son avis, le CESE rappelait que « le Pacifique est devenu, à deux exceptions près, une zone libre de visas court-séjour pour se rendre en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna ou en Polynésie française » et que « cette mesure a été appréciée lors des Jeux du Pacifique, à Nouméa, à l'été 2011 » 17 ( * ) .

C'est donc toujours dans l'esprit d'assurer la prise en compte des intérêts locaux sans contrevenir à la diplomatie nationale que doivent être pensés ces leviers de l'intégration régionale.

2. Un impératif de cohérence de l'action extérieure de la France

La coopération régionale est un moyen, pour ces collectivités, de faire valoir leurs intérêts directement auprès d'États voisins ou d'organisations régionales, permettant un dialogue plus direct avec les autorités étrangères. C'est aussi une voie pour éviter le « tropisme hexagonal », empêchant parfois de saisir des possibilités de coopération économique avec des acteurs géographiquement plus proches. Enfin, la coopération régionale permet de tisser des liens avec des sociétés voisines partageant de nombreux éléments culturels, comme c'est le cas dans le Pacifique sud.

L'intégration régionale des territoires français dans leur zone présente un intérêt autant pour l'État que les collectivités elle-même . En témoigne la situation de la Nouvelle-Calédonie, devenue aux yeux d'États de la zone, un point de stabilité de l'arc mélanésien, et de l'implantation du siège de la Communauté du Pacifique à Nouméa, symbole autant de l'influence française que pour l'image de la Nouvelle-Calédonie.

Le siège de la communauté du Pacifique à Nouméa :
un enjeu pour la France et la Nouvelle-Calédonie

Par une convention conclue à Canberra le 6 février 1947, la Commission du Pacifique Sud (CPS) est une organisation internationale créée par l' Australie , les États-Unis , la France , la Nouvelle-Zélande , les Pays-Bas et le Royaume-Uni . À l'époque, ces six pays administraient des territoires du Pacifique et anticipaient les avantages qu'ils pourraient retirer en leur apportant une aide « coordonnée ».

Le poids des anciennes puissances coloniales au sein de cette organisation régionale a été contesté et a conduit en 1971 à la création d'une organisation concurrente, le Forum des îles du Pacifique (FIP), regroupant, sous l'influence de l'Australie, 16 États ou territoires. Le Forum des îles du Pacifique regroupe ainsi tous les États insulaires ainsi que l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Rebaptisée en 1997 Communauté du Pacifique, la CPS regroupe désormais 26 États et territoires de l'ensemble de l'océan Pacifique dont ceux ayant accédé depuis sa création à l'indépendance. Après le retrait des Pays-Bas et du Royaume-Uni respectivement en 1962 et en 2004, seuls quatre membres fondateurs dont la France demeurent présents. La mission de la CPS, conçue à l'origine comme plus technique que politique, est de contribuer au développement des compétences techniques, professionnelles, scientifiques et des capacités de recherche, de planification et de gestion de ses membres.

Son siège est fixé à Nouméa. Les services de l'organisation internationale ont d'ailleurs intégrés, en 1995, des nouveaux locaux dans le quartier de l'Anse-Vata. Un Plan Pacifique adopté par le FIP en 2003 lors d'une réunion à Auckland évoquait cependant la perspective du transfert du siège de la CPS de Nouméa aux îles Fidji, où est implanté un important bureau régional de la CPS. La signature d'un nouvel accord de siège entre la France et la CPS en 2003, dont la ratification a été autorisée 18 ( * ) en 2006 et qui a été publié au journal officiel 19 ( * ) seulement en janvier 2012, a toutefois écarté cette hypothèse. Il est d'ailleurs à noter que, comme le permet l'article 28 de la loi organique du 19 mars 1999, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a été associé aux négociations de cet accord et que l'accord a été signé par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur habilitation du ministre des affaires étrangères.

A la suite d'un audit indépendant de l'organisation, demandé par l'Australie, une restructuration des services est en cours d'élaboration. Pour votre rapporteur, il est souhaitable que sans abandonner le bureau régional aux îles Fidji, les services soient reconcentrés à Nouméa qui est le siège officiel de la CPS et qui compte pourtant actuellement moins de personnels que dans les implantations aux îles Fidji.

En contrepartie, il paraît sans doute nécessaire de maintenir la participation financière de la France au niveau actuel de 2,4 millions d'euros par an et d'envisager une hausse de la part obligatoire dans cette enveloppe financière pour pérenniser le financement de la CPS et lui donner plus de visibilité sur ses recettes.

Pour ces raisons, la coopération régionale ne peut qu'être encouragée sous réserve de ne pas contredire les grands axes de la politique étrangère de la France et de ne pas servir, au regard de contextes politiques locaux, de moyen pour mettre en cause la politique nationale. A cet égard, en conformité avec la jurisprudence constitutionnelle, l'intégration régionale s'opère dans le respect du monopole de l'État en matière de relations internationales ; ce dernier demeure le seul à disposer de la personnalité juridique en droit international.

La coopération régionale ne saurait être ni une diplomatie parallèle, ni un moyen supplémentaire de capter des financements locaux. Dans cet esprit, les fonds de l'État dédiés à la coopération régionale, via le fonds Pacifique notamment, ont bien vocation, selon votre rapporteur, à financer des projets avec les autorités étrangères et non à bénéficier directement aux collectivités françaises. Ces fonds qui demeurent certes d'un montant modeste et ne peuvent intervenir que comme un co-financement permettent généralement, comme le soulignait M. Hadelin de la Tour du Pin lors de son audition, d'initier des projets ou d'apporter un complément qui permette de clore le montage financier. Les projets financés parfois limités dans leur objet n'en participent pas moins, dans certains micro-États du Pacifique, à l'influence française dans la zone. Pour votre rapporteur, le niveau financier du fonds Pacifique, actuellement estimé à 2 millions d'euros par an, est un seuil qui ne peut plus, pour remplir correctement la mission du fonds, être révisé à la baisse.


* 17 Avis de M. Rémy-Louis Budoc, Pour un renforcement de la coopération régionale des Outre-mer - Délégation à l'outre-mer - 9 mai 2012 - p. 15 et 16

* 18 Loi n° 2006-611 du 29 mai 2006 autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique

* 19 Décret n° 2012-39 du 11 janvier 2012 portant publication de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique, signé à Nouméa le 6 mai 2003

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