II. UN NOUVEAU SOUFFLE DONNÉ À LA POLITIQUE DE LA VILLE : UNE DÉMARCHE INTERMINISTÉRIELLE ET UN NOUVEAU TEXTE DE PROGRAMMATION

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur pour avis avait estimé que la politique de la ville devait être repensée , soulignant notamment que « le caractère interministériel de la politique de la ville [devait] être renforcé » 11 ( * ) et que « la réforme de la géographie prioritaire [constituait] une réforme clé » 12 ( * ) à mener en 2013.

Un an après, votre rapporteur pour avis ne peut qu'être satisfait : d'une part, le Comité interministériel des villes du 19 février 2013 ainsi que les conventions conclues entre le ministre de la ville et ses collègues du Gouvernement montrent la détermination du Gouvernement à assurer l'interministérialité - et donc l'efficacité - de la politique de la ville . D'autre part, la réforme de la géographie prioritaire est prévue par le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, déposé le 2 août dernier par le Gouvernement et en cours d'examen par le Parlement.

A. UNE POLITIQUE DE LA VILLE RÉELLEMENT INTERMINISTÉRIELLE

1. Le Comité interministériel des villes (CIV) du 19 février 2013, l'émergence d'un pilotage véritablement interministériel de la politique de la ville


• Dans son rapport de juillet 2012, la Cour des comptes a pointé le défaut d'interministérialité de la politique de la ville au cours des dernières années .

Elle a ainsi évoqué l'existence « d'une gouvernance nationale sans coordination forte » 13 ( * ) , « un accroissement du nombre des intervenants sans renforcement du pilotage interministériel » 14 ( * ) ou encore « un pilotage interministériel qui peine à s'affirmer » 15 ( * ) .

Le meilleur exemple de l'absence de pilotage interministériel de la politique de la ville est le fait que le Comité interministériel des villes (CIV), qui constitue l'organe décisionnel de la politique de la ville, ne s'est réuni qu'à quatre reprises entre 2001 et 2013.

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur pour avis se réjouissait de l'annonce de la réunion d'un CIV en 2013, sous la présidence du Premier ministre, estimant par ailleurs indispensable que cette instance qui, comme le souligne le Gouvernement, « assure le caractère interministériel de la politique de la ville et favorise la prise en compte, par chacun des ministères concernés, de la spécificité des quartiers populaires, dans leurs politiques et leurs orientations budgétaires » 16 ( * ) , se réunisse désormais régulièrement 17 ( * ) .


Le CIV s'est donc réuni le 19 février 2013 au terme de la concertation nationale « Quartiers, engageons le changement » , qui s'est déroulée du 11 octobre 2012 au 31 janvier 2013, mobilisant l'ensemble des partenaires de la politique de la ville (élus, services de l'État, têtes de réseau associatives, acteurs de l'habitat et du monde économique) et complétée par un dispositif de « cahiers d'acteurs », permettant aux élus, aux associations ou aux habitants d'apporter leur analyse et leurs propositions.

Les 27 décisions prises par le CIV sont articulées autour de cinq engagements forts qui mobilisent l'ensemble du Gouvernement :

- construire ensemble la politique de la ville , associer les habitants et les acteurs de proximité à l'élaboration de la politique de la ville ;

- mobiliser les politiques de droit commun de chacun des ministères au bénéfice des quartiers prioritaires en prenant appui sur les conventions signées entre le ministère délégué à la ville et chaque pôle ministériel et favoriser un meilleur fléchage des fonds européens structurels et d'investissements vers les quartiers ;

- poursuivre la rénovation urbaine et améliorer le cadre de vie ;

- concentrer les interventions publiques grâce à des contrats de ville de nouvelle génération portés au niveau intercommunal, intégrant les enjeux de cohésion sociale et de renouvellement urbain et impliquant tous les acteurs ;

- lutter contre les stigmatisations et les discriminations dont souffrent les habitants des quartiers populaires.

Votre rapporteur pour avis salue, sur la forme, l'organisation de ce CIV qui consacre l'interministerialité de la politique menée par le Gouvernement en direction des quartiers de la politique de la ville et, donc, la mobilisation de l'ensemble des ministères en la matière. Sur le fond, il se réjouit des 27 décisions prises par le CIV du 19 février 2013 qui permettent de donner un nouveau souffle à la politique de la ville .

Les 27 décisions prises par le CIV du 19 février 2013

Chacune de ces décisions se voit fixer des objectifs et se décline en plusieurs mesures.

Axe 1 : Construire ensemble la politique de la ville

Décision 1 : Donner toute leur place aux acteurs de proximité et aux habitants

Décision 2 : Mettre en place une gouvernance nationale associant tous les acteurs

Décision 3 : Simplifier et renforcer le pilotage national de la politique de la ville

Décision 4 : Mobiliser l'administration territoriale de l'État dans la nouvelle étape de la politique de la ville

Axe 2 : Territorialiser les politiques de droit commun

Décision 5 : Emploi

Décision 6 : Économie sociale et solidaire

Décision 7 : Développement économique

Décision 8 : Éducation nationale et enseignement supérieur

Décision 9 : Santé et affaires sociales

Décision 10 : Jeunesse et sport

Décision 11 : Sécurité et prévention de la délinquance

Décision 12 : Justice

Décision 13 : Culture

Décision 14 : Droit des femmes

Décision 15 : Défense et anciens combattants

Décision 16 : Politique européenne de cohésion dans les quartiers

Axe 3 : Rénover et améliorer le cadre de vie

Décision 17 : Mener à bien le programme national de rénovation urbaine

Décision 18 : Lancer une nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain intégrées dans les contrats de ville 2014-2020

Décision 19 : Renforcer la qualité de gestion des quartiers et favoriser la mixité sociale

Décision 20 : Favoriser le désenclavement des quartiers populaires

Axe 4 : Concentrer les interventions publiques

Décision 21 : Une géographie prioritaire renforcée

Décision 22 : Des contrats de ville de nouvelle génération

Décision 23 : Des mécanismes de solidarité financière renforcés

Décision 24 : Des approches spécifiques pour les outre-mer

Axe 5 : Lutter contre les discriminations

Décision 25 : Confier au ministre chargé de la ville une mission interministérielle pour la lutte contre les discriminations dans les quartiers

Décision 26 : Déployer les emplois francs dès 2013

Décision 27 : Conduire un travail sur la mémoire collective dans les quartiers prioritaires

2. Les conventions entre le ministre de la ville et les principaux ministres, une innovation assurant la mobilisation des crédits de droit commun au bénéfice des quartiers


• Dans son rapport de juillet 2012, la Cour des comptes a souligné que « les moyens de droit commun ne sont pas mobilisés à hauteur des difficultés économiques et sociales que rencontrent les habitants de ces quartiers » 18 ( * ) relevant même le « risque de substitution des crédits spécifiques aux crédits de droit commun » 19 ( * ) .

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur pour avis avait indiqué que « cette réalité est particulièrement choquante : la politique de la ville ne doit pas être un substitut aux politiques de droit commun, mais un complément à celles-ci au service de territoires et de populations en souffrance » 20 ( * ) .

Il avait salué certaines décisions prises par le Gouvernement qui illustraient le retour du droit commun dans les quartiers, à l'exemple du « fléchage » d'un quart des nouveaux postes créés dans l'Éducation nationale vers l'encadrement des élèves de l'éducation prioritaire ou des emplois d'avenir qui visent prioritairement les jeunes des quartiers populaires.


En matière de droit commun, l'année 2013 a été marquée par la signature entre le ministre délégué à la ville et tous les ministères concernés de conventions destinées à fixer les objectifs, la méthode et les engagements , notamment financiers, de leur mobilisation dans leurs domaines de compétence en faveur des quartiers .

La signature de ces conventions avait été décidée lors du Conseil des ministres du 22 août 2012 et une circulaire du 30 novembre 2012 a précisé les modalités d'élaboration de ces conventions.

Votre rapporteur pour avis salue l'émergence de ces conventions, nouvel outil permettant la mobilisation des politiques de droit commun au service des quartiers.

La circulaire du 30 novembre 2012
relative à l'élaboration de conventions d'objectifs pour les quartiers prioritaires
entre le ministère de la ville et les ministres concernés par la politique de la ville

Cette circulaire précise l'architecture des conventions prévues par le conseil des ministres du 22 août 2012.

Le Premier ministre indique ainsi aux ministres que « des conventions d'objectifs pour les quartiers populaires seront conclues, par pôle ministériel, entre le ministre chargé de la politique de la ville et chacun d'entre vous. Il s'agit, à travers cet exercice, de créer les conditions d'une mobilisation effective des politiques de droit commun au bénéfice des quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Il précise que « ces conventions préciseront les engagements que vous prendrez chacun dans votre domaine de compétences, pour la période 2013-2015, en termes d'objectifs opérationnels, de moyens mobilisés, d'adaptation qualitative de votre action et de méthode. Il sera notamment tenu compte des objectifs transversaux dans les champs de la jeunesse, du droit des femmes et, plus généralement, de la lutte contre toutes les formes de discrimination ».

L'annexe de cette circulaire précise que les conventions comprendront :

- des engagements portant sur les objectifs opérationnels recherchés par les politiques de droit commun dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ;

- des engagements portant sur les moyens mobilisés par les ministères dans le cadre des différents programmes ;

- des engagements portant sur l'adaptation qualitative des modes d'intervention des ministères aux spécificités des quartiers de la politique de la ville ;

- des engagements sur les méthodes de travail et de collaboration entre le ministère chargé de la politique de la ville et les ministères sectoriels.

A la date d'octobre 2013, dix conventions étaient d'ores et déjà signées , trois conventions interministérielles étant en cours de signature.

Liste des conventions interministérielles signées depuis le 22 août 2013 21 ( * )

- 4 avril 2013 : convention avec le ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative ;

- 25 avril 2013 : convention avec le ministère des Affaires sociales et de la Santé ;

- 30 avril 2013 : convention avec le ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social et Pôle Emploi ;

- mai 2013 : convention avec le ministère du Droit des femmes ;

- 7 juin 2013 : convention avec le ministère délégué chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche ;

- 11 juillet 2013 : convention avec le ministère de la Justice ;

- 15 juillet 2013 : convention avec le ministère de la Défense (Anciens combattants) ;

- 27 septembre 2013 : convention avec le ministère de l'Intérieur :

- 27 septembre 2013 : convention avec le ministère délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ;

- 7 octobre 2013 : convention avec le ministère de l'Éducation nationale et le ministère délégué à la Réussite éducative.

Source ministère délégué à la Ville.

Parmi les objectifs fixés par ces différentes conventions, votre rapporteur pour avis relève notamment :

- la territorialisation des politiques en faveur de la jeunesse et le renforcement de l'engagement des jeunes, ceci par l'augmentation du nombre de jeunes des quartiers effectuant une mobilité internationale et en améliorant la part des jeunes des quartiers bénéficiaires du service civique avec un objectif de 25 % dès 2013 (convention avec le ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative) ;

- l'accompagnement vers l'emploi des jeunes des quartiers, afin de compenser les obstacles spécifiques à leur insertion professionnelle, avec des objectifs précis, de 30 % des bénéficiaires des emplois d'avenir issus des quartiers à l'horizon 2015 ou 12 % des bénéficiaires des contrats uniques d'insertion issus des quartiers pour le secteur marchand (convention avec le ministère du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social et Pôle Emploi) ;

- le lancement du troisième appel à projets « transports collectifs et mobilité durable » hors Ile-de-France, avec une majoration de 10 % du taux de subvention pour les projets concernant les quartiers de la politique de la ville et une réservation de 10 % des heures travaillées et des embauches effectuées dans le cadre des travaux d'investissement en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'accès à l'emploi, avec une attention particulière pour celles issues des quartiers prioritaires (convention avec le ministère chargé des Transports, de la Mer et de la Pêche) ;

- le renforcement de la présence de l'Éducation nationale dans les ZUS avec 25 % des postes créés en faveur de l'accueil des moins de trois ans et 25 % des postes créés dans le cadre du dispositif « plus de maîtres que de classes » (convention avec le ministère de l'Éducation nationale).


• Au-delà de ces conventions interministérielles, le ministre délégué chargé de la ville a engagé une démarche semblable avec :

- certains opérateurs de l'État : une convention a ainsi été signée avec Pôle Emploi qui prévoit le recrutement, dès 2013, de 400 salariés dans les agences des ZUS ;

- certaines associations d'élus, sur les modalités de participation de ces collectivités aux contrats de ville. Le 29 octobre dernier, le ministre délégué chargé de la ville a ainsi signé une convention avec les présidents de l'Association des communautés urbaines de France (ACUF) et de l'Association des maires des grandes villes de France (AMGVF) par laquelle les deux associations se sont notamment engagées à généraliser d'ici 2017, pour les agglomérations urbaines, des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) intégrant pleinement les enjeux de la politique de la ville ou à préparer des contrats locaux de santé, qui constitueront le volet santé des contrats de ville.

3. La création du commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), une rationalisation de la gouvernance de la politique de la ville


• Dans son rapport de juillet 2012, la Cour des comptes soulignait que la répartition des tâches entre les différents acteurs institutionnels de la politique de la ville n'était pas toujours très claire , estimant que « l'exercice de la tutelle et le partage des tâches entre le secrétariat général et les deux principales agences de la politique de la ville, l'agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et l'agence nationale pour la rénovation urbaine, restent à renforcer et à clarifier » 22 ( * ) .

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2013, votre rapporteur pour avis estimait quant à lui qu'il convenait de réfléchir à la gouvernance, à l'organisation administrative de la politique de la ville et à la répartition des rôles entre les différents acteurs institutionnels .

Il soulignait ainsi qu'il était « favorable au rapprochement du SG-CIV, de l'ANRU, de l'ACSé et de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) au sein de ce que pourrait être une véritable Agence des territoires » 23 ( * ) .


• Suite au rapport remis le 7 février 2013 par la commission chargée de travailler sur l'évolution des outils administratifs en charge de l'égalité des territoires, présidée par M. Thierry Wahl, et aux préconisations du rapport remis en juin 2013 par les inspections générales des finances (IGF), de l'administration (IGA) et des affaires sociales (IGAS) et le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), le Comité interministériel de l'action publique (CIMAP) a décidé la création au début de l'année 2014 du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET ).

Cette nouvelle structure regroupera l'ACSé, le SG-CIV et la DATAR. Placé sous l'autorité du Premier ministre , il sera mis à disposition de la ministre de l'égalité des territoires et du logement ainsi que du ministre délégué chargé de la ville. Un pôle spécifiquement dédié à la politique de la ville sera institué, sous la direction d'un commissaire délégué .

Une mission de préfiguration a été lancée pour élaborer un projet de service pour le CGET, en concertation avec les agents, l'objectif étant de mettre en place la nouvelle structure au cours du premier semestre 2014.


• Aux yeux de votre rapporteur pour avis, la création du CGET constitue une véritable révolution administrative .

La création de cette structure assurera une vision élargie de l'égalité des territoires et permettra la création de synergies.

Il estime cependant la création du CGET ne constitue qu'une première étape : il est souhaitable - et logique - que le Commissariat étende sa compétence aux outils de péréquation et absorbe donc à terme une partie de la direction générale des collectivités locales (DGCL).


* 11 Avis n° 149 (2012-2013), Ibid., p. 61.

* 12 Ibid., p. 66.

* 13 « La politique de la ville. Une décennie de réformes », Ibid., p. 36.

* 14 Ibid., p. 36.

* 15 Ibid., p. 37.

* 16 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 17 Avis n° 149 (2012-2013), Ibid., p. 65.

* 18 « La politique de la ville. Une décennie de réformes », Ibid., p. 176

* 19 Ibid., p. 151.

* 20 Avis n° 149 (2012-2013), Ibid., p. 59.

* 21 au mois d'octobre 2013.

* 22 « La politique de la ville. Une décennie de réformes », Ibid., p. 38.

* 23 Avis n° 149 (2012-2013), Ibid., p. 64.

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