II. LE PLAN GOUVERNEMENTAL DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LES CONDUITES ADDICTIVES : DES MOYENS QUI NE SONT PAS À LA HAUTEUR DES AMBITIONS

Après un plan gouvernemental 2008-2011 caractérisé par son prisme répressif envers les usagers de drogues et son immobilisme en matière de réduction des risques, un signe de changement politique fort était attendu de la Mildt issue de l'alternance politique du printemps 2012. La lettre de mission du Premier ministre à la présidente de la Mildt l'invite bien à combiner, en les plaçant sur le même plan, prévention, prise en charge sanitaire et combat contre l'offre de drogues.

Identifiées de longue date par les professionnels de la lutte contre les addictions , les insuffisances de la politique française envers la toxicomanie sont nombreuses et se sont aggravées ces dernières années par rapport à nos voisins européens et aux expérimentations menées à travers le monde. Les urgences restent les mêmes que l'an dernier : ouverture d'une salle de consommation à moindre risque, développement de la réduction des risques en milieu carcéral, renouveau de la prévention, meilleure reconnaissance de l'addictologie en médecine. Si elles sont présentes dans le plan, il n'est pas certain qu'elles puissent toutes être mises en application faute de moyens suffisants.

A. UN PROCESSUS D'ÉLABORATION QUI A RAPPROCHÉ LA MILDT DES DIFFÉRENTS ACTEURS DU MONDE DES ADDICTIONS

Faisant preuve, depuis 2007, d'un manque de confiance envers les acteurs médicaux et associatifs agissant contre les addictions et entretenant par son comportement un sentiment de méfiance réciproque, la Mildt n'était plus considérée par eux en 2012 comme un interlocuteur ouvert à une réflexion objective sur les toxicomanies et réceptif aux idées provenant du terrain. Il revenait à la nouvelle présidente de la Mildt de restaurer le lien fort qui avait pu exister à l'époque où Nicole Maestracci la dirigeait.

L'élaboration du nouveau plan gouvernemental a permis de mesurer l'attachement désormais affiché par la Mildt à la consultation et au dialogue. Pour votre rapporteure, ce changement de méthode constitue un progrès essentiel, car l'Etat doit reconnaître l'engagement des professionnels et la pertinence de leurs propositions sur des questions auxquelles ils sont confrontés au quotidien. Ainsi, la concertation a été permanente avec les ministères concernés, les chefs de projet dans les départements mais également avec les associations et le monde médical.

L'illustration principale en est le rapport remis par le professeur Reynaud sur « les dommages liés aux addictions et les stratégies validées pour réduire ces dommages ». Sous la direction d'un comité de pilotage pluridisciplinaire, composé de médecins, de sociologues, d'économistes, de juristes et de représentants des associations, des experts ont établi, chacun dans sa spécialité, un constat objectif de la situation actuelle. Le comité de pilotage en a ensuite fait la synthèse, démontrant la nécessité de changer de paradigme, puis a ébauché les grandes lignes d'une stratégie générale d'application de ses propositions. Travail d'étude de la littérature scientifique et des expériences menées en France et à l'étranger, il constitue la base de l'action de la Mildt et a très largement inspiré le plan gouvernemental. Après plusieurs années d'isolement qui ont contribué à décrédibiliser la Mildt auprès de la communauté scientifique, il marque surtout son rapprochement tant attendu avec les experts des addictions.

Comme l'a toutefois fait remarquer le professeur Reynaud à votre rapporteure, ces premiers signes, aussi positifs soient-ils, ne sont pas à la hauteur des défis auxquels la France doit faire face en matière d'addictions . En l'absence de mesures structurelles visant à faire diminuer la consommation de produits stupéfiants, en particulier d'alcool et de tabac, celle-ci continuera de progresser. Les solutions sont connues, comme le renforcement de la taxation des boissons alcoolisées ou la restriction de la publicité en ligne. De même, le manque de visibilité sur les financements, notamment hospitaliers, hypothèque ses chances de réussite sur le long terme, au-delà d'un simple effet conjoncturel.

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