B. ARCHÉOLOGIE ET PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE : DES HAUSSES EXCEPTIONNELLES

1. Des hausses à souligner au sein d'un budget qui baisse
a) Le patrimoine archivistique : un effort sur l'ensemble du territoire

L'action n° 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » bénéficie d'une hausse de 1,9 million d'euros, liée en particulier à une augmentation des moyens de fonctionnement qui s'élèvent à 11,08 millions d'euros en AE=CP, dont 10,9 millions en subventions pour charges de service public.

Il s'agit de couvrir les nouveaux besoins du centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine, ouvert depuis le mois de janvier 2013 . Ce nouveau centre comprend un potentiel de 600 kilomètres de linéaires dont la moitié seulement sera occupée dans un premier temps, 200 kilomètres ayant déjà été effectivement déménagés. 300 personnes y travaillent sur un plafond total de 515 emplois temps plein travaillé (ETPT).

Les crédits centraux de fonctionnement sont également destinés :

- au service interministériel des archives de France (SIAF). Rappelons que le délégué interministériel aux archives de France (DIAF) a été institué par le décret n° 2012-479 du 12 avril 2012. Il assure le renforcement de la politique interministérielle des archives de l'État ;

- au service à compétence nationale (SCN) des Archives nationales du monde du travail (ANMT) situé à Roubaix ;

- au SCN des archives nationales d'outre-mer (ANOM) d'Aix-en-Provence ;

- au centre national du microfilm et de la numérisation (CNMN), service central délocalisé rattaché au SIAF.

(en millions d'euros)

Destination des crédits (dépenses de fonctionnement courant)

AE=CP

Service à compétence nationale des archives nationales (AN)

8,88

Service à compétence nationale des archives nationales du monde du travail (ANMIT)

0,75

Service à compétence nationale des archives nationales d'Outre-mer (ANOM)

0,64

Centre national du microfilm et de la numérisation (CNMN)

0,23

Service interministériel des archives de France (SIAF)

0,40

Total

10,90

Source : Projet annuel de performances pour 2014 - Mission « Culture »

Comme l'a indiqué M. Hervé Lemoine, directeur des archives de France à votre rapporteur pour avis, l'effort de l'État vise à compenser la baisse de la participation des collectivités territoriales au projet de Pierrefitte sans que cet effort ne pèse sur les archives départementales.

En 2014, cela se traduit par une hausse des crédits destinés aux archives départementales de + 12 % en AE et +8 % en CP par rapport à 2013. Parallèlement le budget de fonctionnement des archives nationales a été revu à la hausse pour atteindre 8,88 millions d'euros en AE=CP, contre 8,15 en CP et 8,27 en AE l'année passée. Notons que l'entretien et la maintenance représentent plus de 80 % du budget des archives nationales.

Le tableau ci-dessous montre la dynamique des projets relatifs aux archives départementales.

Projets de travaux des archives départementales (AD)
Subventions de l'État en 2014

Nouveaux projets dont les travaux commencent en 2014 (engagement de l'État) :

AD de Paris (construction neuve) : 1,6 million d'euros (10 %) ;

AD de la Somme (restructuration et bâtiment neuf) : 3 millions d'euros (20 %) ;

AM de Sevran (réhabilitation) : 60 000 euros (10 %) ;

AM de Chartres (extension / réhabilitation) : 250 000 euros (10 %).

En cours de réalisation (paiement 2014) :

AD de la Marne (extension) solde des travaux : 300 000 euros de CP (2 millions d'euros au total = 27 %) ;

AD de la Guadeloupe (bâtiment + autoclave) solde des opérations : 300 000 euros de CP (10 % du bâtiment, totalité de l'autoclave) ;

AD du Val-de-Marne (SSI) : 150 000 euros en AE = CP (10 %) ;

AD du Gard (construction neuve) : 650 000 euros de CP (4 millions d'euros au total = 20 %) ;

AD de la Meurthe-et-Moselle (réhabilitation) : 1 million d'euros de CP (3,5 millions d'euros au total = 16 %) ;

AD des Vosges (extension / réhabilitation) solde des travaux : 135 000 euros de CP ;

AD du Var (construction neuve) solde des travaux : 65 000 euros de CP ;

AM de Bordeaux (réhabilitation) : 500 000 euros de CP (1 million d'euros = 10 %) ;

AM de Riom (construction neuve) solde des travaux : 57 000 euros de CP (110 000 euros = 10 %)

Études de faisabilité :

AD de Saône-et-Loire : 25 000 euros ;

AD des Ardennes : 20 000 euros ;

AD de la Lozère : 30 000 euros ;

AD du Maine-et-Loire : 50 000 euros ;

AD de la Charente : 25 000 euros ;

AM de Rennes : 15 000 euros.

Nouveaux projets prévus en 2015 :

AD de l'Ain (extension / réhabilitation) ;

AD du Loir-et-Cher (restructuration) ;

AD de Haute-Garonne (construction neuve) ;

AD de la Loire (extension / réhabilitation) ;

AD de Saône-et-Loire (extension / réhabilitation) ;

AD du Tarn-et-Garonne (extension / réhabilitation) ;

AD de la Haute-Vienne (extension / réhabilitation) ;

AD du Calvados ;

AD du Pas-de-Calais ;

AD du Maine-et-Loire (extension / réhabilitation) ;

AM de Pontarlier.

Source : Ministère de la culture et de la communication

Le ministère de la culture et de la communication soutient l'ensemble des archives territoriales (départementales aussi bien que municipales et régionales) en mettant à disposition des personnels scientifiques, ainsi que par la voie de subventions pour les projets de rénovation ou de numérisation. Les crédits déconcentrés en dépenses d'intervention représentent 6 millions d'euros en AE et 8,7 millions d'euros en CP .

Enfin 1,5 million d'euros en AE=CP est prévu en dépenses d'investissement pour financer le lancement du projet interministériel d'archivage électronique « Valeurs Immatérielles Transmises aux Archives pour Mémoire » (VITAM 1 ( * ) ) et celui du portail « France Archives ». Ce dernier consiste en la création d'un portail Internet, en lien avec les outils européens existants, permettant d'homogénéiser et d'agréger l'ensemble des données françaises actuellement éclatées entre les trois services à compétence nationale (SCN), 100 sites départementaux et 700 sites municipaux.

Le budget consacré à la numérisation des archives depuis 2012

Le budget de numérisation du service interministériel des Archives de France de la direction générale des patrimoines, pour les trois services à compétence nationale des archives nationales, s'est élevé à près de 2,9 millions d'euros en crédits de paiement en 2012.

Cette somme importante se justifie par l'ouverture du nouveau centre de Pierrefitte-sur-Seine et celle de sa Salle des inventaires virtuelle (SIV). La SIV est l'interface publique du nouveau système d'information archivistique des archives nationales qui vient d'être mis en service. Cette interface est accessible sur Internet pour les lecteurs. Elle permet à chacun de se créer un espace personnalisé à partir duquel il est possible d'effectuer les démarches nécessaires pour préparer une consultation en salle de lecture : vérifier l'existence d'une cote, constituer des listes personnelles de cotes, adresser des demandes de recherche ou de reproduction aux archives nationales, solliciter une dérogation ou une autorisation ou toute autre levée de restriction, consulter l'historique de ses demandes, suivre celles qui sont en cours et réserver un article pour la consultation à une date donnée.

En 2013, la SIV est augmentée d'un volet documentaire et porte sur l'ensemble des fonds conservés aux archives nationales. Les lecteurs doivent pouvoir bénéficier de fonctionnalités élargies avec la mise en ligne progressive de tous les instruments de recherche détaillés et le recours à un plan d'orientation offrant une description générale des fonds conservés aux archives nationales.

Pour les services d'archives territoriales (notamment les archives départementales), les dépenses de numérisation en 2012, pour 93 départements, se sont élevées à 2,95 millions d'euros, soit une somme presque équivalente à celle dépensée en 2011 (3,14 millions d'euros). Sur 93 départements, 17 ont déclaré n'avoir rien dépensé sur leur budget propre.

Pour 2013, l'effort de l'État pour soutenir les départements est particulièrement important. En effet, au titre du plan national de numérisation financé par le ministère de la culture et de la communication, les services d'archives sont soutenus à hauteur de 719 200 euros (soit une somme supérieure à celle accordée en 2012 : 536 300 euros), dont 417 500 euros accordés pour la numérisation des registres matricules de Poilus, en prévision des commémorations du centenaire de la première guerre mondiale.

Cette thématique fait l'objet d'autre part d'un soutien exceptionnel de l'État, puisque la direction générale des patrimoines (SIAF) a complété le plan national de numérisation en accordant 292 887 euros de subventions pour la numérisation des registres matricules (et dans certains cas leur indexation) à 22 services d'archives départementales, ainsi qu'aux archives nationales d'outre-mer. De même, le SIAF a soutenu, à hauteur de 46 321 euros, 4?projets portés par les archives départementales pour la rétro-conversion de leurs instruments de recherche aux fins de mise en ligne. Le soutien de l'État pour des projets de numérisation portés par des services d'archives territoriaux s'élève par conséquent à plus d'un million d'euros en 2013.

Source : Ministère de la culture et de la communication

b) Le patrimoine archéologique : deux nouveaux projets

La hausse de crédits (de 1,5 million en CP et de 9,6 millions en AE) correspond principalement au lancement, en 2014, de deux grands projets :

- le centre international d'art pariétal à Montignac en Dordogne (« projet Lascaux 4 »), qui bénéficie de 4 millions d'euros en AE et de 1 million d'euros en CP , au titre des crédits déconcentrés d'intervention ;

- le centre de conservation et d'études d'archéologie du pôle de recherches interdisciplinaires archéologiques de Moselle (PRIAM) à Metz en Lorraine. L'intégralité des dépenses d'investissement lui sont consacrées en 2014 avec 7 millions d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP.

2. Mais une exécution paralysée dans le domaine de l'archéologie
a) Les dysfonctionnements de liquidation de la redevance d'archéologie préventive

La hausse des crédits observée en 2014 en faveur du patrimoine archéologique ne doit pas masquer la regrettable situation dans laquelle l'archéologie préventive se trouve encore aujourd'hui, en raison de dysfonctionnements empêchant la liquidation de la redevance d'archéologie préventive (RAP) au titre des travaux relevant de l'urbanisme .

En effet, l'établissement de cet impôt dépend de deux filières de liquidation différentes qui suivent chacune des règles de calculs également distinctes.

Les règles relatives à la RAP due au titre des travaux relevant du code de l'urbanisme ont été plusieurs fois modifiées depuis 2003, la dernière modification datant de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011. Désormais, ces travaux sont assujettis à une forme de RAP adossée à la taxe d'aménagement mise en place par la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010. Les impositions sont établies par les services déconcentrés du ministère chargé de l'urbanisme, les directions départementales des territoires - DDT (« filière urbanisme »).

Pour les travaux précédés d'une étude d'impact ou soumis à un régime de déclaration préalable, ce sont les services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui assurent la liquidation de cet impôt dont le montant est relatif à la surface au sol des travaux (« filière DRAC »).

Alerté par le président et le directeur général de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), votre rapporteur pour avis regrette profondément que le sujet du financement de l'archéologie préventive soit à nouveau une source de difficultés pour le secteur . Au cours des dernières années, les lois de finances successives avaient, à plusieurs reprises, modifié l'assiette et le taux de cette redevance, dont le rendement devait enfin atteindre un seuil satisfaisant estimé à 122 millions d'euros en 2015 après une progression étalée sur deux ans.

Malheureusement, la RAP issue de la « filière urbanisme » (soit plus de 60 % du rendement total) n'est pas perçue en 2013 en raison d'un problème informatique lié au système « Chorus » . Seule la filière « DRAC » semble aujourd'hui fonctionner, ce qui a permis à l'INRAP de percevoir un peu moins de 30 millions d'euros seulement en 2013.

Plusieurs mouvements de crédits ont dû être décidés dans l'année pour pallier cette carence et permettre à l'établissement public de payer salaires et fournisseurs. Ainsi, une subvention exceptionnelle de 10 millions d'euros a été accordée au début de l'année 2013, puis en juillet une aide de 15 millions d'euros est venue alimenter la trésorerie de l'INRAP. Au mois d'octobre, il manquait 10 à 15 millions d'euros pour que l'établissement puisse faire face à toutes ses dépenses incontournables.

Votre rapporteur pour avis souhaite que des mesures urgentes soient prises afin de remédier à ce problème informatique qui, une fois encore, paralyse l'INRAP et empêche le financement de l'archéologie préventive.

Il espère enfin que la création d'un compte d'affectation spéciale (CAS) , devant permettre un circuit de financement plus sain et plus efficace dès 2015, sera réalisée dans des délais acceptables afin de ne pas retarder davantage les bénéfices des réformes entreprises depuis plusieurs années.

b) Le référé de la Cour des comptes

La Cour des comptes a contrôlé les comptes et la gestion de l'INRAP pour les exercices 2002 à 2011. Dans le référé n° 67181 du 6 juin 2013, elle formule cinq séries d'orientations, relatives respectivement au modèle de financement de l'établissement, à l'exercice de la tutelle, à l'encadrement et au financement de la recherche archéologique, à l'évolution du cadre concurrentiel de l'archéologie préventive et à sa gestion interne. Ce référé intervient en prenant en compte les conclusions du « Livre blanc de l'archéologie préventive » rendu public le 29 mars 2013.

Sans revenir sur l'ensemble de ces sujets, votre rapporteur pour avis note que la Cour estime que la création du CAS « constituerait une avancée importante » et « invite à la poursuite de la démarche de rationalisation de la RAP en unifiant son circuit de liquidation ». Force est de constater que l'unification n'aurait peut-être pas été opportune puisque seul le produit de la RAP liquidée par les DRAC a alimenté l'INRAP en 2013.

En l'absence de pilotage national de la recherche archéologique et de financements explicitement attachés à cette mission, la Cour estime par ailleurs « urgent de mettre fin aux incertitudes sur la définition du périmètre de la recherche archéologique préventive ». Elle indique que les termes de l'alternative sont les suivantes :

- soit les activités de service public, dont la recherche, sont financées par le produit de la RAP, et elles constituent une variable d'ajustement, dans le cadre d'une enveloppe contrainte, afin de compenser les fluctuations des activités opérationnelles prescrites ;

- soit la mission de recherche est considérée comme un aboutissement logique et nécessaire aux activités opérationnelles, et il importe alors de conditionner la poursuite de son développement à une diversification de ses sources de financement, impliquant inévitablement la participation budgétaire directe du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la base d'une estimation fine des besoins.

Un tel financement budgétaire devrait alors intervenir dans un cadre contractuel formalisé, qui précise notamment la liste et le montant des opérations justifiant une subvention et comporte des engagements relatifs aux délais et à la publication des rapports et des travaux de recherche et à leur évaluation scientifique externe.

Dernières observations de la Cour évoquées lors des auditions de votre rapporteur pour avis : l'absence de véritable comptabilité analytique des coûts et la rémunération du président de l'établissement qui apparaît « hautement contestable en l'absence de fonctions exécutives exercées par celui-ci ».

Dans sa réponse en date du 12 août 1013, la ministre de la culture et de la communication admet l'urgence d'une amélioration de la gestion interne de l'INRAP comprenant « un déploiement global du système de gestion de l'activité (SGA) afin de faciliter le pilotage de l'établissement » . Ces objectifs ont d'ailleurs été intégrés au contrat de performances 2011-2013 de l'établissement et doivent être reconduits. Le ministère de la culture et de la communication a indiqué à votre rapporteur pour avis que la révision du décret statutaire de l'établissement est en cours afin de tenir compte de la remarque de la Cour sur la rémunération du Président, qui correspond bien à la réalité de son travail mais pas à la description statutaire du poste, laquelle ne comporte pas de dimension exécutive.

Le ministère de la culture et de la communication, comme les dirigeants de l'INRAP, ont fait savoir qu'un plan de résorption de la précarité était en cours, avec pour objectif le recrutement de 140 personnes en contrat à durée indéterminée (CDI), pour un coût de fonctionnement supplémentaire de 1 à 2 millions d'euros par an. La majoration du sous-plafond d'emplois en CDI de 140 ETPT fait l'objet d'une recommandation de prudence de la part de la Cour des comptes , qui rappelle qu'une même décision avait été prise en 2007 - pour 347 agents en CDI - et qu'elle avait débouché sur une extrême rigidité de gestion interne. Une telle mesure ne devrait pas se faire sans une gestion prévisionnelle fine des emplois et compétences de l'établissement .


* 1 Le projet VITAM devrait être opérationnel en 2016.

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