V. LA FILIÈRE AÉRONAUTIQUE : DES PERSPECTIVES INCERTAINES MALGRÉ LES SUCCES ACTUELS

La France est l'un des rares pays au monde à disposer d'une industrie complète, constructeurs et équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la définition et à la construction d'un aéronef. L'industrie nationale est présente dans tous les segments de marché (avions de transport, avions d'affaires, hélicoptères, moteurs, systèmes) en y occupant souvent une place de leader.

Ce tissu s'est structuré pour faire émerger de grands groupes de tout premier rang mondial : avionneurs et hélicoptériste (EADS-Airbus et Eurocopter, Dassault Aviation), motoristes (Safran-Snecma et Turbomeca), équipementiers et systémiers (Thales, Safran-Sagem, Messier-Dowty, Messier-Bugatti, Liebherr Aerospace Toulouse, ECE-Zodiac, Ratier-Figeac, etc), fournisseurs d'aérostructures (Latécoère, Daher/Socata, Sogerma), etc. Au-delà de ces grandes entreprises, la plupart des sociétés équipementières et PME disposent de savoir-faire de pointe, souvent sur des activités de niche, du fait d'une nécessité d'innovation accrue.

Selon l'INSEE, le secteur aéronautique et spatial est le secteur industriel qui a, en proportion, le plus fort effet d'entraînement sur le reste de l'économie . Son activité propre induit une génération de presque cinq fois sa propre valeur ajoutée dans les autres secteurs d'activité. Par comparaison, le secteur automobile, placé en seconde position, a un effet induit de quatre fois sa propre valeur ajoutée, la moyenne des autres secteurs industriels se situant entre 2 et 2,5.

A. L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE FRANÇAISE POURSUIT SA TRAJECTOIRE À SUCCÈS

1. La filière demeure extrêmement rentable

En 2012, les adhérents du GIFAS 10 ( * ) ont enregistré un chiffre d'affaires de 42,5 Mds€, en croissance de 16 % par rapport à 2011, à périmètre constant. Représentant près des trois quarts de ce chiffre d'affaires, le périmètre aéronautique civile est exporté à hauteur de 75 %, soit un solde net des exportations positif de plus de 20 Mds€ en 2012 , en progression de près de 15 % par rapport à 2011. Ce secteur est le premier contributeur excédentaire à la balance commerciale française.

Le secteur se porte si bien que la crise en Europe n'handicape pas les constructeurs. Airbus et Boeing se trouvent dans la situation enviée de ne pas produire assez pour des clients qui veulent être livrés rapidement . En 2013, la valeur des prises de commandes est demeurée supérieure au chiffre d'affaires, ce qui contribue à continuer de remplir les carnets de commandes. Ceux-ci représentent aujourd'hui plus de sept années de production. L'enjeu pour les gros industriels est alors de gérer leur croissance en assurant l'accompagnement de leurs sous-traitants.

Dans son ensemble, la filière aéronautique a créé environ 8 000  emplois sur le territoire national en 2012 11 ( * ) et recruté environ 15 000 personnes (52 % d'ingénieurs et cadres, 25 % d'employés techniciens agent de maîtrise et 23 % d'ouvriers qualifiés). Par rapport à 2011, le volume d'embauches, en progression de plus de 15 %, est sans précédent , même si la profession avait déjà maintenu une dynamique forte pendant la crise (environ 10 000 recrutements annuels entre 2006 et 2011).

2. Les perspectives à moyen terme sont rassurantes

Dans l'ensemble, les prévisions d'Airbus et de Boeing sont assez proches avec une croissance du trafic exprimé en PKT (passager-kilomètre-transporté) de 4,7 % pour Airbus par an en moyenne sur ces vingt prochaines années, contre 5 % pour Boeing. Cette croissance devrait être portée essentiellement par :

- les besoins grandissants des économies émergentes, le marché intérieur chinois devenant le premier marché devant le marché américain après 2030 ;

- les besoins en renouvellement d'une flotte vieillissante dans les économies occidentales ;

- des besoins supplémentaires pour les compagnies occidentales, celles-ci profitant également de la croissance des économies émergentes.

De cette augmentation de volume du trafic aérien découle une augmentation de la flotte évaluée à environ 30 000 appareils pour les vingt prochaines années. Les appareils monocouloirs du type A320 et B737 représentent le plus gros marché avec plus de 20 000 appareils à livrer. Airbus et Boeing ont en revanche une vision différente du marché des très gros porteurs (A380 et B747). Le constructeur américain estime le besoin à 800 appareils sur cette période contre plus de 1 700 pour Airbus, ce dernier croyant à la fois au développement des liaisons point-à-point et au développement de hubs qui tirent profit de plus gros porteurs.

Le duopole formé par Airbus et Boeing devrait encore perdurer de nombreuses années. Les constructeurs russe Irkout et chinois Comac développent chacun un appareil monocouloir prévu pour une entrée en service dans quelques années. Cependant, il leur faudra encore beaucoup d'années pour pouvoir concurrencer l'A320 et le B737. Aussi, l'impact de l'arrivée de ces nouveaux entrants d'ici à 2030 ne devrait pas être significatif tant pour Airbus que pour Boeing. Quant aux plus gros porteurs, l'arrivée d'un nouvel entrant avant 2030 est peu probable.


* 10 Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) est représentatif de la filière (sociétés dont l'activité est majoritairement aéronautique et spatiale). Il rassemble 22 grands groupes, 151 équipementiers et plus de 130 PME.

* 11 Au total, les effectifs de la construction aéronautique en France atteignent 155 000 personnes en 2012 pour le périmètre GIFAS. Si l'on ajoute les effectifs estimés des fournisseurs extérieurs à ce périmètre, les effectifs de l'industrie aéronautique nationale sont d'environ 250 000 personnes.

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