IV. LA RELATION ADP - AIR FRANCE : UN ÉQUILIBRE À TROUVER DANS LE TROISIÈME CONTRAT DE RÉGULATION ÉCONOMIQUE

A. AEROPORTS DE PARIS RÉORIENTE SES PRIORITÉS STRATÉGIQUES

Aéroports de Paris (ADP) affiche 125 M€ de résultat net au premier semestre 2013, notamment sous l'effet du dynamisme de l'aéroport d'Orly (+2,9 %). Après une période difficile liée aux printemps arabes et à la restriction des visas en Algérie, Orly bénéficie d'un rebond favorable alimenté par le développement des courts-séjours qui met en valeur sa proximité parisienne.

Le renouvellement des instances dirigeantes d'ADP s'accompagne d'évolutions stratégiques en 2013. Le cycle d'investissements touche à sa fin et 150 M€ d'économies sont d'ores et déjà programmés. Tout en prolongeant le développement international, les priorités affichées sont désormais la qualité du service rendu au client et la réalisation de CDG Express.

1. Des économies en fonctionnement et en investissement

Mis en place au début de l'année, le plan d'efficacité et de modernisation 2013-2015 comporte deux volets générateurs d'économies structurelles.

Un plan de réduction des coûts est axé sur une mise sous contrainte budgétaire qui a déjà permis d'identifier 32 M€ d'économies dès 2013, dont 26 M€ d'économies structurelles. Les premiers effets se font déjà ressentir par le fort ralentissement de la croissance des charges courantes au deuxième trimestre 2013. En outre, des économies ont été identifiées sur les achats à hauteur d'environ 32 M€ pour 2014 et 2015. L'objectif est d'atteindre 80 M€ d'économies structurelles d'ici 2015 , grâce notamment à la réduction des frais de sous-traitance, de télécommunications et des honoraires.

Les négociations en vue d'un plan de départs volontaires de 370 postes dès 2014 ont également été ouvertes. Un plan de recrutement de 120 personnels d'accueil et 60 postes dans les filières techniques y est également associé, notamment pour renforcer la stratégie d'accueil du client.

En outre, l'année 2013 marque le début d'une pause dans la dynamique d'investissement du groupe. Par rapport au plan d'investissements de décembre 2012, 150 M€ d'économies sont programmés, notamment en raison du report de projets rendu possible par la situation du trafic. Le groupe estime que les capacités actuelles, notamment grâce à la livraison du satellite 4, permettent de ne pas avoir à investir dans de nouvelles infrastructures avant 2023-2024 à Paris-Charles de Gaulle (CDG).

2. Une évolution de l'actionnariat suite à des cessions de participation de l'État

En juin 2013 , l'État a cédé 9,5  % du capital d'ADP - 3,9 % possédés en propre et 5,6 % via le Fonds stratégique d'investissements (FSI) - pour un montant total de 738 M€ (dont 308 M€ pour l'État). Vinci (4,7  %) et Predica (4,8 %) se sont portés acquéreurs et obtiendront chacun un siège au conseil d'administration, au plus tard lors de la prochaine assemblée générale (mai 2014).

La nouvelle structure de l'actionnariat d'ADP est la suivante :

État

50,6 %

Schiphol Group

8,0 %

Vinci

8,0 %

Predica

4,8 %

Institutionnels français

8,7 %

Institutionnels non-résidents

12,4 %

Actionnaires individuels non identifiés

5,7 %

Salariés

1,8 %

À noter que, pour éviter de répéter le scénario de la privatisation d'ASF (Autoroutes du Sud de la France) en 2005, où Vinci avait préalablement accumulé plus de 21 % du capital pour ensuite négocier des conditions avantageuses avec l'État, le cahier des charges a plafonné à 8 % pendant 5 ans la participation des nouveaux actionnaires .

3. Une stratégie de croissance externe en Turquie qui demeure risquée mais rentable à court terme

En 2012, pour sa première grande acquisition internationale, ADP a investi plus de 700 millions d'euros dans le rachat de 38 % du groupe aéroportuaire TAV, concessionnaire jusqu'en 2021 du principal aéroport d'Istanbul , Atatürk (ATA). Cette opération est intervenue juste avant la décision du gouvernement turc de construire un nouvel aéroport international à Istanbul, confié à un consortium constitué de cinq conglomérats turcs spécialisés dans le BTP (Limak, Cengiz, Mapa, Kalyon et Kolin). Le groupe TAV a en effet été éliminé de l'appel d'offres au début du mois de mai 2013.

Pour autant, ADP étudie actuellement les aménagements de capacités nécessaires pour faire face à la croissance du trafic à Istanbul Atatürk dans les années à venir. En effet, le nombre de passagers accueillis à Atatürk pourrait atteindre 52 millions en 2013, soit une croissance d'environ 15 % par rapport à 2012, pour une capacité maximale théorique de 50 millions.

Dès lors, de nouveaux investissements sont à l'étude, d'autant que le projet de nouvel aéroport semble prendre du retard . La presse relate que le consortium gagnant n'aurait pas finalisé son tour de table financier, à hauteur de 5 Mds€ à 7 Mds€, et serait ainsi encore dans la phase d'approche des banques de financement, qui, de leur côté, s'attendraient à ce que cette phase de constitution d'un pool bancaire ne pourra se finaliser avant au moins le premier trimestre. En outre, ce projet est désormais confronté d'une part à l'opposition des environnementalistes en raison de la destruction prévue de 7 800 hectares de forêt et, d'autre part, aux risques environnementaux de construire cet aéroport sur une ancienne mine.

En conséquence, le consortium gagnant évoque publiquement une ouverture en 2019, mais les retards pourraient en réalité être plus importants. Il apparaît donc de plus en plus crédible de parier sur une prolongation de l'activité d'Atatürk . Au final, votre rapporteur observe que le risque d'une dépréciation des comptes d'ADP semble s'éloigner, tandis que l'opération se révèle profitable à court terme.

4. Une implication plus ferme dans le projet CDG Express

ADP soutient le projet CDG Express qui permettra de relier de façon directe en 20 minutes la gare de l'Est à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle , avec une fréquence d'un train toutes les quinze minutes circulant sur une amplitude horaire très large pendant toute l'année (5 heures à 24 heures). Ce projet contribuera à absorber une partie de la croissance du trafic routier d'accès à l'aéroport.

La mise en service de la ligne est envisagée à horizon 2023 , pour un projet estimé à 1,85 Md€, dont environ 200 M€ liés au matériel roulant, auxquels s'ajoutent 120 M€ de travaux nécessaires sur le territoire de Paris-Charles de Gaulle.

Le financement de l'infrastructure a fait l'objet d'études visant à s'appuyer en premier lieu sur les tickets des passagers utilisant CDG Express et, en complément, pouvant s'appuyer sur une taxe acquittée par les passagers aériens locaux.

Début 2012, le gouvernement a décidé de relancer le projet en examinant différents scénarios possibles. Après les premières réflexions menées sous le pilotage du Préfet de Région, le ministre des Transports a demandé début 2013 à RFF et ADP de faire des propositions de montages juridiques et économiques impliquant les deux entreprises dans la construction et la gestion de l'infrastructure.

Quatre scénarios ont été analysés : la création d'une filiale commune par RFF et ADP (avec ultérieurement une mise en concurrence pour le service ferroviaire), un établissement public spécifiquement dédié à la réalisation puis à la gestion de la ligne, la réalisation de l'ouvrage par RFF avec un support de financement par ADP à définir, ou enfin le lancement par l'État d'une nouvelle procédure d'attribution d'une concession globale. À ce stade, la préférence du ministre est en faveur du scénario public de constitution d'une filiale conjointe entre ADP et RFF .

Votre rapporteur se félicite qu'ADP s'inscrive dans une démarche volontariste sur ce projet. Une desserte directe et dédiée permettra d'élever Paris-Charles de Gaulle au même niveau que la plupart des grands aéroports internationaux. L'amélioration conjointe du RER B et la création du Métro Express du Grand Paris (ligne 17) viennent conforter l'acceptabilité de CDG Express pour les territoires qu'il traversera.

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