II. CONTRÔLE DE LÉGALITÉ ET GESTION DES RESSOURCES HUMAINES : DEUX DOMAINES DANS LESQUELS LES ATTENTES D'AMÉLIORATION SONT IMPORTANTES

Le contrôle de la légalité, mission constitutionnelle des représentants de l'État, et la gestion de ressources humaines, élément essentiel de la motivation des agents de l'administration territoriale de l'État, ont été particulièrement affectés par la RéATE. Votre rapporteur se propose de faire un état des lieux de ces deux domaines sensibles.

A. LE CONTRÔLE DE LÉGALITÉ : UNE MISSION FONDAMENTALE DOTÉE DE MOYENS INSUFFISANTS

Le contrôle de légalité est un élément essentiel de la sécurité juridique des actes. Dans le cadre de la RéATE, cette mission des représentants de l'État a été réformée à la fois dans son organisation, pour être centralisée en préfecture (aujourd'hui effective dans 90 préfectures), et dans son champ, par une réduction de son périmètre sur les domaines les plus sensibles. Elle a aussi et surtout dû s'adapter à la diminution du nombre d'agents qui lui sont affectés.

Si les effectifs des sous-préfectures dédiés au contrôle ont donc été regroupés au chef-lieu du département, les sous-préfectures n'ont cependant pas été déchargée du contrôle des actes : d'une part, leur transmission continue de s'effectuer auprès du sous-préfet qui demeure l'interlocuteur des élus locaux tant pour la fonction de contrôle que pour le conseil ; d'autre part, la sous-préfecture sélectionne les actes prioritaires à transmettre pour traitement à la préfecture sur la base des stratégies nationale et locale de contrôle. Le sous-préfet demeure, d'ailleurs, le signataire des lettres d'observation adressées aux collectivités lorsqu'une irrégularité est suspectée.

1. Un niveau toujours insatisfaisant des taux de contrôle des actes

Les deux dernières années, votre commission s'était inquiétée de la baisse du taux de contrôle des actes prioritaires, ainsi que des actes réformés ou retirés à la demande du préfet.

Ces taux se dégradent de nouveau en 2012, alors que le nombre d'actes transmis est resté relativement stable (+ 2,41 %) : le taux d'actes contrôlés baisse de -10,58 %, alors qu'il avait déjà chuté de 24,05 % en 2011 . Plus généralement, tous les indicateurs connaissent une évolution négative : - 7,11 % pour les interventions, - 8,44 % pour les recours gracieux, - 8,53 pour les actes retirés ou réformés.

Nombre

Évolution 2011-2012

2011

2012

Actes reçus

5 330 733

5 202 165

-  2,41 %

- commande publique

642 599

644 830

- urbanisme

1 343 456

1 281 061

- fonction publique territoriale

982 474

951 834

- actes de police

151 335

144 785

- autres

2 143 786

2 179 655

Actes contrôlés

1 317 321

1 177 874

- 10,58 %

Actes ayant fait l'objet d'une intervention (dont les lettres d'observations valant ou non recours gracieux)

73 951

68 688

-  7,11 %

commande publique

18 739

18 313

urbanisme

20 020

17 922

fonction publique territoriale

8 636

8 293

actes de police

2 007

1 624

autres

24 549

22 536

Recours gracieux

32 226

29 507

-  8,44 %

commande publique

10 638

10 041

urbanisme

7 512

6 503

fonction publique territoriale

4 501

4 250

actes de police

680

680

autres

8 895

8 033

Actes retirés ou réformés

39 901

36 497

- 8,53

Source : réponse au questionnaire du ministère de l'intérieur.

Le taux de contrôle des actes non budgétaires prioritaires est de 91,67 % pour 2012, et se maintient donc par rapport à 2011, où il était de 91,52 % . Le ministère de l'intérieur avait pourtant fixé à 96 % l'objectif de contrôle des actes non budgétaires prioritaires pour 2012. Il explique ce résultat insatisfaisant par « l'impact de l'évolution des effectifs en charge du contrôle mais, plus encore, [par] les ajustements dans les stratégies de contrôle départementales à la suite de la circulaire du 25 janvier 2012 relative à la définition nationale des actes prioritaires » 28 ( * ) .

Face à ses résultats insatisfaisants, le ministère met en avant l'efficacité du contrôle . Il précise tout d'abord qu'une majorité d'actes est par retirée ou modifiée en cas d'observations de la préfecture, sous une forme ou une autre, puisque le taux de retrait ou de réformation des actes après une intervention de la préfecture, est proche de 54% (taux stable par rapport à celui de 2011) . Le ministère souligne en outre que le résultat de cet indicateur est en partie minoré, car il ne prend pas en compte les effets différés des lettres d'observation dites pédagogiques : « Ces dernières étant des recommandations pour l'avenir, les collectivités peuvent en tenir compte pour l'élaboration d'actes ultérieurs, sans que cela puisse être comptabilisé par les services préfectoraux 29 ( * ) » .

Les priorités du contrôle de légalité
définies par la circulaire du 25 janvier 2012

La circulaire, dont les principes reposent sur l'importance d'une politique ciblée et proportionnée aux enjeux, distingue trois niveaux de contrôle : les priorités nationales, les priorités locales et les contrôles aléatoires.

- les priorités nationales visent trois domaines : la commande publique, l'urbanisme et la fonction publique territoriale. C'est parmi les actes concernant ces domaines que sont choisis les « actes présentant le plus d'enjeux pour l'État », les actes prioritaires.

- les priorités locales sont définies par le préfet lui-même en fonction du rapport qu'elles entretiennent avec les priorités nationales et suivant les caractéristiques propres du département.

- les actes non prioritaires font l'objet d'un contrôle organisé selon les ressources dont disposent les services préfectoraux.

Dans ce contexte, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur la possibilité d'atteindre l'objectif, défini par le ministère de l'intérieur, de 100 % des actes prioritaires contrôlés en 2014, et maintient sa préoccupation quant à l'évolution tant quantitative que qualitative du contrôle de légalité. La stratégie de priorisation a considérablement resserré son champ d'application, et certains domaines, comme les actes de police, qui peuvent pourtant porter atteinte à l'exercice d'un droit ou d'une liberté publique, ne sont que très peu contrôlés. En outre, le contrôle des actes non prioritaires est lié aux effectifs dédiés au contrôle de légalité, or, votre rapporteur l'a déjà rappelé, ces derniers ont connu des réductions massives ces dernières années. Dans ces conditions, le contrôle de légalité des actes non prioritaires revêt un caractère plus qu'aléatoire.

2. Les corrections apportées à la faiblesse des effectifs affectés au contrôle de légalité

2612 EPTP sont affectés aux deux missions du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales dont 852 pour le seul contrôle. Depuis 2009, l'administration territoriale a perdu plus du quart des effectifs affectés au contrôle de légalité (27 %) . La perte en termes de ressources humaines n'est pas que quantitative. Le niveau de compétences des agents affectés au contrôle de légalité a également subi une baisse significative, en raison de l'insuffisance du nombre de fonctionnaires de catégorie A, mais aussi de la perte de savoir-faire et d'expérience due au départ de nombreux agents, due aux restructurations de services et départs à la retraite.

Votre rapporteur note cependant avec satisfaction que le secrétaire général du ministère de l'intérieur a maintenu cette année son engagement de maintenir à un niveau stable les effectifs affectés au contrôle de légalité.

Afin de pallier ce manque d'effectifs, diverses mesures ont été mises en oeuvre pour renforcer la capacité d'expertise des agents chargés de cette mission .

Des mutualisations interministérielles ont ainsi été mises en place localement pour regrouper les moyens dans le domaine juridique. Dans l'Eure, en Vendée, en Charente-Maritime ou dans le Morbihan, elles ont pris la forme de services interministériels intégrés traitant spécifiquement la délivrance des autorisations de construire en zone littorale. Parallèlement, des pôles de compétences ont été constitués dans plusieurs départements, permettant des échanges d'informations entre les différents services déconcentrés. Ces pôles se réunissent une à deux fois par an pour établir un bilan concerté des campagnes de contrôles et pour éclairer le préfet dans la définition des actes prioritaires.

Par ailleurs, un module de formation est organisé tous les ans depuis 2010 pour les chefs de bureau du contrôle de légalité ayant récemment pris leur poste : son objet est de rappeler le cadre juridique général du contrôle de légalité et d'aborder ses évolutions récentes (stratégies de contrôle, actualité juridique). Toujours depuis 2010, une journée d'information annuelle est organisée pour les représentants des préfectures (directeurs des relations avec les collectivités locales et chefs de bureau du contrôle de légalité) : elle permet d'échanger sur les principaux enjeux du contrôle de légalité, en présence d'intervenants ministériels extérieurs dans les domaines prioritaires au niveau national, en particulier l'urbanisme et la commande publique.

Le pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL), basé à Lyon et rattaché à la direction générale des collectivités locales du ministère de l'Intérieur, assure également, sur les thématiques relatives au contrôle de légalité et aux matières intéressant les collectivités territoriales, des actions de formation auprès des préfectures. En 2012, il a notamment dispensé des formations sur le thème « prise de poste - contrôle de légalité», ainsi que des journées thématiques.

La poursuite du déploiement de « ACTES », dont le taux de raccordement des collectivités croît régulièrement chaque année, permet enfin de renforcer l'efficience des préfectures dans le domaine du contrôle de légalité.

Le développement de la transmission dématérialisée
des actes soumis au contrôle de légalité

Concernant ACTES, l'application pour la transmission dématérialisée des actes soumis à l'obligation de transmission au préfet, le nombre de collectivités raccordées augmente significativement chaque année. Il est passé de 11 760 début 2012 à 16 912 début 2013 pour atteindre 18 497 au 1 er juillet 2013. L'objectif du ministère de l'intérieur, qui est d'atteindre 32 % des collectivités territoriales et établissement publics raccordés à ACTES pour l'année 2015, est donc en bonne voie.

Pour l'application ACTES budgétaires, par laquelle les documents budgétaires des collectivités et établissements publics locaux sont transmis en préfectures, le déploiement a commencé au début de l'année 2012. Au 30 avril 2013, 3 000 émetteurs étaient raccordés.


* 28 Réponse au questionnaire du ministère de l'intérieur/

* 29 Réponse du ministère de l'intérieur au questionnaire de votre rapporteur.

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