C. VERS UN PARC IMMOBILIER « À DEUX VITESSES » ?

La France disposait au 1 er janvier 2013 de 190 établissements pénitentiaires 16 ( * ) , soit 56 992 places « opérationnelles ».

Le parc immobilier pénitentiaire se caractérise par sa grande hétérogénéité :

- d'une part, le maintien en fonctionnement d'établissements anciens et souvent vétustes (tel est le cas des maisons d'arrêt situées dans les centres villes construites au XIX ème siècle) coïncide avec la mise en service, depuis les années 1990, de bâtiments plus modernes , issus des différents programmes immobiliers décidés depuis la fin des années 1980 (programme « Chalandon » de 13 000 places décidé en 1987, programme « Méhaignerie » de 4 000 places décidé en 1994, programme « 13 200 » décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, « nouveau programme immobilier » décidé en 2012 sous la précédente législature et profondément revu par le Gouvernement lors de son entrée en fonctions) ;

- d'autre part, depuis 1990, le choix a été fait de confier la gestion et parfois même la construction et réalisation de certains établissements au secteur privé , selon différentes formules juridiques (marchés de gestion déléguée, dispositif AOT-LOA 17 ( * ) , partenariats publics-privés - PPP). En 2013, 51 établissements pénitentiaires fonctionnent selon l'un de ces modes de gestion. Au terme du programme « 13 200 », 54 établissements, accueillant près de 50 % de la population pénale, seront en gestion déléguée (trois établissements doivent encore être mis en service d'ici 2015).

Le budget alloué à l'administration pénitentiaire en 2014 traduit dans une très large mesure l'héritage de ces choix effectués au cours des années passées et qui devraient structurer durablement ses dépenses dans les années à venir.

1. Un programme immobilier amplement revu en 2012

Les crédits d'investissement et de fonctionnement inscrits au budget de l'administration pénitentiaire pour 2014 traduisent à la fois l'achèvement de constructions ou de réhabilitations décidées dans le cadre du programme « 13 200 » et la poursuite du « nouveau programme immobilier » décidé en 2012, mais selon un périmètre resserré à la suite des arbitrages rendus par la garde des sceaux quelques semaines après sa prise de fonctions - l'objectif étant désormais de parvenir à 63 500 places de prison , dont 40 381 construites et 12 234 fermées depuis 1990.

a) L'achèvement du programme « 13 200 »

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 avait prévu la construction de 13 200 nouvelles places de prison, accompagnées de la fermeture de 2 485 places, soit un solde net de 10 800 places. Ce programme a été révisé par la garde des sceaux et prévoit désormais l'ouverture de 11 629 places et la fermeture de 2 086 places - soit un solde net de 9 543 places.

• Les créations de places

Dans le cadre du programme « 13 200 » révisé, les places construites ou restant à construire se décomposent de la façon suivante :

- 360 places destinées aux détenus mineurs dans six établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), qui sont ouverts depuis 2007-2008 ;

- 10 525 places concernant la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires pour majeurs ;

- 744 places dédiées à la réinsertion dans des « quartiers nouveaux concepts », quartiers de semi-liberté et centres pour peines aménagées.

L'essentiel de ce programme de construction a été réalisé et s'est accompagné de la fermeture corrélative de 13 établissements 18 ( * ) . Parmi les constructions non encore achevées, figurent :

- le centre pour peines aménagées de Nouméa (contrat signé, ouverture prévisionnelle au 1 er trimestre 2014) ;

- le quartier nouveau concept de Longuenesse (travaux en cours, ouverture prévisionnelle au 1 er trimestre 2014) ;

- l'extension de la maison d'arrêt de Majicavo (travaux en cours, ouverture prévisionnelle début 2015) ;

- la maison centrale de Vendin-le-Viel (travaux en cours, ouverture prévisionnelle au 1 er trimestre 2015) ;

- le centre pénitentiaire de Draguignan (contrat signé, ouverture prévisionnelle au 1 er trimestre 2017) ;

- enfin, les quartiers « nouveau concept » 19 ( * ) de Lorient et de Brest (contrat signé, ouverture prévisionnelle au 1 er trimestre 2017).

• Les opérations de rénovation des grands établissements pénitentiaires

Parallèlement à la mise en oeuvre du programme « 13 200 », le ministère de la justice a engagé des opérations de rénovation de grande envergure concernant quatre établissements pénitentiaires :

- maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ;

- centre pénitentiaire de Marseille - les Baumettes ;

- maison d'arrêt de Paris - la Santé ;

- centre de détention de Nantes.

Initié en 1998, ce programme de rénovation des grands établissements, au départ axé sur le bâti, a intégré dans un second temps des exigences relatives à la mise aux normes fonctionnelles : encellulement individuel, équipement en douche des cellules, créations d'unités de vie familiale et de parloirs familiaux, création d'espaces communs nécessaires à la mise en oeuvre des actions de réinsertion.

S'agissant de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis , les études réalisées en 2004 se sont d'abord traduites par une remise en état de cellules insalubres en mars 2005. Depuis janvier 2006, les travaux de rénovation proprement dits sont en cours, pour une durée estimée à onze ans . Leur réalisation est conduite par tranches successives pour garantir le maintien en activité de la structure.

Le coût estimé de cette opération est de 432,85 millions d'euros pour le quartier maison d'arrêt des hommes et de 70,32 millions d'euros pour le quartier maison d'arrêt des femmes et le centre pour jeunes détenus.

À l'issue de la rénovation, prévue en 2018, la capacité théorique d'hébergement de Fleury-Mérogis devrait être de l'ordre de 3 590 places .

S'agissant du centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille , sur l'insalubrité duquel le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a attiré l'attention en décembre 2012 dans le cadre de la procédure de recommandations en urgence 20 ( * ) , un premier programme axé sur la seule amélioration technique des bâtiments a été profondément revu en janvier 2009 afin d'intégrer les exigences relatives aux règles pénitentiaires européennes et d'améliorer les conditions de détention : le projet de réhabilitation du centre pénitentiaire de Marseille a été abandonné au profit de son remplacement par deux établissements neufs , l'un sur le domaine de la maison d'arrêt d'Aix Luynes ( Aix 2 ), l'autre sur la zone du site dit « Martini » du centre pénitentiaire de Marseille ( Baumettes 2 ).

Cette reconstitution des 1 300 places devrait être répartie sur ces deux sites à l'échéance 2016 :

- à côté de l'emprise de la maison d'arrêt d'Aix Luynes, la réalisation d'une structure d'environ 735 places selon les exigences du « nouveau concept immobilier » est évaluée à 129 millions d'euros ;

- constitué du terrain de sport de la « carrière Martini », des ateliers et de l'espace libéré par la démolition du centre pénitentiaire des femmes, le terrain disponible de 2,5 hectares devrait accueillir une structure de 560 places, pour un coût de 170,41 millions d'euros.

La réception des travaux relatifs au centre de détention de Nantes s'est déroulée le 18 avril 2013. La capacité de l'établissement a été portée à 582 places (soit 134 de plus), pour un coût final estimé à 25,5 millions d'euros.

Enfin, s'agissant de la maison d'arrêt de Paris - la Santé , le programme initial de rénovation a été revu en janvier 2010. Il prévoit désormais la réalisation d'un établissement de 808 places , associant rénovation et reconstruction. Le quartier de semi-liberté de 100 places sera maintenu en activité pendant la durée des travaux. Après clôture du dialogue compétitif en juillet 2013, la signature prévisionnelle du contrat pourrait intervenir au second trimestre 2014, pour une livraison en 2019. 519 millions d'euros ont été inscrits en autorisations d'engagement pour couvrir l'engagement de cette opération.

À l'inverse des précédents établissements, le centre pénitentiaire de Fresnes , d'une capacité de 1 424 places, n'a fait l'objet à ce jour d'aucun programme de réhabilitation, en raison du coût élevé que représenterait une telle opération. Dans l'attente d'un projet plus global de réhabilitation ou de restructuration lourde, des travaux d'urgence et de gros entretien sont entrepris régulièrement afin de remplacer les installations les plus vétustes, pour un montant d'environ 11,5 millions d'euros depuis 2002.

b) Le programme immobilier porté par le budget triennal 2013-2015

Sous la précédente législature, un nouveau programme de construction, destiné à prendre le relais du programme « 13 200 », avait été décidé. Il prévoyait la construction de 25 nouveaux établissements (dont deux outre-mer), plusieurs réhabilitations et extensions de capacité, ainsi que la réhabilitation de 15 établissements. Parallèlement, 36 sites devaient fermer. L'objectif était de doter la France de 70 400 places de prison, réparties dans 62 500 cellules.

Face aux objections de principe que soulevait ce programme 21 ( * ) , associées aux incertitudes quant à son financement, celui-ci a été revu de façon substantielle par la garde des sceaux lors de son entrée en fonctions, tant en ce qui concerne les opérations envisagées que les modalités de gestion projetées. Toutefois, les opérations trop avancées pour être interrompues sans présenter un coût de dédit prohibitif pour les finances publiques ont été poursuivies.

Les places construites ou restant à construire se décomposent désormais ainsi :

- opérations déjà engagées (marché signé) : construction du centre pénitentiaire d'Orléans-Saran et du centre de détention de Papeari en Polynésie, extension du centre pénitentiaire de Ducos en Martinique ;

- restructuration / réhabilitation de la maison d'arrêt de Paris - la Santé et construction du futur établissement d'Aix 2 (voir supra ) ;

- mise en conformité des établissements de Riom, de Valence et de Beauvais dans le cadre de contrats de partenariat (lots A et lot B). En revanche, suite à un arbitrage de la garde des sceaux, la tranche conditionnelle du lot A concernant Lutterbach (732 places) n'a pas été affermie (l'indemnité de non-affermissement est budgétée en 2014 à hauteur du maximum contractuel, soit 2,4 millions d'euros). L'opération devrait être remplacée par une opération de 520 places, avec fermetures associées de Colmar (120 places) et de Mulhouse (283 places), financée sur le prochain budget triennal.

L'ensemble de ces établissements sont conçus sur la base du nouveau concept d' « établissement à réinsertion active » (ERA), afin de répondre aux normes édictées par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, relatives en particulier à l'encellulement individuel et au développement des offres d'activités.

Enfin, dans le cadre de ce programme, les désarmements anticipés des établissements suivants ont été réalisés :

- en 2011 et 2012, fermeture des quartiers maison d'arrêt et centre de détention de Loos-lez-Lille après l'ouverture du centre pénitentiaire de Lille Annoeulin ;

- en 2012, fermeture de la maison d'arrêt de Cahors en lien avec l'accroissement de la capacité de la maison d'arrêt de Montauban.

Programme révisé « nouveau programme immobilier »

Établissements

Nombre de places créées

Établissements fermés

Nombre de places fermées

Nombre de places nettes créées

Aix 2

735

(fermeture des Baumettes à l'ouverture d'Aix 2 et Baumettes 2)

735

CP Orléans-Saran

768

MA Chartres

112

551

MA Orléans

105

CP Beauvais

594

MA Beauvais

117

233

« Vieux Liancourt »

162

MA Compiègne

82

CP Valence

456

MA Valence

137

319

CP Riom

554

MA Riom

123

177

CD Riom

168

MA Clermont Ferrand

86

MA Loos

438

- 807

CD Loos

369

MA Cahors

59

- 59

MA Paris la Santé

808

483

325

CP Ducos (extension)

160

160

Papéari

410

410

Lutterbach *

520

403

117

Total

5 005

2 844

2 161

* Cette opération de Lutterbach fait suite à l'arbitrage de la garde des sceaux sur la non-affermissement de la tranche conditionnelle du lot A et le remplacement par une opération de 520 places (avec fermeture associées de Colmar et Mulhouse) financée sur le prochain triennal

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Votre rapporteur a déjà eu l'occasion d'exprimer ses réserves quant aux constructions nouvelles réalisées ou envisagées, s'agissant en particulier de leur surdimensionnement et de leur architecture , ainsi que, souvent, de leur localisation hors des centres urbains , peu propice au développement d'une politique de réinsertion active.

En outre, si la révision de ce nouveau programme immobilier se justifiait sans aucun doute par des considérations tenant à sa soutenabilité dans un contexte budgétaire contraint, votre rapporteur relève qu'elle a toutefois conduit à plonger dans l'incertitude un certain nombre d'établissements dont la fermeture programmée semble reportée sine die .

Tel est par exemple le cas des maisons d'arrêt de Dunkerque et d'Angers, que votre rapporteur a visitées dans le courant de l'année 2013. Construits au XIX ème siècle, situés en centre-ville, ces deux établissements présentent des problèmes de vétusté et des conditions de détention incompatibles avec les règles pénitentiaires (prédominance des dortoirs à Dunkerque en particulier). Leur fermeture, censée intervenir concomitamment à l'ouverture de deux nouveaux établissements à proximité, avait été annoncée par le précédent Gouvernement mais n'a pas été reprise dans le cadre du « nouveau programme immobilier révisé ».

Dès lors, dans l'attente de nouvelles décisions, la maison d'arrêt de Dunkerque n'a pas fait l'objet de travaux importants depuis 2009. La situation est la même à Angers, à l'exception de la création d'une cuisine - relais en 2010 et surtout de la réalisation d'un quartier de semi-liberté de 37 places à l'extérieur de l'établissement. Dans ces deux établissements, la pose d' « Algecos » tente de pallier les insuffisances des locaux (accueil des arrivants et des détenus à profil vulnérable à Dunkerque, bureaux de l'UCSA à Angers), mais ne saurait être considérée comme une solution durable (absence de douches dans les cellules qui y sont installées à Dunkerque, problèmes de confidentialité des échanges à l'UCSA d'Angers).

De façon plus globale, ces incertitudes sur le devenir d'établissements pénitentiaires dont la fermeture avait été annoncée puis reportée nuisent à leur bonne gestion et à l'investissement des équipes qui y travaillent, comme l'a souligné Mme Isabelle Gorce, directrice de l'administration pénitentiaire, lors de son audition par votre rapporteur. Une quinzaine d'établissements identifiés comme très vétustes sont plus particulièrement concernés. Il paraît essentiel qu'un programme clair des prochaines fermetures et reconstructions soit établi rapidement par le ministère de la justice.

2. Les établissements en gestion publique, variables d'ajustement du budget de l'administration pénitentiaire ?

51 des 190 établissements pénitentiaires en fonctionnement à l'heure actuelle font l'objet d'une gestion confiée en tout ou partie au secteur privé, soit dans le cadre de contrats de gestion déléguée « classiques » (comprenant la délégation à un partenaire privé des fonctions d'intendance et de logistique telles que la restauration, l'hôtellerie, la cantine, le transport, la maintenance, le nettoyage, l'accueil des familles, la restauration du personnel ainsi que les missions de travail et de formation professionnelle), soit dans le cadre de contrats plus globaux de partenariat (dispositif AOT-LOA 22 ( * ) et PPP 23 ( * ) ) incluant la construction, la maintenance et pour certains d'entre eux la fourniture des services à la personne.

Le paiement des partenaires privés engagés dans la construction et/ou la gestion de ces établissements est déterminé par les clauses contractuelles de marchés publics qui engagent l'État sur plusieurs années consécutives : cette durée, de 5 à 10 ans pour les marchés de gestion déléguée « classiques », atteint 27 ans dans le cas des contrats de partenariat conclus dans le cadre du programme « 13 200 » (lots n°1, n°2 et n°3).

Il en résulte non seulement une rigidité des dépenses dans le cadre de l'élaboration de chaque budget annuel (les crédits dédiés au paiement des prestataires privés, déterminés contractuellement, échappent à tout effort de rationalisation des dépenses publiques), mais également une diminution pour l'avenir des marges de manoeuvre et de la liberté d'action de l'État dans la détermination de la politique qu'il entend mener en matière pénitentiaire.

À l'heure actuelle, le ministère de la justice est engagé par trois contrats de partenariat (lots n°1, n°2 et n°3) 24 ( * ) pour la construction d'établissements pénitentiaires pour majeurs dans le cadre du programme « 13 200 », correspondant à la construction et à la gestion de 10 établissements pénitentiaires, auxquels s'ajoutent deux nouveaux programmes en PPP (lots A et B), signés en 2012, pour la construction de trois centres pénitentiaires supplémentaires 25 ( * ) .

Les engagements budgétaires relatifs aux PPP pénitentiaires sont retracés dans le tableau suivant et font apparaître un coût total de plus de cinq milliards d'euros sur l'ensemble de la période d'exécution des contrats .

Présentation des engagements budgétaires relatifs aux PPP pénitentiaires
(en millions d'euros)

2013 et années antérieures

2014

2015 et années postérieures

Total
(AE hors dédit = CP)

Lot n°1 :

CD de Roanne, MA de Lyon-Corbas, CP de Nancy, CP de Béziers, soit 2 790 places

AE hors dédit

470

27

723

1 220

CP

172

40

1 008

1 220

Lot n°2 : CP de Poitiers, CP du Havre, MA du Mans, soit 1 650 places

AE hors dédit

293

20

549

862

CP

108

28

726

862

Lot n°3 : CP de Lille, CP du Sud de l'Ile-de-France, MA de Nantes, soit 1 996 places

AE hors dédit

458

46

1 432

1 936

CP

130

57

1 749

1 936

Lot A : CP de Valence (456 places) et CP de Riom (554 places)

AE hors dédit

263

0

649

912

CP

0

0

912

912

Lot B : CP de Beauvais (595 places)

AE hors dédit

123

0

281

404

CP

0

0

404

404

Total

AE hors dédit

1 607

93

3 634

5 334

CP

410

124

4 800

5 334

Source : PAP de la mission « justice » annexé au PLF pour 2014

En 2014, les crédits affectés au paiement des partenaires privés de l'administration pénitentiaire pour le loyer et/ou la gestion des établissements pénitentiaires se décomposent ainsi :

- d'une part, 323,1 millions d'euros en crédits de paiement dédiés à l'exécution des contrats de gestion déléguée ;

- d'autre part, 124,2 millions d'euros inscrits au titre du paiement des loyers des établissements construits dans le cadre des contrats de partenariat des lots n°1, n°2 et n°3 (93,4 millions d'euros au titre du fonctionnement et des frais financiers, 30,8 millions d'euros au titre de l'investissement) 26 ( * ) , auxquels s'ajoutent 1,1 million d'euros pour assurer la prise en charge des services à la personne du quartier de semi-liberté de la maison d'arrêt de Paris - la Santé en 2014.

En regard, le montant global des crédits de fonctionnement affectés aux établissements en gestion publique en 2014 s'élève à 138,7 millions d'euros . Cette enveloppe est répartie entre l'hébergement et la restauration des personnes détenues, leur transport et les dépenses de pilotage des établissements (elle n'inclut toutefois pas certaines dépenses intégrées dans le périmètre des marchés de gestion déléguée, comme les dépenses relatives à la maintenance des établissements par exemple).

Cette enveloppe budgétaire, quasiment égale à celle demandée en loi de finances pour 2013, est inférieure de 1,3 % aux dépenses effectivement engagées en 2012 , lesquelles se sont élevées à 140,5 millions d'euros en crédits de paiement (pour une prévision initiale de 127,5 millions d'euros) et de 12,5 % aux dépenses effectivement engagées en 2011 (158,6 millions d'euros).

Au total, l'analyse des crédits affectés au fonctionnement des établissements pénitentiaires en fonction de leur mode de gestion laisse apparaître un effet de ciseaux - l'enveloppe budgétaire allouée aux établissements en gestion publique supportant, dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, le poids de la montée en charge des frais relatifs au fonctionnement des établissements en gestion déléguée et de ceux faisant l'objet d'un contrat de partenariat (voir tableau ci-après).

Crédits de paiement destinés aux établissements pénitentiaires en fonction
de leur mode de gestion (en millions d'euros)

Réalisation 2011

Réalisation 2012

Ouverts en LFI 2013

Demandés pour 2014

Évolution 2011 / 2014

Entretien des personnes détenues hébergées dans des établissements en gestion publique
(dépenses de fonctionnement imputées sur l'action n°2)

158,6

140,5

138,8

138,7

- 12,5 %

Entretien des personnes détenues hébergées dans des établissements en gestion déléguée
(dépenses de fonctionnement imputées sur l'action n°2)

256,3

285

304,7

323,1

+ 26 %

Loyers des établissements construits en contrat de partenariat
(dépenses de fonctionnement et d'investissement inscrites sur l'action n°1)

76,2

109,2

122,8

124,2

+ 63 %

Source : documents budgétaires (RAP 2011 et 2012, PAP 2013 et 2014)

Cette situation, prévisible de longue date, a été notamment dénoncée par les représentants des directeurs pénitentiaires entendus par votre rapporteur. S'il existait sans doute des marges de manoeuvre dans certains établissements en gestion publique, tel ne paraît plus être le cas aujourd'hui, et un nombre sans cesse croissant d'établissements pénitentiaires rencontrent des difficultés de gestion importantes - la dotation allouée en début d'année permettant de plus en plus souvent d'acquitter les arriérés de l'année précédente et l'enveloppe annuelle étant dépensée de plus en plus tôt dans l'année. Dans ce contexte, un établissement pénitentiaire a même été « mis sous tutelle » par l'administration pénitentiaire au mois de juillet 2013 après avoir dépensé 75% de sa dotation budgétaire en milieu d'année.

M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, s'en est également fait l'écho dans son rapport annuel pour 2012, en constatant que certaines personnes détenues se retrouvaient aujourd'hui contraintes, faute de crédits disponibles, à acheter elles-mêmes des produits qui devraient en principe être fournis par l'administration (comme des sacs poubelle ou des produits de nettoyage par exemple) 27 ( * ) .

Mme Isabelle Gorce, directrice de l'administration pénitentiaire, a admis ces difficultés de gestion, qui s'inscrivent dans le cadre d'un budget triennal en diminution alors que la population carcérale continue de progresser.

Dans ce contexte préoccupant, la récente décision du Gouvernement autorisant le « dégel » de la réserve de précaution constituée en début d'année 2013 paraît la bienvenue : l'administration pénitentiaire bénéficiera ainsi d'un dégel de 77 millions d'euros, dont 59 millions d'euros de crédits de fonctionnement destinés aux établissements pénitentiaires.


* 16 98 maisons d'arrêt, 25 centres de détention, 44 centres pénitentiaires (c'est-à-dire comprenant au moins deux quartiers à régimes différents), 6 maisons centrales, 11 centres de semi-liberté autonomes et 6 établissements pénitentiaires pour mineurs.

* 17 Autorisation d'occupation temporaire - location avec option d'achat.

* 18 Les maisons d'arrêt de Mont de Marsan, de Saint-Denis, de Lyon, de Nancy, de Béziers, de Poitiers, du Mans, d'Alençon, du Havre, de Bourg-en-Bresse, de Rennes, de Nantes et des quartiers centres de détention et maison d'arrêt de Loos.

* 19 Les quartiers « nouveau concept », polyvalents, ont vocation à accueillir des unités d'hébergement pour courtes peines.

* 20 Ces recommandations peuvent être consultées à l'adresse suivante : http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2012/12/Recommandations-Marseille-et-r %C3 %A9ponse-de-la-garde-des-Sceaux_JO.pdf

* 21 Voir en particulier l'avis budgétaire de votre rapporteur sur le projet de loi de finances pour 2013, pages 26 et suivantes : http://www.senat.fr/rap/a12-154-12/a12-154-12.html, dans lequel votre rapporteur notait en particulier que ce nouveau programme risquait de nourrir une politique pénale tournée vers le « tout carcéral », au rebours des priorités retenues par le législateur dans le cadre de la loi pénitentiaire, et qu'il reposait sur la construction de grandes structures de l'ordre de 700 places sans tenir compte, sur ce chapitre, des enseignements du programme « 13 200 ».

* 22 Pour autorisation d'occupation temporaire - location avec option d'achat.

* 23 Partenariat public-privé

* 24 Le contrat du lot n°1 porte sur la construction et la maintenance de 4 établissements en AOT-LOA. Le contrat du lot n°2 porte sur la construction et la maintenance de 3 établissements en AOT-LOA. Le contrat du lot n°3 porte sur la construction, la maintenance et la fourniture des services à la personne pour 3 établissements en PPP.

* 25 Le lot A inclut dans le contrat de partenariat les services à la personne pour une durée de neuf années, contrairement au lot B qui prévoit la réalisation de ces prestations via un nouveau marché de gestion déléguée.

* 26 Les premiers loyers des établissements des lots A et B seront payés en 2015 lors de la livraison des ouvrages.

* 27 Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapport annuel pour 2012, page 48.

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