Avis n° 162 (2013-2014) de M. Nicolas ALFONSI , fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 novembre 2013

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N° 162

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XIV

JUSTICE : PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Par M. Nicolas ALFONSI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 17 ) (2013-2014)


LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, le mardi 12 novembre 2013 1 ( * ) , la commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 20 novembre 2013 2 ( * ) sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Nicolas Alfonsi, les crédits du programme n° 182 : « protection judiciaire de la jeunesse » au sein de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2014 .

M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis, a souligné qu'en 2014, la PJJ échappe moins à la contrainte budgétaire que l'an passé, puisque les crédits de paiement diminuent de 5 millions d'euros, c'est-à-dire de - 0,6 %, à 785 millions d'euros. Le plafond d'autorisation d'emplois augmente cependant de 75 agents (ETP).

Il a également fait état des difficultés que suscite la mise en oeuvre de la loi du 26 décembre 2011 qui tire les conséquences de la QPC du 8 juillet 2011, particulièrement dans les juridictions où il n'y a qu'un seul juge des enfants.

Soulignant que les crédits destinés à financer les activités du secteur associatif habilité connaissent une nouvelle diminution dans le projet de loi de finances pour 2014 , le rapporteur a fait valoir que le choix de confier des mesures de prise en charge des mineurs délinquants au secteur public ou au secteur associatif doit être fait dans l'intérêt de ces mineurs, en fonction des compétences reconnues des uns et des autres, et non a priori .

Enfin, après avoir regretté une appropriation insuffisante de la mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE), le rapporteur s'est félicité de la politique équilibrée annoncée en matière d'ouverture de centres éducatifs fermés (CEF), la construction de nouveaux centres en nombre limité étant préférable à la transformation des autres types d'établissements de placement des mineurs délinquants.

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme n° 182 : « protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2014.

Mesdames, Messieurs,

INTRODUCTION

Selon le projet de loi de finances pour 2014, après une année 2013 qui avait marqué une rupture dans la baisse quasi constante des crédits de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis cinq ans, ceux-ci diminueront à nouveau légèrement, passant en crédits de paiement de 789,9 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2013 à 785,3 millions d'euros inscrits au projet de loi de finances pour 2014, soit une diminution de 0,6 %. Les autorisations d'engagement, quant à elles, passeront de 800 millions d'euros à 781,3 millions d'euros, soit une diminution de 2,3 %.

Au cours des cinq années passées, la protection judiciaire de la jeunesse a connu des évolutions de grande ampleur, menées sous la pression d'une réduction de plus de 16 % de ses dépenses et d'une diminution de près de 600 emplois. Elle a ainsi recentré son action sur la prise en charge des mineurs délinquants en se dégageant de l'exécution des mesures d'assistance éducative ordonnées par les juges des enfants dans le cadre de la protection de l'enfance en danger, cette compétence étant désormais exclusivement celle des services d'aide sociale à l'enfance des conseils généraux.

L'article 7 du décret n° 2008-689 du 9 juillet relatif à l'organisation du ministère de la justice assigne ainsi désormais à la PJJ les missions suivantes : concevoir les normes et les cadres d'organisation de la justice des mineurs ; garantir, directement ou par son secteur associatif habilité, une aide aux décisions de l'autorité judiciaire ; enfin, assurer directement, dans les services et établissements de l'État, la prise en charge de mineurs sous main de justice.

Parallèlement, la PJJ a opéré une restructuration territoriale complète, passant de 15 directions régionales à 9 directions interrégionales et de 100 directions départementales à 54 directions territoriales, tout en modernisant et en codifiant ses pratiques de prise en charge des mineurs délinquants.

Le présent avis est l'occasion pour votre rapporteur de faire le bilan de ces réformes désormais pour l'essentiel achevées ainsi que des évolutions saillantes de la justice des mineurs. A la lumière d'un déplacement au centre éducatif fermé (CEF) de Châtillon-sur-Seine, il fera également le point sur ce mode de prise en charge des mineurs délinquants qui a connu un fort développement au cours des dernières années.

I. UNE STABILISATION DES CRÉDITS APRÈS LA FORTE DIMINUTION DES ANNÉES 2008-2012

A. UNE FORTE BAISSE DES CRÉDITS DE LA PJJ ENTRE 2008 ET 2012

À partir de 2008 3 ( * ) , la protection judiciaire de la jeunesse a connu un double bouleversement :

- la PJJ a abandonné la prise en charge des mineurs en danger, désormais confiés aux seuls conseils généraux . Corollaire de cette évolution, le recentrage sur la prise en charge des mineurs délinquants 4 ( * ) a conduit à une diminution de 32 % du nombre de mineurs en danger et de 88 % du nombre de jeunes majeurs pris en charge par la PJJ entre 2007 et 2011 ;

- elle a opéré une réforme de la carte territoriale aboutissant à une nouvelle carte des directions interrégionales cohérente avec celle de l'administration pénitentiaire. La DPJJ est ainsi passée de 15 directions régionales à 9 directions interrégionales (DIR) au 1er janvier 2009. Au niveau territorial inférieur, les départements ont été regroupés au sein de territoires jugés pertinents au regard des missions de la PJJ. Depuis 2012, l'organisation de la DPJJ comprend ainsi 54 directions territoriales (DT). En outre, en 2012, a eu lieu une mutualisation des fonctions support en région, permettant la création de six plateformes de gestion par le regroupement des services du ministère de la justice : secrétariat général, direction de l'administration pénitentiaire et DPJJ. Deux nouvelles plateformes ont par ailleurs été mises en place en janvier 2013.

Selon la DPJJ, cette réforme de très grande ampleur s'est soldée par une diminution de 337 postes entre 2008 et 2012 affectés à la fonction « soutien et pilotage » , ce qui représente une diminution considérable.

En outre, la réforme de l'organisation territoriale s'est doublée d'une restructuration des services et établissements de la PJJ, suivant les dispositions du décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la PJJ. Ainsi, les unités éducatives de milieu ouvert devant désormais avoir une taille critique d'au moins 6 ETP d'éducateurs et les établissements de placement collectif ne devant pas accueillir moins de 12 mineurs et les unités éducatives d'hébergement diversifié 24 mineurs, les services jugés dès lors trop petits ont été supprimés parallèlement à l'augmentation de capacité de certains établissements.

Ces évolutions ont à la fois permis et justifié une forte baisse des crédits de la PJJ.

Ceux-ci ont en effet diminué de près de 6 % entre 2008 et 2011, passant d'un montant de 804,4 millions d'euros à un montant de 757,6 millions d'euros.

En outre, la diminution des crédits s'est accompagnée d'importantes réductions d'effectifs, atteignant - 556 ETPT sur la période 2008-2012 .

B. UNE INVERSION DE LA TENDANCE DANS LE PLF 2013

Dès lors, votre rapporteur pour avis avait salué l'an passé un projet de loi de finances pour 2013 qui constituait une rupture salutaire pour la PJJ , bien plus significative que la hausse constatée en loi de finances initiale pour 2012. En effet, celle-ci avait certes prévu une augmentation des crédits de 4,6 % en autorisations d'engagement et de 2 % en crédits de paiement, mais l'essentiel de cette progression visait à financer l'ouverture de vingt nouveaux centres éducatifs fermés (CEF) issus de la transformation de foyers « classiques » existants. Le plafond d'emplois alloués à la PJJ, quant à lui, avait d'ailleurs à nouveau diminué de 106 équivalents temps plein (ETP).

L'augmentation des crédits prévue pour 2013 était ainsi de 1,09 % en autorisations d'engagement et de 2,41 % en crédits de paiement. Le montant total du programme 182 atteignait dès lors 800,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 790,7 millions d'euros en crédits de paiement. En outre, le nombre d'emplois effectivement créé s'est élevé en 2013 à 75 ETPT.

Évolution des crédits alloués à la PJJ en loi de finances initiale depuis 2007

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total des crédits alloués
au programme n° 182 :
« protection judiciaire de la jeunesse »

796,3

804,4

784,1

774

757,6

772

790

Source : DPJJ

C. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DES CRÉDITS EN 2014

En loi de finances pour 2014, la PJJ n'échappe pas à la rigueur qui pèse sur la quasi-totalité des programmes budgétaires de l'État.

1. L'évolution de la maquette budgétaire

Afin de comprendre l'évolution des crédits prévus pour 2014, il est d'abord nécessaire de noter l'évolution dont fait l'objet l'architecture budgétaire du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » par rapport au projet de loi de finances pour 2013. En effet, l'action n° 05 intitulée « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger » est supprimée, tandis que les crédits jusqu'alors programmés dans le cadre de cette action sont regroupés dans l'action n° 01. Les services territoriaux de milieu ouvert mettent en effet en oeuvre à la fois des mesures d'investigation (jusqu'alors intégrées dans l'action n° 05) et des mesures pénales de suivi en milieu ouvert (action n° 01), la répartition entre ces deux actions étant dès lors quelque peu artificielle.

En outre, jusqu'en 2013, l'action n° 01 s'intitulait « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants ». À compter du PLF 2014, elle se nommera « Mise en oeuvre des mesures judiciaires ». En effet, la mention des « mineurs délinquants » était le pendant, jusqu'au projet de loi de finances pour 2011, de la dénomination de l'action n° 02 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs ». À la suite du recentrage de la PJJ sur la prise en charge des mineurs délinquants, l'action n° 02 a été supprimée par le projet de loi de finances pour 2011.

2. Des crédits en diminution modérée

Ainsi, le projet de la loi de finances pour 2014 prévoit une diminution de 2,3 % des autorisations d'engagement et de 0,6 % des crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 . Les crédits passent, en autorisation de paiement, d'environ 800 millions d'euros à environ 781 millions d'euros, et en crédits de paiement d'environ 790 millions d'euros à 785 millions d'euros.

Évolution du plafond d'autorisation des emplois (PAE) de la PJJ

LFI

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Évolution 2014/2013

Plafond d'autorisation
des emplois inscrit au projet annuel de performances du programme n° 182 : « protection judiciaire
de la jeunesse »

9 027

8 951

8 618

8 501

8 470

8507

+ 37

Source : DPJJ

Le plafond d'autorisation des emplois du programme pour 2014 est de 8 507 ETPT, soit + 37 ETPT par rapport au plafond pour 2013. Il tient compte :

- de l'extension en année pleine de 2013 sur 2014 à hauteur de + 65 ETPT ;

- de la création en 2014 de 46 ETPT (78 ETP) destinés à l'ouverture de nouveaux centres éducatifs fermés et au renfort des actions menées pour la santé des mineurs ;

- d'un transfert de 28 ETPT au 1 er janvier 2014 au profit du programme 310 « conduite et pilotage de la politique de la justice » dans le cadre des plateformes inter-directionnelles CHORUS ;

- d'une correction technique de - 46 ETPT destinée à ajuster les emplois aux consommations effectives pour les précédentes années.

Globalement, les dépenses de personnel de titre 2 sont en hausse de 3 %. Les autres dépenses (fonctionnement, investissement et interventions) sont en baisse de 5,2 % .

Bien que la comparaison avec les propositions du projet annuel de performances 2013 soit difficile, notamment du fait de la modification de la maquette déjà évoquée, il semble que la diminution des crédits hors titre II entre 2013 et 2014 soit essentiellement imputable à la diminution des investissements immobiliers : ainsi, les crédits du secteur public immobilier passent de 17 millions d'euros d'autorisations d'engagement en projet de loi de finances pour 2013 à 11,9 millions d'euros en 2014 et de 37 millions d'euros de crédits de paiement à 18,9 millions. Les crédits du secteur public hors immobilier passent de 66,1 millions d'euros à 63,4 millions d'euros de crédits de paiement. Enfin, les crédits destinés au secteur associatif habilité diminuent de 250 millions d'euros en crédits de paiement pour s'établir à 234,3 million d'euros.

Entendus par votre rapporteur, les syndicats de la PJJ ont manifesté des inquiétudes et parfois des incompréhensions quant à ces prévisions budgétaires . Elles portent d'abord sur les crédits de fonctionnement, qu'ils estiment avoir atteint un niveau très bas.

En outre, les évolutions en matière d'emploi font l'objet de certaines interrogations . En particulier, le fait que 78 nouveaux ETP soient fléchés en 2014 vers les centres éducatifs fermés, avec la création annoncée de deux nouveaux centres, est parfois considéré comme la manifestation d'une volonté de continuer à développer ce type de prise en charge au détriment du nécessaire soutien à la diversité des modes de placement. Toutefois, le plan de transformation de 20 établissements de la PJJ en CEF, lancé par le précédent Gouvernement, ne semble pas devoir être mené à son terme. À cet égard, votre rapporteur ne peut que rappeler les conclusions du rapport fait au nom de votre commission par MM. François Pillet et Jean-Claude Peyronnet sur les centres éducatifs fermés 5 ( * ) . Ce rapport a ainsi fait valoir la nécessité d'une meilleure évaluation globale du dispositif et a montré que les CEF ne prenaient sens qu'au sein d'une offre globale diversifiée de solutions éducatives, qui ne devaient pas être négligées au profit de ces établissements.

Effectifs en ETP du mois de décembre de chaque année

2009

2010

2011

2012

Centres éducatifs fermés

207,88

241,81

255,98

336,08

Établissements de placement éducatif

2 015,67

2 032,35

1 932,12

1 976,76

Milieu ouvert

3 158,85

3 266,39

3 194,66

3 309,09

Établissements pénitentiaires pour mineurs

257,70

259,60

279,30

282,29

Total

5 640,10

5 800,15

5 662,06

5 904,22

Source : DPJJ

Les syndicats entendus par votre rapporteur ont également rappelé que la réforme accomplie entre 2008 et 2012 avait constitué un véritable traumatisme pour l'institution, avec une réduction d'effectifs de grande ampleur, notamment dans les fonctions administratives, de sorte que la PJJ avait désormais besoin de stabilité et de consolidation.

3. La poursuite de la diminution des crédits du secteur associatif

Par ailleurs, les syndicats et les fédérations ont également relevé avec une certaine inquiétude la poursuite de la diminution des crédits du secteur associatif .

En effet, la diminution cumulée du budget affecté au secteur associatif habilité (SAH) est de - 73,5 millions d'euros depuis 2008, soit une baisse d'environ 24 %. Le budget accordé au secteur associatif passe de 240 millions d'euros à 234 millions pour 2014.

Crédits affectés au secteur associatif habilité de 2008 à 2014

CP

2008

2009

2010

2011

2012

2013 *

PLF 2014

LFI

307

277,4

261

240

242,0

249,8

234,3

* les crédits LFI 2013 comprennent un abondement exceptionnel de 10 M€ pour diminuer les arriérés de paiement

Source : DPJJ

Évolution des dépenses du secteur associatif habilité
sur les différents types de prise en charge

Source : DPJJ

Rappelons que, depuis 2008, la sous-budgétisation, au regard du nombre de décisions judiciaires effectivement prescrites, des crédits alloués au secteur associatif habilité a conduit à l'existence d'un report de charge , qui s'est progressivement accru pour atteindre 39,5 millions d'euros en 2012 .

Comme les fédérations d'associations l'ont fait valoir auprès de votre rapporteur, une telle situation a des conséquences néfastes pour les associations dont l'activité repose souvent en grande partie sur l'exécution des mesures prescrites par l'autorité judiciaire : dégradation de leur trésorerie les obligeant parfois à emprunter pour pallier les retards de paiement, dégradation des fonds propres lorsque les associations doivent financer elles-mêmes des charges désormais non prises en compte par une PJJ sous forte contrainte budgétaire, report de charge sur d'autres financeurs, comme les conseils généraux (lorsque les juges prennent en compte les difficultés des associations et prononcent des actions éducatives en milieu ouvert au lieu de mesures d'investigation).

La DPJJ ayant pris conscience de ces difficultés, elle a engagé une réforme afin de financer les services par dotation globale de financement, le budget déterminé en début d'année étant financé indépendamment du niveau d'activité 6 ( * ) . Ainsi, un décret en Conseil d'État visant à permettre à la PJJ d'assurer le financement des centres éducatifs fermés gérés par dotation globale de financement a été publié le 26 décembre 2011. Un groupe de travail conjoint PJJ - fédérations associatives a élaboré au premier semestre 2012 les modalités de mise en oeuvre de cette réforme, appliquée aux CEF à depuis le 1 er janvier 2013. Le décret prévoit la possibilité d'étendre ce mode de financement à d'autres dispositifs que les CEF à partir de 2014, en fonction du retour d'expérience.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé, dans le projet de loi de finances pour 2013, d'allouer spécialement 10 millions d'euros à la résorption des arriérés de paiement de l'État. Un nouvel effort d'ajustement des crédits est prévu pour 2014 . Les associations craignent toutefois que cet effort ne permette pas de résorber totalement la « dette » de l'État, comme cela avait été pourtant annoncé en 2012.

En outre, les fédérations associatives ont attiré l'attention de votre rapporteur sur la diminution des mesures budgétées pour le secteur associatif. Ainsi, en 2013, le nombre de réparations pénales prévues avait baissé de 6 %. Il diminuera de nouveau de 6,3 en 2014.

Réparation pénale

2013

2014

Évolution

AE = CP

7.6 M€

7.2 M€

- 0,4M€

- 5,2 %

Volume(en journées)

8 587

8 041

- 546 journées

- 6,35 %

Source : PAP PJJ 2014

Or, comme l'avait déjà souligné votre rapporteur, la réparation pénale semble efficace en termes de prévention de la récidive.

Les fédérations associatives ont enfin attiré l'attention de votre rapporteur sur une présentation parfois imparfaite des coûts des mesures judiciaires dans l'indicateur 3.3 de l'objectif 3 du PAP, donnant l'impression que les mesures prises en charge par le secteur associatif habilité sont beaucoup plus coûteuses que celles mises en oeuvres par le secteur public . En effet, non seulement la présentation des mesures d'investigation du secteur public est celle d'un prix de journée tandis que celle des mesures du secteur associatif habilité est unitaire (pour une mesure de plusieurs mois), mais en outre, même en ramenant la présentation pour le secteur public à l'unité, on obtient un coût de 1 440 euros, contre 2 729 euros pour le SAH. Cette discordance est due à l'impossibilité pour la PJJ, du fait de la polyvalence de ses services, de distinguer les mesures d'investigation des mesures de milieu ouvert, le chiffre présenté constituant en réalité une moyenne. En conséquence, les associations suggèrent d'une part, de différencier les activités du SP et du SAH dans la présentation des indicateurs, d'autre part, de construire des indicateurs communs aux deux secteurs.

II. LA JUSTICE DES MINEURS FACE À DE NOUVEAUX DÉFIS

A. UNE DÉLINQUANCE QUI PROGRESSE MOINS QUE CELLE DES MAJEURS

En 2002, 180 000 mineurs et presque 730.000 majeurs étaient mis en cause par les services de police et de gendarmerie. Dix ans plus tard, ils sont respectivement 200 000 et 950 000 7 ( * ) . Ainsi, l'augmentation de la population mineure mise en cause sur la période (+ 12 %) s'est réalisée à un rythme deux fois et demi inférieur à celui de la croissance des majeurs mis en cause (+ 31 %) .

Dès lors, si en 2002 les mineurs représentaient 20 % des mises en cause, en 2012, ils ne constituent plus que 17 % de ceux-ci. Cette diminution de la part de la population mineure mise en cause est un processus continu sur les dix dernières années observées.

Total
(Indice 100 en 2002)

2002

2004

2006

2008

2010

2012

Mineurs

100

102

112

115

120

112

Majeurs

100

115

124

133

128

131

Tous

100

112

121

129

126

127

Source : DPJJ

Total

2002

2004

2006

2008

2010

2012

Mineurs

180 382

184 696

201 662

207 821

216 243

201 418

Majeurs

726 587

833 244

898 736

964 572

930 072

950 741

Tous

906 969

1 017 940

1 100 398

1 172 393

1 146 315

1 152 159

En ce qui concerne les vols et la délinquance économique et financière , les mises en cause ont baissé de - 8 % en dix ans pour les mineurs alors qu'ils augmentaient de de + 14 % pour les majeurs. La part des vols dans la délinquance des mineurs s'est réduite, passant de 50 % en 2002 à 41 % en 2012 (cette évolution est constatée aussi chez les majeurs dont les vols sont ramenés de 35 à 31 % du total des mises en cause).

En ce qui concerne les violences aux personnes , alors que les mineurs composent 22 % de la population vivant en France, ils représentent 15 % des personnes mises en cause. De fait, seules les années 2007 à 2009 ont vu ce motif d'infraction progresser plus vite chez les mineurs (+ 17 %) que chez les majeurs (+ 13 %). Les années 2010-2012 voient même baisser les violences imputées aux mineurs (- 9 %) quand celles imputées aux majeurs augmentent légèrement (+ 2 %). Cependant, la part des violences augmente chez les mineurs (de 16 % à 22 % de leurs mises en cause entre 2002 et 2010) suivant en cela une évolution partagée avec les majeurs dont les violences composaient 23 % des mises en cause 2002 et 27 % de celles enregistrées en 2012.

Enfin, pour les atteintes à la règlementation et à la paix publique (essentiellement les infractions à la police des stupéfiants, à celle des étrangers, ainsi que les destructions et dégradations de biens), la progression est de + 22 % chez les mineurs et + 33 % chez les majeurs.

B. UN PARQUET DES MINEURS QUI CONTINUE À MONTER EN PUISSANCE

1. Le rôle sans cesse accru du parquet des mineurs

Les infractions des mineurs traitées par la justice ne représentent pas l'ensemble des faits constatés par la police et la gendarmerie nationales. Sur environ 200 000 faits constatés en 2012, 170 800 affaires ont été traitées par les parquets. Sur ce total, 33 300 n'étaient pas poursuivables, soit parce que l'infraction était insuffisamment caractérisée ou que le mineur avait été mis hors de cause, soit parce qu'un motif juridique s'opposait à toute poursuite. Ce nombre, en hausse continue jusqu'en 2009, semble à présent se stabiliser.

Votre rapporteur avait déjà relevé l'importance croissante du parquet des mineurs dans le traitement de la délinquance juvénile . Cette tendance s'est encore accentuée en 2012. Ainsi, si le taux de réponse pénale s'est stabilisé au niveau élevé de 93,5 % (avec la quasi-disparition des classements pour inopportunité des poursuites), le recours aux procédures alternatives aux poursuites et à la composition pénale a continué à augmenter, pour atteindre plus de 60 % des affaires poursuivables alors qu'il n'était que de 41,4 % en 2004 .

Cette part des procédures alternatives est nettement plus élevée pour les affaires de mineurs que pour l'ensemble des affaires traitées par les parquets (39,7 %), tandis que la part des poursuites est plus faible pour les affaires mettant en cause des mineurs (32,8 %) que pour l'ensemble des affaires traitées par les parquets (43,8 %).

Rappelons que ce rôle croissant du parquet a été encouragé depuis 2002 par le législateur, qui lui a ouvert deux possibilités de saisir directement la juridiction pour mineurs sans instruction préalable par le juge des enfants :

- la procédure de présentation immédiate a été créée par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, sur le modèle de la procédure de comparution immédiate applicable aux majeurs. Cette procédure permet au procureur de la République de traduire directement un mineur devant le tribunal pour enfants, lorsque des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédents. Alors que la circulaire d'application du 7 novembre 2002 prévoyait que cette procédure pourrait s'appliquer « avec discernement » à des primo-délinquants, le législateur a souhaité dans la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, à l'initiative du Sénat, qu'il ne puisse être recouru à cette procédure que lorsque le mineur fait l'objet ou a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs procédures judiciaires ;

- la possibilité de recourir à la procédure de convocation par officier de police judiciaire (COPJ) a été ouverte au parquet par la loi du 10 août 2011 précitée, dans les mêmes conditions que celles prévues pour la procédure de présentation immédiate. Elle permet au parquet de faire comparaître le mineur devant la juridiction pour mineurs dans un délai de dix jours à deux mois.

2. Une activité des juridictions pour mineurs toujours en baisse

En 2012, 68 100 mineurs délinquants ont été poursuivis devant la juridiction pour enfants . Un total de 49 000 affaires ayant été transmises par les parquets, on peut estimer que chaque affaire a concerné en moyenne 1,4 mineur.

Le nombre de mineurs délinquants dont la juridiction pour enfants a été saisie en 2012 est inférieur de 5 % à celui de 2011, la baisse étant continue depuis 2006 (85 335).

Les procédures rapides continuent à être les plus utilisées par les parquets pour transmettre les dossiers aux juges des enfants, au détriment du mode de transmission classique par requête pénale simple. Les convocations par officier de police judiciaire (COPJ, cf. ci-dessus) et les requêtes pénales avec défèrement (le mineur est conduit devant le juge des enfants à l'issue de la garde à vue) ont représenté 69 % des saisines en 2012 ; le nombre de COPJ s'établit ainsi à 40 800 et les requêtes pénales avec défèrement à 6 400 mineurs pour la même année. En outre, 1600 mineurs ont été poursuivis par comparution à délai rapproché et 850 par saisine directe du tribunal pour enfants selon la procédure de présentation immédiate (cf. ci-dessus).

Les requêtes pénales ordinaires des parquets, qui laissent au juge des enfants le choix de la date de convocation du mineur, constituent 24 % des modes de saisine. Les renvois devant le juge des enfants après une instruction sont en baisse avec 2 300 mineurs.

En 2012, les juges des enfants ont prononcé près de 37 000 mesures pré-sentencielles à l'encontre de mineurs délinquants . Environ un cinquième de ces mesures sont des investigations spécialisées (principalement des enquêtes sociales et des investigations et orientations éducatives) et 60 % sont des mesures éducatives provisoires (liberté surveillée préjudicielle, réparation et placement). Le contrôle judiciaire et la détention provisoire représentent respectivement 17 % et 4 %.

Par ailleurs, les juges des enfants et les tribunaux pour enfants ont prononcé 7 245 décisions écartant la poursuite ou la responsabilité du mineur (ordonnances de non-lieu, jugements de relaxe ou jugements prononçant la nullité de la procédure).

Pour les mineurs déclarés coupables, le nombre de mesures et sanctions prononcées s'élève à près de 60 000, soit une baisse de 8,2 % par rapport à l'année précédente . Ces mesures sont tout d'abord des admonestations, des remises à parents et des dispenses de peine (23 000 décisions soit 38 %), puis des mesures strictement éducatives, c'est-à-dire près de 10 000 mesures de liberté surveillée, de protection judiciaire, de placement et de réparation auxquelles s'ajoutent 2 500 sanctions éducatives (soit 20% de l'ensemble).

Les peines non spécifiques aux mineurs (24 700 décisions soit 41,4 % de l'ensemble) se répartissent comme suit : 13,4 % pour l'emprisonnement avec sursis simple, 7,4 % pour l'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve, 6,4 % pour l'emprisonnement ferme. Les amendes représentent 6,1 % des sanctions prononcées et les peines alternatives (TIG, stage de citoyenneté, etc.) 8,3 %.

En matière de condamnations inscrites au casier judiciaire , les statistiques disponibles sont celles de 2011 en raison des délais de signification, d'appel et de transmission par les juridictions au Casier judiciaire.

Ainsi, 71 % des crimes sanctionnés pour les mineurs sont des viols et près de 60 % des délits sont des atteintes aux biens (vol, recel, destruction, escroquerie) et un peu moins d'un quart (22 %) des atteintes aux personnes (violences, atteintes sexuelles, menaces, injures). Les autres condamnations sanctionnent essentiellement des infractions à la législation sur les stupéfiants ainsi que des outrages et rébellion.

Pour l'ensemble de ces infractions, les mineurs ont été condamnés à des peines d'emprisonnement (34,2 %) dont plus d'un quart avec une partie ferme, à des mesures éducatives (48 %). Les autres peines sont des amendes, des peines de substitution et des sanctions éducatives, enfin 3,6 % des mineurs ont été dispensés de peine.

C. LA DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DU 8 JUILLET 2011 : UNE ADAPTATION DIFFICILE DES JURIDICTIONS POUR MINEURS

Le juge des enfants cumulait auparavant, de façon dérogatoire avec les règles applicables en matière de justice pénale des majeurs, les fonctions de magistrat instructeur, de juge du fond et de juge d'application des peines. Ainsi le même juge des enfants pouvait instruire une affaire, juger le mineur puis suivre ce dernier dans le cadre de l'application des peines.

Or, le Conseil constitutionnel a en partie remis en cause cet état du droit dans sa décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011.

Il a en effet estimé que si « aucune disposition de l'ordonnance du 2 février 1945 ou du code de procédure pénale ne [faisait] obstacle à ce que le juge des enfants participe au jugement des affaires pénales qu'il a instruites » et que « le principe d'impartialité des juridictions ne [s'opposait] pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation », en revanche, « en permettant au juge des enfants qui a été chargé d'accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d'impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution ». Le Conseil constitutionnel avait fixé au législateur jusqu'au 1 er janvier 2013 pour adapter l'organisation de la justice pénale des mineurs à ces exigences.

Dès lors, l'article 5 de la loi n° 2011-1940 du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants a modifié l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire afin de prévoir, à compter du 1er janvier 2013, que « le juge des enfants qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal pour enfants ne peut présider cette juridiction. Lorsque l'incompatibilité prévue au [précédent] alinéa et le nombre de juges des enfants dans le tribunal de grande instance le justifient, la présidence du tribunal pour enfants peut être assurée par un juge des enfants d'un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d'appel et désigné par ordonnance du premier président ».

Sans attendre la date du 1 er janvier 2013, les juridictions pour mineurs se sont efforcées de s'organiser pour mettre en oeuvre ces nouvelles dispositions . D'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, l'organisation adoptée est très diverse d'un tribunal à l'autre, la situation étant plus difficile dans les 34 juridictions qui ne comportent qu'un seul juge des enfants. Par ailleurs, le recours à la mutualisation entre juges des enfants relevant de la même cour d'appel se traduit par des contraintes de transport et par un coût significatif. Cette réforme alourdit également le temps de travail des magistrats.

Afin de connaître les conditions de mise en oeuvre de cette réforme, une note de la direction des services judiciaires a été adressée le 4 janvier 2013 à l'ensemble des chefs de juridiction, pour leur demander d'effectuer un bilan de la mise en application des dispositions de la loi du 26 décembre 2011 et de procéder à un recensement complet des organisations mises en place au sein des tribunaux pour enfants ainsi que des difficultés associées à ces changements .

Il résulte de cette enquête nationale que :

- parmi les 30 tribunaux pour enfants ne comportant qu'un seul juge des enfants , 4 juridictions indiquent s'en tenir à une application littérale de la loi du 26 décembre 2011 et quelque peu contraire à l'esprit de la décision du Conseil constitutionnel (le juge des enfants qui instruit le dossier préside également le tribunal pour enfants mais l'ordonnance de renvoi est rendue par un autre magistrat au vu des éléments du dossier) ; 13 juridictions indiquent avoir séparé les fonctions d'instruction et de jugement en ayant recours à un autre magistrat du TGI ou un magistrat placé qui président le tribunal pour enfants ; les 13 juridictions restantes déclarent avoir séparé les fonctions d'instruction et de jugement au moyen d'une mutualisation entre tribunaux pour enfants du ressort de la cour d'appel. Dans cette dernière hypothèse, les magistrats estiment que la mutualisation augmente significativement leur charge de travail et leurs frais de déplacement ;

- parmi les 47 tribunaux pour enfants comportant deux juges des enfants , 4 juridictions indiquent s'en tenir à une application littérale de la loi du 26 décembre 2011 (cf. dessus) tandis que 40 juridictions fonctionnent désormais en binôme (selon les juridictions, le juge des enfants qui connaît la situation du mineur n'instruit pas le dossier mais préside le tribunal pour enfants ou instruit le dossier pénal en laissant la présidence du tribunal pour enfants à un autre juge des enfants) ;

- parmi les 63 tribunaux pour enfants comportant 3 juges des enfants et plus , 16 juridictions indiquent s'en tenir à une application littérale de la loi du 26 décembre 2011 tandis que 39 juridictions fonctionnent en binôme comme décrit ci-dessus.

Pour faciliter la prise de connaissance du dossier par le magistrat qui doit intervenir dans la procédure du mineur alors qu'il n'est pas habituellement chargé de son suivi , la généralisation du dossier unique de personnalité apparaît comme une solution efficace.

Par ailleurs, quelques pistes de modifications organisationnelles ou juridiques sont explorées :

- prévoir pour chaque audience un juge des enfants suppléant, de telle sorte qu'il soit remédié à toute absence du juge des enfants désigné spécialement pour la présidence de tous les tribunaux pour enfants ;

- déléguer en interne un juge non spécialisé ;

- désigner un magistrat juge des enfants au niveau du ressort de la cour d'appel pour assurer les audiences du tribunal pour enfants ne comportant qu'un seul juge des enfants.

- rédiger un code des mineurs pour harmoniser des pratiques souvent diverses entre juridictions ;

- limiter la mise en examen aux infractions les plus graves et les plus complexes et privilégier les saisines directes en restaurant la COPJ aux fins de jugement en chambre du conseil avec possibilité d'ajournement pour approfondir la personnalité du mineur.

En tout état de cause, votre rapporteur souligne que les difficultés soulevées par cette réforme et la mise en place dans certains tribunaux d'une organisation contraire à l'esprit de la décision du Conseil constitutionnel (même si cette organisation est rendue possible par l'ambiguïté de la loi du 26 décembre 2011) mettent en exergue la nécessité d'une remise à plat de la justice des mineurs et de l'octroi de moyens humains suffisants aux juridictions.

III. UNE DOUBLE RÉFORME AUX RÉSULTATS MITIGÉS

En 2003, la Cour des comptes a présenté un état des lieux de la protection judiciaire de la jeunesse et a dressé un constat sévère en ces termes : « C'est au vu de l'augmentation considérable des moyens dont avaient bénéficié au cours des dernières années les services de la protection judiciaire de la jeunesse que la Cour a programmé son contrôle sur l'activité et la gestion de ces derniers, particulièrement ceux relevant du secteur public. Cet accroissement sans précédent des ressources de la PJJ ne s'est pas traduit, en effet, par leur utilisation satisfaisante, pas plus que par une efficacité accrue de la part des services ».

La Cour a ainsi en particulier relevé une « sous-administration » de la PJJ, avec un échelon central trop faible ne jouant pas son rôle de pilotage, d'animation et de coordination des échelons déconcentrés, des incohérences dans la répartition des compétences et des responsabilités entre les échelons départemental et régional, enfin un grand émiettement des services et des établissements du secteur public. La Cour a également regretté un écart persistant entre les besoins et l'offre de prise en charge, un contrôle « lacunaire et défaillant » ainsi qu'une absence d'évaluation de l'ensemble du dispositif de la PJJ.

Première cause de cette situation selon la juridiction financière, le véritable « abandon » dans lequel était tombé la PJJ et la justice des mineurs, l'État ayant cessé d'assumer son rôle de direction : « Ni la loi ni les règlements n'ont défini de manière précise le contenu des mesures décidées par les juges, pas plus que les structures d'accueil des jeunes et, a fortiori, les normes minimales auxquelles elles devraient répondre ».

Dès lors, la Cour des comptes suggérait une reprise en main et une ample restructuration afin d'améliorer le service rendu par la PJJ.

Dès lors, une réforme a été menée selon deux modalités, essentiellement entre 2008 et 2012 : d'une part une restructuration administrative et territoriale, d'autre part un renouvellement des pratiques professionnelles .

Cette réforme a été opérée sous forte pression budgétaire, les moyens alloués à la PJJ étant passés entre 2008 et 2011 de 804,4 millions d'euros à 756,6 millions d'euros, soit une diminution de près de 6 %.

A. UNE RESTRUCTURATION TERRITORIALE ET ORGANISATIONNELLE DE GRANDE AMPLEUR

1. La restructuration territoriale et organisationnelle

Les 15 directions régionales ont été regroupées début 2009 en 9 directions interrégionales d'une taille conçue pour permettre aux directeurs interrégionaux, responsables de leur budget opérationnel de programme (BOP), de disposer de marges de manoeuvre suffisantes.

Parallèlement, les 100 directions départementales de la PJJ ont été remplacées par 54 directions territoriales , le critère de formation des territoires étant la capacité à proposer l'ensemble des équipements et dispositifs en matière de santé et d'insertion scolaire et professionnelle nécessaires à la mise en oeuvre des politiques publiques liées à la protection de l'enfance et à la prévention de la délinquance.

Cette réorganisation territoriale a eu comme corollaire une réforme du pilotage de la PJJ qui s'est traduite par la mise en place d'un organigramme type pour les directions interrégionales et territoriales, celle d'une « carte des emplois » des fonctions pilotage et support, enfin la création de quatre emplois spécifiques : directeur des politiques éducative, responsable des politiques éducatives, responsable des politiques institutionnelles, auditeurs.

En outre, à partir du 1er janvier 2012, un dispositif de plateformes interrégionales de mutualisation des fonctions « support » (ressources humaines, informatique, immobilier, budget et comptabilité) pour toutes les juridictions et services déconcentrés du ministère de la justice a été mis en place par le regroupement des services du secrétariat général, de la DAP, de la DPJJ et de la DSJ. Huit plateformes de gestion ont ainsi été mises en place depuis 2012. La plateforme Ile-de-France sera créée au cours de l'année 2014.

Parallèlement à cette réforme territoriale, les établissements et services de la PJJ ont fait l'objet d'une structuration juridique , impulsée par le décret du 6 novembre 2007. Jusqu'à cette date en effet, les structures de prise en charge n'avaient aucun fondement juridique. Les dispositions de ce décret régissent ainsi les droits des usagers ainsi que les procédures de création et d'évaluation des équipements. Elles déterminent également les autorités investies d'un pouvoir de contrôle.

Enfin, une réforme de l'encadrement des structures de prise en charge a été mise en oeuvre avec la création d'une fonction de responsable d'unité éducative (RUE). Un directeur de service dirige une structure composée au moins de deux unités, chaque unité étant placée sous la responsabilité d'un RUE. De plus, une taille minimale a été définie pour les unités éducatives de milieu ouvert qui doivent être constituées d'un minimum de 6 éducateurs.

Le directeur de service, plus éloigné de la prise en charge directe, doit désormais être un relais du directeur territorial pour travailler à l'articulation des prises en charge, mobiliser les acteurs concernés (services des conseils généraux, dispositifs de scolarité, d'insertion, de formation, les administrations de santé). Ce travail d'articulation doit notamment permettre d'ouvrir les dispositifs de droit commun aux mineurs sous protection judiciaire .

Le 3 ème plan stratégique national (2012-2014) porte désormais sur l'amélioration de la qualité et de la diversité de l'action et de l'offre éducatives. Il s'agira notamment de mieux garantir la continuité et l'individualisation de la prise en charge des mineurs confiés à la PJJ par l'autorité judiciaire.

2. Un bilan mitigé des réformes

La réforme territoriale de la DPJJ s'est traduite par une économie de 337 postes entre 2008 et 2012 sur la fonction soutien et pilotage. Elle a permis de ramener à 14,1 % en 2013 la part des effectifs consacrés à cette fonction au sein des services déconcentrés. Elle a ainsi permis le redéploiement de 80 postes pour créer un nouveau dispositif d'audit ayant pour objectif d'auditer au moins une fois tous les cinq ans l'ensemble des établissements du secteur public et du secteur associatif habilité de la PJJ.

Les personnes entendues par votre rapporteur ont fait de ces bouleversements structurels un bilan mitigé.

L'un des syndicats entendu par votre rapporteur a ainsi admis qu'il existait, avant que la réforme ne soit menée, une certaine dilution des fonctions administratives . Sur ce plan, la création des plateformes inter-directionnelles a constitué un progrès certain. Toutefois, il semble que les services utilisateurs aient parfois quelque peine à identifier leur service gestionnaire au sein de la nouvelle organisation. De même, la perte d'emplois administratifs a bien eu pour contrepartie un certain renforcement des fonctions éducatives et de leur encadrement. Toutefois, le bilan global en termes d'emplois représente une perte assez massive à l'échelle d'une administration comme la PJJ .

En revanche, un autre syndicat entendu par votre rapporteur considère que les réformes initiées en 2008 ont été au total très destructrices, aboutissant parfois à la création de directions territoriales sans cohérence et sans interlocuteurs crédibles pour les préfets et les conseils généraux.

B. UNE RÉFORME DES PRATIQUES QUI DOIT ÊTRE POURSUIVIE

Parallèlement aux réformes structurelles et organisationnelles, la PJJ s'est efforcée d'améliorer la prise en charge des mineurs délinquants confiés par l'autorité judiciaire . Sous l'impulsion des évolutions législatives, de nombreux textes administratifs ont précisé et organisé le cadre de l'organisation et des missions de la PJJ.

1. La mesure d'activité de jour (MAJ)

Créée par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance et définie par l'article 16 ter de l'ordonnance du 2 février 1945 et précisée par le décret du 26 décembre 2007 et par une circulaire du 18 février 2008, la mesure d'activité de jour (MAJ) est une mesure éducative prononcée par un juge des enfants et qui s'adresse en priorité aux mineurs déscolarisés, en voie de déscolarisation ou en marge des dispositifs de formation de droit commun. Elle consiste dans la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelles ou scolaires soit auprès d'une personne morale de droit public, soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitée à organiser de telles activités, soit au sein du service de la PJJ auquel le mineur est confié 8 ( * ) .

Il s'agit en quelque sorte d'une mesure de milieu ouvert soutenue par de l'activité. Sa durée hebdomadaire ne peut excéder la durée légale du temps de travail. Une note commune de la direction de la PJJ et de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) précise la situation des mineurs soumis à l'obligation scolaire ou scolarisés au-delà de 16 ans.

Ainsi, parmi les 113 000 décisions de milieu ouvert pénal suivies en secteur public et en secteur associatif habilité en 2012, 1002 étaient des mesures d'activité de jour, pour 924 mineurs. Deux fois sur trois, le juge des enfants est le prescripteur de la mesure d'activité de jour. Le tribunal des enfants et le parquet sont, chacun auteurs de 17 % de ce type de mesures. La durée d'exécution de la décision avoisinait sept mois en 2012.

La mesure d'activité de jour reste ainsi une décision peu prescrite. En effet, la mise en place du dispositif accueil-accompagnement (cf. ci-dessous) par la circulaire de 2009 puis de 2012 est venue concurrencer la MAJ en posant le principe d'une action d'éducation au pénal soutenue par des activités de jours.

2. Le dispositif « accueil-accompagnement »

Le dispositif « accueil-accompagnement » prévu par la circulaire du 3 avril 2012 relative à l'action d'éducation structurée par les activités de jour précitée renforce la « lisibilité » de l'action d'éducation auprès des mineurs suivis par les établissements et services de la PJJ. Il a été conçu comme une démarche globale et structurée à destination des mineurs hors des dispositifs de droit commun scolaires ou de formation.

Il a pour objectif de :

- retisser le « lien relationnel » favorisant les actions d'éducation auprès de mineurs dans l' « évitement » ;

- observer et évaluer leurs acquis et leurs capacités d'acquisition (compétences sociales, scolaires, etc.) ;

- remobiliser et accompagner les mineurs dans leur parcours à travers des activités proposées au début de la prise en charge ;

- réinscrire le mineur dans le dispositif de droit commun en matière de scolarité et de formation professionnelle.

Ce dispositif est ainsi organisé à partir d'activités de jour d'une durée de 1 à 3 mois renouvelable. Chaque territoire doit adapter son cadre d'intervention à partir d'un état des lieux identifiant le nombre de mineurs inactifs, recensant et analysant les ressources existantes et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre du DAA.

Le DAA se compose de trois types de sessions :

- une phase de « socialisation », qui a concerné 53 % des mineurs ayant suivi le DAA en 2012. Ce module de scolarisation s'effectue sur une période d'environ 90 jours ;

- un bilan scolaire et professionnel, qui a concerné 27 % des sessions et 32 % des mineurs en 2012. Ces sessions se réalisaient sur 90 jours en 2012 ;

- la définition d'un projet professionnel, pour 20 % des sessions de DAA soit 31 % des mineurs passés dans le dispositif.

Ainsi, au total, en 2012, sur 60 000 mineurs suivis en milieu ouvert pénal, un peu moins du quart (14 000) ont bénéficié d'une activité de jour (en augmentation de 9 % par rapport à 2011), dont 6 500 ont suivi le dispositif accueil-accompagnement. Le DAA a donc concerné 10 % des mineurs suivis dans le cadre d'une mesure de milieu ouvert ou de placement pénal.

Presque deux mineurs sur trois bénéficiant du DAA ont entre 16 ou 17 ans, ce qui correspond bien au public ciblé par le dispositif (mineurs pris en charge dans le cadre pénal à la fin de l'obligation d'enseignement). Cependant, un mineur sur cinq est âgé de 13 à 15 ans. Il s'agit alors de mineurs en situation de décrochage scolaire précoce.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur au cours de l'audition des syndicats de la PJJ, le DAA s'avère difficile à mettre pleinement en oeuvre et le regard sur ce dispositif est très variable d'un territoire à un autre. En tout état de cause, le manque d'ateliers professionnels est particulièrement critiqué, le DAA apparaissant en pratique davantage comme un dispositif social que comme un dispositif professionnel.

3. La réforme de l'investigation

Si l'Etat s'est désengagé depuis 2008 de la prise en charge des mesures de protection ordonnées au civil par le juge des enfants au titre de la protection de l'enfance en danger, il continue à financer et à exécuter les mesures d'investigation ordonnées par le juge.

Rappelons que jusqu'en 2011, trois types d'investigations pouvaient être mis en oeuvre :

- le recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE), mesure d'aide à la décision du magistrat qui a rapidement besoin d'informations pour prendre une décision, et qui consiste en un recueil d'informations succinctes permettant une appréhension ponctuelle de la situation du mineur ;

- la mesure d'investigation et d'orientation éducative (IOE) et la mesure d'enquête sociale (ES), destinées à évaluer la situation du mineur ainsi que la situation de danger dans laquelle il se trouve éventuellement, et à formuler des propositions éducatives.

La réforme de l'investigation par la direction de la protection judiciaire de la jeunesse s'est traduite par la création de la mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) par la circulaire d'orientation du 31 décembre 2010 et l'arrêté du 2 février 2011. La MJIE remplace à la fois l'IOE et l'ES.

Extraits de la circulaire d'orientation du 31 décembre 2010 relatif à la MJIE
Le contenu de la MJIE

Les services mettant en oeuvre la MJIE rassemblent les éléments permettant aux magistrats de vérifier que les conditions de leur intervention sont réunies, en fonction de leur champ de compétence. Ces éléments doivent porter :

En assistance éducative sur la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, l'existence d'un danger pour la santé, la sécurité, la moralité de l'enfant, le caractère gravement compromis de ses conditions d'éducation et de son développement physique, affectif, intellectuel et social (art. 375 du CC et 1183, 1184 du NCPC).

En matière pénale sur la situation matérielle et morale de la famille, la personnalité et les antécédents du mineur, sa fréquentation scolaire, ses aptitudes et son attitude à l'école, les conditions dans lesquelles il a vécu ou a été élevé, sa santé, son développement psychologique, les moyens appropriés à son éducation (article 8 et article 8-1 ordonnance du 2 février 1945) (...).

Que ce soit dans le cadre civil ou pénal, l'investigation recueille les éléments du parcours antérieur du mineur et les éventuelles réponses sociales, administratives et judiciaires apportées dans le passé, dans l'objectif de construire des propositions en se fondant sur ce qui a déjà permis ou pas des évolutions de la situation.

Les professionnels analysent ces éléments et élaborent des hypothèses de réponses éducatives et de protection.

Dans les deux domaines, civil et pénal, à partir du recueil de ces informations, les professionnels doivent tendre, d'une part à l'objectivation de la situation en croisant leurs analyses des éléments recueillis à l'appui d'un travail interdisciplinaire, d'autre part à rendre compte de la complexité des problématiques.

Dans ce processus dynamique, le cadre de direction propose au juge la synthèse de cette analyse et le cas échéant une ou plusieurs propositions éducatives. Il peut conclure à l'absence de nécessité d'un suivi éducatif. Dans toutes les préconisations, il doit préciser les avantages et inconvénients supposés de chaque choix possible ainsi que sa faisabilité.

Les caractéristiques de la MJIE

La MJIE est interdisciplinaire et modulable dans son contenu et sa durée. Les modalités de sa réalisation sont définies d'une part selon le cadre d'exercice pénal ou civil, d'autre part selon la situation singulière du mineur concerné et enfin selon la prescription du magistrat.

L'interdisciplinarité

La diversité des éléments à explorer nécessite l'apport de compétences diversifiées et impose une approche interdisciplinaire de la situation du jeune et de sa famille. Cette approche se réalise à partir notamment de la composition pluridisciplinaire du service : cadres de direction, éducateurs, psychologues, assistants de service social. Selon les situations, ces ressources internes peuvent être enrichies par des professionnels recrutés par vacation, ou par le biais de conventions : médecin psychiatre, psychologue, pédiatre, pédopsychiatre, services spécialisés (Hôpitaux, CMPP, PMI, centre d'examen de santé...) conseiller d'orientation et/ou d'insertion, ou d'autres spécialités (médiateurs culturels, services de prévention...).

La modularité

Au regard de la diversité des situations, d'éventuelle(s) intervention(s) éducative(s) antérieure(s), l'investigation peut porter sur des domaines plus ou moins étendus. La modularité de la mesure d'investigation répond à la nécessaire prise en compte de la spécificité des situations. Il appartient au magistrat prescripteur de déterminer le contour de l'investigation, en décidant, à tout moment de la procédure, de l'opportunité ou non de l'approfondissement d'une problématique spécifique.

Ainsi, la MJIE est réalisée à partir du recueil d'informations incontournables pour chaque cadre (civil ou pénal), sachant que de nombreux items leurs sont communs. Des hypothèses de réponses en termes d'action d'éducation et/ou de protection sont élaborées à partir de l'analyse de ces informations.

Le cas échéant, un ou des modules d'approfondissement explorant, par une approche spécifique, des problématiques particulières repérées d'emblée ou au cours de l'investigation peuvent être ordonnés. Le recours à un module d'approfondissement nécessite que le magistrat précise dans ses attendus l'élément ou les éléments qu'il estime déterminant à sa prise de décision. Une liste non exhaustive de modules d'approfondissement est établie dans les différents cadres, civil ou pénal, auxquels le juge pourra se référer le cas échéant (...).

La MJIE vise à porter à la connaissance du juge plusieurs hypothèses de travail sur lesquelles le service qui a mis en oeuvre l'investigation fonde des préconisations sur les modalités d'interventions et les actions d'éducation qui lui paraissent les mieux adaptées.

Elle a été conçue pour être modulable dans son contenu et sa durée afin elle permet de mieux répondre à la singularité des situations des mineurs et de leurs familles.

En effet, comme corollaire à la création de cette mesure, la DPJJ a élaboré des documents thématiques en vue d'étayer les pratiques professionnelles d'investigation et d'action d'éducation. Ces documents proposent des repères d'interventions éducatives à partir de l'état des connaissances et de pratiques ayant montré leur intérêt dans des domaines précis, correspondant ainsi aux « modules » de la MJIE : mineur auteur de passages à l'acte violent, mineur dans les infractions à caractère sexuel, approfondissement du système familial, mineur en errance, maltraitance physique et psychologique, violences sexuelles intrafamiliales, mineur usager de drogues .

L'acquisition des compétences spécifiques à la mission investigation repose en partie sur une formation dédiée dispensée par l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ). Cette formation fait notamment partie du plan de formation statutaire des directeurs et des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse.

Entre 2007 et 2012, les secteurs public et associatif ont suivi chaque année 52 000 investigations pénales et civiles hors RRSE, dont 90 % à titre civil et 10 % à titre pénal. En 2007, ces investigations étaient confiées pour les trois quarts au service associatif habilité. Aujourd'hui, un rééquilibrage partiel intervient peu à peu entre les opérateurs. En 2012, le secteur public réalise les deux tiers de l'activité en investigation hors RRSE.

Une première évaluation faisant le point sur la mise en oeuvre de la MJIE est actuellement menée par le service d'audit central national de la DPJJ. Selon celle-ci, il ressort à ce jour de cet audit que « les professionnels s'approprient progressivement au civil comme au pénal cette nouvelle mesure pour mener à bien l'évaluation du cadre familial du mineur via une approche globale qui allie méthodologie et technicité ». En effet, cette évolution de l'investigation demande un temps d'adaptation et de remise en question des pratiques et du fonctionnement des services, et des relations entre les services et les magistrats.

Les informations recueillies par votre rapporteur au cours des auditions qu'il a menées conduisent également à une appréciation mitigée du dispositif.

Selon la directrice territoriale de la PJJ Côte d'Or/ Saône et Loire, qui a fait état de l'évaluation par ses services du fonctionnement de cette mesure pour son territoire, la MJIE est certes utilisée par les juridictions mais l'appropriation de cette réforme n'est pas complète. En effet, la MJIE constitue une passerelle systématique entre le traitement contractuel et le traitement judiciaire des mineurs. Par ailleurs, les rapports d'investigation élaborés visent l'exhaustivité alors qu'ils devraient répondre à une question technique et précise. Comme l'on également signalé les autres personnes entendues par votre rapporteur, la modularité de la MJIE en fonction de la problématique du mineur concerné n'existe pas vraiment dans les faits.

Selon l'ACODEGE (Association Côte d'Orienne pour le Développement et la Gestion d'Actions Sociales et Médico-sociales), qui gère le service d'investigation éducative de la Côte d'or et que votre rapporteur a également pu rencontrer lors de son déplacement au CEF de Châtillon-sur-Seine, si la MJIE suppose une expertise psychologique renforcée, le nombre de postes de psychologues financés ne permet pas d'y faire face dans de bonne conditions, avec en l'espèce 180 mineurs par professionnel et par an en moyenne.

De même, selon le syndicat SNPES/PJJ/FSU, cette réforme n'a pas abouti à une réforme du contenu de l'investigation. Les magistrats ne se sont pas saisis de l'aspect modulaire de la mesure, modularité dont l'objectif était, selon le syndicat, de favoriser les investigations courtes.

Les fédérations d'associations estiment que la MJIE n'a pas atteint son objectif du fait de la contrainte budgétaire. La réduction forcée des fonctions supports (encadrement et secrétariat) s'avère selon elles préjudiciable à une prise en charge efficace des mesures. En outre, elles font valoir que la tarification de cette mesure est insatisfaisante et qu'il convient de la remettre à plat.

Plus généralement, les fédérations d'associations regrettent de ne pas avoir été davantage consultées pour l'élaboration de la MJIE, ce qui aurait permis, selon elles, de rendre cette mesure plus applicable sur le terrain.

IV. LES CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS : QUELLE POLITIQUE POUR LES ANNÉES À VENIR ?

La part des crédits consacrés par la PJJ aux centres éducatifs fermés (CEF) n'a cessé d'augmenter , passant de 49 millions d'euros en 2007 (soit 6 % du budget global de la PJJ) à 89,6 millions d'euros en 2012 (soit 11,6 % du budget global). Pour 2014, les crédits prévus dans le projet de loi de finances initiale pour reconduire le financement des CEF existants s'élèvent à :

- 68 150 005 euros pour les 34 structures du secteur associatif habilité (SAH) ;

- 23 105 736 euros pour les 17 structures du secteur public ;

soit un total de 91 255 741 euros, ce qui représente toujours 11,6 % des crédits de la PJJ.

1. Des structures visant à une prise en charge renforcée

Créés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, ces établissements ont été conçus afin d'offrir aux magistrats une solution éducative alternative à l'incarcération à destination des mineurs délinquants les plus difficiles .

Ce sont de petites structures, pouvant accueillir une douzaine de mineurs, relevant soit du secteur public (15 établissements), soit du secteur associatif habilité (33 établissements). 48 centres éducatifs fermés sont ainsi actuellement en fonctionnement pour un total de 553 places. 17 établissements sont mixtes. Un centre éducatif fermé est habilité exclusivement pour la prise en charge des jeunes filles.

Les mineurs placés y font l'objet d'une prise en charge éducative renforcée, assurée au quotidien par une équipe de 24 éducateurs, à laquelle s'ajoutent souvent un enseignant et, le cas échéant, un ou plusieurs personnels de santé (notamment dans les centres dits « renforcés en santé mentale »).

En raison de ce fort taux d'encadrement, le coût d'un placement en CEF est élevé. Les données de 2012 concernant les coûts de journée par jour par mineur sont de :

- 557 euros pour le secteur associatif habilité ;

- 732 euros pour le secteur public ;

- 587 euros tous opérateurs confondus (SP/SAH), contre 501 euros par jour et par mineur en centre éducatif renforcé.

Ce coût complet a toutefois connu une baisse depuis 2009 en passant de 600 euros à 587 euros, en partie parce que les associations gestionnaires ont dû faire passer leurs effectifs de 27 à 24 ETP par centre en 2012, sur le modèle des CEF publics.

Les écarts de prix de revient entre secteur public et secteur privé doivent être relativisés.

Ainsi le coût plus élevé par mineur dans le secteur public s'explique en partie par un taux d'occupation plus faible que dans le SAH.

En outre les périmètres et caractéristiques des deux secteurs ne sont pas totalement comparables. Les coûts du secteur associatif habilité comprennent la totalité des coûts liés au fonctionnement de la structure au quotidien, mais aussi l'essentiel de la charge de soutien (frais de siège, gestion des ressources humaines et comptable, formation continue, investissements immobiliers, etc.).

Les coûts du secteur public intègrent également les coûts indirects tels que les fonctions support (directions interrégionales, directions territoriales, administration centrale), les loyers, les travaux immobiliers ou la formation, qui sont ré-imputés par déversement sur les charges des structures. En revanche, à la différence des établissements associatifs, ils n'intègrent pas les amortissements mais le coût total des investissements immobiliers de l'exercice, ce qui peut faire varier significativement le coût affiché d'une année à l'autre. Le secteur public intègre aussi le coût des arrêts maladie, alors qu'il est pris en charge par l'assurance maladie pour les établissements habilités.

Le taux de prescription des places en CEF par rapport au total des places disponibles est en 2012 de 87 %, soit 7 % d'augmentation par rapport à 2010. Le taux d'occupation effectif est inférieur d'environ 10 % soit un taux d'occupation moyen de 77 %. La cible du taux d'occupation minimale est fixée à 80 %. Le ministre considère en effet que le taux d'occupation ne peut atteindre 100 % dans ces établissements en raison des contraintes inhérentes à l'accueil d'un public particulièrement difficile, notamment le renouvellement des placements dont la durée est limitée, les fugues, les incarcérations, les hospitalisations, etc.

2. La nécessité de ne pas développer les CEF au détriment des autres modes de prise en charge

Ce dispositif a fait l'objet d'une étude, conduite par nos collègues Jean-Claude Peyronnet et François Pillet dans le cadre d'une mission d'information confiée par votre commission des lois.

Dans leur rapport d'information, nos collègues soulignent la nécessité de mieux évaluer le dispositif . Un tel exercice s'avère délicat à mettre en oeuvre, en raison du passé judiciaire et institutionnel souvent très lourd des mineurs placés en CEF. Les trop rares informations disponibles mettent en évidence l'existence d'une corrélation inverse entre le taux de réitération et la durée du placement : les mineurs restés plus de 170 jours (cinq mois et demi) en CEF réitèrent significativement moins que les autres. Toutefois, seul un tiers des mineurs placés en CEF restent plus de six mois. En 2011, la durée moyenne de placement en CEF était de quatre mois, en 2012 de 3,5 mois.

En dépit de ces incertitudes, nos collègues ont estimé que le dispositif des CEF méritait d'être conservé et étendu , car il est fortement sollicité par les juges des enfants et, dans certaines régions, proche de la saturation. En outre, il permet d'offrir à ces mineurs une « dernière chance » avant la prison, contribuant ainsi à la diminution du nombre de mineurs détenus.

Néanmoins, ils ont considéré qu'un certain nombre d'aménagements devraient être apportés. En particulier, un effort devrait être consenti afin d'améliorer le pilotage du dispositif et le soutien aux équipes éducatives, et les échanges de « bonnes pratiques » entre établissements devraient être encouragés.

Les rapporteurs sont par ailleurs parvenus à la conclusion que ce dispositif devrait continuer à prendre en charge les adolescents les plus difficiles (le cas échéant, en continuant à les accueillir après l'âge de la majorité lorsque le placement a été commencé avant cet âge), et que son extension ne devrait pas se faire au détriment des autres modes de prise en charge de la PJJ .

Or, le précédent Gouvernement avait lancé un plan de transformation de 20 EPE en CEF.

Huit ouvertures de CEF ont ainsi été réalisées en 2012 :

- Bures sur Yvette (direction interrégionale Ile-de-France/Outre-Mer) en septembre 2012 ;

- Laon (direction interrégionale Grand Nord) en octobre 2012 ;

- Bruay la Buissière (direction interrégionale Grand Nord) en novembre 2012 ;

- Angoulême (direction interrégionale Sud-Ouest) en mai 2013 ;

- Epinay-sur-Seine (direction interrégionale Île-de-France/Outre-Mer) en février 2013 ;

Ce mouvement se poursuit en 2013 par l'ouverture de 2 CEF :

- Cambrai (direction interrégionale Grand Nord) ;

- Marseille Viton (direction interrégionale Sud Est) ;

- le CEF de Guadeloupe (direction interrégionale Île-de-France/Outre-mer), repris par une autre association gestionnaire après fermeture de l'établissement fin 2012, va également rouvrir.

Ces projets avaient été initiés avant un moratoire déclaré par la Garde des Sceaux en août 2012.

En revanche, votre rapporteur se félicite de ce que celle-ci souhaite désormais que les projets de création soient privilégiés afin de maintenir des places en hébergement classique et garantir ainsi une offre de placement territoriale diversifiée. Le PLF 2014 comporte ainsi les moyens, en crédits et effectifs, pour la création de deux nouveaux CEF.

En revanche, les fédérations d'associations entendues par votre rapporteur regrettent ces nouvelles ouvertures, considérant que les CEF existants sont mis en difficultés en raison de la décision de réduction des effectifs (passage de 27 à 24 ETP) et qu'aucune évaluation globale du dispositif n'a encore été rendue publique, permettant de justifier l'ouverture de nouveaux établissements.

Le centre éducatif fermé de Châtillon-sur-Seine

Votre rapporteur s'est rendu au centre éducatif fermé de Châtillon-sur-Seine, qui dépend de la DTPJJ côte d'Or Saône et Loire. Il s'agit d'un CEF public, ouvert en décembre 2006, qui prend en charge 11 mineurs délinquants âgés de 16 à 18 ans et fonctionne en file active (accueil des mineurs tout au long de l'année). Les agents en charge du centre sont au nombre de 13 titulaires et 13 contractuels, dont 18 éducateurs. Le turn-over est important parmi le personnel, de sorte que la problématique des ressources humaines et de la formation des personnels est prégnante pour la DTPJJ et le directeur du centre.

Contrairement à ce qui a pu se passer pour d'autres CEF, celui de Châtillon-sur-Seine a bénéficié d'un fort soutien du maire, compte tenu, notamment, de la nécessité de soutenir l'économie locale. Présent lors de la visite de votre rapporteur, il s'est montré très satisfait de l'expérience.

Comme dans d'autres CEF, le séjour des mineurs est organisé en trois modules de deux mois. Lors du premier module, les jeunes ne quittent pas le centre et se consacrent à des travaux de menuiserie dans l'atelier interne, au sport et aux cours dispensés par un professeur des écoles. Les jeunes poursuivent ces activités dans le cadre des deuxième et troisième modules mais avec une ouverture croissante à l'extérieur sous la forme de stages en entreprises. En effet, le CEF dispose d'un réseau d'une quarantaine de petites entreprises locales qui accueillent les mineurs en formation. Les jeunes participent également à des chantiers sous la conduite d'un professeur de génie civil (ont ainsi été menées à bien des travaux de rénovation du château de Montfort et la construction d'un escalier dans la gendarmerie de Châtillon-sur-Seine).

Les responsables du centre ont fait état de la difficulté de « gérer » la mixité au sein d'un CEF. Si une majorité de CEF n'accueille que des jeunes gens (l'un d'entre eux n'accueillant, à Doudeville, que des jeunes filles), un certain nombre sont mixtes. Toutefois, la présence des jeunes filles est conçue pour être minoritaire, et les demandes sont naturellement beaucoup moins nombreuses. Le CEF de Châtillon-sur-Seine a ainsi parfois accueilli des jeunes filles, mais la cohabitation avec les jeunes gens a été difficile. Au total, les responsables de la PJJ ont estimé que, faute d'avoir été suffisamment pensée, la mixité dans les CEF ne fonctionne pas réellement.

Par ailleurs, les interlocuteurs de votre rapporteur ont souligné la prégnance des difficultés d'ordre psychologique et psychiatrique des mineurs du centre. Si une psychologue est présente au centre et si un partenariat a été mis en place avec un psychiatre de Montbard, le renforcement « santé mentale » du centre n'est pas effectif du fait de l'absence de réel « parcours de santé mentale » mis en place pour les jeunes avec les partenaires locaux. De manière plus générale, il est difficile d'assurer une continuité de la prise en charge psychiatrique pour des jeunes qui connaissent de nombreuses ruptures de parcours et qui sont souvent placés dans des établissements loin de leur lieu de résidence, où ils étaient parfois suivis depuis plusieurs années par un psychologue ou un psychiatre.

Toutefois, pour autant que votre rapporteur a pu en juger au cours de sa visite, le CEF de Châtillon-sur-Seine semble bien fonctionner. En particulier, le taux d'occupation est bon, les placements d'une durée raisonnablement longue et le nombre d'incidents relativement peu élevé (stable autour de 20 par an). Le nombre de mineurs dont le séjour a été interrompu pour une incarcération (à la suite d'agressions contre le personnel, sur d'autres jeunes ou de fugues) est également modéré (5 en 2012 et 5 en 2013).

V. LES EFFORTS ENGAGÉS POUR GARANTIR UNE PRISE EN CHARGE DE QUALITÉ ÉGALE SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), s'est vue confier la charge de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs (civile et pénale) et la coordination des institutions intervenant à ce titre, par le décret du 9 juillet 2008. Elle est garante de la bonne exécution des décisions de la justice des mineurs, quels qu'en soient les opérateurs .

Rappelons qu'en matière de protection de l'enfance, les compétences sont réparties entre les conseils généraux (pour la protection administrative) et l'Etat (pour la protection judiciaire). Les actions de protection sont exercées par un dispositif de services et d'établissements faisant l'objet d'habilitations par les conseils généraux et/ou les préfets (les directions territoriales de la PJJ sont alors les organismes instructeurs). Le financement des prises en charge des mineurs au titre des mesures administratives et judiciaires civiles est à la charge des conseils généraux depuis la réforme de 1986, confirmée par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Le financement des actions éducatives dans le cadre pénal au titre de l'ordonnance du 2 février 1945 relève de la compétence exclusive de l'État.

Enfin, dans les deux domaines, pénal et civil, les investigations judiciaires sont de la compétence exclusive de l'État (secteurs public et associatif habilité à ce titre) et financées par lui.

Une telle organisation nécessite une analyse conjointe des besoins en matière de protection de l'enfance dans chaque département entre le conseil général, la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse et les juridictions . La circulaire d'orientation du 6 mai 2010, relative au rôle de l'institution judiciaire dans la mise en oeuvre de la réforme de la protection de l'enfance, clarifie la répartition des compétences entre la PJJ et les conseils généraux. Elle rappelle ainsi la nécessaire contribution de l'institution judiciaire à la définition d'une politique coordonnée de protection de l'enfance avec les conseils généraux.

Ainsi, deux types d'instances contribuent au repérage et au suivi des situations de mineurs en danger : les observatoires de la protection de l'enfance (ODPE) et les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP). En outre, la commande publique coordonnée entre la DPJJ et les conseils généraux et la réalisation d'audits conjoints entre la DPJJ et les conseils généraux contribuent également à l'harmonisation de la prise en charge sur le territoire national.

1. Les observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE)

L'ODPE, placé sous l'autorité du président du conseil général, est, en vertu de la loi du 5 mars 2007 précitée, l'outil de suivi de la mise en oeuvre du volet protection de l'enfance du schéma départemental d'organisation sociale et médico-sociale. Il comprend des représentants du conseil général, du tribunal de grande instance, des services de l'État (en particulier la PJJ) ainsi que de services, d'établissements et d'associations concourant à la protection de l'enfance.

D'une part, l'ODPE est chargé du recueil, de l'examen et de l'analyse des données relatives à l'enfance en danger dans le département, en s'appuyant notamment sur les informations anonymisées transmises par la CRIP. Ces données, qui font également l'objet d'une transmission à l'Observatoire national de l'enfance en danger (ONED), permettent d'améliorer la connaissance des populations prises en charge par l'aide sociale à l'enfance. D'autre part, la circulaire du 6 mai 2010 précitée exigeant une contribution forte de l'institution judiciaire à la formulation d'analyses et de propositions, cette formulation peut avoir lieu dans le cadre de l'ODPE, de manière à améliorer la concertation sur l'élaboration et le suivi de la politique départementale en matière de protection de l'enfance.

Dans son dernier rapport de mai 2013, l'observatoire national de l'enfance en danger (ONED) relevait qu'à la fin 2012, plus de la moitié des départements avaient installé leurs observatoires et que 19 le prévoyaient à court terme. L'ONED souligne par ailleurs que si les missions de l'ODPE sont définies par la loi de 2007, cette dernière ne pose pas de cadre juridique structurel et pérenne pour cette instance, de sorte qu'elle reste tributaire des moyens que ses membres veulent bien lui consacrer.

2. Les cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP)

La loi du 5 mars 2007 précité a prévu la mise en place dans chaque département d'une cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP). Des protocoles relatifs à la mise en oeuvre des CRIP entre le président du conseil général, le représentant de l'État dans le département et les partenaires institutionnels concernés par la protection de l'enfance et le procureur de la République ont ainsi été signés.

La CRIP a une fonction d'orientation des informations préoccupantes qui lui sont transmises. Elle a pour rôle de les centraliser et les évaluer afin de mieux repérer les situations qui nécessitent une intervention. Le cas échéant, elle est chargée de leur traitement, ce qui implique soit la protection de l'enfance contractualisée, soit la saisine de l'autorité judiciaire. La CRIP joue ainsi un rôle important dans la clarification des compétences entre l'autorité judiciaire et le conseil général, en harmonisant des critères de saisine du procureur de la République.

Dans son rapport de mars 2012, l'ONED faisait état de la mise en oeuvre d'une CRIP dans chacun des 101 départements. Toutefois, les signataires des protocoles peuvent varier. En dehors des signataires habituels que sont le Conseil général, le tribunal, le préfet et la PJJ, l'éducation nationale participe dans 88 % des départements, les hôpitaux dans 52 % et des associations dans 30 %.

3. Une commande publique coordonnée entre la DPJJ et les conseils généraux en matière de protection de l'enfance

En application de la circulaire du 6 mai 2010 précitée, les directions territoriales de la PJJ définissent leur politique d'habilitation des établissements en concertation avec les juridictions mais également avec les conseils généraux, afin d'organiser conjointement le dispositif de protection de l'enfance dans son volet judiciaire, civil comme pénal.

En outre, la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, a introduit la notion de « commande publique coordonnée de l'État et des conseils généraux » vis-à-vis des associations. Ainsi, les besoins en matière d'équipements en protection de l'enfance, ainsi que la procédure d'appel à projet à laquelle répondent les associations pour pourvoir à ces besoins, doivent être définis conjointement. Cette évolution renforce encore la concertation entre l'État et les conseils généraux.

4. La réalisation d'audits conjoints DPJJ/ conseils généraux

Depuis septembre 2008, la DPJJ s'est progressivement dotée d'une capacité à mener des audits :

- en 2009, 110 audits ont été effectués, dont les deux tiers concernaient des établissements et services du secteur associatif habilité ;

- en 2010, 218 audits ont été effectués, dont les trois quarts concernaient des établissements et services du secteur associatif habilité ;

- en 2011, 222 audits ont été réalisés, 120 dans le secteur public et 102 dans le secteur associatif habilité ;

- enfin en 2012, 203 audits ont été réalisés, 106 dans le secteur public et 97 dans le secteur associatif habilité.

Or, au 30 avril 2013, 55 conventions ont été signées avec les conseils généraux en vue de réaliser des audits conjoints . Au total, de 2009 à fin 2012, 139 audits conjoints ont été réalisés. Dans ce cadre, 32 personnels des conseils généraux ont participé en 2013 à la formation des auditeurs dispensée par l'Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse. Au total, 146 auditeurs (PJJ et ASE) ont été formés au cours des 8 sessions réalisées depuis 2009 à l'ENPJJ.

Enfin, il convient de souligner que la mise en oeuvre de la MJIE (cf. ci-dessus) permet à la DPJJ de disposer d'une visibilité sur un grand nombre d'actions menées dans le champ de la protection de l'enfance, et contribue ainsi aux efforts d'uniformisation de la prise en charge des mineurs en danger sur l'ensemble du territoire national.

Au bénéfice de ces observations, votre commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme n° 182 : « protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « justice » du projet de loi de finances pour 2014.

*

* *

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

I - À Paris

Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ)

- Mme Catherine Sultan , directrice de la protection judiciaire de la jeunesse

- M. Ludovic Fourcroy , adjoint au sous-directeur du pilotage et de l'optimisation des moyens

Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)

- Mme Evelyne Monpierre , secrétaire générale

- Mme Christina Rinaldis, secrétaire générale adjointe

CGT-PJJ

- M. Alain Dru , secrétaire général

Fédération citoyens et justice

- M. Denis l'Hour, directeur général

- Mme Jeanne Clavel , administratrice et présidente de la commission « Justice des mineurs »

UNSA SPJJ

- M. Laurent Hervé , secrétaire général

- Mme Catherine Berthe , secrétaire générale adjointe

Syndicat national des personnels de l'éducation surveillée - Fédération syndicale unitaire (SNPES -PJJ-FSU):

- M. Michel Faujour , secrétaire national

- Mme Maria Ines , secrétaire nationale

TABLE RONDE

Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS)

- Mme Samia Darani , conseillère technique enfance, famille, jeunesse

- M. Benoit Menard , directeur général de l'Uniopss

Fédération nationale des services sociaux spécialisés (FN3S)

- M. Michel Folliot , président

- M. Denis Benainous , vice-président

Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE)

- Mme Fabienne Quiriau , directrice générale

- M. Gilles Davaine, directeur administratif et financier

II - Déplacement à Châtillon-sur-Seine

- Mme Corinne Lambey Martin , directrice territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse de la Côte d'Or-Saône et Loire.

- Mme Caroline Gilet , responsable des politiques institutionnelles à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse de la Côte d'Or-Saône et Loire.

- M. Laurent Dequincey , conseiller technique insertion à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse de la Côte d'Or-Saône et Loire.

- M. Hubert Brigand , maire de Châtillon-sur-Seine.

- M. Philippe Servellera , directeur du centre éducatif fermé de Châtillon-sur-Seine.

- Mme Charlène Vigoureux , responsable d'unité.

- Mme Céline Brion , vice-présidente du tribunal de grande instance de Dijon, juge des enfants coordonnateur.

- Mme Caroline Noirot , vice-procureure en charge des mineurs du tribunal de grande instance de Dijon.

- M. Pascal Avezou , responsable du département de l'offre de soins de l'agence régionale de santé Bourgogne.

- M. Didier Spelthahn , commandant de la compagnie de gendarmerie de Montbard.

- M. Sylvain Tetu , directeur du centre éducatif renforcé 21 et Mme Martine Lorans , directrice du service d'investigations éducatives/action éducative en milieu ouvert (Association côte d'orienne pour le développement et la gestion d'actions sociales et médico-sociales - Acodege)

- M. Firmin Agbogba , responsable de l'unité éducative d'activité de jour de Dijon.

- Mme Angélique Dalliere , directrice du service territorial éducatif de milieu ouvert et d'insertion de Dijon.

Ainsi que les personnels du centre éducatif fermé de Châtillon-sur-Seine.


* 1 Le compte rendu de l'audition de la garde des Sceaux est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/lois.html#toc2.

* 2 Le compte rendu de la réunion de commission est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20121119/lois.html.

* 3 Les missions de la PJJ ont été redéfinies dans le décret n° 2008 689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice, qui lui assigne trois missions : concevoir les normes et les cadres d'organisation de la justice des mineurs ; garantir à l'autorité judiciaire une aide à la décision tant en matière civile (protection de l'enfance en danger) qu'en matière pénale (application de l'ordonnance n°45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante) ; prendre en charge les mineurs délinquants, en exécutant les mesures éducatives, sanctions éducatives et peines prescrites par les juridictions pour mineurs.

* 4 À l'exception des mesures d'investigation au civil qui continuent à être intégralement financées par l'État.

* 5 « Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs? » Rapport d'information de MM. Jean-Claude Peyronnet et François Pillet, fait au nom de la commission des lois n° 759 (2010-2011) - 12 juillet 2011
http://www.senat.fr/rap/r10-759/r10-759.html

* 6 Actuellement, le paiement intervient mensuellement, soit à service fait, avec des délais de paiement de moins d'un mois, soit de manière anticipée lorsqu'une convention de financement par douzième mensuel existe entre l'association et la PJJ.

* 7 Il convient de garder à l'esprit que ces données sont susceptibles de refléter à la fois une augmentation réelle de la délinquance juvénile et une plus grande activité des services enquêteurs.

* 8 Les structures compétentes pour mettre en oeuvre la MAJ sont des services du secteur public ou du secteur associatif habilité de la PJJ. Si la MAJ peut s'exécuter (mise en place de l'activité de jour) auprès des services territoriaux éducatifs d'insertion (STEI), des services territoriaux éducatifs de milieu ouvert et d'insertion (STEMOI) ou des établissements de placement éducatif et d'insertion (EPEI), elle est nécessairement mise en oeuvre (suivi du mineur tout au long de la mesure) par un service territorial éducatif de milieu ouvert (STEMO) ou un service territorial éducatif de milieu ouvert et d'insertion (STEMOI) qui, désigné par le juge des enfants, en assure le suivi.

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