II. DES RÉFORMES TENDANT À RENFORCER L'EFFICACITÉ DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES FACE À L'ÉVOLUTION DE LEURS MISSIONS

Après l'échec d'une réforme globale ambitieuse portée par l'ancien premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, en 2009, un certain nombre de dispositions touchant aux juridictions financières ont été introduites dans différents textes, en particulier dans la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles.

A. UNE RÉFORME DU FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

1. L'achèvement de la réforme de la carte des juridictions financières

La loi du 13 décembre 2011 a fixé à vingt, le nombre de chambres régionales des comptes pour la métropole et les régions d'outre-mer (contre vingt-sept par le passé). Ces regroupements ont ensuite été décidés par décret 5 ( * ) .

Carte des chambres régionales des comptes regroupées

Source : site internet de la Cour des comptes http://www.ccomptes.fr/

Les regroupements étaient rendus nécessaires par le fait que certaines juridictions ne comportaient plus que trois ou quatre magistrats, et ne pouvaient plus faire face à la multiplication de leurs missions et à la complexité croissante des sujets qu'elles avaient à traiter.

L'objectif de la réforme était de permettre à chaque CRTC d'atteindre une taille critique , en magistrats et en personnel de contrôle, pour être la plus efficace et la plus opérationnelle possible 6 ( * ) . Deux voies étaient envisageables : une augmentation sensible des effectifs ou une réorganisation des juridictions. Dans le contexte budgétaire actuel, la seconde solution l'a emporté.

À ce jour, les sièges des juridictions supprimées ont été fermés. 50 % des agents concernés par la réforme dont 86 % pour les seuls magistrats, ont rejoint une autre chambre régionale ou territoriale des comptes.

Au-delà des économies budgétaires attendues de la réforme, votre rapporteur s'est interrogé sur l'impact qu'elle a eu sur l'activité des juridictions et sur la situation des personnels.

a) Un coût inférieur à celui envisagé

L'essentiel du coût de la réforme a été supporté sur les exercices 2012 et 2013.

Pour 2014, l'impact budgétaire de la restructuration de la cartographie des juridictions financières est estimé à 0,6 million d'euros :

- 0,27 million d'euros pour les dépenses de personnel, au titre du dispositif d'accompagnement. Elle a bénéficié à 195 collaborateurs (18 % des effectifs totaux des CRTC) ;

- 0,33 million d'euros hors titre 2, dont l'essentiel porte sur des travaux immobiliers ou informatiques liés aux regroupements.

Sur le titre 3, plus précisément, si une économie globale de 0,95 million d'euros est attendue en crédits immobiliers, en raison du regroupement de 7 CRC (fermeture des sièges), celle-ci a été absorbée par les dépenses d'aménagement et de mises aux normes des locaux des CRC regroupées.

Le coût total de la réforme avait été chiffré l'an dernier à 13,43 millions d'euros, puis à 12 millions d'euros. Il est finalement en dessous de ce montant, puisqu'il est évalué à 7,19 millions d'euros de 2012 à 2016.

Cette réévaluation à la baisse s'explique par le nombre de mobilités externes qui s'est finalement avéré plus faible que la prévision. En effet, sur les 195 personnels concernés (51 magistrats et 144 agents), 96 (44 magistrats et 52 agents) ont choisi de rester au sein des juridictions financières, soit en intégrant la chambre de regroupement, soit en étant affectés à la chambre de leur choix.

Cette réforme structurelle devrait néanmoins, à terme, engendrer des économies qui sont pour l'instant difficile à chiffrer. Cependant, selon les services de la Cour des comptes, les coûts de ces regroupements en fonctionnement et investissement (hors dépenses de personnel), environ 3,71 millions d'euros, seront compensés en quatre ans par les économies réalisées.

b) Une réforme menée dans des conditions satisfaisantes

• L'achèvement de l'accompagnement des magistrats et personnels concernés

La restructuration de la carte des juridictions concernait 18 % des effectifs des CRTC, soit 195 personnes , dont 144 agents administratifs qui occupaient des fonctions d'assistant de vérification et de soutien (73,6 % d'agents de catégories B et C) et 51 magistrats. Or, si les magistrats sont statutairement mobiles, ce n'est pas le cas des personnels administratifs.

Un plan d'accompagnement a été mis en oeuvre à partir du 2 avril 2012 pour permettre de traiter, au cas par cas, la situation de tous les personnels touchés . Les mouvements de magistrats sont désormais achevés et ceux des personnels se termineront au 31 décembre 2013.

Ce protocole a comporté d'une part, des mesures indemnitaires et sociales d'accompagnement à la mobilité géographique 7 ( * ) et, d'autre part, un dispositif de reclassement des personnels favorisant les mouvements externes vers d'autres administrations sans mobilité géographique.

M. Jean-Yves Marquet, secrétaire général adjoint de la Cour des comptes, entendu par votre rapporteur, a souligné le fait qu'aucune mobilité n'avait été imposée .

La mobilité des personnels dans le cadre des regroupements de CRC

Les regroupements ont concerné 195 personnes, dont 144 agents administratifs et 51 magistrats. Le protocole d'accompagnement prévoyait que les magistrats et les agents bénéficient d'une affectation de plein droit à la chambre régionale des comptes compétente sur le ressort de leur affectation initiale. S'ils ne souhaitaient pas bénéficier de cette affectation et s'ils envisageaient une mutation vers une autre juridiction, leur demande devait être traitée en priorité. Dans ce cadre, tous les personnels ont obtenu l'affectation de leur choix.

La mobilité interne a concerné 96 personnes (44 magistrats et 52 agents), soit 48,2 % de l'ensemble des mouvements. 26 magistrats ont rejoint les chambres de regroupement et 18 ont obtenu une affectation correspondant à leur premier choix au sein d'une autre juridiction. Les derniers mouvements sont intervenus au cours du premier trimestre 2013.

En ce qui concerne les agents, 33 ont accepté d'être mutés à la chambre de regroupement et 19 ont obtenu l'affectation de leur choix. Parmi ces agents, 18 d'entre eux, bien que détachés d'une autre administration, sont restés au sein des juridictions financières. Les mutations des agents sont intervenues majoritairement entre la fin de l'année 2012 et le premier trimestre 2013.

Quant à la mobilité externe , compte tenu de leurs obligations et incompatibilités statutaires, les magistrats pouvaient difficilement obtenir un détachement sur place. Seuls 6 magistrats détachés d'une autre administration (soit 11,7 % d'entre eux), ont souhaité être réintégrés, et un magistrat a demandé à être admis à la retraite.

Des conventions ont été conclues entre le Premier président et les préfets de région concernés pour favoriser l'accueil des agents des juridictions financières au sein des services de la direction générale des finances publiques.

61 agents des juridictions financières ont été ou seront détachés dans une autre administration (44 en directions régionales des finances publiques) et 21 agents ont été réintégrés dans leur administration d'origine. Par ailleurs, 2 agents ont demandé à bénéficier de l'indemnité de départ volontaire, 5 agents sont partis à la retraite, un agent a bénéficié d'une mise en disponibilité pour convenance personnelle, un agent a été placé en congé longue maladie et un agent est décédé.

Toutes les situations individuelles ont été prises en compte et auront été traitées à la fin de l'année 2013.

• L'objectif d'un retour à un niveau d'effectifs comparable à celui antérieur à la réforme

Théoriquement, la réforme devait se faire à effectifs constants , et permettre une organisation plus rationnelle et plus efficace des moyens humains. Dans les faits , les regroupements se sont traduits par une diminution des effectifs des chambres fusionnées .

Effectifs des CRTC avant et après la réforme 8 ( * )

CRC avant regroupements (31/12/11)

/après regroupements (01/09/2013)

A+

A

B

C

Total

CRC Aquitaine + CRC Poitou-Charentes

28

17

21

22

88

CRC regroupée Aquitaine, Poitou-Charentes

27

15

18

15

75

CRC Auvergne + CRC Rhône-Alpes

34

28

25

28

115

CRC regroupée Auvergne, Rhône-Alpes

37

25

17

25

104

CRC Bourgogne + CRC Franche-Comté

14

14

12

18

58

CRC regroupée Bourgogne, Franche-Comté

14

11

14

16

55

CRC Centre + CRC Limousin

14

13

16

19

62

CRC regroupée Centre, Limousin

14

10

13

16

53

CRC Champagne-Ardenne + CRC Lorraine

19

13

19

21

72

CRC regroupée Champagne-Ardenne, Lorraine

22

12

14

15

63

CRC Nord-Pas de Calais + CRC Picardie

29

17

20

26

92

CRC regroupée Nord-Pas de Calais, Picardie

30

14

17

23

84

CRC Basse-Normandie + CRC Haute-Normandie

16

12

13

20

61

CRC regroupée Basse-Normandie, Haute-Normandie

18

14

11

14

57

Total CRC avant regroupements

154

114

126

154

548

Total CRC après regroupements

162

101

104

124

491

Source : commission des lois à partir des données fournies par les services de la Cour des comptes.

Cependant, cet état de fait ne devrait être que temporaire . En effet, les CRC concernées n'ont pas encore totalement compensé les départs provoqués par les regroupements et notamment les départs en septembre 2013 de 44 agents vers les services de la direction générale des finances publiques. Ils devraient être compensés par des recrutements à la fin du dernier trimestre 2013 ou au cours du premier trimestre 2014. À titre d'exemple, il manque encore 14 assistants de vérification à la CRC Auvergne, Rhône-Alpes, cette chambre rencontrant des difficultés de recrutement.

L'objectif affiché par la Cour des comptes est de revenir rapidement à un niveau d'effectifs comparable à celui antérieur à la réforme, le plafond d'emplois restant stable à 1 840 ETPT pour 2014.

Pour autant, votre rapporteur sera particulièrement vigilant concernant ce point l'an prochain car, si l'effectif théorique est maintenu au même niveau qu'avant la réforme, la consommation d'emplois peut demeurer bien en deçà des prévisions . En 2012, en pleine phase de mise en oeuvre de la réforme, certes, 57 ETPT n'étaient pas pourvus.

• L'occasion d'une revalorisation professionnelle des effectifs

Si l'ambition affichée de la réforme était de maintenir un niveau d'effectifs constant, elle a eu cependant pour objet de revoir la répartition des effectifs entre la fonction de soutien et la fonction de contrôle .

Les métiers des juridictions financières ont évolué avec les années et le développement des nouvelles technologies de l'information et de communication. Avec la dématérialisation des dossiers et des procédures, l'accès aux ressources juridiques par internet, les fonctions de greffiers, documentalistes ou archivistes ont changé.

La réforme a donc permis de mutualiser les fonctions « support » des chambres regroupées et de renforcer parallèlement les ressources affectées aux missions de contrôle (magistrats et assistants de vérification).

Ce mouvement a été accompagné par la mise en place d' une politique de recrutement en faveur de personnels de catégories A et A+, et de profils diversifiés pour faire face à la multiplication des missions des juridictions.

Ainsi, la chambre régionale des comptes de Basse-Normandie, Haute-Normandie, dans laquelle votre rapporteur s'est rendu, est désormais dotée d'une structure administrative équivalente à celle qui existait avant la réforme pour la seule CRC de Haute-Normandie, renforcée de deux personnes. Corrélativement à cette réduction des effectifs de soutien, le président de la juridiction, M. Frédéric Advielle, a estimé que la force de contrôle avait été renforcée de 20 % et que la masse salariale allait augmenter, compte tenu du recrutement de personnels plus qualifiés.

Si la période préparatoire de la réforme a été longue et éprouvante pour les personnels, perçue comme la « chronique d'une mort annoncée des juridictions financières », pour reprendre l'expression utilisée par Mme Catherine de Kersauson, vice-présidente de l'association des présidents des chambres régionales des comptes, entendue par votre rapporteur, la mise en oeuvre s'est déroulée de manière relativement apaisée.

Les personnels administratifs rencontrés par votre rapporteur lors de son déplacement en Normandie ont estimé qu'après un démarrage très dur, le regroupement fonctionnait bien.

Votre rapporteur tient ici à rendre un hommage particulier aux magistrats et personnels , dont l'investissement sans failles a permis à la réforme d'être mise en oeuvre dans le calendrier imparti et de manière satisfaisante.

• Les conditions matérielles d'exercice par les personnels de leurs activités

Quant à l'installation des personnels, 2,9 millions d'euros ont été consacrés en 2012 et 2013 aux opérations d'aménagement des locaux d'accueil des CRC de regroupement. Les regroupements ont été opérés principalement sur des immeubles domaniaux ou pris à bail emphytéotique de longue durée.

Les chambres ont pu accueillir sur un lieu unique , l'ensemble du personnel au cours ou après les travaux, en densifiant leur occupation dans certains cas, mais selon les normes d'occupation fixées par l'Etat.

En outre, pour tenir compte notamment de l'élargissement du ressort territorial des CRC regroupées, une augmentation des frais de déplacement des magistrats et de leurs assistants a été prévue (2,6 millions d'euros, soit + 0,1 million d'euros par rapport à 2013). Un arrêté du 14 mars 2013 a uniformisé sur l'ensemble du territoire, le taux forfaitaire plafond de remboursement de l'hébergement lors des déplacements. Il est ainsi passé de 50 à 60 euros par nuit , soit le taux maximum prévu par la réglementation.

Cette revalorisation est insuffisante selon les représentants du syndicat des juridictions financières unifié, entendus par votre rapporteur, et les personnels rencontrés lors de son déplacement en Normandie. Elle ne couvre pas le coût de l'hébergement en Île-de-France ou dans certaines zones particulièrement touristiques, notamment en période de haute affluence des vacanciers.

À cet égard, votre rapporteur tient effectivement à relever que, mise à part cette évolution, le cadre réglementaire et les plafonds financiers des remboursements des missions, applicables à l'ensemble des services de l'Etat, n'ont pas évolué depuis 2006.

Enfin, à l'heure des procédures dématérialisées, et alors que des systèmes de cryptage performants existent pour assurer la confidentialité des données, le télétravail est apparu comme une revendication très forte des personnels des juridictions financières, entendus par votre rapporteur lors des auditions qu'il a organisées et du déplacement en Normandie qu'il a effectué.

Les représentants de l'association des présidents de chambres régionales des comptes et le secrétaire général adjoint de la Cour des comptes, M. Jean-Yves Marquet, entendus par votre rapporteur, ont adopté une posture prudente sur cette question.

Contrairement aux magistrats des juridictions administratives ou de la Cour des comptes qui traitent seuls leurs dossiers, le travail en juridictions financières a pour particularité d'être collégial et d'associer assistants de vérification et magistrats.

Le télétravail pourrait constituer une entrave aux échanges, alors même que les juridictions financières doivent faire face à une complexification des règles de gestion des collectivités territoriales et que la spécialisation accrue des magistrats et des personnels, induite par les regroupements, est un facteur supplémentaire d'isolement.

Le système existe déjà pour quelques personnes, dans le cadre de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou en raison de leur état de santé. Le Premier président de la Cour des compte a indiqué à plusieurs reprise qu'il entendait poursuivre les échanges autour de l'élargissement des modalités de recours au télétravail, au-delà des situations de santé qui le justifient.

Cependant, M. Jean-Yves Marquet a fait remarquer à votre rapporteur que le protocole à mettre en place au domicile de la personne, pour assurer la sécurisation des données, était lourd et couteux et ne pourrait être généralisé.

Dès lors, si le télétravail peut présenter des avantages certains, ponctuellement, il ne pourra être systématisé pour l'ensemble des juridictions.

De plus, conformément à la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, les conditions de recours au télétravail doivent être précisées par décret en Conseil d'Etat. Ce texte serait en cours de préparation.

Votre rapporteur souhaite donc interroger le Gouvernement sur l'état d'avancement de ce décret et sur la date prévue pour sa publication.

c) Une dynamique nouvelle générée par les regroupements

Dans un premier temps, avec l'élargissement des ressorts, l'inquiétude était grande de voir le contrôle de la bonne gestion des fonds publics diminuer au profit des enquêtes, demandées par le Parlement ou le Gouvernement.

Après deux ans de restructurations, les opérations de contrôle semblent avoir atteint, dans la plupart des juridictions regroupées, un niveau équivalent, sinon supérieur, à celui antérieur à la réforme. Il en est de même du nombre de déplacements effectués.

La diminution du nombre de contrôles observée dans certaines CRC en 2013 (alors même que cette diminution ne sera pas forcément avérée en fin d'année), pourrait s'expliquer par le faible nombre de magistrats comme d'assistants de vérification ayant fait le choix de rejoindre le siège de la chambre des comptes de regroupement. Il en résulte mécaniquement une baisse de l'effectif total que les recrutements engagés compensent progressivement avec, dans un certain nombre de situations, un délai d'apprentissage à intégrer.

Contrôles programmés (PG)/ exécutés (EX) par les CRC

2008

2009

2010

2011

2012

2013 9 ( * )

CRC Aquitaine, Poitou-Charentes

PG

454

424

383

542

301

264

EX

454

424

383

537

291

122

CRC Auvergne, Rhône-Alpes

PG

191

354

342

595

302

941

EX

191

354

342

595

284

534

CRC Basse-Normandie, Haute-Normandie

PG

377

249

299

279

262

297

EX

377

249

299

279

276

155

CRC Bourgogne, Franche-Comté

PG

441

236

185

256

310

159

EX

441

236

185

245

295

95

CRC Centre, Limousin

PG

261

214

168

287

194

425

EX

261

214

167

285

189

214

CRC Champagne-Ardenne, Lorraine

PG

205

542

299

280

266

286

EX

205

542

298

276

252

105

CRC Nord-Pas de Calais, Picardie

PG

512

745

412

284

281

533

EX

512

745

412

284

279

233

Source : Cour des comptes.

Déplacements effectués dans le cadre des activités de contrôle

2008

2009

2010

2011

2012

Prévision

2013

CRC Aquitaine, Poitou-Charentes

90

92

81

13

19

105

CRC Auvergne, Rhône-Alpes

145

159

112

132

170

170

CRC Basse-Normandie, Haute-Normandie

106

107

108

138

106

150

CRC Bourgogne, Franche-Comté

151

140

119

160

123

48

CRC Centre, Limousin

69

72

68

67

54

37

CRC Champagne-Ardenne, Lorraine

245

383

318

306

218

286

CRC Nord-Pas de Calais, Picardie

140

343

310

263

316

430

Source : commission des lois à partir des données fournies par les services de la Cour des comptes.

Selon Mme Catherine de Kersauson, vice-présidente de l'association des présidents de chambres régionales des comptes, entendue par votre rapporteur, la réforme aurait donné un nouveau souffle au contrôle sur place .

Outre une nouvelle répartition et une requalification des effectifs en faveur de la fonction de contrôle ( cf supra ), la concentration a permis aux chambres régionales des comptes d'atteindre une taille critique et de renforcer leur spécialisation par la constitution de sections supplémentaires, compétentes sur une thématique ou sur un secteur géographique donné.

Finalement, malgré des ressorts plus étendus et moins homogènes dans certains cas, les regroupements semblent avoir accru les capacités de contrôle de juridictions financières qui ne comportaient parfois, avant la réforme, que trois ou quatre magistrats, ce qui limitait le nombre de déplacements. M. Jean-Yves Marquet, secrétaire général adjoint de la Cour des comptes, entendu par votre rapporteur, a estimé que le contrôle organique et le contrôle de gestion constituaient 60 % de la programmation des travaux des CRC.

De plus, les présidents de chambre et les présidents de section sont particulièrement sensibilisés à l'importance de nouer des contacts avec les principaux ordonnateurs des collectivités et organismes relevant du ressort territorial de leurs chambres respectives, que cela soit par des rencontres individuelles (avec les préfets et les directions régionales des finances publiques notamment) ou dans le cadre des réunions annuelles des associations d'élus, par exemple. De telles pratiques permettent de confronter les différentes visions pour ne pas passer à côté de sujets méritant un contrôle.

Par ailleurs, selon M. Frédéric Advielle, secrétaire général de l'association des présidents de chambres régionales des comptes et président de la CRC Basse-Normandie, Haute-Normandie, la réforme a également permis d'apporter une capacité d'expertise renforcée aux collectivités territoriales, particulièrement en demande, notamment concernant l'exercice de leurs nouvelles compétences en matière fiscale.

S'il est encore un peu tôt pour dresser un bilan complet de la réforme de la carte des juridictions financières, il semble à votre rapporteur qu'elle a eu un effet bénéfique sur l'activité de la plupart des juridictions concernées. Les regroupements semblent avoir permis des réorganisations, une spécialisation dans certains domaines, une plus grande professionnalisation et des gains de productivité.

Cet avis n'est pas partagé par M. Vincent Sivré, président du syndicat des juridictions financières unifié, entendu par votre rapporteur. S'il estime également qu'il faudra attendre 2014 pour dresser un véritable bilan de la réforme, son sentiment est que l'activité de contrôle est en recul. Les délais entre deux contrôles d'une entité s'allongeraient et il n'y aurait plus de contrôle des collectivités de petite taille voire de taille moyenne, en raison du relèvement du seuil de l'apurement administratif ( cf. infra ), et de l'augmentation des missions des juridictions.

2. La rénovation des méthodes de travail des juridictions financières
a) Une harmonisation des pratiques professionnelles

La loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles permet au Premier président de la Cour des comptes de fixer des normes professionnelles auxquelles les membres des juridictions financières devront se conformer. Ces normes sont arrêtées après avis du Conseil supérieur compétent.

Un arrêté en ce sens a été pris par le Premier président le 17 juillet 2013 pour définir les normes générales applicables au contrôle. Ce texte sera complété d'annexes détaillées pour les différents métiers des juridictions financières.

M. Jean-Yves Marquet, secrétaire général adjoint de la Cour a précisé à votre rapporteur, que cette démarche ne portait pas atteinte à l'indépendance des magistrats mais constituait la mise en place d'un simple outil de formalisation des méthodes de travail.

Le président du syndicat des juridictions financières unifié, M. Vincent Sivré, entendu par votre rapporteur a admis la nécessité d'une telle démarche. Il a cependant attiré son attention sur le fait que ces normes ne devraient pas être une simple transposition des règles définies au niveau international par les grands cabinets d'audit, mais véritablement adaptées à l'activité des chambres régionales et territoriales des comptes.

Votre rapporteur suivra donc avec attention au cours de l'année à venir, la mise en place de ce nouvel outil.

Parallèlement, afin de mieux coordonner les méthodes de travail et de développer des outils de contrôle homogènes, un centre d'appui métiers a été constitué à l'automne 2012 à la Cour des comptes, à destination de l'ensemble des juridictions financières. Il a vocation à favoriser le partage des meilleures pratiques, l'élaboration d'outils d'aide au contrôle et la mise en commun des connaissances.

Enfin, la présentation des rapports des juridictions financières a été également rénovée. Désormais, comme pour les rapports de la Cour des comptes, les rapports des chambres régionales et territoriales des comptes commenceront par une synthèse et comporteront des recommandations . Le suivi de ces recommandations sera assuré, comme pour la Cour, par l'indicateur 2.1 du projet annuel de performances.

b) Un renforcement de l'efficacité des formations inter-juridictions

La loi du 13 décembre 2011 a également modifié le second alinéa de l'article L. 111-9-1 du code des juridictions financières relatif aux modalités de fonctionnement et aux compétences des formations inter-juridictions (FIJ), constituées entre la Cour et des CRTC ou entre des CRTC 10 ( * ) . Le Premier président a signé, dès le 21 février 2012, une instruction relative aux formations communes à la Cour et aux CRC, prise après avis des Conseils supérieurs de la Cour et des CRC.

A la place d'un système dans lequel chaque juridiction conduisait les travaux qui lui incombaient, délibérait sur ses résultats, tandis que la FIJ n'adoptait que la synthèse et les suites à donner, la loi instaure un système dans lequel la FIJ statue sur les orientations des travaux, les conduit, délibère sur leurs résultats, en adopte la synthèse et les suites à donner.

Selon la Cour des comptes, grâce à cette réforme, les juridictions financières sont en mesure de répondre dans un délai beaucoup plus court aux demandes d'enquête , émanant du Parlement et du Gouvernement, qui concernent à la fois le champ de compétence de la Cour et celui des CRC.

Jusqu'à la loi du 13 décembre 2011, dans ce cas de figure, s'additionnaient les délais propres à chaque CRC, ceux propres à la Cour, puis ceux de la FIJ, ce qui ne permettait pas la réalisation de ces travaux dans des délais raisonnables.

De 2008 jusqu'à fin 2010, le délai moyen de conduite des travaux dans le cadre d'une formation commune était en moyenne de 22 mois (entre 10 mois et 39 mois). Depuis 2011, le délai s'est sensiblement réduit représentant une moyenne d'un peu plus de 14 mois.

Au total, depuis 2008, 55 formations inter-juridictions ont été constituées et 34 ont terminé leurs travaux.

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Total

Formations inter-juridictions créées

11

9

5

7

11

12

55

Formations inter-juridictions dont les travaux sont terminés

11

9

5

5

4

0

34

Une FIJ a par exemple été constituée sur les aides à la création d'entreprises, destinée à répondre à une demande d'évaluation de politique publique du Comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale. Une FIJ permanente a également été créée sur les finances locales. Elle livrera à partir de 2013 un rapport thématique annuel sur ce sujet.

Cette procédure fait l'objet de critiques de la part des syndicats. Lors de leur audition, les représentants du syndicat des juridictions financières unifié ont fait part à votre rapporteur de la difficulté d'assurer correctement leurs missions de contrôle, tout en participant à ces formations, qui imposent le traitement des demandes dans des délais très courts.

Cependant, si cette mission constitutionnelle d'assistance des juridictions financières au Parlement ou au Gouvernement est susceptible de représenter une charge de travail supplémentaire, votre rapporteur tient à préciser que la participation des chambres régionales des comptes à ces travaux de la Cour se fait sur la base du volontariat.

Le secrétaire général adjoint de la Cour, M. Jean-Yves Marquet, ainsi que le président de la CRC Basse-Normandie, Haute-Normandie, M. Frédéric Advielle, ont été très clairs sur ce point. La Cour n'exerce aucun prélèvement obligatoire sur les effectifs des CRC pour participer à ces enquêtes. La CRC de Normandie, par exemple, participe à l'enquête sur les contrats de plans Etat-région car elle travaille déjà sur ce sujet, ces plans devant bientôt être renégociés dans son ressort.

L'assistance des juridictions financières au Parlement et au Gouvernement

L'article 47-2 de la Constitution, issu de la révision de 2008, prévoit que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques . »

Les travaux concernés sont les rapports obligatoires prévus par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS), et les rapports en réponse aux demandes d'enquête formulées par le Parlement en application de l'article 58-2° de la LOLF ou de la LOLFSS (article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières).

En outre, entrent également dans le champ de cet objectif , les évaluations de politiques publiques demandées par le Parlement en application de l'article L. 132-5 du code des juridictions financières et les travaux à la demande du Premier ministre en application de l'article L. 132-5-1 du code des juridictions financières.

Enfin, l'article 58-1° de la LOLF, permet au président ou au rapporteur général de la commission des finances de demander l'assistance d'un magistrat financier dans le cadre de ses missions d'évaluation et de contrôle de l'exécution des lois de finances. En dix ans, cette procédure n'a été utilisée que deux fois.

L'assistance au Parlement

L'outil le plus utilisé est la demande d'enquête par la commission des finances de l'une des deux assemblées, sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle (article 58-2° de la LOLF). De 2002 à 2013, la Cour des comptes a été saisie de 117 demandes sur ce fondement (53 en provenance de l'Assemblée nationale et 64 en provenance du Sénat). En moyenne, 10 à 15 demandes sont formulées par an.

Les thèmes de ces rapports sont très variés (fonction publique, justice, économie, affaires étrangères, éducation nationale), même si les sujets de finances publiques prédominent. En 2012, pour le Sénat, ces enquêtes ont porté sur le centre national du cinéma et de l'image animée, le centre national pour le développement du sport, les frais de justice et l'entretien du réseau ferré national.

Ces rapports doivent être remis dans un délai de huit mois. En général, l'envoi du rapport « 58-2° » au président de la commission demanderesse est suivi d'une audition publique en présence de l'équipe des rapporteurs de la Cour et des administrations, services ou organismes concernés par le sujet. A l'issue de cette audition, la commission demanderesse se prononce sur la publication du rapport de la Cour.

Les enquêtes réalisées en application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, destinées aux commissions des affaires sociales, doivent être réalisées dans un délai d'une année. En 2012, une enquête a été demandée par le Sénat sur la politique vaccinale de la France.

L'assistance au Gouvernement

En 2012, pour la première fois, la Cour des comptes a réalisé des enquêtes fondées sur l'article L. 132-5-1 du code des juridictions financières, issu de la loi du 13 décembre 2011 11 ( * ) . Le Premier ministre a utilisé cette procédure au printemps 2012 pour réaliser un audit des finances publiques avant que le Gouvernement ne précise sa stratégie économique et financière 12 ( * ) .

En juin 2012, la Cour a répondu à une nouvelle demande d'enquête du Premier ministre sur le fonctionnement du service d'information du Gouvernement (SIG). Le rapport lui a été remis le 17 septembre 2012 et a été rendu public avec son accord 13 ( * ) .

Enfin, par lettre en date du 18 février 2013, le Premier ministre a souhaité que la Cour procède à une analyse détaillée du dispositif des certificats d'économies d'énergie. Le rapport a été remis le 15 octobre 2013 et rendu public 14 ( * ) .


* 5 Le décret n° 2012-255 du 23 février 2012 relatif au siège et au ressort des chambres régionales des comptes a fixé le siège et le ressort des 20 CRTC : 14 en métropole (Arras, Bordeaux, Dijon, Épinal, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Noisiel, Orléans, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse ), 5 en outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et Mayotte) et une en Corse (Bastia).

* 6 Les choix de regroupements ont été justifiés par plusieurs critères : un nombre minimum de magistrats (15, sauf cas particuliers et outre-mer), un ressort géographique homogène et cohérent, la limitation du temps de déplacement supplémentaire pour le contrôle de l'ensemble des collectivités et organismes des nouveaux ressorts, un accueil optimal des personnels regroupés (en termes immobiliers, de transports...), une limitation de l'impact social de la réorganisation.

* 7 Le dispositif d'accompagnement comprenait : une prime de restructuration de service, un complément spécifique de restructuration au titre de la mobilité interne, une indemnité de départ volontaire, une indemnité d'accompagnement à la mobilité, qui permettait le maintien du niveau de rémunération pendant trois ans, une aide à la mobilité du conjoint en ce qui concernait la mobilité externe.

* 8 Hors présidents et vice-présidents.

* 9 Ces données sont arrêtées au 30 septembre 2013. Or, il est difficile d'établir, sur la base de trois trimestres, une situation de l'exécution des contrôles au titre de l'année 2013, car traditionnellement le dernier trimestre est marqué par une accélération de l'activité.

* 10 L'article 28 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer a étendu le dispositif des formations communes aux chambres territoriales des comptes.

* 11 Loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

* 12 Cet audit a été inclus dans le rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques, établi chaque année en application de l'article 58-3° de la LOLF. Ce rapport du 2 juillet 2012 est disponible à l'adresse suivante :

http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Situation-et-perspectives-des-finances-publiques-2012

* 13 Le rapport « Organisation et fonctionnement du service d'information du Gouvernement » est disponible à l'adresse suivante : http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Organisation-et-fonctionnement-du-service-d-information-du-Gouvernement

* 14 Ce rapport est disponible à l'adresse suivante : http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Les-certificats-d-economies-d-energie

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