B. LE RENFORCEMENT DE LA LUTTE CONTRE L'IMMIGRATION ILLEGALE

Afin d'endiguer l'immigration clandestine, a été mise en place une politique active de reconduite à la frontière qui s'est concrétisée par un renforcement des moyens humains, matériels et opérationnels.

Toutefois, votre rapporteur pour avis estime que toute politique de lutte contre l'immigration illégale, consistant à renforcer les moyens de répression, doit être couplée à une politique de coopération régionale . Plusieurs projets sont actuellement mis en oeuvre, notamment en Guyane et à Mayotte, et qui représentent une avancée bienvenue.

1. Le renforcement des moyens humains, matériels et opérationnels

Dans les départements d'outre-mer, les effectifs de la police aux frontières ont été significativement renforcés, principalement en Guyane et à Mayotte.

Ainsi, en Guyane, ils ont augmenté de près de 46 % entre 2004 et 2010 et à Mayotte, au cours de la même période, de 337 %.

Par ailleurs, entre 2006 et 2009, la police aux frontières a fait évoluer ses structures : par exemple, une nouvelle antenne a été créée en Guyane, à Saint-Georges de l'Oyapock, dans le cadre de l'achèvement de la construction du pont frontière entre le Brésil et la France.

À Mayotte , différents moyens opérationnels ont été mis en oeuvre afin de lutter efficacement contre l'immigration irrégulière. La surveillance des eaux territoriales est actuellement assurée par quatre radars fixes assurant la couverture d'une grande partie du territoire. Toutefois, un cône d'ombre subsiste dans le sud de l'île (Petite terre à l'Est, M T'Sahara au Nord, Accoua à l'Ouest et Choungui au Sud).

La surveillance des eaux mahoraises est également assurée par deux vedettes de la gendarmerie nationale, une de la gendarmerie maritime, une de la marine nationale, une des douanes, deux vedettes de la police aux frontières. Un hélicoptère de la gendarmerie nationale, un groupe d'intervention régional (GIR) au niveau de la gendarmerie et une brigade mobile de recherche (BMR) au sein de la police aux frontières complètent utilement le dispositif.

Outre la lutte contre l'immigration illégale, l'accent est également mis, en Guyane, sur la répression des réseaux de trafiquants, en raison, à la frontière brésilienne, de la convergence entre orpaillage clandestin et immigration irrégulière.

Au premier semestre 2013, la direction départementale de la police aux frontières de Guyane a initié onze opérations « Harpie » de lutte contre l'immigration irrégulière liée à l'orpaillage illégal. Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis, ces opérations ont permis la garde à vue de 53 immigrés clandestins, dont quatre sont écroués, 54 reconduites à la frontière, la saisie de 1 124,70 grammes d'or et 550 grammes de mercure, et la destruction de 5 700 litres de carburant, de 38 moteurs, de 53 carbets, de 12 armes à feu et de 4,5 tonnes de marchandises.

2. Le nécessaire renforcement de la coopération régionale

L'immigration clandestine en direction des départements d'outre-mer étant essentiellement d'origine régionale, les principales actions de coopération régionale sont organisées en matière de formation, d'audits et d'échanges de bonnes pratiques. Ces différentes actions complètent les accords de réadmission déjà existants ou facilitent, dans certains cas, leur signature. Les officiers de liaisons en poste dans les pays d'où est originaire l'immigration illégale jouent à cet égard un rôle déterminant.

Ainsi, parmi les actions menées, on retiendra :

- les actions de formation pour lutter contre la fraude documentaire au profit des services d'émigration et des personnels des compagnies aériennes (avec la République Dominicaine et Haïti notamment) ;

- les actions de formation pour lutter contre les filières (avec le Guyana) ;

- les audits de gestion des frontières terrestres, maritimes et aériennes (avec Haïti) ;

- et les échanges de bonnes pratiques (avec le Brésil).

Selon les informations fournies par le Gouvernement, plusieurs actions de coopération sont actuellement menées en Guyane avec ses voisins.

Une commission mixte transfrontière réunit chaque année la France et le Brésil et de nombreux accords ont été signés entre les deux pays. La France et le Brésil ont ainsi conclu, le 15 juillet 2005, un accord relatif à la construction d'un pont routier sur le fleuve Oyapock, reliant la Guyane française et l'État de l'Amapa (Brésil). Suite à cet accord, a été créé un centre de coopération policière (CCP) installé en territoire français, ayant pour mission l'échange d'informations en appui aux services territoriaux, à l'exclusion de toute coopération opérationnelle. Ce CCP a ouvert le 1 er août 2010. La France, qui a mis à disposition des locaux, le matériel et des effectifs, y est représentée par un fonctionnaire de la police aux frontières. Un représentant brésilien a intégré cette structure en juillet 2013 ; deux fonctionnaires brésiliens sont déjà en poste à Saint-Georges et à Cayenne.

Par ailleurs, un séminaire sur l'immigration illégale dans le plateau des Guyanes a été organisé en octobre 2011, réunissant la France, le Surinam, le Guyana et le Brésil, afin de mettre en place une approche coordonnée de cette problématique. Lors du séminaire régional sur la criminalité transfrontalière et l'entraide pénale internationale, qui s'est tenu à Paramaribo, du 19 au 21 juin 2013, regroupant des représentants du Suriname, du Brésil, du Guyana et de la France, il a été proposé au Guyana des formations dispensées par la police aux frontières dans les domaines de la fraude documentaire et de la sûreté aéroportuaire. A également été évoquée la problématique d'éloignement des ressortissants guyaniens en situation irrégulière sur le territoire national, notamment pour les personnes troublant l'ordre public.

Enfin, un groupe de travail franco-brésilien de concertation sur les questions migratoires a été mis en place en 2010. Sa cinquième réunion s'est tenue à Paris le 29 janvier 2013. Les travaux des deux délégations portent essentiellement sur la circulation des personnes entre le Brésil et la Guyane, avec la création d'un régime spécial pour les frontaliers, et les points de passage frontaliers.

Les commissions mixtes transfrontalières sont plus récentes avec le Suriname et le Guyana . Toutefois, la nécessité d'un mécanisme d'échanges bilatéral tendant au règlement des problématiques préoccupant ces pays (notamment en matière de santé, d'éducation, de sécurité...) a abouti à la tenue de la première commission mixte franco-surinamienne le 24 novembre 2009 à Paramaribo et à la première commission mixte France-Guyana le 10 mai 2010.

En outre, à la suite de la signature en juin 2006 d'un accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière - cet accord n'ayant toujours pas été ratifié par le Suriname - des patrouilles mixtes sont organisées depuis 2007 sur le fleuve Maroni afin de renforcer la lutte contre les flux clandestins vers la Guyane. La commission mixte France-Suriname a, entre autres, permis la création d'un conseil du fleuve chargé de définir les moyens visant à faciliter les échanges aux abords du Maroni et l'amélioration de l'organisation des patrouilles militaires fluviales conjointes. Ce conseil participe à l'amélioration des relations bilatérales portant notamment sur la coopération opérationnelle, avec l'organisation de patrouilles fluviales entre les services de la police aux frontières et la police militaire du Suriname.

Il n'existe pas d'accord bilatéral de coopération en matière de sécurité intérieure avec le Guyana . La police aux frontières de Guyane entretient des relations ponctuelles de coopération policière bilatérale avec ce pays, se traduisant principalement par des visites réciproques de délégations. L'ambassade de France à Paramaribo a reçu en juin 2011 un accord de principe pour l'affectation d'un officier de liaison guyanien à Cayenne au sein de la « maison de la coopération policière » France-Guyana-Suriname. Ce projet n'a cependant toujours pas abouti.

Bien qu'il n'existe aucun accord de coopération en matière de sécurité intérieure avec Haïti , la police aux frontières entretient des relations régulières de coopération avec les services haïtiens, notamment la direction de l'immigration et de l'émigration. Un « expert technique international », chef de projet et d'appui aux autorités haïtiennes en matière de contrôle des frontières, a pris ses fonctions en Haïti en novembre 2012, avec pour principale mission d'engager des actions de formation dans le domaine de la police aux frontières. A l'issue de sa mission (novembre 2013), ce poste devrait être transformé en poste d'officier de liaison immigration avec une compétence à la fois sur Haïti et la République Dominicaine, afin de renforcer la lutte contre les flux en provenance ou transitant par cette île. Enfin, la police aux frontières a proposé son assistance pour la création d'un centre de coopération policière et douanière à la frontière entre ces deux pays.

A Mayotte , afin de faciliter la circulation des personnes entre les Comores et Mayotte, l'antenne consulaire située sur l'île d'Anjouan a ré- ouvert en décembre 2008. Il n'existe pas, en revanche, d'accord bilatéral de coopération en matière de sécurité intérieure. Toutefois, un groupe de travail de haut niveau (GTHN) franco-comorien a été créé en 2007 afin de dégager des pistes d'amélioration de la circulation des personnes et des biens dans cet archipel et lutter plus efficacement contre les flux clandestins. En juin 2012, une mission d'audit de la BRIMAD (Brigade mixte anti-drogue) de la police comorienne a été menée par un expert de la police aux frontières de Mayotte.

L'État a engagé des négociations avec les Comores pour un accord global sur la normalisation des relations et l'intensification des échanges entre les îles de l'archipel. Le 21 juin 2013 à Paris, les chefs d'État français et comorien ont signé la déclaration de Paris sur l'amitié et la coopération ainsi qu'un Document Cadre de Partenariat qui comporte des stipulations sur la sécurité et la défense, mettant l'accent sur la coopération dans le domaine de la sécurité intérieure, la lutte contre le trafic des êtres humains et l'immigration illégale.

Enfin, conformément aux préconisations du rapport de nos collègues MM. Jean-Pierre Sueur, Christian Cointat et votre rapporteur pour avis, la coopération régionale en faveur des Comores est orientée sur des projets de développement locaux.

Les dispositifs législatifs spécifiques applicables en Guadeloupe, en Guyane
et à Mayotte

Les conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les départements d'outre-mer sont régies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), sous réserve de certaines adaptations justifiées par les caractéristiques et les contraintes particulières.

L'entrée et le séjour des étrangers à Mayotte sont régis par l'ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000. Cette dernière devra être modifiée prochainement, en raison du changement de statut de Mayotte au niveau européen, qui deviendra une région ultrapériphérique (RUP), à partir du 1 er janvier 2014.

Les dispositifs législatifs spécifiques applicables en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte portent sur :

- l'absence de la commission du titre de séjour en Guyane ;

- l'absence du délai d'un jour franc après notification de l'arrêté de reconduite à la frontière pour son exécution, sauf demande expresse de l'autorité consulaire, en Guyane et en Guadeloupe ;

- le caractère non suspensif des recours contentieux contre les mesures de reconduite à la frontière : absence de sursis à exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière en cas de saisine du tribunal administratif, sauf demande expresse du requérant en Guyane et en Guadeloupe ;

- l'éloignement d'office de la Guyane des membres des navires se livrant à des activités de pêche illicite, avec leur accord, à destination du Venezuela, du Brésil, du Suriname ou du Guyana selon qu'ils ont la nationalité de l'un de ces États ;

- l'extension à certaines routes de Mayotte, de Guyane et de Guadeloupe du régime des visites sommaires des véhicules dans une bande frontalière ou littorale, en vue de relever les infractions relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ;

- la faculté de détruire les embarcations maritimes non immatriculées servant au transport d'étrangers en situation irrégulière en Guyane ;

- l'immobilisation de véhicules terrestres et d'aéronefs par la neutralisation de tout moyen indispensable à leur fonctionnement en Guyane et en Guadeloupe ;

- le relevé et la mémorisation des empreintes digitales et de la photographie des personnes dépourvues de titre de séjour lors du franchissement de la frontière à Mayotte pour les étrangers en situation irrégulière ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Par ailleurs, d'autres textes prévoient des dispositifs spécifiques en matière de lutte contre l'immigration irrégulière :

- l'article 78-2 du code de procédure pénale dispose que l'identité de toute personne peut être contrôlée en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

- à Mayotte, l'article 78-3 étend la durée maximale de retenue d'une vérification d'identité, à huit heures à compter du contrôle effectué en application de l'article 78-2 ;

- la destruction immédiate des embarcations dépourvues de pavillon ayant servi à commettre des infractions d'entrée et de séjour irréguliers sur autorisation du procureur de la République.

Une concertation interministérielle est actuellement en cours sur la mise en place d'une représentation de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à Mayotte.

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