C. L'ARTICULATION ENTRE ÉCHELON DÉPARTEMENTAL ET ÉCHELON RÉGIONAL

Le rapport précité de la Cour des comptes indique que « la réflexion d'ensemble a été incomplète, à la fois sur la répartition des compétences entre les différents échelons territoriaux dans le champ préfectoral comme hors de celui-ci, et sur l'articulation globale des administrations au plan local ».

Alors que l'organisation des services déconcentrés de la DGCCRF avait été régionalisée en 2006, avec une remontée au niveau régional des fonctions support et une plus grande mutualisation, la RéATE est venue fixer à l'inverse un cadre départemental pour les missions concernées, étant aussi rappelé que l'intégration des services de la DGCCRF dans les nouvelles structures départementales interministérielles sous l'autorité du préfet a été décidée tardivement, un tel schéma ayant été écarté dans un premier temps au profit du maintien d'un lien hiérarchique entre l'administration centrale et ses services déconcentrés au niveau régional et au niveau départemental.

Ainsi, la RéATE a contraint la DGCCRF à démutualiser ses équipes opérationnelles et à scinder, peut-être trop artificiellement et en tout cas très rapidement, ses agents entre l'échelon régional et l'échelon départemental.

En 2012 et 2013, selon les chiffres communiqués par la DGCCRF à votre rapporteur, 664 emplois étaient localisés au niveau régional et 1774 au niveau départemental, soit respectivement 27 % et 73 %, dans une proportion stable dans la durée. Dans le contexte de forte réduction des effectifs, on peut cependant s'interroger sur une telle stabilité, dès lors que l'essentiel des missions opérationnelles est assuré à l'échelon départemental, par les agents affectés dans les DDPP et les DDCSPP.

1. Les missions des « pôles C » des directions régionales

Selon le décret n° 2009-1377 du 10 novembre 2009, les DIRECCTE constituent des « services déconcentrés communs au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et au ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ». Elles dépendent aujourd'hui du ministère de l'économie et des finances, du ministère du travail et du ministère du redressement productif.

Le même décret précise que le pôle « concurrence, consommation, répression des fraudes et métrologie » des DIRECCTE, autrement appelé « pôle C », est chargé « des actions de contrôle du bon fonctionnement des marchés et des relations commerciales entre entreprises, de protection économique des consommateurs et de sécurité des consommateurs ainsi que de contrôle dans le domaine de la métrologie » et « assure le pilotage des politiques de l'État susmentionnées, au besoin en élaborant un plan d'action régional, et évalue la performance de leur application ».

À l'évidence, ces missions de contrôle en matière de protection des consommateurs recoupent celles qui sont attribuées aux DDPP par le décret n° 2009-1484 du 3 décembre 2009, outre les missions de pilotage propres qui reviennent aux DIRECCTE. Or, en principe, comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport précité, « le niveau régional devient le niveau de droit commun pour mettre en oeuvre les politiques publiques et piloter leur adaptation aux territoires », de sorte qu'il ne devrait pas exercer de tâches opérationnelles.

Ainsi, dans les textes mêmes, la répartition des compétences entre le niveau régional et le niveau départemental n'est pas clairement déterminée. Votre rapporteur avait déjà eu l'occasion de le signaler.

2. Une cohérence interne insuffisante des directions régionales

Au vu de ses auditions et de ses déplacements, votre rapporteur a pu observer que les DIRECCTE peinent à trouver leur place dans le paysage administratif, par manque de reconnaissance comme de cohérence interne, ce qui n'est pas le cas pour les autres directions régionales issues de la RéATE. Les DIRECCTE souffrent ainsi des mêmes difficultés que les DDCSPP et les DDPP par rapport aux autres directions départementales, mieux identifiées et composées de façon plus homogène. La logique d'interlocuteur unique des entreprises, qui sous-tend la création des DIRECCTE, reste théorique pour les entreprises elles-mêmes, qui ne les connaissent pas véritablement.

Du fait à la fois de sa forte hétérogénéité et de son rôle de pilotage et de coordination à l'égard de services départementaux sur lesquels elle ne dispose pas toujours d'une autorité hiérarchique 62 ( * ) , créant un fonctionnement dissymétrique, la DIRECCTE requiert, comme les DDCSPP, un encadrement important absorbé par des tâches de coordination et de compte rendu, au détriment des fonctions managériales et opérationnelles.

Dans son rapport, la Cour des comptes indique ainsi :

« Les DIRECCTE réunissent des fonctions de nature différente. Leurs agents s'adressent aux entreprises tantôt pour les aider et les conseiller, en jouant un rôle d'animation du tissu économique, tantôt pour contrôler et réprimer certains de leurs comportements, en matière de concurrence, de consommation et de fraudes d'une part, en matière de droit du travail d'autre part. Leurs cultures professionnelles sont très hétérogènes, certains remplissant des fonctions d'enquête sur le terrain et ayant la qualité d'agents de police judiciaire, d'autres étant des gestionnaires. Ils sont soumis à des conditions d'emplois extrêmement disparates. »

S'agissant du pôle C, la Cour indique plus spécialement :

« En particulier, le pôle C, regroupant les agents originaires de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont l'inclusion dans les DIRECCTE n'était pas prévue à l'origine mais a été décidée à la toute fin des décisions sur la RéATE, demeure, totalement ou presque, autonome. »

En dépit de l'existence d'une délégation au pilotage des DIRECCTE, placée sous la responsabilité des deux secrétaires généraux des ministères concernés 63 ( * ) , le rattachement des DIRECCTE à plusieurs ministères du fait de leur caractère composite ne contribue pas à asseoir leur position par rapport aux autres administrations déconcentrées et vis-à-vis de leurs interlocuteurs.

Entendu par votre rapporteur, M. Jean-Pierre Weiss a d'ailleurs jugé que l'enjeu de l'administration territoriale de l'État au niveau régional était la « remise en état des DIRECCTE », sauf concernant les missions en matière de travail et d'emploi, remplies de manière satisfaisante selon lui.

3. Les difficultés d'articulation entre les deux niveaux

Avant toute chose, il faut rappeler que le pôle C des DIRECCTE ne dispose d'aucune autorité hiérarchique à l'égard des DDPP et des DDCSPP, placées sous l'autorité des préfets, alors même qu'il est chargé d'une mission de pilotage de leurs activités en matière de concurrence et de consommation.

En matière de protection des consommateurs, au regard des textes, il existe un chevauchement de compétences opérationnelles entre les deux niveaux, de sorte que la répartition effective de ces missions semble varier d'une région à l'autre, en fonction de choix locaux dictés par des critères variables tels que les compétences des agents affectés au niveau régional ou encore la répartition des effectifs entre les deux niveaux, plutôt que par un souci d'adaptation aux réalités territoriales.

En matière de concurrence, les textes semblent plus clairs puisque le décret du 3 décembre 2009 n'attribue aux DDPP et DDCSPP que la mission de concourir à la surveillance du bon fonctionnement des marchés. Ceci se traduit très fréquemment, sur le terrain, par un abandon quasi complet des missions de concurrence par les agents des directions départementales, qui semblent d'ailleurs le déplorer. Votre rapporteur voit dans cette scission une démutualisation manifeste et une perte d'efficacité imposée par le fait de répartir les agents, et donc les compétences, entre le niveau régional et le niveau départemental. Les missions opérationnelles de concurrence sont ainsi toujours exercées en pratique par les agents du pôle C.

Le rapport précité de la Cour des comptes indique à cet égard :

« L'organisation retenue a par ailleurs induit la constitution, dans le département chef-lieu, à la fois d'un pôle C à l'intérieur des DIRECCTE, et d'une entité « concurrence, consommation, répression des fraudes » à l'intérieur des DDPP ou DDCSPP, services n'ayant chacun que des effectifs très réduits. L'organisation actuelle rend complexe la relation entre le niveau régional et l'échelon départemental. »

Entendu par votre rapporteur, le syndicat national des cadres de la DGCCRF a considéré que la dissociation des missions de concurrence et de consommation constituait une erreur.

Examinant plus largement la question de l'articulation entre niveau régional et niveau départemental, alors que la RéATE avait pour principe même de réorganiser la plupart des services départementaux de l'État sous l'autorité du préfet, la Cour considère :

« Cette description montre l'ambiguïté et la complexité du pilotage des directions départementales interministérielles. Rattachées au secrétariat général du gouvernement, elles sont sous l'autorité du préfet. Elles n'ont plus, en principe, de relations directes avec les ministères et ont pour interlocuteurs fonctionnels les directions régionales. Dans la réalité, elles ne peuvent remplir leurs missions sans communiquer avec les administrations centrales. La séparation des unités de terrain de l'élaboration des politiques et des textes par les ministères ne peut que nuire à la pertinence de leur action. La situation actuelle où les directions régionales sont gérées par les ministères, et les directions départementales interministérielles par les services du Premier ministre est, par nature, source de difficultés. »

En outre, la différence de périmètre entre les DIRECCTE, d'une part, et les DDPP ou DDCSPP, d'autre part, ne facilite pas la coordination et le dialogue entre les cadres du pôle C et ceux des directions départementales, qui sont d'ailleurs souvent issus d'une autre administration que la DGCCRF.

Enfin, le rôle de pilotage du pôle C reste mal compris et son utilité mal perçue en matière de concurrence et de consommation. Il est souvent critiqué par les agents affectés dans les directions départementales, chargés des missions opérationnelles de contrôle en matière de consommation.


* 62 Pour une partie de ses compétences elle dispose d'unités territoriales (inspection du travail), tandis que pour d'autres elle doit dialoguer avec des directions départementales sous l'autorité du préfet.

* 63 Secrétaires généraux des ministères sociaux et des ministères économiques et financiers.

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