II. UNE TRÈS FORTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DE LA MISSION « ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT » EN RAISON DES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE

Pour le projet de loi de finances pour 2015, le périmètre de la mission « Égalite des territoires et logement » a été modifié, le programme 147 « Politique de la ville » étant désormais rattaché à la mission « Politique des territoires », en raison de la création du Commissariat général à l'égalité des territoires.

Les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » sont en très forte augmentation en 2015 , de 75 % en autorisations d'engagement (13,6 milliards d'euros) et de 76 % en crédits de paiement (13,4 milliards d'euros).

ÉVOLUTION EN 2015 DES CRÉDITS DE LA MISSION
« ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT »
(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Programme

LFI pour 2014

PLF 2015

Evolution

LFI pour 2014

PLF 2015

Evolution

177

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

1 315, 8

1 375, 4

4,53%

1 315,8

1 375, 4

4,53%

109

Aide à l'accès au logement

5 104,7

10 985, 1

115,19%

5 104,7

10 985,1

115,19%

135

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

576, 1

522, 3

-9,34%

401

288, 7

-28,01%

337

Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires

804

777, 1

-3,34%

804

777, 1

-3,34%

total

7 800, 8

13 660, 1

75,11%

7 625, 8

13 426, 5

76,07%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015.

Votre rapporteur pour avis dénonce une augmentation des crédits de la mission en trompe l'oeil. En effet, cette forte augmentation résulte de la prise en charge par le budget de l'État du financement des aides personnelles au logement en lieu et place de la branche famille de la sécurité sociale.

Cette évolution se traduit de façon différenciée selon les crédits des programmes de la mission :

- augmentation des crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » ;

- doublement des crédits du programme 109 « Aides à l'accès au logement » ;

- diminution des crédits des programmes 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 337 « Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires ».

A. MALGRÉ UNE AUGMENTATION DE 4,5 %, LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 « PRÉVENTION DE L'EXCLUSION ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES » DEMEURENT INSUFFISANTS

Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » regroupe les crédits de la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, soit 4,3% des crédits de la mission.

Les crédits sont en augmentation de 4,5 % tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement soit 1,3 milliards d'euros. Toutefois cette augmentation masque une évolution différente des crédits au sein des actions : les crédits de l'action « Prévention de l'exclusion » et de l'action « Hébergement et logement adapté » augmentent respectivement de 5,1 % et de 4,6 % tandis que ceux affectés à l'action « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » diminuent fortement de 7,3 %.

Évolution des crédits du programme
(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2014

PLF 2015

Evolution

LFI 2014

PLF 2015

Evolution

Prévention de l'exclusion

56,2

59,1

5,18%

56,2

59,1

5,18%

Hébergement et logement adapté

1 242,4

1 300,4

4,67%

1 242,4

1 300,4

4,67%

Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

17,1

15,8

-7,31%

17,1

15,8

-7,31%

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

1 315,8

1 375,4

4,53%

1 315,8

1 375,4

4,53%

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015.

1. L'augmentation des crédits de l'action « Prévention de l'exclusion »

Les crédits de l'action « Prévention de l'exclusion » , qui représente 4,3 % des crédits du programme augmentent de 5,1 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

L'action finance des actions :

- de prévention des situations de rupture pour des personnes sans domicile fixe âgée ou en situation de handicap ;

- d'accès aux droits, d'information, d'aide à l'insertion et de prévention de l'exclusion, en direction notamment des gens du voyage.

La réforme de la gestion des aires dédiées aux gens du voyage entrera en vigueur en 2015. L'aide qui était jusque-là forfaitaire sera désormais fonction du nombre de places et de leur taux d'occupation afin, selon le gouvernement, « d'inciter les collectivités à rendre leurs aires plus attractives ».

2. La sous-budgétisation des crédits de l'action « Hébergement et logement adapté »

L'action « Hébergement et logement adapté » représente l'essentiel des crédits de ce programme (94,5 %).

Ces crédits, en augmentation de 4,6 % par rapport à 2014 , financent quatre types d'interventions : la veille sociale, l'hébergement d'urgence, les centres d'hébergement et de réinsertion sociale et le logement adapté.

a) La veille sociale

Au titre de la veille sociale , sont financés les services d'accueil et d'orientation (SIAO) chargés de coordonner l'action des structures contribuant à l'accueil, l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans domicile fixe, le numéro vert « 115 », les SAMU sociaux et les accueils de jour.

En 2015, 89,11 millions sont prévus pour le financement de la veille sociale. Ces crédits connaissent une hausse de 3% à périmètre constant 1 ( * ) . Ces crédits permettront notamment « de poursuivre la consolidation des SIAO en 2015, outils fondamentaux de coordination et d'observation sur les territoires, ainsi que la convergence vers une organisation commune à l'ensemble des départements, sous forme d'un SIAO unique intégrant le 115 ». Au 31 décembre 2013, on dénombrait 1 499 059 demandes d'hébergement ou de logement intermédiaire. 942 776 demandes ont été traitées par les SIAO (63 %), 442 014 ont reçu une réponse positive (47 %).

b) Le dispositif d'hébergement d'urgence et les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)

1 012 millions sont consacrés au dispositif d'hébergement d'urgence et aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).


• Le nombre de places en hôtel et en hébergement d'urgence a fortement augmenté ces quatre dernières années, comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolution entre 2010 et 2013 du nombre de places
en CHU, en hôtel et en CHRS

2010

2011

2012

2013

Évolution 2012/2013

CHU

18 593

19 766

22 091

28 692

+ 29,8 %

Hôtels

13 948

16 235

20 727

25 496

+ 23 %

CHRS

39 525

39 346

39 142

39 145

+ 0,00 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015.


• S'agissant de l'hébergement d'urgence , les crédits augmentent de nouveau très fortement cette année ( 21 % contre 17 % l'an dernier) et atteignent 389 millions.

Ces crédits permettent le financement des nuitées d'hôtel . Au 31 décembre 2013, le nombre de places en hôtel avait augmenté de 23 % par rapport à 2012 en raison :

- d'une part, de l'augmentation du nombre de familles avec des enfants en bas âge ;

- et, d'autre part, de l'augmentation de personnes présentant une « situation administrative particulièrement complexe » (demandeurs de titre de séjour en cours, déboutés de la demande d'asile ou de demande de titre de séjour).

En raison de l'insuffisance des places dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) et du principe d'accueil inconditionnel, les demandeurs d'asile sont accueillis dans les structures d'accueil et d'hébergement généralistes. Les demandeurs d'asile peuvent ainsi être pris en charge : à l'arrivée sur le territoire dans l'attente d'une prise en charge par le dispositif spécialisé, pendant l'instruction du dossier si les capacités d'accueil spécialisées sont insuffisantes, à la sortie du dispositif, en cas de rejet de la demande.

Selon un rapport 2 ( * ) sur l'hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d'asile de l'inspection générale des finances, de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale de l'administration, les déboutés du droit d'asile occuperaient environ 20 % des places d'hébergement d'urgence généraliste , pouvant même atteindre dans certains cas 60 %, et ce au détriment, il faut en convenir, d'une population fragile, en situation de précarité créant de fait une inégalité pour les plus démunis. D'après les réponses au questionnaire budgétaire, le coût de la prise en charge par le dispositif d'hébergement généraliste est estimé à une cinquantaine de millions d'euros.

Des partenariats entre le SIAO et les plateformes d'accueil des demandeurs d'asile se sont développés pour faciliter le passage entre dispositif généraliste et dispositif spécialisé lorsque la personne a obtenu une autorisation provisoire de séjour ou que sa demande a été rejetée.

Le Gouvernement dans la détermination du montant des crédits a anticipé les effets de la réforme du droit d'asile dont il espère qu'elle diminuera les tensions sur le dispositif généraliste. Le projet de loi réformant l'asile, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale, le 23 juillet dernier prévoit plusieurs mesures tendant à :

- instituer une nouvelle procédure d'examen plus rapide des demandes ;

- mettre en place un dispositif d'hébergement « contraignant » permettant que le demandeur d'asile soit affecté dans une autre région que celle où il se présente ;

- généraliser le modèle du centre d'accueil de demandeurs d'asile ;

- prévoir la possibilité d'ordonner à une personne dont la demande d'asile a été définitivement rejetée de quitter la place qu'elle occupe dans un centre d'hébergement.

Votre rapporteur pour avis, considère, comme notre collègue Philippe Dallier, rapporteur spécial de la Commission des finances, que cette réforme permettra seulement de libérer plus rapidement des places dans les CADA et augmentera le nombre de déboutés présents dans les hébergements d'urgence généraliste.

Votre rapporteur pour avis invite le Gouvernement à adopter une position claire à l'égard des déboutés du droit d'asile , car, comme le soulignaient les auteurs du rapport précité des trois inspections générales, c'est cette absence de choix - éloignement ou régularisation - qui conduit « inéluctablement à une dérive rapide de l'hébergement d'urgence généraliste ».

En prenant en compte « l'impact attendu de la réforme du droit d'asile » qui n'a pas encore été examinée par l'Assemblée nationale et dont Mme Sylvia Pinel, ministre du logement a elle-même reconnu devant la commission élargie de l'Assemblée nationale le 29 octobre dernier que son effet « sur le volume de demandeurs d'asile [était], à ce jour, impossible à quantifier », votre rapporteur pour avis estime que le Gouvernement a nécessairement sous-évalué les crédits nécessaires à l'hébergement d'urgence .


• S'agissant des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), les crédits sont stables et atteignent 623 millions pour 2015.

Ces crédits sont destinés :

- au financement des places d'hébergement d'urgence au sein de ces structures (56,2 millions) ;

- au financement des places d'insertion et de stabilisation (549,2 millions) ;

- au financement d'autres activités et notamment des mesures d'accompagnement favorisant la sortie vers le logement dans des délais satisfaisants (17,6 millions).

En 2013, le nombre de CHRS s'est stabilisé pour atteindre 39 145 places répartis dans 875 centres sur l'ensemble du territoire.

c) Les dispositifs développant des modes de logement adapté

199,4 millions sont consacrés aux dispositifs développant des modes de logement adapté , destinés aux personnes qui ne sont pas assez autonomes pour occuper un logement ordinaire et qui ont besoin d'une solution alternative à l'hébergement.

En 2013, seules 7 575 places ont été effectivement créées par rapport à l'objectif de 15 500 places de logement accompagné (14 500 en intermédiation locative et 1 000 en pensions de famille).

Quatre dispositifs sont financés :

- l' aide aux organismes qui hébergent temporairement des personnes défavorisées ne pouvant être hébergées en CHRS ;

- les maisons relais et les pensions de famille . Fin 2013, on dénombrait 12 702 places, soit une augmentation de 9,2 % par rapport à 2012. Les crédits sont stables afin de pérenniser le nombre de places ouvertes ;

- l' intermédiation locative . Le dispositif permet que des associations et des organismes de logement social louent des logements dans le parc privé qu'ils sous-louent ensuite à des ménages défavorisés à tarif social. Constatant que 5 300 places avaient été créées au lieu des 6 500 attendues, et que les opérateurs préféraient les maisons-relais, le gouvernement a revu à la baisse le montant des crédits ;

- les résidences sociales et l'aide à la gestion locative sociale. Au 31 décembre 2013, on dénombrait 97 425 places. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, la moitié de ces places est issue de la transformation de foyers de travailleurs migrants et l'autre moitié de la transformation de foyers de jeunes travailleurs et de création de résidences sociales.

À compter de 2015, le dispositif d'accompagnement vers et dans le logement qui vise à permettre une meilleure prise en charge des personnes dans l'accès au logement et ainsi éviter un passage en hébergement, n'est plus financé par le présent programme mais entièrement par le Fond national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL).

Ce fonds finance des actions d'accompagnement des personnes considérées comme prioritaires et auxquelles un logement doit être attribué au titre du DALO mais aussi des personnes éprouvant des difficultés particulières pour accéder à un logement ou pour s'y maintenir.

Le fonds bénéficie d'une ressource unique dont le montant est irrégulier : le produit de liquidation des astreintes prononcées contre l'État dans le cadre du DALO. Interrogé par votre rapporteur pour avis sur la suppression du financement de ce dispositif d'accompagnement par le présent programme, le Gouvernement a indiqué que les astreintes devraient continuer d'augmenter, ce qui compensera l'arrêt du financement par le budget de l'État.

3. La baisse des crédits de l'action « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale »

L'action « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » représente 1,2 % des crédits de ce programme. Ces crédits sont en baisse de 7,31 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Cette action permet en particulier le financement d'une quarantaine d'association « têtes de réseaux » qui interviennent dans le domaine de la lutte contre les exclusions et le maintien du lien social. Elle finance par ailleurs des actions d'animation, d'expérimentation, d'évaluation d'impact des politiques publiques menées et d'élaboration des outils de gouvernance.


* 1 Le projet annuel de performance indique le transfert vers le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » de 890000 euros destinés à l'accueil de jour des femmes victimes de violence

* 2 Rapport sur l'hébergement et la prise en charge financière des demandeurs d'asile établi par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale de l'administration, avril 2013, page 13

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