D. LA POURSUITE DE LA LUTTE CONTRE L'HABITAT INDIGNE ET ÉNERGIVORE (PROGRAMME 135)

1. L'Anah : des ressources toujours incertaines alors que l'Agence est de plus en plus sollicitée

L'Agence nationale de l'habitat est un établissement public chargé, en application de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation de :

- lutter contre la précarité énergétique ;

- lutter contre l'habitat indigne et dégradé ;

- participer aux actions de prévention et de traitement des copropriétés fragiles ou en difficulté ;

- participer à l'adaptation des logements à la perte d'autonomie et à l'amélioration des structures d'hébergement.

Alors que l'agence est de plus en plus sollicitée, via le programme « Habiter mieux » ou via la mise en oeuvre du plan triennal de mobilisation pour les copropriétés fragiles et en difficulté, votre rapporteur observe que les ressources de l'agence demeurent incertaines.

a) Les ressources de l'Anah toujours aussi incertaines

En 2015, outre les ressources issues du produit des quotas carbone, l'Anah a bénéficié des ressources suivantes :

- une contribution des énergéticiens de 55 millions ;

- une contribution d'Action Logement de 50 millions d'euros ;

- une contribution du Fonds de financement de la transition énergétique de 20 millions d'euros ;

- une contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) de 20 millions d'euros.

En outre, lors de l'examen de la loi de finances pour 2015, le produit de la taxe sur les logements vacants affecté à l'Anah a été augmenté pour atteindre 61 millions d'euros.

Pour 2016, Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l'Anah, a indiqué à votre rapporteur que si l'évolution des quotas carbone était favorable à l'agence et pourrait atteindre 7,35 euros/t CO 2 en moyenne au lieu de 5,91 euros/t CO 2 en 2014, il demeurait néanmoins des incertitudes quant aux autres ressources de l'agence.

Ainsi, en 2016, l'Anah ne bénéficiera pas de la contribution du Fonds de financement de la transition énergétique et bénéficiera dans une moindre mesure des recettes résultant de la taxe sur les logements vacants. En effet, l'article 14 du projet de loi de finances pour 2016 diminue la part de la taxe sur les logements vacants affectée à l'Anah la faisant passer de 61 millions à 21 millions, ce que votre rapporteur déplore. C'est pourquoi, elle a déposé un amendement supprimant cette disposition.

En outre, la mise en place de la nouvelle obligation spéciale en matière de certificats d'économie d'énergie devrait bouleverser l'équilibre qui avait été trouvé avec certains énergéticiens et pourrait conduire à un report de la contribution des fournisseurs d'énergie de 59 millions d'euros attendue par l'agence.

Enfin, votre rapporteur regrette que la contribution de la CNSA au budget de l'Anah ne soit, semble-t-il, pas actée pour 2016, alors même que l'adaptation des logements au vieillissement est un enjeu majeur pour notre société et que le plan pour l'adaptation de 80 000 logements privés sur la période 2014-2017 devait être assuré, selon l'étude d'impact du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, « par l'ANAH (47 millions d'euros en 2014) dont le budget sera abondé d'un versement de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) d'un montant de 40 millions d'euros ».

Ses ressources devraient en conséquence être les suivantes :

2014

Budget
Initial 2015

Projection de réalisations
2015

Projection

Exercice 2016

Projection

Exercice 2017

Produit de la taxe sur les logements vacants

21 000 000 €

55 510 000 €

55 510 000 €

19 100 000 €

19 100 000 €

Contribution des fournisseurs d'énergie

47 852 250 €

50 000 000 €

50 000 000 €

59 400 000 €

55 000 000 €

Produits issus
de la mise aux enchères des quotas carbone

215 345 125 €

273 100 000 €

300 600 000€

332 600 000 €

401 900 000

Contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

20 000 000 €

20 000 000 €

Contribution Action Logement

50 000 000 €

50 000 000 €

50 000 000 €

50 000 000 €

Contribution Fonds de financement de la transition énergétique

20 000 000 €

20 000 000 €

Autres produits

6 489 606 €

5 724 000 €

5 724 000 €

6 000 000 €

6 000 000 €

Total des ressources propres

290 686 981 €

479 589 000 €

501 834 000 €

467 100 000 €

532 000 000 €

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

L' article 55 bis (commentaire cf. infra) rattaché à la mission introduit par l'Assemblée nationale prévoit d'affecter la totalité du produit de l'astreinte administrative en matière de lutte contre l'habitat indigne à l'Anah. Votre rapporteur regrette de nouveau que le décret d'application de ce nouveau dispositif d'astreinte n'ait toujours pas été pris, rendant pour le moment cette ressource virtuelle.

Au vu de ces éléments, votre rapporteur appelle donc de ses voeux une réforme des ressources de l'Anah afin de donner à cette dernière des ressources stables et pérennes lui permettant de poursuivre dans les meilleures conditions l'exercice de ses missions.

b) Le succès continu du programme « Habiter mieux »

Le programme « Habiter mieux » connaît un franc succès. Alors que l'engouement pour ce programme avait conduit l'Anah à mettre en place des mesures de régulation, Mme Blanche Guillemot, directrice générale de l'Anah, a indiqué à votre rapporteur que le stock de dossiers, qui atteignait 25 226 dossiers au 1 er janvier 2015, était en voie de résorption.

En 2014, 44 055 propriétaires occupants et 3 579 propriétaires bailleurs ont ainsi bénéficié de ce programme. Votre rapporteur souhaite rappeler l'importance que peut revêtir cette aide pour les « petits » propriétaires bailleurs.

Votre rapporteur constate que le Fonds d'aide à la rénovation thermique (FART) mis en place en 2010, qui finance en complément des aides apportées par l'Anah, le programme « Habiter mieux », sera épuisé à la fin de l'année 2015, après avoir bénéficié de 28 millions de recettes supplémentaires, l'objectif du programme étant porté à 50 000 logements en 2015. Entre 2011 et 2015, ce sont ainsi 483 millions d'euros qui auront été engagés pour traiter 150 000 logements dont 100 000 sur les deux dernières années.

Pour 2016, l'Anah estime le besoin à 100 millions d'euros, sous réserve d'une réforme des aides. Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès du cabinet de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, 50 millions d'euros seraient issus du programme d'investissement d'avenir (PIA) et 50 millions seraient versés par le Fonds de financement de la transition énergétique . Votre rapporteur se félicite que le Gouvernement ait pu trouver des financements pour le programme « Habiter mieux ».

Cependant, à l'heure où se profile la Conférence sur le Climat (COP 21) et après avoir posé des objectifs ambitieux de rénovation énergétique des logements lors de la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte, votre rapporteur regrette que le Gouvernement ne soit pas en mesure de consacrer des fonds pérennes à ce programme dont chacun reconnaît les effets positifs puisque le gain énergétique moyen est estimé à 38 % après travaux.

c) Un plan triennal de mobilisation pour les copropriétés fragiles et en difficulté

En 2014, l'Anah a consacré 51,7 millions d'euros d'aide au redressement des copropriétés en difficulté. Ces aides ont bénéficié à 13 258 logements. Dans son rapport d'activité pour 2014, l'Anah souligne que cette activité s'est étendue à des opérations de redressement nécessitant des travaux de requalification importants et à la préfiguration des opérations de requalification de copropriétés dégradées d'intérêt national mises en oeuvre en 2015, notamment à Clichy.


• Le 13 octobre dernier, le Gouvernement et l'Anah ont mis en place un plan triennal de mobilisation pour les copropriétés fragiles et en difficulté . Ce plan comprend douze actions réparties en trois axes.

Le 1 er axe concerne l'amélioration de la connaissance des situations de fragilité. Il est proposé de généraliser :

- le dispositif de veille et d'observation des copropriétés (VOC) qui aide les collectivités locales à mettre en place un observatoire leur permettant d'acquérir une meilleure connaissance des copropriétés situées sur leur territoire ;

- et le dispositif de programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés (POPAC) qui permet de définir et financer des missions d'ingénierie préventive (repérage, diagnostic, soutien...).

Depuis 2012, huit dispositifs de veille et d'observation des copropriétés (VOC) et vingt-quatre programmes opérationnels de prévention et d'accompagnement des copropriétés (POPAC) ont été mis en place. Le plan triennal se fixe pour objectif d'atteindre trente VOC et quarante POPAC en 2016.

L'Anah finance chaque VOC à hauteur de 60% dans la limite de 60 000 euros et chaque POPAC à hauteur de 50% dans la limite de 50 000 euros, sous réserve que la collectivité s'engage dans ce programme pour trois ans.

Le 2 ème axe concerne les interventions pour traiter les copropriétés en difficulté. Le plan prévoit de développer de nouveaux outils (ex. valorisation des certificats d'économie d'énergie), d'expérimenter avec les bailleurs sociaux des outils d'intervention dans des copropriétés comportant à la fois des logements sociaux et des logements privés et de mettre en oeuvre les dispositifs instaurés par la loi ALUR (ex. carence partielle, ORCOD de droit commun).

Enfin, le dernier axe concerne l'accompagnement des collectivités locales. Le plan prévoit notamment d'aider les petites et moyennes villes ainsi que les territoires ruraux à organiser l'ingénierie nécessaire, à mettre en place un plan de formation des acteurs locaux et à permettre le partage des bonnes pratiques.


• Par ailleurs, une centaine des nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville comportent une proportion importante de grandes copropriétés construites après 1948 et qui présentent des indices élevés de fragilité. Le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) permettra dans ces quartiers de restructurer les copropriétés en grande difficulté, de redresser des copropriétés fragiles ou encore de lutter contre l'habitat indigne.

Le 4 mai dernier, l'Agence nationale de rénovation urbaine (Anru) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah) ont signé une convention permettant une meilleure articulation des interventions des deux agences. Ainsi, lorsque la copropriété doit être « recyclée » ou démolie, l'Anru sera chef de file, l'Anah étant chef de file dans les autres cas.

2. De nouveaux moyens pour soutenir la rénovation énergétique

La loi Grenelle I a fixé comme objectif la rénovation avant 2020 de 800 000 logements sociaux dont la consommation en énergie est supérieure à 230 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an, afin que leur consommation devienne inférieure à 150 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré.

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé des objectifs ambitieux de rénovation énergétique pour le parc privé :

- l'article 3 prévoit la rénovation énergétique de 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes ;

- l'article 5 prévoit la rénovation énergétique avant 2025 de tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré et par an.

La prolongation de l'éco-PTZ pour le parc privé et la mise en place du prêt amiante pour le parc social devraient faciliter cette rénovation énergétique.

a) La prolongation de l'éco-PTZ

Les particuliers qui souhaitent engager des travaux de rénovation énergétique peuvent bénéficier de différentes aides :

- le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ;

- la TVA au taux réduit de 5,5 % pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique éligibles au CITE ;

- des aides de l'Anah ;

- l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ).

Accessible sans conditions de ressources, l'éco-prêt à taux zéro finance :

- des travaux permettant d'atteindre une performance énergétique globale minimale ;

- des bouquets de travaux composés de deux actions au moins, sauf pour les éco-prêt propriété pour lesquels une seule action suffit ;

- des travaux de « réhabilitation de système d'assainissement non collectif » par des dispositifs ne consommant pas d'énergie.

Depuis le 1 er septembre 2014, les deux premières séries de travaux précitées doivent être réalisées par des professionnels titulaires d'un signe de qualité (RGE).

L'éco-prêt est soumis aux plafonds suivants :

Action seule dans le cadre d'un éco-PTZ copropriété

"Bouquet de travaux"

"Performance énergétique globale"

Système d'assainissement non collectif

2 actions

au moins
3 actions

Plafond de l'avance

10 000 €

20 000 €

30 000 €

30 000 €

10 000 €

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

L'article 42 du projet de loi de finances pour 2016 prolonge jusqu'au 31 décembre 2018 l'éco-PTZ , et, prévoit que ce prêt pourra financer le coût des travaux de performance énergétique réalisés par des propriétaires occupants ou des bailleurs, bénéficiant des aides de l'Anah .

Il est également prévu que la condition d'ancienneté du logement de l'éco-PTZ (achevés avant le 1 er janvier 1990) ne s'appliquera pas lorsque sont financés des travaux ayant ouvert droit aux aides du programme « Habiter mieux ».

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, depuis le 1 er janvier 2015, la responsabilité de la vérification de l'éligibilité des travaux qui relevait des banques a été transférée vers les entreprises qui réalisent ces travaux, ce qui devrait permettre de lever le principal frein à la distribution du produit. Ce prêt pourrait également être utile pour les copropriétés.

b) Le PLS-amiante

Les organismes Hlm bénéficient de plusieurs dispositifs pour faciliter la mise en oeuvre de la rénovation énergétique de leur parc : les prêts bonifiés, des subventions et des aides fiscales (TVA à taux réduit et dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour travaux d'économie d'énergie).

Selon l'Union sociale pour l'habitat (USH), la présence d'amiante était un des principaux freins à la rénovation des logements.

Une convention entre l'USH, l'État et la Caisse des dépôts et consignations ayant pour objet la mise en place du PLS-amiante a été signée le 24 mars dernier. Le PLS-Amiante est un prêt à taux bonifié, dont les conditions financières sont alignées sur celles de l'éco-PLS qui permettra aux bailleurs sociaux de financer les surcoûts de la réhabilitation résultant de la présence d'amiante.

Une enveloppe globale d'1,5 milliards d'euros a été prévue pour la période 2015-2017. Chaque prêt individuel est plafonné à hauteur de 10 000 euros par logement. Il peut être accordé en complément d'un prêt éco-PLS ou d'un prêt à l'amélioration (PAM).

Ce prêt permettra ainsi de financer les différentes phases de l'opération : repérage, traitement, élimination des déchets. Ces travaux devront débuter dans un délai de 6 mois à compter de la date d'obtention du prêt et s'achever dans un délai de deux ans.

Votre rapporteur se félicite de la mise en place de ces dispositifs qui permettront d'accélérer les rénovations du parc social.

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