C. LES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME D'INFORMATION LOUVOIS

1. Genèse et coût de développement

Avant le projet Louvois, les fonctions soldes et ressources humaines s'ignoraient l'une l'autre.

La collecte des informations se faisait au travers de formulaires papier, tandis que le décompte des soldes était effectué séparément, grâce à des applications informatiques de paye.

La solde des militaires présente au moins deux spécificités : d'une part, 170 primes et indemnités ; d'autre part de multiples changements de positions administratives qui peuvent concerner un seul militaire au cours d'un seul mois et de nombreux mouvements de personnel.

Le projet Louvois (logiciel unique à vocation interarmées de la solde) est le résultat d'une décision du ministre datée du 26 octobre 1996 qui confiait au commissariat de l'armée de terre le pilotage de l'élaboration d'un logiciel de calcul de la solde commun aux trois armées et à la gendarmerie, avec extension ultérieure à la délégation générale pour l'armement.

Diverses études ont été conduites mais n'ont pas permis d'aboutir à une solution technique satisfaisante.

Fin 2005, un « audit de modernisation » de l'Inspection générale des finances (IGF) et du CGA sur les centres payeurs des armées préconisait de rapprocher les fonctions soldes et ressources humaines, et d'accélérer la convergence des systèmes d'information de gestion des ressources humaines (SIRH) vers le noyau commun interministériel en y intégrant la paye.

Une nouvelle phase d'études débute en 2006 sur cette nouvelle feuille de route, avec un calendrier qui devait aboutir à un déploiement de Louvois en 2009.

Les nombreuses difficultés rencontrées ont conduit à repousser le déploiement de Louvois à 2010, puis à transférer la gouvernance du projet Louvois à la DRH-MD. Suite à l'impossibilité de raccorder le Système de santé des armées (SSA) à Louvois à l'été 2010, la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC) a été mandatée en septembre 2010 pour réaliser un audit. Ce dernier a constaté que « Louvois se révélait peu robuste, difficilement maintenable et exploitable », et proposé la mise en oeuvre de nombreuses recommandations, qui nécessitaient de revoir le programme de déploiement.

Le raccordement du SSA a finalement été réalisé pour la solde du mois d'avril 2011, celui de l'armée de terre a été réalisé pour la solde du mois d'octobre 2011, celui de la marine a été réalisé pour la solde du mois de mars 2012. Le raccordement de l'armée de l'air, reporté au printemps 2013, a finalement été abandonné compte tenu des dysfonctionnements constatés.

Le coût total des études, acquisition et assistance, est estimé à environ 80 M€, y compris les charges de personnel. Ce coût n'inclut pas les dysfonctionnements liés à Louvois ni le maintien en condition opérationnelle du calculateur (en moyenne 5 M€ par an).

2. Dysfonctionnements et mesures prises

Depuis cinq ans, le progiciel de solde Louvois (logiciel unique à vocation interarmées de la solde) présente des anomalies affectant les montants des soldes versées et les imputations budgétaires de la masse salariale des personnels de l'armée de terre, de la marine et du service de santé des armées.

Les militaires payés sans ordonnancement préalable (DGA, CGA), les militaires de l'armée de l'air et les personnels de la gendarmerie (ministère de l'intérieur), soldés respectivement via les calculateurs Alliance, GDS et PSIDI, ne sont pas impactés par les dysfonctionnements de Louvois.

Afin de remédier sans délai aux moins-versés de solde, un plan d'urgence ministériel (PUM) de 30 millions d'euros a été mis en place fin 2012 afin de compenser les soldes anormalement basses ainsi que les primes et indemnités acquises mais non versées. Entre 2012 et 2014, ce plan avait permis de traiter plus de 27 000 dossiers ; en 2015, seuls 425 dossiers avaient dû être traités ; en 2016, ce plan n'est plus utilisé autrement que marginalement.

Au-delà des mesures d'urgence, la DRH-MD a été chargée par le ministre de conduire un plan d'action décliné en douze chantiers.

Sur le plan technique, le Centre de Maintenance de Louvois (CML), en liaison avec le Service ministériel opérateur des droits individuels (SMODI), produit chaque mois une nouvelle version du logiciel comportant des corrections du calculateur, ainsi que des évolutions réglementaires. Des améliorations techniques ont été également apportées sur les procédures de développement et de test.

Le ministère mobilise des moyens humains significatifs afin de prévenir le risque de dysfonctionnement de Louvois et - le cas échéant - d'en corriger les effets : 230 vacataires ont ainsi été recrutés à ces fins.

La marine et le service de santé effectuent une analyse des dossiers après chaque mois de solde et traitent en flux les anomalies constatées. Avec près de 120 000 personnels concernés, dont une partie n'est plus en activité (rayés des contrôles), l'armée de terre est la plus impactée. Celle-ci a engagé une campagne sur deux ans pour régulariser les écarts de solde de ses administrés. La première phase, menée au second semestre 2013, s'est traduite par le traitement prioritaire des trop-versés identifiés pour les années 2011 et 2012 dont la notification devait impérativement intervenir avant la fin de l'année 2013, et par la non-imposition de ces trop-versés pour ne pas léser les militaires frappés par une anomalie de ce type.

La deuxième partie de la campagne de régularisation a été engagée au début de l'année 2014. Elle vise à traiter la totalité des dossiers et des anomalies : il s'agit de calculer et de régulariser, pour chaque administré impacté, le solde entre les paiements qui lui sont dus et les versements qui lui ont été effectués par ou hors Louvois, et de mettre ainsi ses droits à jour.

Depuis le printemps 2015, l'armée de terre traite en flux les dossiers de solde en anomalie.

La prévision de recouvrement d'indus nets s'établit pour 2016 à 103 millions d'euros contre 91,1 millions d'euros effectivement recouvrés en 2015.

Si les mesures prises ont permis d'améliorer sensiblement la qualité de la solde, la stabilité de Louvois ne peut être garantie. Aussi le 3 décembre 2013, le ministre de la défense a pris la décision de remplacer Louvois dans le cadre du programme Source Solde afin d'obérer le risque de dysfonctionnement du calculateur.

Suites données aux observations de la Cour des comptes dans son rapport annuel 2016

- Mettre en oeuvre toutes les diligences pour la récupération des indus et la régularisation des moins-versés :

À fin juin 2016, les indus notifiés depuis le raccordement à Louvois s'élevaient à 393,2 millions d'euros cumulés, dont 262,9 millions d'euros ont été encaissés ; 41,8 millions d'euros demeurant en attente des notifications.

- Préciser l'interprétation des règles de prescription applicables aux indus versés antérieurement au 31 décembre 2011 et aux avances de soldes :

Les indus versés avant le 31 décembre 2011 et l'application du délai de prescription biennale (article 94 de la loi de finances rectificative pour 2011 n° 2011-1978), ont tous été détectés et traités. En ce qui concerne les avances de solde, qui n'ont pas le caractère de paiements indus, la direction générale des finances publiques (DGFiP) a confirmé le délai de prescription de droit commun à 5 ans, appliqué par le ministère de la défense.

- Piloter les douze chantiers d'amélioration sur la base d'un tableau de bord fixant les étapes et les échéances pour chacun d'eux :

Le tableau de bord du suivi des chantiers Louvois est produit mensuellement à l'attention du directeur des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD), et chaque semestre au CODIR RH-Solde.

- Mettre en place un plan de formation assorti d'un calendrier détaillé pour les différents intervenants dans les processus de ressources humaines et de la solde :

Dans le cadre de la sécurisation du déploiement de Source Solde et de la professionnalisation des acteurs, le SCA a conçu un dispositif de formation à la solde au cours du 1er semestre 2016. Ce dispositif sera déployé progressivement à partir de septembre 2016 ; le périmètre complet devrait être couvert en début d'année 2017.

- Assurer un partage complet et rapide de l'information entre les équipes en charge de Louvois, de Source Solde et des ressources humaines :

L'information mutuelle et la cohérence sont assurées par le comité stratégique (COSTRAT), commun aux deux projets, et par les participants aux comités qui sont, pour beaucoup, communs. En outre, un point Source Solde est inscrit systématiquement à l'ordre du jour du comité de pilotage RH-Solde. Le dispositif a été renforcé à compter de septembre 2015 : le comité directeur Source Solde se réunit toutes les deux semaines, éclairé, en alternance, par un comité de pilotage dédié au déploiement et par un comité de gestion de configuration du système.

Ce dispositif permet de partager l'information entre les acteurs du programme Source Solde, mais aussi avec les acteurs de l'actuelle chaîne RH-Solde en rationalisant les réunions.

Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs

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