B. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT » : DES RECETTES EXCEPTIONNELLES INDISPENSABLES DONT LE MONTANT EST INCERTAIN

1. Opérations réalisées et prévisions
a) Le mécanisme du CAS

L'article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, qui a créé le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », a prévu que les produits de cessions de biens immobiliers soient affectés au désendettement de l'État à hauteur d'un minimum de 15 %, porté à 20 % en 2012, 25 % en 2013 et 30 % à partir de 2014.

L'article 38 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a prorogé ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2019, conformément à la LPM 2014-2019.

Le ministère de la défense bénéficie ainsi d'un taux de retour des produits de cession de 100 % durant toute la période de la LPM 2014-2019, soit jusqu'au 31 décembre 2019.

b) Des prévisions affectées par le décalage de certaines opérations

La LPM actualisée prévoyait d'affecter au budget de la défense des recettes de cessions immobilières d'un montant de 230 millions d'euros en 2015, puis 200 millions d'euros en 2016 et 100 M€ en 2017, 2018 et 2019, soit au total 730 millions d'euros de recettes sur la période 2015-2019.

Prévision de recettes de cessions affectées au budget de la défense pour 2015-2019

(CP, en milliards d'euros courants)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

2015-2019

LPM initiale

0,23

0,20

0,05

0

0

0,48

Actualisation

Total

0,23

0,25

0,15

0,15

0,15

0,93

immobilier

0,23

0,20

0,10

0,10

0,10

0,73

matériels

0

0,05

0,05

0,05

0,05

0,20

Variation

en volume

0

+ 0,05

+ 0,10

+ 0,15

+ 0,15

+ 0,45

en proportion

0

+ 25 %

+ 67 %

n.p.

n.p.

+ 94 %

Source : LPM 2014-2019, présent projet de loi et état-major des armées

Pour 2015, les encaissements des produits des cessions immobilières s'élèvent à 183,7 millions d'euros. L'essentiel de ces ressources provient de la cession du Centre Marine de la Pépinière pour un montant de 118,5 millions d'euros.

Pour 2016, les prévisions d'encaissement de recettes exceptionnelles liées aux produits des cessions immobilières s'établissent à 99 millions d'euros dont 19 millions d'euros de complément de prix sur le Centre Marine de la Pépinière et 80 millions d'euros d'emprises régionales.

Pour 2015 et 2016, les prévisions d'encaissement sont donc inférieures aux prévisions initiales, pour deux raisons :

- d'une part, l'annulation de la cession prévue d'une partie de la caserne Lourcine (- 15 millions d'euros), pour faire face au besoin en matière d'hébergement en Ile-de-France ;

- d'autre part, le décalage dans le temps de cessions initialement prévues sur 2015 et 2016 (l'Hôtel de l'Artillerie et l'Ilot Saint-Germain).

Ces encaissements moindres sont toutefois compensés par des montants importants de reports au sein du CAS (164 millions d'euros en 2015 et 186 millions d'euros en 2016).

Enfin, pour, 2017, le projet de loi de finances réactualise la prévision, en prenant en compte le décalage dans le temps de certaines opérations. La prévision de recettes de cessions s'établit à 200 millions d'euros, qui doivent venir des deux opérations parisiennes, pour lesquelles les discussions sont encore en cours - l'Hôtel de l'Artillerie et l'Îlot Saint Germain - ainsi que de la cession d'emprises régionales.

D'après les informations fournies par M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration, lors de son audition par votre commission le 19 octobre 2016, l'arbitrage rendu en faveur de Sciences Po, s'agissant de l'Hôtel de l'Artillerie (place Saint-Thomas d'Aquin à Paris), devrait conduire à percevoir environ 87 millions d'euros.

Prévision actualisée des recettes de cessions affectées

Opérations intervenues sur le CAS « Immobilier »

(en millions d'euros)

Exécution 2015

Prévision 2016

Prévision 2017

Prévision 2018 et 2019

Ressources

372

292

168

264

Dont cessions

184

99

168

264

dont autres (versement depuis le budget général, loyer d'avance versé par la société nationale immobilière, etc.)

27

7

dont reports

164

186

Consommation (exécution et cible de la LPM pour 2016 et au-delà)

186

200

200

200

Prévisions de produits d'encaissements 2015-2019

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Total

Emprises parisiennes

127

19

107

180

0

433

Emprises hors Paris

57

80

61

44

40

282

Total

184

99

168

224

40

715

Source : réponse au questionnaire de vos rapporteurs

2. Les cessions d'emprises parisiennes : des montants et délais incertains
a) Cessions par appels d'offres ou de gré à gré

Les montants des cessions peuvent être minorés par la décision de recourir à une cession de gré à gré plutôt que par appel d'offres.

À l'exception des opérations réalisées au profit de la Ville de Paris - ou d'un de ses bailleurs sociaux - qui dispose d'un droit de priorité, pour chaque cession décidée par l'État, les aliénations sont en principe réalisées dans le cadre d'appels d'offres, permettant de maximiser les recettes pour le ministère de la défense, contribuant ainsi au financement de ses dépenses d'infrastructure. Ce fut le cas pour les cessions des ensembles Bellechasse-Penthemont et la Pépinière.

S'agissant de la cession du site de l'Hôtel de l'Artillerie, toutefois, le principe d'une cession de gré à gré à la Fondation nationale des sciences politiques a été acté par le Premier ministre, au motif du caractère d'intérêt général du maintien dans un arrondissement parisien d'une activité d'enseignement supérieur et de recherche telles que celle proposée par Sciences-po.

Des discussions sont toujours en cours, pour une transaction qui devrait s'élever à 87 millions d'euros. Compte tenu des prix de vente de la caserne de la Pépinière (118,5 millions d'euros) et de l'ensemble Bellechasse-Penthemont (137 millions d'euros), il est probable qu'une cession ouverte de l'Hôtel de l'Artillerie, plutôt qu'une cession de gré à gré, aurait pu produire plus de ressources.

Votre commission a exprimé son désaccord sur cet arbitrage qui diminue les ressources de la défense.

b) Application de la décote dite « Duflot »

Les montants de cession peuvent, par ailleurs, être minorés - et les délais majorés - par la mise en oeuvre du dispositif de décote issu de la loi du 18 janvier 2013.

La loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi « Duflot », permet en effet à l'État de céder des terrains avec une décote pouvant aller jusqu'à 100 % de la valeur du bien, pour des projets de construction de logements sociaux.

À l'initiative du Sénat et pour préserver les ressources de la défense, la loi n°2015-917 du 28 juillet 2015 portant actualisation de la LPM sur 2015-2019 précisait : « jusqu'au 31 décembre 2019, lorsqu'il s'agit de terrains occupés par le ministère de la défense, le taux de la décote consentie en application [de la loi du 18 janvier 2013] ne peut excéder 30 % de leur valeur vénale ».

Cette disposition, qui figurait au II bis de l'article L3211-7 du code de la propriété des personnes publiques, a été abrogée, à l'initiative de l'Assemblée nationale, par l'article 55 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016. Votre commission le regrette vivement .

La mobilisation du foncier public en faveur de la production de logements sociaux a concerné, dans les faits, cinq cessions en province entre 2014 et 2016, pour une perte de recettes totale de 22,8 millions d'euros.

La mobilisation du foncier public en faveur de la production de logements sociaux

Cinq cessions sont concernés entre 2014 et 2016, pour une perte de recettes exceptionnelles totale de 22,8 M€, répartie comme suit :

- 0,23 M€ pour la cession du service local de psychologie appliquée (SLPA) de Bordeaux conclue le 27 novembre 2014 pour un prix de vente de 0,15 M€ (décote de 60 %) ;

- 13,13 M€ pour la cession du quartier Mellinet à Nantes intervenue le 19 décembre 2014 pour un montant de 6,30 M€ (décote de 67 %) ;

- 0,04 M€ pour la cession du terrain dépendant de la villa Paraire (Rodez), intervenue le 27 mars 2015 pour un montant de 0,07 M€ (décote de 38 %) ;

- 0,22 M€ pour le bâtiment de l'ancienne DIRSEA (Marseille), cédé le 21 avril 2015 pour un montant de 0,70 M€ (décote de 24 %) ;

- 9,18 M€ pour la caserne Gardanne à Roquebrune Cap-Martin, cédée le 15 juin 2016 pour un montant de 21,4 M€ (décote de 30 %).

Aucune cession parisienne du ministère de la défense n'a été réalisée, à ce jour, en application du dispositif de décote.

Toutefois, il est envisagé de l'appliquer dans le cadre de la cession d'une fraction de l'Ilot Saint-Germain, siège historique du ministère de la défense, à un bailleur social de la Ville de Paris. Une fraction - environ 14 000 mètres carrés - de l'Ilot Saint-Germain devrait, en effet, être utilisée pour construire des logements sociaux et des équipements publics.

Comme M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration, l'a indiqué à votre commission : « Il existe différentes catégories en matière de logement social. Si la catégorie retenue est celle dans laquelle les loyers sont les plus bas - et il semblerait que l'on s'oriente vers cette option - cela aura nécessairement des conséquences sur les ressources que le ministère attend.

Cela peut également avoir des conséquences sur la cession de l'autre partie de l'îlot Saint-Germain, qui devrait faire l'objet d'un appel à projets. Des discussions sont pilotées par le préfet de région, avec la ville, le ministère et la direction de la politique immobilière de l'État. Je ne suis pas certain que cette opération sera réglée en 2017 » 15 ( * ) .

Votre commission réaffirme son attachement à la préservation des ressources de la défense. A tout le moins, des logements pourraient être affectés aux familles de militaires.

c) Une cession en cours de préparation : le Val de Grâce

Lors de son audition par votre commission, M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'administration, a par ailleurs fait le point sur la cession attendue d'une partie du Val de Grâce, dont l'hôpital d'instruction des armées est fermé depuis juillet 2016 :

« Concernant la cession du Val de Grâce, les discussions ont également été engagées par la préfecture de région avec la ville et l'Agence régionale de santé (ARS). Le classement de l'hôpital du Val-de-Grâce en grand équipement urbain dans le plan local d'urbanisme (PLU) de Paris limite les capacités d'utilisation de cet édifice.

Le ministère devrait conserver la partie historique. Une discussion a lieu sur le jardin. L'autre partie devrait être cédée. Un appel à projets va être lancé. Des investisseurs français et étrangers sont intéressés. Le résultat dépendra des discussions avec la ville et de ses projets. L'ARS ne prévoit pas d'établissement hospitalier dans cet arrondissement. Il y a donc là aussi une interrogation sur la réalisation de cette cession en 2017 » 16 ( * ) .

Les cessions d'emprises parisiennes du ministère de la défense

Emprise

Date de cession

Prix de cession (M€)

Procédure

Observations

Caserne Reuilly

06/12/2013

40

Gré à gré

Opération réalisée en application du protocole avec la Ville de Paris, d'où le choix de la procédure de gré à gré.  Le prix correspond à l'évaluation domaniale (qui prend en compte la réalisation de logements sociaux)

Ensemble Bellechasse

27/06/2014

137

Appel d'offres

Immeuble libre d'obligation de logement social. Cession réalisée à un montant supérieur à l'évaluation initiale

La Pépinière

09/01/2015

118,5

Appel d'offres

Cession réalisée à un montant supérieur à l'évaluation initiale

Complément de prix de 19 M€ attendu compte tenu de la reconversion confirmée en immeuble de bureaux par l'acquéreur.

Hôtel de l'artillerie

2016-2017

Non disponible

Cession en cours

Ilot Saint Germain

2017-2018

Non disponible

Gré à gré au profit du bailleur choisi par la Ville de Paris ;

Appel d'offres pour le reste du site.

Cession en cours

Val de Grace

2018

Non disponible

Cession en préparation

3. Les cessions hors immobilier parisien
a) Les dispositifs : cessions à l'euro symbolique et cessions à titre onéreux

La moitié des emprises cessibles dans le cadre des restructurations 2009-2014 est localisée sur le territoire de communes qui sont éligibles au dispositif de cession à l'euro symbolique, conformément à l'article 67 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009.

En effet, les emprises reconnues inutiles dans le cadre des opérations de restructuration du ministère de la défense réalisées entre le 1er septembre 2009 et le 31 décembre 2014 peuvent faire l'objet de cessions à l'euro symbolique avec complément de prix différé, en cas de revente, aux communes les plus fortement affectées par les restructurations et qui en font la demande.

La liste des communes concernées a été fixée par le décret n° 2009-829 du 3 juillet 2009 modifié.

Un dispositif rénové de cession à l'euro symbolique a été introduit par l'article 39 de la loi de finances initiale pour 2015, pour les immeubles du ministère de la défense reconnus inutiles dans le cadre des restructurations de la période 2015-2019. Divers aménagements ont ainsi été apportés au dispositif, notamment :

- l'élargissement de la typologie des bénéficiaires ;

- la diversification au-delà des seules actions et opérations d'aménagement des destinations des terrains cédés ;

- la prise en compte des spécificités ultramarines (adaptation aux compétences dévolues aux collectivités polynésiennes et néocalédoniennes et aux spécificités législatives de ces territoires).

La liste des bénéficiaires est fixée par le décret n° 2015-1027 du 19 août 2015 pris en application de l'article 39 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 relatif au dispositif de cession à l'euro symbolique.

L'autre partie des emprises objets des mesures de restructuration 2009-2014 est cédée à titre onéreux, soit aux collectivités territoriales par procédure de gré à gré, soit par appel d'offres lorsque les collectivités renoncent à l'acquisition. Ces emprises peuvent également être transférées à titre onéreux à d'autres ministères. Dans le cadre des mesures induites par la LPM 2014-2019, l'essentiel des cessions sera réalisé à titre onéreux, selon les mêmes procédures, qui ont été reconduites.

b) Bilan des opérations réalisées

Pour la période 2014-2015, 50 emprises hors Paris ont été cédées :

- 27 d'entre elles ont fait l'objet, par décret, d'une autorisation de cession à l'euro symbolique ;

- 23 emprises ont fait l'objet d'une cession à titre onéreux.

112 opérations de cession à l'euro symbolique ont été autorisées depuis l'instauration de ce dispositif en 2009. La cession de l'ensemble de ces emprises représente un montant total d'environ 238 millions d'euros. Quatre emprises cédées à l'euro symbolique ont donné lieu au versement d'un complément de prix en 2015 dans le cadre de la revente de tout ou partie du site.

Depuis le début de l'année 2016, 2 emprises ont fait l'objet d'un décret autorisant une cession à l'euro symbolique (évaluées par les services de France Domaine à 18,4 millions d'euros) et 3 emprises ou fractions d'emprise ont été cédées à titre onéreux, pour un montant de 23,1 millions d'euros. La principale emprise régionale cédée est la caserne Gardanne à Roquebrune-Cap Martin pour 21,4 millions d'euros.

Bilan d'application du dispositif de cession à l'euro symbolique

Année

Nombre d'emprises cédées à l'euro symbolique

Surface totale des emprises cédées (m²)

Évaluation finale (M€)

2009

15

324 078

12

2010

12

852 866

26

2011

30

4 635 877

59

2012

5

479 476

1

2013

21

9 272 948

34

2014

11

4 097 924

58

2015

16

7 531 050

30

2016

2

356 842

18

TOTAL

112

27 551 061

238


* 15 Audition du 19 octobre 2016.

* 16 Même audition.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page