II. DEUX MISSIONS RETRAÇANT L'ESSENTIEL DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE DE L'ETAT EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DU SYSTÈME DE RETRAITES

A. LE CAS « PENSIONS » ET LA CONTRIBUTION EMPLOYEUR POUR LES FONCTIONNAIRES CIVILS ET MILITAIRES DE L'ETAT

1. Des dépenses en progression de 1,31 % en 2018

Doté de 58,4 milliards d'euros (en hausse de 1,31 % par rapport à 2017), le Cas « Pensions » est composé de trois programmes (voir tableau ci-après) :

- le programme 741 regroupant les dépenses des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que des allocations temporaires d'activité des fonctionnaires titulaires de l'État. S'élevant à un montant de 54,7 milliards d'euros, elles représentent 93,5 % des dépenses du compte d'affectation spéciale ;

- le programme 742 concernant le Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) qui s'élève à un montant de 1,9 milliard d'euros (3,3 % des dépenses du CAS) en 2018. Ce programme gère également les fonds assurant le versement des rentes d'accident du travail de ces mêmes ouvriers (RATOCEM) 8 ( * ) . Créé en 1928, le FSPOEIE est géré par la Caisse des dépôts et consignations (comme le CNRACL ou le régime additionnel de la fonction publique) ;

- le programme 743 regroupe les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG) ainsi que les pensions ou rentes de régimes de retraite dont l'État est redevable, notamment au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation, pour un montant de 1,9 milliard d'euros en 2018 . Ces pensions sont dues en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG).

Les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » pour 2018 en un clin d'oeil

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation
2018/2017

741 - Pensions civiles et militaires de retraite
et allocations temporaires d'invalidité

54 626 800 000

+ 1,49 %

Fonctionnaires civils relevant du code
des pensions civiles et militaires de retraite

44 495 700 000

+ 1,82 %

Militaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite

9 993 600 000

+ 0,07 %

Allocations temporaires d'invalidité

137 500 000

- 0,94 %

742 - Ouvriers des établissements
industriels de l'État

1 921 568 000

+ 1,75 %

Prestations vieillesse et invalidité

1 845 700 000

+ 1,36 %

Autres dépenses spécifiques

690 000

- 71,89 %

Gestion du régime

7 567 000

- 1,48 %

Rentes accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM)

67 611 000

+ 17,96 %

743 - Pensions militaires d'invalidité
et des victimes de guerre et autres pensions

1 862 660 000

- 4,03 %

Reconnaissance de la Nation

744 700 000

- 0,61 %

Réparation

1 074 200 000

- 6,38 %

Pensions d'Alsace-Lorraine

16 000 000

stab.

Allocation de reconnaissance des anciens supplétifs

15 370 000

+ 1,99 %

Pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien

50 000

- 6,15 %

Pensions de sapeurs-pompiers et anciens agents de la défense passive victimes d'accident.

12 170 000

- 5,44 %

Pensions de l'ORTF

170 000

- 32 %

Total Cas « Pensions »

58 411 028 000

+ 1,31 %

Source : Projet annuel de performances annexé aux PLF pour 2018

À l'instar des remarques qu'a pu faire votre rapporteur sur les dépenses des régimes de base dans son commentaire du PLFSS pour 2018, les dépenses de retraite des fonctionnaires subissent une hausse contenue en raison de trois facteurs :

- la progression régulière du nombre de pensionnés liée à l'arrivée à la retraite des générations du « baby-boom » . D'après la Cour des comptes 9 ( * ) , le nombre de pensionnés de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale est passé de 1 million en 1990 à 1,6 million en 2014. En 2018, ce sont ainsi 80 600 départs à la retraite, de droits directs ou de réversion, qui seront enregistrés dans la fonction publique civile de l'État contre 79 500 en 2017. Le chiffre de départ à la retraite de militaires demeurera stable en 2018 par rapport à 2017, atteignant 10 900 ;

- l'effet noria, qui définit la pression à la hausse sur les dépenses des retraites en raison de l'arrivée de nouvelles générations de retraités aux carrières complètes et au taux de travail féminin plus important entraînant une augmentation de la pension moyenne. En 2015, cette dernière, pour les fonctionnaires civils, s'élevait à 2 590 euros brut mensuel pour un mono-pensionné de droit direct 10 ( * ) ;

- la faiblesse de l'inflation qui a entraîné une revalorisation des pensions de seulement 0,8 % au 1 er octobre.

2. Des recettes équilibrées principalement par les contributions employeurs
a) Les recettes tirées des cotisations « salariales »

Aux termes de l'article 21 la LOLF, un compte d'affectation spéciale doit être équilibré à tout instant. Les produits du Cas « Pensions » sont composés principalement des cotisations sociales des fonctionnaires actifs et des contributions d'équilibre des employeurs.

S'agissant des cotisations « salariales », leur montant atteindra en 2018 6,5 milliards d'euros pour le régime de retraite des fonctionnaires de l'État et 100 millions d'euros pour le FSPOEIE. Par définition, le programme 743 est exclusivement financé par la solidarité nationale.

Depuis la réforme des retraites de 2010 11 ( * ) , les taux de cotisations salariales convergent vers les taux de droit commun du régime général de base et du régime complémentaire des salariés non cadres (Arrco). Cette convergence doit se poursuivre jusqu'en 2020 au rythme présenté dans le tableau ci-après.

Taux de cotisation salariale des fonctionnaires et des ouvriers d'État

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, op. cit.

Les recettes tirées des cotisations salariales des fonctionnaires de l'État ont connu une progression plus forte en 2017 en raison de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique décidée en 2016 (0,6 % au 1 er juillet 2016 et 0,6 % au 1 er février 2017), qui a contribué à élargir la base liquidative en conséquence. Ce dynamisme sera donc freiné en 2018.

La suspension, au cours de l'année 2018, du protocole sur la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR), contribuera également à ralentir la progression des recettes de cotisations salariales. En prévoyant d'une part, la refonte et la revalorisation des grilles de rémunération des fonctionnaires entre 2017 et 2020 et d'autre part, la transformation de certaines primes en points d'indices destiné à amorcer un « rééquilibrage en faveur du point d'indice » , le protocole PPCR était censé élargir l'assiette des cotisations en augmentant le traitement indiciaire brut des fonctionnaires.

D'après les calculs de la direction du budget, commandés par la commission des finances du Sénat, l'effet de l'accord PPCR sur les recettes des régimes de retraite des fonctionnaires serait le suivant :

Tableau présentant l'ordre de grandeur des impacts « recettes » de l'accord PPCR

FPE / FPT / FPH
(SRE et CNRACL)

Impact
en recettes

2016

2017

2018

2019

2020

Hausse
des cotisations salariales

14

110

160

197

202

Hausse
des cotisations patronales

64

567

847

1 069

1 075

Source : Commission des finances d'après les calculs de la direction du budget

La commission des finances du Sénat, qui a par ailleurs publié un rapport récent sur les impacts du protocole PPCR 12 ( * ) , estime que le supplément de recettes pour le seul Cas « Pensions » serait en 2017 de 500 millions d'euros tandis que l'effet sur les dépenses serait compris entre 10 et 14 millions d'euros.

Annoncée par le Gouvernement en octobre 2017, la suspension en 2018 de l'application de cet accord priverait le Cas « Pensions » d'une recette supplémentaire de 243 millions d'euros. Si cette mesure est positive pour les finances publiques dans leur ensemble, elle contribue à dégrader le solde du Cas « Pensions » dont l'équilibre est assuré par la participation de l'État-employeur.

b) Les contributions employeurs aux recettes du Cas « Pensions »

En 2018, le montant des contributions employeur au régime des fonctionnaires de l'État s'élèvera à 48,9 milliards d'euros . Ce montant se décompose notamment des trois masses principales suivantes :

- 39,5 milliards au titre de la contribution de l'État-employeur pour les fonctionnaires de l'État civils et militaires travaillant dans son administration ;

- 5,5 milliard au titre des cotisations patronales des autres opérateurs employant des fonctionnaires de l'État, à savoir l'ensemble des établissements publics ;

- 1,4 milliards d'euros au titre des cotisations patronales de La Poste et Orange qui emploient d'anciens fonctionnaires sous statut.

L'équilibre financier du FSPOEIE est assuré par le versement des cotisations patronales des établissements concernés pour un montant de 282 millions d'euros et surtout par celui d'une subvention d'équilibre du budget de l'État pour 1,5 milliard d'euros .

Créées par la réforme des retraites de 2003 13 ( * ) , les contributions d'équilibre employeur ont constitué un progrès de transparence sur les conditions de partage de l'effort contributif entre les employeurs publics et leurs agents.

Pour le programme 741, trois taux de contribution de l'État-employeur sont distingués en lien avec les trois actions du programme :

- un taux dit « civil » pour les fonctionnaires civils et les magistrats. Ce taux, actuellement fixé à 74,28 %, est appliqué par les ministères employeurs et les établissements publics employant des fonctionnaires de l'État sur leur masse salariale ;

Taux de contribution employeur des fonctionnaires et des ouvriers de l'État

Source : Rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique, op. cit.

- un taux pour les allocations temporaires d'invalidité de 0,32 % ;

- un taux pour les militaires de 126,07 %.

Comme le montre le tableau ci-dessus, la progression tendancielle des dépenses du Cas « Pensions » a nécessité, depuis sa création en 2006, un ajustement fréquent des recettes et par conséquent des taux de contribution employeur.

Les taux de cotisation « civils » et « militaires » ont été réajustés presque chaque année depuis 2006, année correspondant au début de l'entrée en retraite des générations du baby-boom, jusqu'en 2014. Ils sont depuis lors maintenus à ces niveaux puisqu'ils garantissent l'équilibre financier du Cas « Pensions ». Ce dernier dégage même depuis 2013 un solde cumulé qui atteindra 7,6 milliards d'euros en 2018 (voir tableau ci-après).

D'après les informations obtenues par votre rapporteur, il n'est pas prévu une réduction temporaire de ces taux, « qui pourrait envoyer le message aux employeurs que le ratio démographique du régime des pensions civiles et militaires de retraite s'est amélioré » 14 ( * ) . Une stabilité du taux est au contraire assumée, « dans la mesure où la dynamique spontanée des dépenses ramènera mécaniquement le niveau du solde cumulé du Cas vers le niveau minimum d'1 milliard d'euros sous l'effet de la croissance tendancielle des dépenses de pensions ».

Évolution des soldes annuels et cumulé du Cas « Pensions »

(en milliards d'euros)

Exécution

Prévisions

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde exercice

- 0,2

- 0,2

0,2

0,6

0,8

0,8

2,0

2,5

1,9

1,4

0,2

- 1,2

Solde cumulé en fin d'année

1

0,8

1

1,6

2,4

3,2

5,2

7,6

9,5

11,0

11,2

10,0

Source : Réponse de la direction du budget à une question de votre rapporteur

Les contributions employeurs de l'État, qui permettent d'assurer l'équilibre comptable du Cas « Pensions », ont donc une triple dimension :

- acquitter le financement de la part patronale des collectivités ou entreprises publiques pour l'assurance vieillesse de leurs agents ;

- compenser le déséquilibre démographique des régimes de la fonction publique de l'État . Alors que le ratio démographique au sein du régime général est de 1,3, il est inférieur à 1 dans les régimes de fonctionnaires et des ouvriers de l'État alors qu'il est bien supérieur dans le régime relativement jeune de la CNRACL ;

Ratio démographique par groupes de régimes

Source : PQE « retraite », annexe du PLFSS pour 2018 d'après des données des régimes, CCSS septembre 2017.

- enfin, financer des dispositifs retraite dérogatoires du droit commun en raison de la nature spécifique du service des agents. Les militaires bénéficient ainsi de conditions plus avantageuses, notamment au niveau des règles de départ à la retraite qui ont un coût pris en charge par l'État-employeur et donc in fine par la solidarité nationale.


* 8 Rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires.

* 9 Les pensions de retraite des fonctionnaires, octobre 2016.

* 10 Chiffre rappelé dans le quatrième avis du Comité de suivi des retraites, juillet 2017, p. 47.

* 11 Article 42 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre portant réforme des retraites et décret d'application n° 2010-1749 du 30 décembre 2010.

* 12 Les effets sur les pensions de la fonction publique du protocole de modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR), rapport d'information fait au nom de la commission des finances, Jean-Claude Boulard, novembre 2016.

* 13 Article 63 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

* 14 Réponse écrite à l'une des questions budgétaires de votre rapporteur.

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