D. AÉROPORTS DE PARIS FAIT FACE À DE NOMBREUX DÉFIS

1. L'éventuelle privatisation d'ADP soulève de nombreuses interrogations

Conformément à l'engagement pris par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, le Gouvernement a annoncé la création, au 1 er janvier 2018, d'un fonds de soutien à l'innovation de 10 milliards d'euros alimenté par des cessions de participations ainsi que par des dividendes versés par les sociétés dont l'État est actionnaire.

En septembre dernier, le Gouvernement a ainsi procédé à des cessions de participations dans les groupes Engie et Renault , pour un montant respectif de 1,53 milliard et 55 millions d'euros.

L'Agence des participations de l'État examine par ailleurs les conditions d'une cession de participations de l'État dans d'autres groupes, dont le groupe Aéroports de Paris (ADP).

Actuellement, l'État détient 50,6 % du groupe ADP , une participation dont la valorisation s'élève à 7 milliards d'euros .

Répartition du capital d'ADP au 31 décembre 2016

Source : ADP

L'éventuelle privatisation du groupe ADP soulève de nombreuses questions .

D'un point de vue juridique, d'abord, se pose le problème du transfert des actifs fonciers d'ADP à l'État . Lors de la transformation d'ADP en société anonyme par la loi du 20 avril 2005 6 ( * ) , le groupe avait conservé la propriété des actifs fonciers (bâtiments aéroportuaires, pistes de décollage et d'atterrissage, etc.). La privatisation d'ADP nécessiterait de séparer ces actifs de l'exploitation, afin que la propriété du foncier puisse être transférée à l'État et que seule la gestion aéroportuaire fasse l'objet d'une concession.

D'un point de vue financier , ensuite, cette opération, certainement lucrative à court terme, priverait l'État de la « rente » que constituent les dividendes annuels versés par ADP . En 2016, le groupe ADP a versé 258 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires, soit 60 % de son résultat net, dont 130 millions d'euros à l'État.

D'un point de vue stratégique, enfin, une telle privatisation fait courir le risque d'un affaiblissement du groupe aéroportuaire . Un opérateur privé qui rachèterait les parts d'ADP pourrait, à l'avenir, privilégier des choix d'investissement au détriment des aéroports parisiens. Il pourrait également avoir intérêt à augmenter les redevances aéroportuaires pour améliorer sa rentabilité financière au détriment des compagnies aériennes et particulièrement du pavillon français.

En tout état de cause, comme le stipule la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, une éventuelle privatisation du groupe ADP devrait nécessairement prendre la forme d'une loi et serait donc soumise à l'examen du Parlement 7 ( * ) .

2. La poursuite des projets d'investissement dans le cadre du plan « Connect 2020 »

Le troisième contrat de régulation économique (CRE 3) conclu entre l'État et ADP prévoit la réalisation, sur la période 2016-2020, d'un programme d'investissement de 3 milliards d'euros sur le périmètre régulé , soit une hausse de 50 % par rapport au CRE précédent, afin d'optimiser et de développer les aéroports parisiens.

Les principaux investissements prévus par le CRE 3 ont été engagés, en particulier :

- la construction d'un bâtiment de jonction entre les terminaux Sud et Ouest de Paris-Orly ;

- la jonction des satellites internationaux du terminal 1 de Paris-CDG ;

- la construction d'un trieur bagages dans le terminal 2 E de Paris-CDG.

Ce programme d'investissement est adossé à un plan stratégique « Connect 2020 » , qui prévoit 4,6 milliards d'euros d'investissements au total en incluant le périmètre non régulé. Outre les projets d'infrastructures mentionnés, ce plan prévoit de réaménager certains terminaux pour améliorer l'accueil et la circulation des passagers, de développer les services présents dans les aéroports, ou encore de créer de nouveaux aménagements pour les passagers en correspondance.

Ces investissements s'accompagnent d'un autre projet d'infrastructure essentiel pour le développement du hub parisien : le projet CDG-Express de liaison ferroviaire directe et sans arrêt de 20 minutes entre Paris (Gare de l'Est) et l'aéroport Paris-CDG .

Plan du tracé du projet de liaison ferroviaire CDG-Express

Le coût de la construction de cette ligne est estimé à 2,1 milliards d'euros . Aéroports de Paris et SNCF Réseau participent à parts égales en fonds propres pour un montant d'environ 0,2 milliard d'euros chacun. Le complément, de 1,7 milliard d'euros, devait être obtenu par emprunt auprès d'établissements bancaires, avec des garanties de l'État. Les charges financières et d'exploitation de cette infrastructure seront couvertes par la redevance d'usage de l'infrastructure versée par l'exploitant du service de transport ferroviaire, complétée par le produit d'une taxe à prélever sur les passagers aériens de l'aéroport de Paris-CDG, hors ceux en correspondance 8 ( * ) .

Les travaux de réalisation de l'infrastructure doivent débuter en 2018 , l'objectif étant que la ligne soit mise en service à la fin de l'année 2023, avant la tenue des Jeux Olympiques de 2024.

Afin de sécuriser le financement de ce projet d'infrastructure, le Gouvernement a, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2018 à l'Assemblée nationale, présenté un amendement prévoyant l'octroi d'un prêt par l'État de 1,7 milliard d'euros à la société concessionnaire en charge de la réalisation de cette infrastructure, détenue par SNCF Réseau et le groupe ADP.

Maintenant que les conditions de financement de ce projet sont réunies, votre rapporteure espère un engagement rapide des travaux du CDG-Express, afin que le calendrier très contraint puisse être tenu.

3. Un temps d'attente aux contrôles frontières toujours trop long

Après une année 2016 marquée par une croissance du trafic de passagers modérée, le premier semestre 2017 a renoué avec une croissance forte, de l'ordre de 5,9 % . Cette croissance profite à tous les principaux aéroports français, dont les aéroports de Paris-CDG et Paris-Orly qui voient leur trafic augmenter de 5,2 % et 4,6 %.

La forte croissance du trafic de passagers dans les aéroports français est un signal positif, qui démontre l'attractivité de notre pays et de nos infrastructures aéroportuaires .

Cette évolution du trafic s'accompagne cependant d'un temps d'attente aux contrôles aux frontières très important dans les aéroports parisiens ; pendant la période estivale, ce temps d'attente est en moyenne de 1 heures 30 à Orly, avec des pointes pouvant aller jusqu'à 3 heures d'attente, ce qui a des conséquences très pénalisantes.

Après une année 2016 particulièrement difficile, marquée par une dégradation importante des temps d'attente aux frontières, la situation s'est légèrement améliorée en 2017 . En effet, ADP a installé plus de quarante systèmes « Parafe » supplémentaires permettant un contrôle automatisé des passeports. Par ailleurs, pour faire face à l'afflux de touristes estivaux, des policiers supplémentaires ont été déployés au mois de juillet.

Seul un renforcement significatif et durable des effectifs de la police aux frontières pour faire face à la croissance du trafic aérien et au renforcement des contrôles est de nature à faire diminuer le temps d'attente aux frontières. Votre rapporteure appelle le ministère de l'intérieur à prendre ses responsabilités en la matière .


* 6 Loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports.

* 7 L'article 191 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques dispose que « les opérations par lesquelles l'État transfère au secteur privé la majorité du capital d'une société exploitant une infrastructure de transport aéroportuaire ou autoroutière dans le cadre d'une concession accordée par l'État sont autorisées par la loi ».

* 8 Cette taxe a été créée par l'article 117 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

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