II. UNE POLITIQUE GOUVERNEMENTALE EN MATIÈRE D'HABITAT QUI POURRAIT RALENTIR UN NPNRU TOUT JUSTE RELANCÉ

A. APRÈS UNE ANNÉE D'ARRÊT, UN NPNRU ENFIN RELANCÉ

1. Une multiplication des signatures de protocole

L'ensemble des acteurs concernés reconnaît qu'au moins une année a été « perdue » dans la mise en oeuvre du NPNRU en raison :

- de la décision du Gouvernement d'instaurer la réduction de loyer de solidarité (RLS) qui a conduit les bailleurs sociaux à suspendre leur engagement dans le financement du NPNRU ;

- des incertitudes résultant en début d'année de l'avant-projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE) et des effets pour Action Logement, premier contributeur aux programmes de renouvellement urbain, du relèvement du seuil de 20 à 50 salariés pour l'assujettissement des entreprises à la participation des employeurs à l'effort de construction. Le Gouvernement s'est finalement engagé à compenser le manque à gagner résultant du relèvement des seuils sociaux, estimé par Action Logement à 300 millions d'euros, malheureusement par une augmentation du coût des prêts emprunteurs.

S'agissant du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), on constate un avancement dans la contractualisation. Au 31 août 2018, 93 % des protocoles de préfiguration concernant des quartiers d'intérêt national et 97 % de ceux concernant des quartiers d'intérêt régional sont signés. Ces protocoles ont pour objet de définir le projet de renouvellement urbain du quartier et son articulation avec les politiques de l'agglomération en matière d'urbanisme et de peuplement.

Statut du protocole

(au 31 août 2018)

Protocoles nationaux

portant sur

Protocoles régionaux

portant sur

Nombre de quartiers nationaux

Nombre de quartiers régionaux

Nombre de quartiers régionaux

Signé

108

199

117

115

139

En instruction ou signature

7

16

3

En élaboration par le porteur de projet

1

1

1

4

4

Total général

116

216

121

119

143

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

948,2 millions d'euros, dont 498,2 millions d'euros de fonds de concours de l'ANRU, ont été investis à l'occasion de ces protocoles.

Néanmoins, les signatures des conventions d'engagement au 31 août 2018 sont moins nombreuses que celles des protocoles : quatre signatures de projets relatifs à des quartiers nationaux et sept relatives à des quartiers d'intérêt régional.

Statut de la convention pluriannuelle

(au 31 août 2018)

Projets relatifs à des quartiers d'intérêt national

Projets relatifs à des quartiers d'intérêt régional

Signé

4

7

Validé

17

45

En instruction

37

1

Total général

58

53

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Votre rapporteure regrette cette année perdue qui vient s'ajouter aux trois précédentes que d'aucuns considèrent comme peu productives. Le rapport Borloo note d'ailleurs « depuis 4 ans, la rénovation urbaine est à l'arrêt, l'ambition originelle s'est perdue. La bureaucratie a progressivement pris le pas sur la dynamique de projets ». Si votre rapporteure se félicite de la multiplication des signatures de conventions, elle craint néanmoins que les « grues » ne soient pas présentes dans les quartiers avant 2020.

2. Une réforme bienvenue du fonctionnement de l'ANRU

Dans le pacte de Dijon signé le 16 juillet 2018, le Gouvernement s'est engagé à :

- simplifier la « tuyauterie » administrative et financière de l'ANRU ;

- revoir le règlement du NPNRU afin de limiter le nombre d'études préliminaires et lancer les chantiers sans plus attendre ;

- rapprocher les interventions de l'ANRU et de l'Agence nationale de l'habitat en matière de lutte contre les copropriétés dégradées.

Votre rapporteure ne peut qu'être favorable à ces engagements qu'elle avait elle-même préconisés avec Valérie Létard lors de l'évaluation de la loi Lamy.

a) Un rééquilibrage du conseil d'administration de l'ANRU

Actuellement, le conseil d'administration de l'ANRU est composé en nombre égal :

- d'une part, de représentants de l'État ;

- et d'autre part, de représentants des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale, des conseils départementaux, des conseils régionaux, de représentants d'Action Logement, de représentants de bailleurs sociaux, de représentants de locataires, de représentants de la Caisse des dépôts et consignations et de l'Agence nationale de l'habitat, ainsi que de personnalités qualifiées.

Sur proposition du Sénat, l'article 89 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) modifie la composition du conseil d'administration de l'ANRU qui comprendra désormais trois collèges ayant chacun le même nombre de voix :

- un collège composé des représentants de l'État, de ses établissements publics et de la Caisse des dépôts et consignations ;

- un collège comprenant des représentants du groupe Action Logement, des représentants des bailleurs sociaux et des représentants des locataires ;

- un collège comprenant des représentants des collectivités territoriales, deux parlementaires et une personnalité qualifiée.

L'État disposera d'un droit de veto par la voix d'un commissaire du Gouvernement désigné par le ministre chargé de la ville.

Dans leur rapport d'évaluation de la loi Lamy, votre rapporteure avait préconisé avec Valérie Létard de « veiller à ce que la composition du conseil d'administration de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) soit le reflet des contributions financières des différents partenaires du NPNRU, et notamment des collectivités territoriales ». Elle se félicite de cette nouvelle organisation dont elle souhaite la mise en oeuvre rapidement. La présence de deux parlementaires permettra un meilleur contrôle du fonctionnement de l'agence et une meilleure appréhension des conditions de déploiement du NPNRU.

b) Les modifications du règlement financier du NPNRU

Le Président de la République partageait le constat de Jean-Louis Borloo sur la bureaucratisation de l'ANRU, en reconnaissant dans son discours du 22 mai 2018 que « ce qui se faisait au début en 6 mois, on le fait maintenant en 3 ans en moyenne, sur un projet. Et donc, en 3 ans, c'est désespérant, il y a beaucoup de bureaucratie, on perd beaucoup d'argent en demandant des études multiples à des intermédiaires ».

Votre rapporteure avait déjà alerté avec Valérie Létard sur la complexité et la lenteur de la procédure. Elle est donc satisfaite d'une part, des dispositions de l'article 90 de la loi ELAN qui modifient le fonctionnement de l'ANRU en matière de gestion financière et comptable, ce qui devrait améliorer la gestion financière des dossiers, et, d'autre part, des modifications du règlement financier du NPNRU intervenues le 25 mai dernier.

Le nouveau règlement financier fixe désormais le taux de subvention des démolitions de logements sociaux à 80 %, voire 100 % pour les organismes très fragiles, contre 70 % auparavant. Les aides à la reconstitution de l'offre de logements sociaux sont également majorées, ce qui permettra de mieux prendre en compte les coûts de construction en zones tendues. L'aide au relogement des ménages dans des logements neufs ou récents est également augmentée.

En outre, pour accélérer le lancement de certaines opérations consensuelles sans attendre la signature des conventions (en particulier les démolitions, reconstitutions et équipements publics), l'agence a créé un dispositif d'opérations pré-conventionnées (OPPC).

Votre rapporteure ne peut qu'approuver ces nouvelles dispositions financières mais regrette qu'il ait fallu attendre quatre ans pour les mettre en oeuvre.

3. Une participation des bailleurs sociaux au NPNRU enfin actée

L'action 4 « rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » comprend les crédits de l'État dédiés au financement du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). L'État augmente sa participation qui atteint 185 millions d'euros en autorisation d'engagement et 25 millions d'euros en crédits de paiement contre 15 millions d'euros en AE et CP l'an dernier.

Si l'État s'est engagé à financer un milliard sur les dix milliards destinés au financement du NPNRU, le reste est financé par Action Logement à hauteur de 6,6 milliards et par les bailleurs sociaux à hauteur de 2,4 milliards.

Participation des différents acteurs au financement du NPNRU pendant le quinquennat

Source : ANRU.

Détail de la participation d'Action Logement pendant le quinquennat

Source : ANRU.

L'augmentation des crédits de l'État ne doit pas faire illusion, étant limitée aux besoins de décaissement de l'ANRU. L'État contribue ainsi plus modestement en proportion de son engagement global que les bailleurs sociaux et Action Logement. Votre rapporteure aurait souhaité que l'État inscrive dans les autorisations d'engagement le montant de sa contribution totale, soit un milliard, afin de ne laisser aucun doute quant à son engagement et afin de permettre de lancer rapidement la réalisation d'équipements comme les écoles.

L'article 74 du projet de loi de finances pour 2019 acte la participation des bailleurs sociaux au financement du NPNRU à hauteur de 154 millions d'euros par an qui s'ajoutent aux 30 millions d'euros que versait la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) à partir des cotisations des bailleurs sociaux. Cet engagement durera pendant toute la période du NPNRU soit jusqu'en 2031. Pour mémoire, cet engagement n'avait pu être inscrit dans la loi l'an dernier, les bailleurs ayant suspendu leur engagement en raison de la décision du Gouvernement d'instaurer la réduction de loyer de solidarité (RLS).

L'ANRU et le Gouvernement ont souligné dans leur réponse au questionnaire budgétaire que le doublement de l'enveloppe dédié au NPNRU avait permis d'accroître le montant des subventions plutôt que les prêts bonifiés mais sans toutefois rendre résiduel le recours aux prêts bonifiés.

Source de financement du NPNRU

Financement du NPNRU

(en Mds)

Reliquat PNRU

État

Bailleurs sociaux via la CGLLS

Action Logement

Total

Subventions

Subventions

Subventions

Subventions

Prêts bonifiés

Financement initial

0,6

0

0,4

3,2

2,2

6,4

9,3%

6,25%

50%

34,3%

Financement amendé en 2018

0,6

1

2,4

4,8

3,3

12,1

4,9%

8,26%

19,83%

39,66%

27,27%

Source : Réponse au questionnaire budgétaire.

Pour le moment, les retards pris dans la mise en oeuvre du NPNRU ont permis à l'ANRU de ne pas rencontrer de problèmes de trésorerie. Néanmoins, la mise en place du dispositif d'opérations pré-conventionnées (OPPC) pourrait conduire à une accélération des rythmes de paiement ce qui aura un impact plus ou moins important sur la trésorerie de l'agence, auquel il conviendra d'être attentif.

Source : ANRU.

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