DEUXIÈME PARTIE - RECHERCHE

I. UN BUDGET DE NOUVEAU EN PROGRESSION

La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) compte sept programmes consacrés à la recherche. Toutefois, seuls deux programmes dépendent directement du ministère chargé de la recherche, le programme 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires) et le programme 193 (Recherche spatiale).

Les autres programmes dépendent du ministère de la transition écologique et solidaire (programme 190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables), du ministère de l'économie et des finances (programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle), du ministère des armées (programme 191 - Recherche duale - civile et militaire -), du ministère de la culture (programme 186 - Recherche culturelle et culture scientifique) et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (programme 142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles).

La somme des budgets de ces différents programmes s'élève à 11,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 11,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finances pour 2019, ce qui représente une hausse de 273,3 millions d'euros en AE (+ 2,47 %) et de 329,9 millions d'euros en CP (+ 2,85 %) par rapport aux crédits votés par le Parlement en loi de finances pour 2018.

La hausse observée pour le projet de budget de 2018 se poursuit, même si son ampleur devrait être moindre en 2019 (pour 2018, il était prévu une augmentation respectivement de 394 millions d'euros en AE et de 512,3 millions d'euros en CP). Ces chiffres doivent toutefois être relativisés puisque la forte hausse prévue initialement en 2018 a été amputée de 350 millions d'euros en cours d'année aussi bien en AE qu'en CP à la suite de l'application du taux de réserve sur les crédits de la recherche.

Évolution des crédits de la mission recherche entre 2018 et 2019

AE 2018

AE 2019

Variation entre 2017 et 2018 en %

CP 2018

CP 2019

Variation entre 2017 et 2018 en %

Programme 172

6 720,68

6 838,17

1,75

6 766,60

6 938,08

2,53

Programme 193

1 618,10

1 823,01

12,66

1 618,10

1 823,01

12,66

Sous-total

8 338,78

8 661,18

3,87

8 384,7

8 761,09

4,49

Programme 190

1 761,45

1 767,29

0,33

1 734,15

1 726,96

- 0,42

Programme 192

738,56

678,46

- 8,13

778,68

733 ,82

- 5,76

Programme 191

179 ,52

179,52

0

179,52

179,52

0

Programme 186

111,97

110,76

- 1,08

112,07

109,99

- 1,85

Programme 142

345,12

352,05

2,01

345,98

352,91

2,00

Total

11 475,40

11 749,26

2,47

11 535,10

11 864,29

2,85

Source : projet annuel de performance 2019

En outre, l'évolution de ces crédits est contrastée (cf. infra ) .

A. LA POURSUITE DE L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 172 ET 193

À structure constante, le montant alloué aux programmes de recherche du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (programmes 172 et 193) s'établit à 8,66 milliards d'euros en AE et 8,76 milliards d'euros en CP. Il est en augmentation de + 322,4 millions d'euros en AE (+ 3,87 %) et de + 376,4 millions d'euros, soit + 4,49 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale de 2018.

L'augmentation de ces crédits s'explique à la fois par la volonté du nouveau gouvernement de respecter le principe de sincérité budgétaire - les engagements internationaux ainsi que les mesures salariales sont globalement évaluées à leur juste valeur -, mais également par l'augmentation des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche et le financement de certaines priorités annoncées par le gouvernement (plan « intelligence artificielle », système d'information des laboratoires de recherche « SI labo »).

1. La forte contribution de la France aux actions européennes et internationales de recherche

La France participe à divers programmes européens et internationaux de recherche. Ces activités reposent soit sur des entités françaises auxquelles se joignent des partenaires internationaux, soit sur des entités étrangères ou des organisations internationales auxquelles la France participe, essentiellement à travers le budget du ministère chargé de la recherche.

La France est ainsi membre de neuf organisations internationales.

Pour sept d'entre elles, sa participation relève du programme 172 : CERN (Laboratoire européen de physique des particules), CEPMMT (Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme), LEBM (Laboratoire européen de biologie moléculaire), CEBM/EMBO (Conférence européenne de biologie moléculaire), CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), ESO (Organisation européenne pour des observations astronomiques dans l'hémisphère austral), HFSPO (Programme scientifique « Frontière humaine »).

Pour deux d'entre elles, sa participation relève du programme 193 (ESA - Agence spatiale européenne) et EUMETSAT (Organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques).

La France est également impliquée dans plusieurs très grandes infrastructures internationales de recherche telles que :

- l'ESRF ( European Synchroton Radiation Facility ) qui gère et exploite une source de rayonnement X à haute énergie reconnue comme l'une des meilleures au monde ;

- l'Institut Laue-Langevin (ILL) qui exploite l'une des sources de neutrons les plus intenses au monde ;

- l'ESS ( European Spallation Source ), en construction depuis 2014 en Suède et qui complètera la source à neutrons ILL ;

- l'ITER (réacteur thermonucléaire expérimental) ;

- l'IRAM (institut de radioastronomie millimétrique) ;

- le CTA ( Cherenkov Telescope Array ) ;

- le GENCI (Grand équipement national de calcul intensif).

Les obligations juridiques de la France relèvent de l'application des conventions et accords constitutifs, complétés par les protocoles ou règlements financiers approuvés par les États membres.

Chaque infrastructure suppose un investissement initial important, mais également un effort budgétaire continu tout au long de son cycle de vie (de l'ordre de 8 à 12 % de l'investissement initial par an). L'exploitation et le maintien de la performance opérationnelle incombent aux opérateurs de recherche, qui doivent y consacrer des ressources importantes sur de longues périodes.

La législature précédente s'est caractérisée par un décrochage des budgets consacrés aux infrastructures européennes et internationales par rapport au niveau attendu des contributions françaises.

Le projet de loi de finances pour 2018 a mis fin à cette sous-budgétisation chronique.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, les crédits destinés au paiement des contributions françaises aux organisations scientifiques internationales et très grandes infrastructures de recherche assimilées relevant du programme 172 augmentent globalement de 18,1 millions d'euros en AE et de 16,2 millions en CP , avec une baisse de 4 % en AE et de 3,4 % en CP de la contribution aux organisations internationale et une hausse de 11,05 % en AE et 9,1 % en CP de la contribution aux très grandes infrastructures internationales de recherche.

Par ailleurs, l a contribution française aux organisations internationales relevant du programme 193 (ESA et EUMETSAT) augmente de 208,2 millions d'euros en AE et CP dans le projet de loi de finances pour 2019 .

210 millions d'euros en AE et CP sont destinés à l'apurement de la dette contractée par la France auprès de l'ESA pour une contribution totale de 1 175 millions d'euros. Le montant de la contribution française à l'ESA devrait rester élevé l'année prochaine puisque le gouvernement s'est engagé, à l'automne 2017, à annuler la dette contractée par la France auprès de l'ESA d'ici la fin de l'année 2020.

En revanche, la contribution française à EUMETSAT diminue d'1,9 million d'euros en AE et CP et s'élève à 81,5 millions d'euros . Cette baisse est difficilement justifiable dans la mesure où l'esquisse du budget 2019 communiquée lors de la 87 e session du conseil de juillet 2018 faisait état d'une contribution française totale de 87,16 millions d'euros. Chaque année, Météo-France contribue à hauteur de 2,8 millions d'euros à la contribution française d'EUMETSAT, ce qui ramène à 84,36 millions d'euros le montant attendu par le ministère chargé de la recherche pour la contribution à l'organisation européenne de satellites météorologiques pour 2019. Il reste donc un différentiel de 2,9 millions d'euros qui devront être trouvés en gestion au cours de l'année.

Cet effort global de sincérité budgétaire est toutefois fragilisé en raison de la réserve de précaution (3 %) qui soit empêche la France d'honorer entièrement ses engagements, soit oblige le ministère chargé de la recherche à redéployer des crédits destinés à d'autres dispositifs ou d'autres opérateurs nationaux. Lors de ses auditions, votre rapporteur pour avis a été sensibilisé par le CNRS et le CEA qui peuvent se trouver obligés de compenser le différentiel lié à la réserve de précaution par un prélèvement sur leur propre budget. Il est donc urgent d'exonérer de réserve de précaution la contribution française aux organisations scientifiques internationales et aux très grandes infrastructures de recherche assimilées .

Contribution de la France aux organisations internationales
et très grandes infrastructures de recherche assimilées (en millions d'euros)

Source : direction de la recherche et de l'innovation

2. La prise en charge des mesures salariales

D'après les informations obtenues par votre rapporteur pour avis, 35,5 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour améliorer le déroulement de carrière des personnels chercheurs, ingénieurs et techniciens, notamment pour la mise en oeuvre du PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations) et pour la compensation financière de l'augmentation de la contribution sociale généralisée.

Rappelons que les mesures PPCR initialement prévues en 2018 ont été repoussées sur 2019 et que les revalorisations de grilles doivent se poursuivre sur les deux prochaines années.

En 2019, le coût des mesures PPCR est évalué à 24,8 millions d'euros répartis de la manière suivante :

Source : direction des affaires financières et budgétaires du ministère chargé de la recherche

Par ailleurs, le régime indemnitaire fondé sur les fonctions, les sujétions, l'expertise et l'accompagnement professionnel (RIFSEEP) fait l'objet d'une enveloppe complémentaire de 4,7 millions d'euros au titre du projet de loi de finances pour 2019.

Source : direction des affaires financières et budgétaires du ministère
chargé de la recherche

3. L'augmentation des crédits de l'ANR

Pour la quatrième année consécutive, les crédits d'intervention de l'Agence nationale de recherche (ANR) sont en hausse. Par rapport à la loi de finances initiale de 2018, ils augmentent de + 32,7 millions d'euros en AE dans le projet de loi de finances pour 2019 et s'élèvent à 738,6 millions d'euros. En CP, ils atteignent 829,3 millions d'euros , contre 743,1 millions d'euros en 2018, soit + 86,2 millions d'euros.

Toutefois, les crédits d'intervention de l'ANR sont amputés, chaque année, du montant équivalent à la réserve de précaution, dont le taux retenu est de 8 %, soit 59 millions d'euros en AE et 63 millions d'euros en CP pour l'année 2019.

C'est d'ailleurs l'une des raisons qui a poussé la commission des finances de l'Assemblée nationale, lors de l'examen des crédits de la MIRES pour 2019, à adopter un amendement qui impose au gouvernement la remise d'un rapport sur l'application de la réserve de précaution aux crédits des programmes 150 et 172. L'exposé des motifs rappelle que certains opérateurs (tels l'ANR) ne bénéficient pas encore du niveau de mise en réserve de 3 % contrairement à la décision prise par le Gouvernement en 2018. Par ailleurs, certains opérateurs se plaignent du fait que les crédits gelés ne font jamais l'objet d'un dégel intégral, même en cas d'événement exceptionnel qu'ils sont censés pouvoir couvrir. C'est le cas notamment pour certains accidents (tel que le sinistre survenu sur la halle de l'IRSTEA à Montpellier) ou pour le financement de mesures salariales imposées à des opérateurs.

Agence nationale de la recherche - Dotation d'intervention et solde de trésorerie

millions d'euros

2013

2014

2015

2016(a)

2017

2018(b)

PLF 2019

AE

LFI

656,2

575,2

555,1

555,1

673,5

705,9

738,6

Exécution

566,8

534,9

510,7

574,6

603,8

654,5

Réserve de précaution initiale

39,4

40,3

44,4

44,4

53,8

56,4

dégel

63,8

Report

5

Annulation au-delà de la réserve de précaution initiale

-87

-15,5

CP

LFI

656,2

575,2

560,3

560,3

609,2

743,1

829,3

Exécution (b)

483,8

419,5

515,5

515,5

534,9

693,1

Réserve de précaution initiale

39,4

40,3

44,8

44,8

48,7

59,4

Report

-18,4

18,4

Annulation au-delà de la réserve de précaution initiale

-114,6

-133,7

-25,5

Solde de trésorerie

353,8

154,2

26,7

19,03

27,05*

4,5

Source : direction des affaires financières- SG-MESRI

(a) Les crédits d'intervention de l'ANR ont été majorés de 63,8 M€ en AE dont 45 M€ issue de redéploiement au P172 et 19,8 M€ de dégel de la réserve de précaution.

(b) Les données 2018 sont des données prévisionnelles susceptibles d'évolution.

* Le solde de trésorerie définitif 2017 a été augmenté de 21,2 M€ en décembre 2017 par l'encaissement d'un financement européen destiné à être reversé début 2018.

Par ailleurs, comme en 2018, 40 millions d'euros de CP devraient être affectés en 2019 au plan d'apurement des éditions 2006-2010 lié à des décalages importants d'exécution de la programmation pour les éditions les plus anciennes.

Le plan d'apurement intégré dans le contrat d'objectifs et de performance de l'ANR a été adopté en conseil d'administration fin 2016. Il prévoit sur quatre ans (2016-2020) l'apurement des engagements des millésimes 2006 à 2010 à travers un rapprochement des dettes et créances des principaux bénéficiaires et une procédure accélérée de traitement des dossiers par édition. Au total, 3 000 projets avec plus de 5 000 partenaires, principalement publics (86 % du total) n'étaient pas clôturés au moment du lancement du plan, représentant un reliquat théorique de financement de l'ordre de 149 millions d'euros.

Il semblerait néanmoins que le stock d'engagements réels soit moins élevé que prévu en raison d'un taux d'attrition constaté de l'ordre de 4 % sur les dossiers déjà traités (absence de réponse des bénéficiaires, dossiers incomplets, trop perçus...).

En dépit de l'augmentation des crédits de paiement, la situation budgétaire et financière de l'ANR fait l'objet d'une attention particulière.

En effet, après avoir accumulé un montant de près d'un an de décaissements en 2011 (675 millions d'euros), l'ANR a fait l'objet de plusieurs annulations de gestion qui ont fortement réduit sa trésorerie. Elle devrait ainsi s'établir, pour la fin de l'exercice 2018, à un solde faiblement positif de 4,5 millions d'euros, ce qui oblige désormais l'ANR à un suivi très rapproché de son budget afin qu'elle puisse faire face à ses obligations contractuelles.

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