B. LE RECENTRAGE DES CONTRATS AIDÉS ET UN SOUTIEN À ACCRU À L'INSERTION PAR L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE

1. La poursuite de la politique de recentrage du recours aux contrats aidés

Le Gouvernement a amorcé en 2018 7 ( * ) une transformation de la politique de recours aux contrats aidés, qui s'inscrivent désormais dans des « parcours emploi compétences » (PEC) et dont la prescription est recentrée sur les publics pour lesquels aucun autre outil de la politique de l'emploi (dispositifs d'insertion ou formation notamment) n'est plus adapté.

Cette orientation, que votre rapporteur approuve, se poursuivrait en 2020. Fixés à hauteur de 427,33 millions d'euros en autorisations d'engagement et 204,54 millions d'euros en crédits de paiement, les crédits demandés permettraient de financer, comme en 2019, 100 000 nouvelles entrées, sur la base d'une prise en charge à hauteur de 50 % du SMIC brut (60 % en Outre-mer) et d'une durée moyenne des contrats de 11 mois, pour une durée de travail hebdomadaire de 20,2 heures.

Par ailleurs, les crédits dédiés aux contrats déjà signés continueraient de décroître. Ils seraient de 146,4 millions d'euros pour les contrats du secteur non-marchand (CUI-CAE) et de 2,38 millions d'euros pour les contrats du secteur marchand (CUI-CIE) qui ne sont plus éligibles aux PEC. Le financement résiduel des emplois d'avenir, dispositif en voie d'extinction, représenterait en 2020 une dépense de 41,84 millions d'euros, contre 169,99 millions d'euros en 2019.

Au total, les crédits dédiés au « stock » de contrats aidés s'élèveraient en 2020 à 190,62 millions d'euros contre 410,69 millions d'euros en 2019.

Évolution des crédits de paiement demandés au titre des PEC

CP demandés

( en millions d'euros)

Évolution par rapport à 2019

Dépenses liées aux nouvelles entrées en PEC

204,5

8 %

Dépenses liées aux contrats conclus antérieurement

CUI-CAE

146,4

- 39 %

CUI-CIE

2,4

- 1 %

Emplois d'avenir

41,8

- 75 %

Total Stock

190,6

- 54 %

Total

395,2

- 34 %

Source : PAP, calculs du rapporteur

2. Un soutien accru à l'insertion par l'activité économique

Le Gouvernement a fait du soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) un des éléments de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Les crédits dédiés au soutien du secteur de l'IAE progresseraient ainsi de plus de 110 millions d'euros pour dépasser pour la première fois 1 milliard d'euros (+ 12 %). Cette progression est d'autant plus notable qu'elle tient compte de la baisse de plus de 40 % (7,7 millions d'euros) des crédits liés à la compensation des exonérations dont bénéficient les ateliers et chantiers d'insertion (ACI).

L'essentiel de cette progression résulterait de l'augmentation des dépenses liées aux aides au poste en faveur des structures d'IAE, tandis que des dispositifs nouveaux seraient créés ou expérimentés en 2020.

a) Les aides au poste des structures d'IAE

Les structures d'IAE, qui peuvent avoir plusieurs statuts, bénéficient d'aides au poste indexées sur le SMIC et dont une part est modulée.

Le projet annuel de performance prévoit une progression de l'aide au poste pour tous les types de structures à l'exception des entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), qui ont, selon le PAP, « engagé un effort substantiel » et dont l'aide au poste diminue de près de 10 %. Par ailleurs, les effectifs progresseraient pour chacune des structures à l'exception des associations intermédiaires (AI), dont le nombre de postes aidé baisserait de 17 %.

Par ailleurs, le PAP prévoit 2,8 millions d'euros au titre des entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI), modalité expérimentale prévue par la loi du 5 septembre 2018 et pour lesquelles aucun financement spécifique n'était mentionné dans le PAP pour 2019.

Effectifs et montant des aides en faveur des structures d'insertion
par l'activité économique
( données 2019 )

Effectifs

Effectifs 2019

Montant
de l'aide au poste (en €)

Montant 2019

Modulation moyenne

Crédits demandés

(en M€)

Crédits 2019

Évolutions des crédits par rapport à 2019

Associations intermédiaires

17 500

1 390,5

5 %

25,55

- 15 %

21 100

1 361

5 %

30,15

Ateliers et chantiers d'insertion

32 000

20 541

5 %

690,19

8 %

30 350

20 118

5 %

641,11

Entreprises d'insertion

16 000

10 699

5 %

179,73

14 %

14 350

10 478

5 %

157,88

Entreprises de travail temporaire d'insertion

13 000

4 093

5 %

55,86

17 %

10 200

4 453

5 %

47,69

Entreprises d'insertion
par le travail indépendant

500

5 373

5 %

2,82

-

-

-

-

-

Total

79 000

42 096,5

5 %

954,15

9 %

76 000

36 410

5 %

876,83

Source : PAP, calculs du rapporteur

b) Les modèles innovants

Des outils spécifiques, plus adaptés à certains publics, existent par ailleurs.

Les contrats de professionnalisation inclusion sont un dispositif expérimental prévu par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel 8 ( * ) qui bénéficierait à 1 500 personnes. L'État et Pôle emploi cofinancent une aide au poste de 4 000 euros, le coût pour l'État étant estimé à 6 millions d'euros en 2020

Les « contrats-passerelles » consistent en la mise à disposition de salariés en fin de parcours dans une structure d'IAE au sein d'entreprises de droit commun, un accompagnement étant maintenu pendant six mois. Le PAP prévoit une dépense de 7,38 millions d'euros, pour 1 800 personnes accompagnées, le montant de l'aide au poste s'élevant à 4 100 euros.

Le Gouvernement entend par ailleurs mettre en place un « CDI inclusion seniors », qui aurait vocation à remplacer la dérogation à la durée maximale des contrats des CDD d'insertion dont bénéficient les personnes de plus de 55 ans. L'aide au poste serait abaissée à 70 % de son niveau actuel. Le nombre de personnes concernées serait de 700, le montant de l'aide au poste serait de 12 764 euros, pour un coût total de 8,93 millions d'euros.

c) Le Fonds départemental de l'insertion

Les crédits alloués au fonds départemental de l'insertion (FDI) progresseraient de près de 40 % (+ 6,4 millions d'euros).

d) Les exonérations en faveur des associations et chantiers d'insertion

En raison de la transformation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales, l'exonération spécifique en faveur des ACI a été supprimée à compter de 2019, sauf pour celles dont la structure porteuse n'est pas éligible aux allègements généraux. Depuis 2019, les crédits budgétaires ne financent donc plus que la compensation des exonérations en faveur des ACI portées par une structure publique. Les crédits correspondant baisseraient de près de 41 % (- 7,7 millions d'euros).

Évolution des crédits dédiés au soutien du secteur de l'insertion
par l'activité économique

Crédits demandés

(en millions d'euros)

Évolution en M€

Évolution en %

PLF 2020

PLF 2019

Aide aux structures d'IAE

954,16

872,93

81,23

9,31 %

AI

25,55

30,04

- 4,49

- 14,95 %

ACI

690,19

639,19

51

7,98 %

EI

179,74

156,56

23,18

14,81 %

ETTI

55,86

47,14

8,72

18,50 %

EITI

2,82

2,82

Innovations

22,31

22,31

Contrat de professionnalisation inclusion

6

6

Contrats-passerelles

7,38

7,38

CDI inclusion seniors

8,93

8,93

Expérimentations

10

10

FDI

23,29

16,85

6,44

38,22 %

Exonérations ACI

11,28

19

- 7,72

- 40,63 %

Total

1021,06

908,78

112,26

12,35 %

Source : PAP, calculs du rapporteur

3. Une progression plus limitée des crédits en faveur de l'emploi des personnes handicapées

Les crédits dédiés à l'emploi des personnes handicapées s'établiraient à 407,47 millions d'euros contre 400,04 millions d'euros en 2019, soit une progression de 1,9 %.

L'essentiel de ces crédits (402,86 millions d'euros) servirait à financer les aides au poste dans les entreprises adaptées. Par ailleurs, comme en 2019, 4,6 millions d'euros seraient consacrés aux mesures en faveur des personnes handicapées dans le cadre des programmes régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés (PRITH).

4. Une progression des crédits accordés aux missions locales

Les crédits destinés à financer les missions locales dans le cadre des contrats pluriannuels d'objectifs (CPO) s'élèveraient à 211,94 millions d'euros, soit 7,1 % de plus qu'en 2019. Cette programmation tient notamment compte du financement de l'obligation de formation pour tous les jeunes de 16 à 18 ans, prévue par la loi pour une école de confiance 9 ( * ) , à laquelle les missions locales participeront à partir de la rentrée scolaire 2020. Les missions locales recevraient par ailleurs 160 millions d'euros au titre de l'accompagnement des jeunes dans le cadre de la garantie jeune, inscrits à l'action 3 du programme 102.

Les crédits dédiés aux écoles de la deuxième chance (E2C) s'élèveraient à 24 millions d'euros, soit le même niveau qu'en 2019. La subvention versée à l'établissement public d'insertion de la défense (Epide) passerait elle de 54,4 millions d'euros à 56 millions d'euros, l'ouverture d'un 20 ème site étant prévue en 2021.

Le PAP prévoit enfin 5 millions d'euros en faveur des actions de parrainage, qui n'étaient pas budgétés en 2019.

5. La poursuite de l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée

L'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée (TZCLD), prévue par la loi du 29 février 2016 10 ( * ) , se poursuivrait en 2020 sur les dix territoires déterminés par l'arrêté du 24 novembre 2016 11 ( * ) .

Les crédits dédiés progresseraient de 6,1 millions d'euros pour s'établir à 28,5 millions d'euros.

Selon le PAP, ces crédits doivent permettre de financer 1 750 emplois en 2020 contre 1 270 en 2019.

Il est toutefois probable que ces projections surévaluent le nombre de bénéficiaires potentiels. En effet, fin juin 2019, le nombre de bénéficiaires s'élevait à 744, soit 656 ETP. Les réponses adressées à votre rapporteur par la DGEFP mentionnent au demeurant une cible de 1 000 équivalents temps plein (ETP) en fin d'année 2019, soit 787 ETP en moyenne annuelle, ce qui porterait le coût par ETP à 28 424 euros.

L'expérimentation TZCLD doit durer jusqu'en février 2021 sur les 10 territoires expérimentateurs. Votre rapporteur estime qu'il convient de prendre le temps d'une expérimentation sérieuse avant d'envisager son extension.

Une expérimentation dont l'extension doit être envisagée avec prudence

L'expérimentation TZCLD a pour objet l'embauche en contrat à durée indéterminée de chômeurs de longue durée par des entreprises de l'économie sociale et solidaire dans le cadre d'activités n'entrant pas en concurrence avec celles qui existent déjà sur le territoire.

Cette expérimentation est financée par l'État et, sur la base du volontariat, par les collectivités territoriales ou d'autres organismes publics et privés. Elle repose sur le principe de l'activation des différentes dépenses directes et indirectes liées au chômage de longue durée.

En 2020, le coût pour l'État représenterait 28,5 millions d'euros pour 1 750 bénéficiaires, soit, dans l'hypothèse où cette cible serait atteinte, une moyenne supérieure à 16 285 euros par personne et un coût par ETP probablement supérieur, en fonction de la nature des contrats conclus.

Il semble que le financement complémentaire apporté par les autres financeurs mentionnés par la loi du 29 février 2016 soit très variable d'un territoire expérimentateur à l'autre et en tout état de cause marginal, ce qui pose la question de la réalité de l'activation des dépenses.

Votre rapporteur conçoit assez bien qu'un dispositif consistant à embaucher, avec de l'argent public, tous les chômeurs d'un territoire peut avoir un impact positif pour les personnes concernées. Il comprend par ailleurs facilement que de nombreux élus locaux soient très favorables à ce que l'État finance des activités d'intérêt général employant les chômeurs de leur territoire.

Toutefois, la solution consistant à financer un emploi, à hauteur de 95 % du SMIC (soit un coût nettement supérieur à celui de la plupart des dispositifs d'insertion) et pour une durée indéterminée pour tous ceux qui en recherchent un apparaît difficilement soutenable à plus grande échelle.

Le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection des affaires sociales (Igas) remis le 27 novembre 2019 à la ministre du travail relève en effet que le gain direct pour les finances publiques « apparaît comme étant environ deux fois moindre qu'escompté », que le modèle économique des entreprises à but d'emploi créées dans le cadre de l'expérimentation continue de dépendre de financements complémentaires et que l'absence de concurrence avec des activités existantes est difficile à vérifier.

Si des décisions ont été annoncées par la ministre du Travail pour janvier 2020, une éventuelle extension de cette expérimentation nécessitera donc des améliorations substantielles de son fonctionnement.

6. Une légère baisse du soutien au secteur de l'aide sociale

Enfin, 10,4 millions d'euros seraient consacrés au soutien au secteur de l'aide sociale au travers de la compensation de l'exonération de cotisations patronales dont elles bénéficient. Cette dotation baisserait légèrement par rapport à 2019 (12,02 millions d'euros).


* 7 Circulaire n° DGEFP/SDPAE/MIP/MPP/2018/11 du 11 janvier 2018 relative aux parcours emploi compétences et au Fonds d'inclusion dans l'emploi en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi.

* 8 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel - art. 28.

* 9 Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance - art. 15.

* 10 Loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

* 11 Arrêté du 24 novembre 2016 fixant la liste des territoires retenus pour mener l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.

Page mise à jour le

Partager cette page