B. DES ÉVOLUTIONS TRÈS CONTRASTÉES, QUI APPELLENT À POURSUIVRE L'EFFORT DE RATIONALISATION DE L'ACTION ÉCONOMIQUE DE L'ÉTAT

Le projet de loi de finances pour 2020 est marqué par une augmentation sensible des crédits du programme n° 134 , tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, qui s'explique principalement par la hausse du coût, pour l'État, de la « compensation carbone » . Pour le reste, si les deux autorités administratives indépendantes relevant du programme bénéficient d'une légère hausse de leurs crédits, les financements alloués aux autres administrations et établissements publics concernés ainsi que les autres dépenses d'intervention stagnent ou diminuent, de manière plus ou moins accentuée .

Évolution des crédits du programme n° 134
« Développement des entreprises et régulations »

(en millions d'euros) 4 ( * )

Actions

LFI 2019

PLF 2020

Évolution
(en valeur)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

4 Développement des postes, des télécommunications et du numérique

176,4

181,4

168

168

-4,8 %

-7,4 %

7 Développement international des entreprises et attractivité du territoire

149,9

149,9

143,8

143,8

-4,1 %

-4,1 %

8 Expertise, conseil et inspection

18,8

18,8

18

18

-4,1 %

-4,1 %

13 Régulations des communications électroniques et des postes

20,6

22,5

21

22,9

+2 %

+1,9 %

15 Mise en oeuvre du droit de la concurrence

21,4

22,5

21,8

23

+1,5 %

+2,3 %

22 Contrats à impact social

0,07

0,02

0,03

0,03

-57,1 %

+77,2 %

23 Industrie et services

278,8

286,5

435,3

444,9

+56,1 %

+55,3 %

24 Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur

232,2

203,6

226

226,7

-2,7 %

-1,7 %

TOTAL (PLF initial)

898,2

912,3

1 033,9

1 047,4

+15,1 %

+14,8 %

Après examen en première lecture par l'Assemblée nationale

1 031,8

1 045,3

+14,9 %

+14,6 %

Source : commission des lois du Sénat, d'après les documents budgétaires

S'agissant plus particulièrement de l'action n° 23 « Industrie et services » , on relève notamment la poursuite de la baisse des dépenses de personnel de la DGE (-2,7 %, voir ci-après) et, en ce qui concerne les dépenses d'intervention :

- la très forte augmentation du coût de la « compensation carbone » , qui passe de 106,3 millions d'euros en 2019 à 279,5 millions d'euros en 2020 (+ 163 %). Cette compensation, mise en place par la loi de finances pour 2016 et destinée à éviter la délocalisation hors de l'Union européenne d'activités fortement affectées par la mise en place du système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (« fuites de carbone »), est en effet indexée sur le prix des quotas, qui a connu une hausse beaucoup plus rapide que prévu et appelée à se poursuivre au cours des prochaines années 5 ( * ) ;

- la baisse des crédits alloués à la plupart des autres dispositifs de soutien au développement économique , qu'il s'agisse de l'aide à la gouvernance des pôles de compétitivité (16,9 millions d'euros en crédits de paiement, au lieu de 18,5 millions en 2019, soit une baisse de 13 %), des subventions aux centres techniques industriels et organismes assimilés (7,85 millions d'euros, en baisse de 12 %) ou, plus encore, du FISAC (mis en gestion extinctive en 2019, voir ci-après) ;

- des évolutions contrastées en ce qui concerne le soutien de l'État aux organismes chargés d'assurer la qualité des produits et services : la forte diminution de la subvention allouée à l'AFNOR, association chargée de la coordination du système français de normalisation (6,43 millions d'euros, en baisse de 16 %) n'est que très partiellement contrebalancée par l'effort consenti en faveur du COFRAC, instance unique d'accréditation des organismes d'évaluation de la conformité (180 000 euros, en hausse de 6 %).

Ces évolutions appellent, de la part de votre rapporteur, deux principales réflexions.

En premier lieu, il faudra s'interroger sur la pérennité du soutien apporté par l'État aux industries électro-intensives indirectement affectées par la hausse du prix du carbone. La « compensation carbone » sous sa forme actuelle doit, en l'état du droit, prendre fin en 2021, au titre des surcoûts constatés en 2020, conformément aux lignes directrices tracées par la Commission européenne en 2012 6 ( * ) . La directive du 13 octobre 2003 7 ( * ) n'interdit pas, cependant, de proroger ce système d'aides d'État, non plus que d'autres formes d'aides comme l'allocation transitoire de quotas gratuits aux producteurs d'électricité. La réflexion doit se poursuivre au niveau européen, tant il est indispensable de soutenir nos industries électro-intensives (papeterie, métallurgie, chimie, cimenterie...), stratégiques et fortement pourvoyeuses d'emplois . Néanmoins, les dispositifs actuels de soutien méritent sans doute d'être revus, afin de moins peser sur les finances publiques et, surtout, d' accompagner la modernisation de ces industries pour diminuer non seulement leur consommation d'électricité, mais aussi leurs propres émissions de gaz à effet de serre 8 ( * ) .

En second lieu, le souci de la maîtrise des dépenses publiques (joint à la pression exercée par la hausse du coût de la compensation carbone) ne doit pas conduire à appliquer une politique de « rabot » qui risque de mettre à mal l'efficacité des administrations et des actions concernées, mais à redéfinir les priorités de l'action de l'État afin d'y consacrer les moyens appropriés . Sur ce terrain, si votre rapporteur pour avis salue les efforts de réorganisation entrepris par le ministère de l'économie et des finances, des motifs de préoccupation n'en demeurent pas moins.

L'évolution des crédits du programme n° 134
lors de la première lecture par l'Assemblée nationale

Le montant total des autorisations d'engagement et des crédits de paiement du programme a connu deux évolutions inverses lors de la première lecture du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale :

- un amendement de nos collègues députés Xavier Roseren et Olivia Grégoire les a d'abord augmentés de 10 000 euros (prélevés sur le programme n° 220 « Statistiques et études économiques ») afin de rétablir un financement budgétaire de l'activité de garantie de prêts aux entreprises de Bpifrance ;

- puis, en seconde délibération, un amendement du Gouvernement les a réduits de 2 087 988 euros , par compensation d'une baisse de 2 111 721 euros (qui devra être répartie entre les actions du programme) et d'une hausse de 23 733 euros destinée à financer la revalorisation du barème de remboursement des frais de repas pour les agents publics en formation ou en mission.


* 4 Ces chiffres doivent être corrigés des transferts de crédits (5,3 millions d'euros de transferts entrants et 11 millions d'euros de transferts sortants, dont 5,8 millions d'euros correspondent au transfert au programme n° 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la subvention versée à l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux ou EPARECA, qui doit être rattaché à la nouvelle Agence nationale de la cohésion des territoires). Ainsi corrigée, la hausse des crédits atteint 15,7 % en autorisations d'engagement et 15,4 % en crédits de paiement (selon le projet de loi initial).

* 5 Plus précisément, le montant de l'aide versée en 2020, au titre des coûts indirects supportés par les entreprises éligibles en 2019, est fonction de la moyenne des prix à terme à un an quotidiens des quotas d'émission observés en 2018 (voir l'article L. 122-8 du code de l'énergie). Le prix du quota d'émission par tonne de CO 2 est passé de 7 € à 25,5 € environ entre janvier et décembre 2018.

* 6 Communication n° 2012/C 158/04 de la Commission européenne du 5 juin 2012 relative aux lignes directrices concernant certaines aides d'État dans le contexte du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre après 2012 .

* 7 Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil .

* 8 Voir, à ce sujet, les perspectives tracées par une étude de l'I4CE ( Institute for Climate Economics , association fondée par la Caisse des dépôts et l'Agence française de développement), « L'état du marché carbone européen », juin 2019. Ce document, ainsi que sa version complète en anglais, sont consultables à l'adresse suivante : https://www.i4ce.org .

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